II. RECOMMANDATIONS EN FAVEUR D'UNE STRATÉGIE GLOBALE DE PRÉVENTION ET DE SOINS EN SANTE RESPIRATOIRE

A. UNE POLITIQUE À PLANIFIER, DE LA PRÉVENTION AU SOIN

1. Prévenir et dépister

Investir dans la prévention est à la fois une réponse à des enjeux sanitaires prégnants et une solution efficiente pour les finances publiques. Si la prévention ne produit pas d'effets immédiats mais se mesure principalement à moyen et long termes, elle présente un intérêt majeur pour la soutenabilité de la dépense publique.

Une politique de prévention efficace doit pouvoir s'appuyer sur une offre de soins de premier recours étoffée et organisée sur l'ensemble des territoires. Or, plus de 10 % des Français n'ont toujours pas accès à un médecin généraliste et 30 % de la population française vit dans un désert médical. Face à ce constat, les politiques qui encouragent le développement des structures d'exercice coordonné et la mise en réseau des professionnels de santé doivent être poursuivies (dispositif « Asalée », maisons de santé pluridisciplinaires, communautés professionnelles territoriales de santé). L'augmentation des effectifs de professionnels de santé formés, notamment des professionnels médicaux, doit par ailleurs être anticipée par le ministère de la santé.

La formation continue des professionnels de santé de premier recours doit également constituer un point d'attention prioritaire. Remédier au sous-dépistage des maladies respiratoires chroniques nécessite en effet que les praticiens soient formés au repérage de ces pathologies et à la réalisation d'examens diagnostiques indispensables tels que la spirométrie. Pour répondre à cet enjeu, l'Angleterre a par exemple fait le choix de développer l'implantation de centres de diagnostic dédiés, accessibles sur orientation d'un professionnel de santé, notamment des pharmaciens, où sont réalisés le dépistage de l'asthme par le test du monoxyde d'azote dans l'air expiré, et la spirométrie pour la détection de la BPCO.

Au-delà d'une politique de prévention générale, la prévention doit se concevoir de façon individualisée, pour cibler les publics les plus à risques. À cette fin la Cour recommande de mobiliser des outils existants, en particulier :

- les rendez-vous de prévention, créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 dont le déploiement reste attendu sur l'ensemble du territoire national et qui permettront d'opérer un repérage précoce des pathologies respiratoires tout en sensibilisant les usagers aux risques environnementaux et comportementaux ;

- l'espace numérique en santé, dont l'utilisation devrait être adaptée pour autoriser la diffusion de messages de prévention ciblés en fonction des facteurs de risque renseignés par chaque patient, et non plus seulement en fonction de l'âge ou du sexe.

Toutefois, ces outils se révèleront sans doute insuffisants pour agir auprès des publics les plus éloignés du soin, qui sont aussi les plus vulnérables aux expositions environnementales et au tabagisme. Une prévention individualisée ne peut pas faire l'impasse sur des actions « d'aller vers », au contact des publics à risque.

Enfin, la prévention doit être résolument encouragée dans le milieu professionnel. Le repérage et la déclaration des maladies respiratoires professionnelles sont très en deçà des estimations épidémiologiques d'exposition professionnelle aux facteurs à l'origine de l'asthme et de la BPCO. Le renforcement des services de santé au travail et le partage d'informations avec les médecins de ville, par l'intégration au dossier médical partagé du dossier de santé au travail, permettront d'y contribuer.

2. Accélérer la transformation des modèles de prise en charge

Autant que la politique de prévention, la consolidation de l'offre de premier recours et le renforcement des services de recours spécialisés doivent être soutenus.

S'agissant de l'offre de premier recours, ainsi que le souligne la Cour des comptes, la part des soins non médicamenteux dans l'offre globale demeure marginale. Ces soins non médicamenteux relèvent de financements hétérogènes (fonds d'intervention régional des ARS, fonds pour l'innovation du système, fonds national de prévention, d'information et d'éducation sanitaire), ce qui ne contribue guère à la lisibilité des dépenses et ne favorise pas le développement de ces modèles alternatifs. Plusieurs ont pourtant fait leurs preuves.

Tel est le cas de l'éduction thérapeutique du patient, modèle adapté à la prise en charge des maladies chroniques et relativement bien développé pour la prise en charge du diabète de type 1. Malgré tout, la Cour constate que « l'accessibilité à de tels programmes demeure faible et majoritairement hospitalière ». Les programmes d'éducation thérapeutique exigent l'intervention coordonnée de plusieurs professionnels de santé et répondent à des protocoles précis. Ils mobilisent des moyens moins coûteux qu'un séjour hospitalier classique et permettent d'allier le soin à la prévention. À l'appui des outils numériques connectés et du recours croissant à la télésurveillance, ils contribuent à l'autonomisation du patient et à l'optimisation des moyens.

L'éducation thérapeutique du patient

L'éducation thérapeutique du patient est inscrite dans le code de la santé publique13(*). Elle a pour but de « rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie » (article L. 1161-1 du code de la santé publique). Elle permet ainsi d'autonomiser et de responsabiliser le patient dans la gestion de sa maladie tout au long de sa vie. Elle peut être mise en oeuvre à tout moment et dès l'annonce du diagnostic d'une pathologie.

Les programmes d'éducation thérapeutique sont conformes aux recommandations et référentiels établis par la Haute Autorité de santé (HAS).

La HAS décompose la mise en oeuvre de l'éducation thérapeutique en quatre étapes : l'élaboration d'un diagnostic éducatif ; la définition d'un programme personnalisé d'éducation thérapeutique du patient ; la planification et la mise en oeuvre des séances, individuelles ou collectives ; l'évaluation finale.

De même, l'activité physique adaptée peine à se développer, en raison notamment de freins financiers. Bien que promue par les gouvernements successifs et reconnue par le code de la santé publique, elle n'est à ce jour pas prise en charge par l'Assurance maladie. L'évolution timide esquissée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 - une telle prise en charge par l'Assurance maladie a été prévue à titre expérimental pour les seuls patients souffrant de cancer - ne répond pas aux besoins exprimés ni à la nécessité d'accélérer la transformation des modèles de prise en charge.

Enfin, un constat similaire peut être établi s'agissant de la réhabilitation respiratoire, à laquelle accède moins d'un tiers des patients à la sortie d'une hospitalisation. Encore méconnue, la réhabilitation respiratoire bénéficie de financements au titre des expérimentations dites de l'article 51, à défaut du développement d'une offre structurée globalement.

S'agissant de l'offre de recours spécialisé, le ministère de la santé appuie la structuration de filières spécifiques à la prise en charge des pathologies respiratoires depuis peu : en attestent la création d'une vingtaine d'unités transversales d'allergologie (UTA) dans les services hospitaliers, mais aussi l'identification de dispositifs de prise en charge précoce post-aiguë respiratoire (PREPAR) début 2023, dans le cadre de la réforme des soins médicaux et de réadaptation.

De façon plus générale, une réflexion sur la notion de parcours est fondamentale, parce qu'elle conditionne l'efficacité des prises en charge, depuis le repérage jusqu'au soin. La structuration de parcours patients doit constituer une priorité déclinée sur les territoires dans le cadre des projets régionaux de santé des ARS.


* 13 Articles L. 1161-1 à L. 1161-6 du code de la santé publique.

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