III. LA CONFIDENTIALITÉ, CONDITION CLÉ POUR ASSURER L'ADOPTION DE L'EURO NUMÉRIQUE

Compte tenu du paysage déjà très concurrentiel des paiements en Europe, la confidentialité serait une plus-value de l'euro numérique propice à son adoption par les citoyens européens. La protection des données et du respect de la vie privée dans le cas d'un lancement de l'euro numérique sera un sujet de vigilance majeur. Lors d'une consultation publique réalisée par la BCE publiée en 2021, 43 % des répondants ont estimé que la protection de la vie privée était l'aspect le plus important de l'euro numérique - loin devant d'autres considérations.

Plusieurs dispositions prévues par la proposition permettent d'assurer un niveau renforcé de protection de la vie privée, à défaut d'un anonymat complet, qui est explicitement exclu par la proposition. Les données personnelles ne seraient pas visibles par la BCE, qui n'auraient accès qu'à des données pseudonymisées. En outre, un haut niveau de confidentialité serait apporté par la modalité hors ligne.

La commission des affaires européennes recommande des mesures complémentaires pour assurer une confidentialité sélective, qui rapproche le plus possible l'euro numérique d'une version digitale des espèces. Dans ce but, les rapporteurs proposent notamment d'instaurer un seuil de confidentialité pour les petites transactions ou encore de ne pas permettre la multi-détention de comptes d'euros numériques, qui oblige à un partage accru d'informations et complexifie l'expérience utilisateur. Ils alertent également sur le flou entourant les modalités techniques de la fonctionnalité hors ligne, qui ne paraît pas encore au point.

Plus globalement, outre la confidentialité des paiements, la sécurité du paiement en euro numérique devra être assuré, afin de prévenir les risques cyber. De telles menaces ne sont pas à négliger, l'Eurosystème pouvant être confronté à des attaques visant à déstabiliser le système financier et la confiance dans l'euro en général.

IV. DES IMPACTS SUR LA STABILITÉ FINANCIÈRE QUI DEVRAIENT ÊTRE LIMITÉS MAIS UN MODÈLE ÉCONOMIQUE ENCORE INCERTAIN

A. UNE CRAINTE DE FUITE DES DÉPÔTS, QUI NE DEVRAIT CEPENDANT PAS ÊTRE MASSIVE

L'introduction d'un euro numérique suscite des inquiétudes s'agissant de son impact sur l'intermédiation financière, avec des risques de fuite des dépôts. L'euro numérique peut être obtenu soit en convertissant des espèces, soit en convertissant des dépôts. Les banques se montrent très réservées vis-à-vis du projet d'euro numérique, craignant que la conversion des dépôts en euros numérique érode leurs sources de financement et conduise à alourdir leurs coûts de financement. Ce renchérissement pourrait se répercuter sur le canal du crédit, en diminuant la quantité des prêts accordés, alors que le recours au financement bancaire reste prépondérant pour les entreprises européennes.

Ce risque doit être pris au sérieux : l'euro numérique ne saurait mettre en danger la stabilité financière, ni la capacité à financer l'économie européenne. Néanmoins, les caractéristiques retenues - l'instauration d'un plafond de détention et la non-rémunération de l'euro numérique - permettent de limiter l'usage de l'euro comme réserve de valeur. De fait, les premières études notent un impact macroéconomique modéré en termes de fuite de dépôts en cas de plafond de détention fixé à 3000 euros.

La commission des affaires européennes recommande d'exiger de la Commission européenne et de la BCE des analyses plus approfondies pour évaluer les impacts des plafonds envisagés de détention d'euros numériques selon les types de banques et selon les États membres. La phase préparatoire du projet d'euro numérique doit être mise à profit pour évaluer finement ces impacts. En outre, la fixation du plafond de détention ne peut pas être de la seule compétence de la BCE ; les co-législateurs doivent intervenir dans cette fixation, soit en fixant le montant dans le texte de la proposition, soit en prévoyant une clause de révision sur le plafond retenu par le BCE.

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