LISTE DES 33 RECOMMANDATIONS
Axe I : Renforcer notre souveraineté énergétique et climatique
L'État doit inciter plus fortement le groupe TotalEnergies à se placer aux avant-postes de la transition énergétique.
Recommandation n° 1
Compte tenu de l'évolution des menaces qui pèsent sur la souveraineté énergétique de la France et de l'Europe, de l'évolution de la structure de l'actionnariat de TotalEnergies et de la nécessité d'accompagner une major européenne dans ses efforts de transition énergétique, prévoir la détention par l'État d'une action spécifique au capital de TotalEnergies.
Recommandation n° 2
Inciter TotalEnergies à accroître ses efforts pour devenir véritablement un leader des énergies renouvelables et de la mobilité propre, notamment des carburants durables, des recharges électriques et, dans une moindre mesure, de la capture et du stockage du CO2.
Recommandation n° 3
Encourager TotalEnergies à accélérer autant que possible sa stratégie d'investissements dans les énergies renouvelables, à court, moyen et long termes, afin d'atteindre les objectifs de l'Accord de Paris.
Axe II : Affirmer un leadership international après l'Accord de Paris
L'État doit réaffirmer le leadership de la France en matière de transition énergétique pour concrétiser l'Accord de Paris.
Recommandation n° 4
D'ici la fin de l'année 2024, présenter la loi de programmation énergétique et actualiser la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) qui en découlent :
- en fixant des objectifs de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), de 30 % de la consommation d'énergie totale et de 45 % de la consommation d'énergie fossile dès 2030 ;
- en mettant un terme à la production d'électricité à partir de charbon, sauf en cas de menace grave pour la sécurité d'approvisionnement électrique, dès 2027 ;
- en portant de 10 à 20 % la consommation de biogaz en 2030 pour compenser la fin des importations russes ;
- en fixant un objectif production d'au moins 580 TWh d'électricité décarbonée, notamment d'origine nucléaire, en 2035 pour accompagner l'électrification des usages ;
- en prévoyant des trajectoires d'incorporation pour les biocarburants et les e-carburants, notamment pour les secteurs (maritime et aérien) les plus difficiles à électrifier ;
- en promouvant la récupération de la chaleur fatale ainsi que le captage et le stockage du CO2, notamment sur les sites industriels ;
- en promouvant les actions de sobriété et d'efficacité énergétiques ;
- en facilitant l'instruction des projets d'énergies renouvelables ;
- en consolidant les compétences de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) au-delà des marchés de l'électricité et du gaz.
Recommandation n° 5
Mieux structurer et développer les filières industrielles des énergies renouvelables en prévoyant :
- à l'échelon européen, d'instituer un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC) en matière d'énergies renouvelables, ainsi que des mesures de lutte contre le dumping chinois et de promotion des industriels européens dans le cadre des marchés publics (Buy European Act) ;
- à l'échelon national, de mieux intégrer les énergies renouvelables au dispositif Territoires d'industrie et d'assortir de souplesses administratives les zones d'accélération pour l'implantation des énergies renouvelables, en laissant les compétences des collectivités territoriales inchangées.
Recommandation n° 6
Moderniser le droit minier pour sortir plus rapidement des énergies fossiles :
- en maintenant l'interdiction de la fracturation hydraulique et l'extinction des concessions fossiles d'ici à 2040 ;
- en évaluant la suppression de certaines dérogations à la sortie des énergies fossiles (gaz de mine et substances connexes) ;
- en instituant une politique de labellisation, nationale voire européenne, en faveur des projets miniers durables, pour promouvoir les meilleurs standards économiques, sociaux et environnementaux, pour l'extraction des minerais et des métaux indispensables à l'atteinte de nos objectifs d'électrification des usages ;
- en plaidant, dans le cadre des conférences des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP) et à la Convention sur la diversité biologique (CDB) et des réunions de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM), pour un traité interdisant l'exploitation minière des grands fonds marins.
Recommandation n° 7
Mieux évaluer le gaz naturel liquéfié (GNL) :
- en actualisant les facteurs d'émissions liés au GNL calculés par l'Agence de l'environnement et la maîtrise de l'énergie (ADEME) afin d'obtenir une information fiable sur ses émissions de gaz à effet de serre (GES) ;
- en confiant à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) la mission de réaliser un bilan annuel de la provenance et des émissions de GES liées aux importations de GNL sur le territoire français.
