B. LES OBJECTIFS MULTIPLES DU VOLET « ECOLES/EDUCATION » DU PLAN MARSEILLE EN GRAND : DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE À LA RÉDUCTION DES INÉGALITÉS SOCIALES

1. Un objectif premier de mise en sécurité et de mise aux normes

Les études réalisées par la ville de Marseille en 2019 ont permis de mettre en exergue un certain nombre de non-conformité des bâtiments générant des risques pour les occupants. Ainsi :

- des problèmes d'infiltrations sont constatés dans 12,7 % des écoles ;

- 17 % des écoles présentent un avis négatif de la commission de sécurité ;

- 23,8 % des écoles présentent des sanitaires défaillants ;

- 30 % des écoles subissent une pollution sonore ;

- 72,5 % des écoles présentent des problèmes de menuiseries ;

- 68,9 % des écoles connaissent des défauts d'étanchéité.

Le principal objectif du volet « écoles » du plan Marseille en grand consiste donc en une mise aux normes sécuritaires et sanitaires.

2. Une logique d'amélioration de la performance énergétique : la nécessaire rénovation du patrimoine immobilier scolaire dans un contexte de réchauffement climatique

L'un des objectifs du volet « écoles » du plan Marseille en grand est la rénovation du bâti scolaire pour améliorer les performances énergétiques. Cette volonté résulte de trois nécessités complémentaires : obligations règlementaires, économies budgétaires et adaptation au changement climatique.

En effet, les collectivités territoriales sont assujetties aux obligations d'actions d'économie d'énergie dans les bâtiments tertiaires (dispositif éco-énergie tertiaire) dans les conditions prévues par les articles L. 174-1 et R. 174-22 à R. 174-32 du code de la construction et de l'habitation (CCH), au même titre que tous les propriétaires et preneurs à bail des bâtiments à usage tertiaire.

Ainsi, l'article L. 174-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que des actions de réduction de la consommation d'énergie finale doivent être mises en oeuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments existants à usage tertiaire, afin de parvenir à une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010.

Ces actions s'inscrivent en cohérence avec les objectifs fixés par la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, mentionnée à l'article L. 222-1 B du code de l'environnement qui précise dans son III que « l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre ».

Enfin, la révision de la directive européenne sur l'efficacité énergétique (DEE), actée par le Conseil de l'Europe le 25 juillet 2023, vise à réduire de 11,7 % en 2030 la consommation finale d'énergie au niveau de l'Union européenne. Les nouvelles règles fixent une obligation spécifique pour le secteur public. Les États membres seront, en effet, tenus de rénover chaque année au moins 3 % de la surface totale au sol des bâtiments appartenant à des organismes publics au niveau NZEB (Near Zero Energy Building10(*)).

Par ailleurs, la performance énergétique des bâtiments scolaires est devenue une préoccupation majeure pour les élus locaux en ce qu'elle pèse lourdement sur les budgets des collectivités territoriales.

Ainsi, réduire la consommation énergétique des bâtiments scolaires offre l'opportunité de réduire les coûts énergétiques globaux des collectivités.

La consommation énergétique des bâtiments scolaires peut varier considérablement en fonction de divers facteurs, tels que la date de construction, la taille et la conception des bâtiments, le nombre d'occupants, le climat local, et le niveau d'utilisation des équipements.

D'après l'étude quinquennale réalisée en 2019 par l'ADEME sur les dépenses énergétiques des collectivités territoriales, pour les seules communes, les bâtiments scolaires représentent 30 % de la consommation énergétique des bâtiments communaux.

Part de la consommation énergétique par type de bâtiments
pour les communes

Source : Rapport ADEME, sur les dépenses énergétiques des collectivités locales - 2019 

Les postes de consommation énergétique les plus importants dans les bâtiments scolaires sont généralement le chauffage (jusqu'à 40 %), la climatisation (jusqu'à 15-20 %), l'éclairage (jusqu'à 20 %) et les équipements électroniques.

