III. UN SUIVI DU VOLET « ÉCOLES » DU PLAN MARSEILLE EN GRAND PERFECTIBLE ET DES BILANS INTERMÉDIAIRES INEXISTANTS MALGRÉ LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES
A. ALORS QUE L'ÉTAT SE SUBSTITUE EN PARTIE À LA VILLE DE MARSEILLE DANS L'EXERCICE D'UNE COMPÉTENCE COMMUNALE, LE SUIVI MIS EN oeUVRE AU NIVEAU MINISTERIEL PARAIT INSUFFISANT
1. Une contribution exceptionnelle de l'État pour l'exercice d'une compétence communale
Les communes bénéficient de la clause de compétence générale leur permettant de régler par délibération toutes les affaires relevant de leur niveau. Les principales compétences exercées relèvent des domaines suivants : urbanisme, logement, environnement, gestion des écoles préélémentaires et élémentaires.
Ainsi, concernant les écoles, l'article L.212-4 du code de l'éducation prévoit que « la commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement ».
L'article L.212-5 du même code prévoit, par ailleurs, que la création des écoles publiques est une dépense obligatoire pour les communes, au même titre que les dépenses de rénovation et d'entretien.
Il en résulte que dans le cas du volet « écoles » du plan Marseille en grand, l'État se substitue largement au financement de cette compétence communale dans la mesure où, avec des subventions de 400 millions d'euros pour un total de travaux estimé à environ 850 millions d'euros (entre 845 et 870 millions d'euros selon les documents transmis) la part de financement de l'État serait de 47 %.
Dans ce contexte, il apparait absolument nécessaire pour l'État de mettre en place un suivi fin de l'utilisation des fonds qu'il met à disposition de la ville de Marseille.
2. Un suivi ministériel largement perfectible
a) Un suivi uniquement budgétaire par la DGCL
La DGCL opère un suivi exclusivement budgétaire de consommation de la subvention exceptionnelle de 254 millions d'euros allouée au volet « écoles » du plan Marseille en grand.
En effet, comme évoqué supra, elle n'est pas représentée au conseil d'administration de la SPEM.
Aussi, la DGCL a essentiellement des échanges avec les services de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Dans ce cadre, des points d'avancement sont notamment organisés en amont des conférences budgétaires (mai de chaque année) et des réunions de compte rendu de gestion (phase 1en mai et phase 2 en septembre), pour actualiser les échéanciers de décaissement des crédits de paiement.
En revanche, elle ne suit pas l'avancement des travaux au-delà des besoins nécessaires au versement des avances, acomptes et du solde pour chaque marché subséquent.
b) Un suivi général et peu approfondi par le secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté, parallèlement à une faible implication de la présidence et des services du Premier ministre
Il n'y a pas de suivi spécifique du volet « écoles » par le secrétariat d'État. En effet, si des réunions bilatérales sont organisées chaque semaine entre le directeur de cabinet adjoint et la sous-préfète en charge du suivi du plan, ces dernières visent à faire le point sur l'ensemble des dossiers et les échéances à venir.
Dans ce cadre, un seul document de suivi a été transmis aux rapporteurs spéciaux par le cabinet prenant la forme d'un tableau avec un onglet par domaine du plan Marseille en grand. La rénovation des écoles fait l'objet d'une seule ligne indiquant une échéance à 2031 et un état d'avancement « en cours » sans précision sur le nombre de chantiers en cours, terminés ou en phase de lancement.
D'après les éléments transmis, le volet « écoles » fait également l'objet de réunions mensuelles avec l'Élysée et Matignon pour l'aspect bâtimentaire et pédagogique. Pour autant, aucun document ou compte rendu relatif à ses réunions n'a été communiqué aux rapporteurs spéciaux autres que le tableau susmentionné.
c) Un suivi beaucoup plus fin par la préfecture, la ville et la SPEM
La préfecture préside un comité de suivi interne aux services de l'État pour chaque volet du plan dont le volet « écoles ». Par ailleurs la sous-préfète participe aux conseils d'administration de la SPEM.
