B. UN DISPOSITIF QUI N'A PAS ATTEINT TOUS SES OBJECTIFS

1. L'épineuse question de la barrière d'âge

L'article 13 de la loi de 2005 prévoyait la suppression, dans un délai de cinq ans, des critères d'âge pour bénéficier de la PCH.

Pourtant, vingt ans plus tard, la condition d'âge pour bénéficier de la PCH n'a toujours pas été levée. Ainsi, les personnes dont le handicap survient après l'âge de 60 ans ne sont pas éligibles à la PCH et ne peuvent prétendre qu'à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

Or, il existe des différences importantes de prise en charge entre ces deux prestations. L'APA, qui sert à financer le maintien au domicile d'une personne âgée en perte d'autonomie (APA à domicile) ou son hébergement en établissement (APA en établissement), ne répond que partiellement aux besoins de compensation du handicap.

D'une part, l'APA est attribuée en fonction du degré de perte d'autonomie uniquement, tandis que la PCH est attribuée en fonction des besoins de la personne, lesquels sont intimement liés à son type de handicap et à son cadre de vie (activité professionnelle, composition du foyer, lieu de résidence...).

D'autre part, les aides attribuées au titre de l'APA sont rattachées à un plan d'aide global. Son montant est déterminé dans la limite d'un plafond mensuel pour chaque groupe iso-ressources (GIR)34(*), qui va de 762,87 euros (GIR 4) à 1 955,60 euros (GIR 1). Pour les handicaps qui nécessitent une présence quasi-continue d'intervenants, cela ne permet pas de financer l'intégralité de l'aide humaine. Les aides techniques, lorsqu'elles sont coûteuses, ne sont également que partiellement couvertes.

Les rapporteures déplorent ce différentiel de prise en charge qui, en conséquence du vieillissement de la population et de l'allongement de l'espérance de vie, concernera un nombre croissant de personnes handicapées. Bon nombre de handicaps sont d'ailleurs précisément liés à l'avancement en âge. C'est par exemple le cas de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), première cause de handicap visuel chez les personnes de plus de 50 ans.

Cette situation pose la question de l'égalité de traitement des citoyens : comment justifier qu'une personne dont le handicap survient après l'âge de 60 ans soit moins bien accompagnée ? Les rapporteures estiment à ce titre qu'il est nécessaire de conduire une réflexion globale sur l'articulation des prestations liées à la perte d'autonomie. Elles n'ignorent pas, toutefois, que l'ambition d'élargir le droit à compensation se heurte à l'enjeu du financement.

De manière plus générale, la question des ressources dont dispose la branche autonomie de la sécurité sociale est incontournable si le législateur souhaite répondre à l'ensemble des besoins identifiés dans le champ de l'autonomie. D'autant que la situation financière des départements plaide pour que la CNSA prenne intégralement en charge les coûts liés à d'éventuelles mesures nouvelles. Pour rappel, selon les prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, la branche autonomie sera déficitaire de près de 700 millions d'euros en 2025 et de 2,8 milliards d'euros à horizon 2028.

Proposition n° 2 : Conduire une réflexion globale sur l'articulation des dispositifs de compensation de la perte d'autonomie et sur les moyens alloués par l'État et la CNSA.

2. Pour les enfants en situation de handicap, un droit à compensation complexe et inadapté

Depuis 2008, les parents d'un enfant handicapé disposent d'un droit d'option entre le bénéfice de la PCH et du complément d'AEEH. L'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit en effet :

- la possibilité, pour les familles, de choisir entre la PCH et le complément de l'AEEH ;

- en cas de choix de la PCH, le maintien du bénéfice de l'AEEH et des droits connexes existants pour les bénéficiaires de l'AEEH ;

- et le maintien du dispositif antérieur (cumul possible de l'AEEH avec son complément et de l'élément de la PCH relatif à l'aménagement du logement, du véhicule et aux surcoûts liés au transport).

L'AEEH et son complément

L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) est une aide financière destinée à compenser les dépenses des parents liées à la situation de handicap de leur enfant de moins de 20 ans. Son montant est de 149,26 euros mensuels.

Le complément d'AEEH, qui regroupe six catégories de complément suivant l'importance des dépenses engagées par les parents ou de l'aide humaine nécessaire, s'ajoute à l'AEEH. Il vise à compenser les dépenses liées au handicap, ou le besoin d'aide humaine pour s'occuper de l'enfant. Son montant varie de 111,95 euros à 1 266,60 euros par mois.

Ce dispositif, conçu pour être transitoire, est notoirement complexe et peu lisible. En conséquence, la PCH est peu attractive et le recours au complément d'AEEH reste prépondérant : en 2018, près de 100 000 familles faisaient ce choix contre près de 20 000 pour la PCH35(*).

L'AEEH et ses compléments ont en effet l'avantage de compenser une partie des conséquences du handicap de l'enfant (financement des aides humaines, techniques et de frais spécifiques), tout en prenant en compte la situation particulière des parents (compensation de la réduction ou de la cessation de l'activité professionnelle, recours à l'embauche d'une tierce personne rémunérée).

Pour autant, aucun des deux dispositifs n'est pleinement satisfaisant :

le caractère forfaitaire du complément d'AEEH, qui n'a pas été construit dans une logique de compensation individualisée mais par assimilation à une prestation de la branche famille36(*) (l'AEEH de base), ne permet pas de prendre en compte les besoins spécifiques à chaque enfant et ne couvre qu'une partie des besoins de compensation ;

les critères de la PCH, construits pour les adultes, ne sont pas adaptés aux besoins de compensation du handicap chez les plus jeunes.