Recommandation n° 8
Mobiliser les leviers budgétaires et fiscaux pour accompagner la transition énergétique :
- en consolidant le « bilan carbone » appliqué à la sélection des projets d'électricité, de gaz et d'hydrogène renouvelables soutenus par appels d'offres ;
- en prévoyant un soutien en Opex et en Capex aux projets industriels, notamment pour la production de biogaz, de biocarburants et d'e-carburants, vertueux s'agissant des conflits d'usages et de l'empreinte environnementale ;
- en étendant la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans le transport (TIRUERT) aux secteurs (maritime) et technologies (carburants synthétiques durables) omis et en conférant à sa trajectoire d'évolution de la visibilité et de la stabilité sur plusieurs années ;
- en maintenant et consolidant les aides à l'acquisition des véhicules propres (bonus automobile, prime à la conversion, leasing social), pour les particuliers comme pour les professionnels ;
- en réexaminant l'arbitrage des financements de l'État en faveur de la transition énergétique ;
- en favorisant davantage fiscalement les services de transport collectif de voyageurs ferroviaires, guidés et routiers à travers une diminution du taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui leur est applicable ;
- en mettant en oeuvre des dispositifs de crédits d'impôt et de suramortissement en faveur de l'achat de carburants durables et d'investissements pour les aéronefs et navires les plus vertueux ;
- en instituant des dispositifs de crédits d'impôts incitatifs à l'achat de carburants durables pour les avions et les navires.
Recommandation n° 9
Consolider le cadre européen en faveur de la transition et de la souveraineté énergétiques :
- en appliquant le paquet « Ajustement 55 », et en évaluant ses effets ;
- en garantissant une neutralité technologique aux énergies renouvelables dans les différents textes européens, notamment les biocarburants, les e-carburants, le biogaz et l'hydroélectricité ;
- en accélérant la mise en oeuvre des projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC), notamment pour les batteries électriques et les électrolyseurs d'hydrogène ;
- en imposant 30 % de panneaux photovoltaïques fabriqués dans l'un des pays membres de l'Union européenne, pour les projets de plus de 3 mégawatts-crêtes (MWc).
Recommandation n° 10
Hisser la France en position de pionnier par rapport aux autres pays européens :
- en proposant l'inclusion du GNL russe aux produits énergétiques sous sanctions européennes ;
- en donnant l'exemple par l'arrêt dès que possible des importations de GNL russe en France.
Recommandation n° 11
Favoriser la recherche d'une solution pacifique aux différends dans le Sud Caucase en demandant l'arrêt des nouveaux projets ou de nouvelles phases de projets en cours impliquant des entreprises françaises dans le secteur des hydrocarbures en Azerbaïdjan.
Recommandation n° 12
Consolider le cadre international de la transition énergétique :
- en abondant les fonds mis en oeuvre dans le cadre de la CCNUCC à destination des pays en développement, notamment au travers de l'affectation d'une fraction des recettes du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) ;
- en étudiant la possibilité de mettre en oeuvre à travers l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) une contribution versée par les entreprises du secteur des énergies fossiles afin d'abonder le fonds pertes et dommages ;
- en facilitant le développement des projets d'énergies renouvelables dans les pays en développement en mobilisant davantage les moyens de l'Agence française de développement (AFD) à cet effet ;
- en instituant des règles communes à l'ensemble des acteurs du transport aérien et maritime international définies au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et de l'Organisation maritime internationale (OMI).
Recommandation n° 13
Impliquer davantage la finance dans la transition énergétique :
- en incitant les acteurs financiers à poursuivre les efforts déjà engagés pour réorienter les financements liés aux énergies fossiles vers les énergies bas-carbone ;
- en poursuivant, en lien avec la taxonomie verte, la réflexion au niveau européen sur la mise en oeuvre de taux d'intérêt différenciés selon l'intensité carbone des actifs financés afin de favoriser l'accès au financement des projets en faveur de la transition énergétique ;
- en favorisant la prise en compte des actifs échoués dans les obligations de reporting extra financier et les exigences prudentielles des banques européennes ;
- en développant un éco label européen pour les produits financiers, pour donner un cadre européen clair définissant les investissements responsables et harmoniser les pratiques.