Enfin, au-delà des arguments et motivations règlementaires et économiques, les collectivités territoriales ont une responsabilité forte concernant la lutte contre le réchauffement climatique au regard du poids de leur patrimoine immobilier dans la consommation énergétique totale au niveau national.

Des actions fortes et rapides de rénovation du patrimoine immobilier scolaire sont donc de nature à avoir un impact significatif sur la consommation totale d'énergie et donc sur les émissions de CO2.

Dès lors, ces rénovations sont une nécessité, non seulement pour réguler les dérèglements climatiques à long terme, mais également pour faire face au réchauffement climatique à court terme et ainsi améliorer le niveau de confort des élèves et enseignants fréquentant les établissements scolaires.

En effet, les récentes canicules qui ont touché la quasi-totalité de la France métropolitaine dès le mois de juin 2023 posent la question de l'adaptation du bâti scolaire aux vagues de chaleur qui devraient se répéter et s'intensifier sur des périodes de plus en plus longues, entre les mois de mai et octobre.

L'objectif affiché par la ville est ainsi de réduire de 40 % la facture énergétique des écoles de la ville afin d'économiser chaque année l'équivalent de la consommation d'une ville de 20 000 habitants.

3. Une volonté de réduire les inégalités sociales

D'après les études menées précitées, les difficultés bâtimentaires sont essentiellement concentrées dans les arrondissements du centre et du nord de la ville.

Plus précisément, la majorité des sites considérés comme prioritaires pour la rénovation sont situés entre le 1er et le 7e arrondissements pour des enjeux à dominante fonctionnelle (notamment en raison d'un manque de place dans les classes ou dans les locaux communs) et dans les arrondissements du nord et du nord est (13e au 16e arrondissements) avec des enjeux à dominantes techniques (notamment de conformité aux normes).

Ainsi, les rénovations pour priorités fonctionnelles et techniques se répartissent comme suit :

Répartition par arrondissement du nombre de sites à enjeux fonctionnels nécessitant des travaux très lourds et lourds

Source : étude Menighetti sur les sites à enjeux - cahier 1 synthèse de l'analyse

Répartition par arrondissement du nombre de sites à enjeux techniques nécessitant des travaux très lourds et lourds

Source : étude Menighetti sur les sites à enjeux - cahier 1 synthèse de l'analyse

Il en résulte qu'une inégalité est bien constatée entre les arrondissements les plus défavorisés situés au nord de la ville et les arrondissements plus favorisés sociologiquement situés au sud.

Répartition générale des sites à enjeux

Source : étude Menighetti sur les sites à enjeux - cahier 1 synthèse de l'analyse

Dans ce contexte, l'objectif affiché du volet « écoles » du plan Marseille en grand est donc également celui d'une diminution des inégalités sociales et d'un égal accès à l'enseignement, dans de bonnes conditions, de toutes les catégories sociales de la ville, indépendamment de leur lieu de résidence.

Parallèlement à ces trois objectifs principaux, la rénovation des écoles marseillaises devra tenir compte de la pédagogie innovante (cf. infra partie sur l'école du futur) c'est-à-dire que les nouveaux locaux devront pouvoir évoluer de manière agile pour s'adapter à de nouvelles méthodes d'enseignement. Par ailleurs, elle devra intégrer des équipements sportifs repensés et adaptés.

4. Un plan « écoles » scindé en deux parties et basé sur une importante consultation des acteurs

Le plan « écoles » de Marseille couvre l'ensemble de la ville. Il s'articule autour de deux types d'opération :

- une partie ciblant 188 écoles (réparties sur 109 sites) : les opérations concernant ces écoles sont financées par la Ville et l'État via la société publique des écoles marseillaises (SPEM) dans le cadre d'un accord cadre de marché de partenariat passé entre la ville, l'État et la SPEM. Elles portent sur des restructurations lourdes d'écoles déjà bâties mais également sur la création de nouvelles écoles. Cette partie correspond au périmètre du volet « écoles » du plan Marseille en grand ;

- une partie ciblant 304 écoles11(*) : ces opérations sont principalement supportées financièrement par la ville et réalisées par ses services. Elles portent également sur des restructurations et des rénovations plus légères d'écoles. Ces opérations sont hors champ de l'accord cadre de marché de partenariat.