Les services préfectoraux tiennent à jour un tableau des mesures du plan (celui transmis par les cabinets de la secrétaire d'État à la ville et à la citoyenneté et du premier ministre) et assurent un suivi budgétaire des crédits consommés.
Pour autant, aucun document de suivi (outils de reporting, notes...) n'a été transmis aux rapporteurs spéciaux.
Seule la ville de Marseille a fourni l'ensemble des comptes rendus depuis 2021 des comités de pilotage internes aux directions de la commune ainsi que les comptes rendus des réunions multilatérales organisées entre la préfecture, la ville, Fininfra, la SPEM et la DDTM.
Organisation de la comitologie pour le suivi du
volet « écoles »
du plan Marseille en
grand
Source : ville de Marseille
Si les rapporteurs spéciaux ne peuvent que saluer l'implication de la ville de Marseille marquée par une volonté politique forte de mener la rénovation des écoles de la ville à termes, à l'échéance définie de 10 ans, ils regrettent que le suivi au niveau des cabinets ministériels soit si succinct et se borne à définir et/ou rappeler des grandes orientations déjà connues des différents acteurs.
Concernant le suivi de la préfecture, si ce dernier est réel et contribue indéniablement à la cohérence d'ensemble du projet et à la bonne communication de l'ensemble des parties prenantes, il gagnerait à être formalisé avec plus de rigueur.
En conséquence, le suivi du volet « écoles » se caractérise par une comitologie importante qui permet de cadrer le projet et d'en suivre les avancées de manière hebdomadaire avec l'ensemble des acteurs. Ce suivi resserré qui s'explique par les enjeux sans précédent du projet nécessiterait cependant une plus grande formalisation et la réalisation d'indicateurs largement diffusés.
Recommandation n° 9 : Formaliser les documents de suivi du volet « écoles » du plan Marseille en grand et élaborer des indicateurs et outils de reporting partagés entre l'ensemble des acteurs (préfecture et cabinet du secrétariat d'État à la ville et à la citoyenneté).
3. La subvention exceptionnelle de l'État pour la rénovation des écoles marseillaises : un précédent pour d'autres collectivités ?
Alors que le Président de la République dans son discours du 2 septembre 2021 indiquait clairement que les investissements pour l'entretien, la rénovation ou la construction d'écoles « n'est pas de la compétence de l'État » et précisait ne pas vouloir « créer un précédent », le risque est pourtant réel. En effet, s'il est vrai que la situation de la ville de Marseille en termes de bâti scolaire et de sécurité des sites était particulièrement préoccupante au point où « l'apprentissage dans certaines écoles était devenu impossible », force est de constater que celle-ci n'est pas isolée.
Pour les collectivités de petite ou moyenne taille dotées d'un nombre limité d'établissements scolaires, le recours aux dotations d'investissement classiques de type DSIL, DSID ou DETR, éventuellement complétées par le fonds vert constitue souvent une aide suffisante d'autant que la loi n° 2024 du 29 mars 2024 tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires permet désormais, pour les projets d'investissement ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, une participation minimale du maître d'ouvrage de 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques contre 20 % dans le droit commun. Cette évolution doit permettre d'aider les collectivités pour lesquelles l'investissement est disproportionné au vu de leur capacité financière.
Pour autant, certains territoires présentent de nombreux établissements scolaires fortement dégradés et pourraient, sur l'exemple de ce qui a été mis en place à Marseille, solliciter une aide exceptionnelle de l'État. Malgré la volonté affichée du Président de la République de ne pas créer de précédent, le risque existe donc bel et bien.
À titre d'exemple, les rapporteurs spéciaux soulignent qu'en Ile-de-France 150 lycées sont considérés comme vétustes, soit 30 % du parc. En Seine-Saint-Denis, élèves et professeurs se sont récemment mobilisés en faisant grève et en diffusant des vidéos pour alerter sur les conditions de travail et d'accueil, évoquant en manque de moyens criant. Certains syndicats enseignants appellent à des budgets beaucoup plus importants pour rénover et améliorer tous les lycées qui méritent de l'être rapidement.