Dans un rapport de 2019, l'inspection générale des affaires sociales (Igas)37(*) recommande d'adapter la PCH aux enfants en ouvrant fortement les critères d'éligibilité, aujourd'hui plus restrictifs pour les enfants que pour les adultes, en les adaptant aux différents âges de la vie, et en analysant en détail comment les éléments de la PCH peuvent intégrer les charges aujourd'hui couvertes par le complément d'AEEH.

Par ailleurs, interrogées par les rapporteures sur les principales pistes de simplification des procédures, près d'un tiers des MDPH évoquent la simplification voire la suppression du droit d'option entre la PCH et le complément d'AEEH.

Proposition n° 3 : Simplifier et renforcer le droit à compensation applicable aux enfants en situation de handicap.

3. Une couverture imparfaite des charges

Malgré l'étendue de la PCH, les personnes en situation de handicap, surtout lorsqu'elles présentent un handicap lourd et complexe, continuent d'assumer un reste à charge important. Celui-ci reste toutefois difficile à évaluer car il n'a fait, jusqu'ici, l'objet d'aucune étude approfondie.

D'une part, le niveau de prise en charge des aides techniques n'a pas été revalorisé depuis la création de la PCH en 2006 et demeure plafonné à 13 200 euros par période de 10 ans38(*). De même, les aides relatives au logement, au transport et à l'aménagement du véhicule n'ont connu aucune revalorisation.

D'autre part, le périmètre de la prise en charge exclut des aides pourtant essentielles dans la vie quotidienne des personnes en situation de handicap. Par exemple, les aides ménagères et les assistants de communication ne figurent pas parmi les éléments de la PCH.

D'après les associations auditionnées par les rapporteures, si de nombreuses personnes - 47 000 en 202239(*) - font encore le choix de percevoir l'ACTP plutôt que la PCH, c'est en partie car cette allocation permet de financer des activités ménagères. En effet, l'ACTP prend la forme d'un forfait40(*) qui peut être utilisé librement pour financer de l'aide humaine.

Il faut toutefois souligner que les derniers gouvernements n'ont pas ignoré la problématique du reste à charge. Dans le cadre de la dernière Conférence nationale du handicap (CNH), qui s'est tenue en avril 2023, le niveau de remboursement des frais liés à l'emploi direct d'une aide à domicile a été rehaussé, avec l'augmentation du tarif de la PCH emploi direct de 140 % à 150 % du salaire brut horaire minimum41(*). De plus, le remboursement intégral des fauteuils roulants manuels et électriques, dont les modalités ne sont pas encore connues, a été annoncé.

Proposition n° 4 : Ouvrir la PCH « aide humaine » aux activités ménagères.

4. Des fonds départementaux de compensation du handicap dont la mission est fragilisée

L'article 64 de la loi de 2005 a créé les fonds départementaux de compensation du handicap.

Gérés par les MDPH, ces fonds sont chargés d'accorder des aides financières pour permettre aux personnes handicapées de « faire face aux frais de compensation restant à leur charge, après déduction de la prestation de compensation »42(*). La loi prévoit que les frais de compensation restant à la charge du bénéficiaire de la PCH ne peuvent excéder 10 % de ses ressources personnelles nettes d'impôts.

Le comité de gestion du fonds, composé des contributeurs (principalement la CNSA, les départements et les fonds sociaux des caisses de sécurité sociale), est chargé de déterminer l'emploi des sommes versées.

Le décret permettant de préciser les modalités d'attribution de ces aides financières, prévu par la loi de 2005, n'a été publié qu'en avril 202243(*). Jusqu'à cette date, chaque comité de gestion a dû établir son propre mode de fonctionnement, induisant d'importantes inégalités territoriales.

Par ailleurs, selon Départements de France, dans certains territoires, les contraintes budgétaires subies par les contributeurs fragilisent le fonctionnement des fonds. Certains pourraient se trouver contraints soit d'interrompre le traitement des demandes en cours d'année, soit de réintroduire des critères d'attribution spécifiques, portant atteinte à l'égalité de traitement.

L'association des directeurs de MDPH regrette également un engagement inégal des contributeurs en fonction des territoires. Par exemple, une partie seulement des MDPH bénéficie d'un engagement pluriannuel de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM).

Dans ce contexte, il apparaît indispensable de sécuriser l'activité de ces fonds et d'améliorer la visibilité des MDPH sur les moyens dont ils disposent.

Proposition n° 5 : Garantir la pérennité et l'homogénéité des pratiques des fonds départementaux de compensation du handicap.


* 34 Le groupe iso-ressources (GIR) correspond au niveau de perte d'autonomie d'une personne âgée. Il est calculé à partir de la grille AGGIR. Le GIR 1 est le niveau de perte d'autonomie le plus fort et le GIR 6 le plus faible.

* 35 Igas, Améliorer et simplifier la compensation du handicap pour les enfants : clarifier l'articulation entre l'AEEH et la PCH, juin 2019.

* 36 Depuis le 1er janvier 2021, en application de l'article 32 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, l'AEEH est prise en charge par la branche autonomie.

* 37 Ibid.

* 38 Arrêté du 11 août 2021 modifiant l'arrêté du 28 décembre 2005 fixant les montants maximaux attribuables pour les éléments de la prestation de compensation du handicap. Initialement, le plafond était fixé à 3 960 euros pour toute période de trois ans.

* 39 Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale (2024).

* 40 Son montant va de 506,64 euros à 1 013 euros par mois, selon le niveau des besoins de la personne.

* 41 Arrêté du 23 mai 2024 modifiant l'arrêté du 28 décembre 2005 fixant les tarifs de l'élément de la prestation de compensation mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 42 Article L. 146-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 43 Décret n° 2022-639 du 25 avril 2022 relatif à l'amélioration des fonds départementaux de compensation du handicap.

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