Dans ce cadre, les opérations de restructuration correspondent à des opérations de constructions neuves et à des opérations de réhabilitation lourdes impliquant souvent la restructuration complète d'un site alors que les opérations de rénovation correspondent à des travaux de moindre ampleur qui peuvent ne concerner qu'une partie d'un site.

Les opérations dont le niveau d'intervention implique une opération de construction neuve ou une opération de réhabilitation lourde concernant la totalité du site ont été intégrées à la première partie du plan de la ville c'est-à-dire aux 188 écoles ciblées par le plan Marseille en grand.

Le nombres d'écoles de chaque partie du plan (volet « écoles » du plan Marseille en grand et écoles rénovées par la seule ville de Marseille) a été transmis aux rapporteurs spéciaux à titre informatif et pourrait évoluer au cours de la réalisation du plan « écoles » de la ville de Marseille. En effet, les listes ne peuvent être considérées, à ce stade, comme définitives dans la mesure où la prévision d'un plan sur dix ans requiert des ajustements permanents. L'état des bâtis scolaires est réévalué de façon périodique et les prévisions des effectifs scolaires doivent être réinterrogées, notamment en fonction des opérations urbaines.

Ce vaste plan de rénovation est conduit en concertation avec les usagers de l'école : enseignants, personnel municipal, parents d'élèves et enfants. Dans ce cadre, 3 000 heures de concertation ont déjà été conduites afin de faire émerger un nouveau référentiel des écoles marseillaises et recueillir la parole des acteurs de l'école.

5. Un volet pédagogique pour faire « l'école du futur » en complément de la rénovation bâtimentaire

Au-delà de la rénovation des écoles, le Président de la République a annoncé, lors de son discours de septembre 2021 (cf. supra), le lancement de projets pour « l'école du futur » visant à donner plus de libertés et d'autonomie aux équipes pédagogiques et aux directeurs d'établissements.

Le volet éducation du plan Marseille en grand a pour objectif de créer des écoles « laboratoires » qui permettront « d'inventer les écoles du futur en réinventant la façon d'enseigner et les méthodes d'apprentissage »12(*).

« L'école du futur » permet ainsi aux établissements de monter un projet innovant autour de la culture, des langues, de l'environnement ou des sciences en donnant aux directeurs d'école la possibilité de participer au recrutement de leur équipe pédagogique.

Si les possibilités pédagogiques sont nombreuses, les objectifs sont similaires pour tous les projets innovants :

- la prise en compte des besoins scolaires des élèves et de leur bien-être ;

- le lien entre la pratique pédagogique et les locaux ;

- l'articulation et l'organisation des différents temps de l'enfant ;

- l'amélioration des apprentissages.

Les projets s'accompagnent donc d'une réflexion sur l'organisation de l'espace avec des classes flexibles, des classes spécialisées dédiées à certains apprentissages, des cours de récréation conçues comme des espaces pédagogiques.


* 10 Cela signifie un objectif de bâtiments à consommation énergétique nette nulle, soit une quantité totale d'énergie utilisée par le bâtiment, calculée sur une base annuelle, à peu près égale à la quantité d'énergie renouvelable créée sur le site.

* 11 L'addition des 188 écoles rénovées et construites par la SPEM et les 304 écoles rénovées par la ville de Marseille aboutit à un total de 492 écoles contre 470 régulièrement affichées par la ville. L'écart provient, d'une part, de nouvelles écoles construites et qui, de fait, n'existent pas encore, parmi les 188 confiées à la SPEM et, d'autre part, par certains sites aujourd'hui comptés comme une école mais prochainement comptés comme deux établissements (maternelle et élémentaire).

* 12 Discours du Président de la République, Emmanuel Macron, le jeudi 2 septembre 2022 à Marseille.

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