Recommandation n° 14
Renforcer l'industrie européenne :
- en mobilisant la capacité d'emprunt européen en adoptant un Inflation Reduction Act européen, en faveur de la décarbonation de l'industrie ;
- en mettant en place un Buy European Act qui favorise les industries européennes dans les secteurs stratégiques.
Recommandation n° 15
Intensifier l'action au sein de la coalition Export Finance for Future (E3F) pour aligner le cadre juridique des garanties publiques à l'exportation des autres pays membres sur celui de la France en vue d'une révision de l'Arrangement OCDE pour élargir le champ de l'interdiction des garanties publiques à l'exportation, qui concerne aujourd'hui uniquement les centrales à charbon.
Axe III : Favoriser la gouvernance climatique des entreprises
L'État doit accompagner les entreprises dans leur prise en compte croissante des enjeux climatiques.
Recommandation n° 16
Renforcer les bilans carbone et plans de transition, mentionnés à l'article L. 229-25 du code de l'environnement :
- en passant d'une périodicité de 4 à 3 ans pour les entreprises et de 3 à 2 ans pour l'État et ses établissements publics ;
- en garantissant dans la loi l'exigence de prise en compte des émissions indirectes, aux côtés de celles directes ;
- en évaluant l'opportunité de supprimer la dérogation prévue à l'obligation de réalisation d'un plan de transition en cas de déclaration de performance extra-financière, pour les très grandes entreprises.
Recommandation n° 17
Promouvoir l'usage de la méthodologie Assessing Low Carbon Transition (ACT) afin d'évaluer les trajectoires de décarbonation des entreprises et confier à l'Ademe un rôle de certification des cabinets d'évaluation y ayant recours.
Recommandation n° 18
Clarifier le cadre juridique issu de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre pour mentionner explicitement les atteintes au climat résultant des activités de la société et de ses filiales.
Recommandation n° 19
Confier le suivi et le contrôle de la mise en oeuvre du devoir de vigilance par les entreprises à une autorité administrative, comme c'est le cas en Allemagne et conformément à la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD). Cette autorité disposerait, conformément au droit européen, d'un pouvoir de sanction.
Recommandation n° 20
Confier à cette autorité administrative le soin de publier la liste des entreprises soumises au devoir de vigilance.
Recommandation n° 21
Envisager une application extraterritoriale du devoir de vigilance à l'aune de la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.
Recommandation n° 22
Dans la continuité de la création de la chambre dédiée aux « Contentieux émergents - Devoir de vigilance et responsabilité écologique » au sein de la cour d'appel de Paris, donner les moyens au Tribunal judiciaire de Paris de créer une chambre similaire en son sein.
Recommandation n° 23
Développer le « Say on Climate » :
- en encourageant les entreprises à développer le « Say On Climate », par le biais d'un vote consultatif périodique des actionnaires en assemblée générale ordinaire concernant la stratégie climatique ;
- en encadrant juridiquement le contenu des résolutions consultatives « Say On Climate » afin d'harmoniser les pratiques des émetteurs.
Recommandation n° 24
Favoriser le dialogue actionnarial sur le climat tout en sécurisant son cadre :
- en clarifiant le cadre législatif et réglementaire afin qu'une résolution consultative proposée par des actionnaires, portant sur les enjeux climatiques et respectant les conditions de recevabilité en vigueur, ne puisse être rejetée par l'organe d'administration au motif de non-respect des règles de répartition légales de compétences entre les organes sociaux ;
- en facilitant, comme proposé par le Haut comité juridique de la place financière de Paris, la saisine du tribunal de commerce en cas de contestation du refus d'inscription à l'ordre du jour de résolutions reçues par le conseil d'administration : pour permettre aux actionnaires d'obtenir une décision de justice rapide et compatible avec le calendrier d'une assemblée générale, modifier l'article L. 225-105 du code de commerce pour faire expressément référence à l'application de la procédure accélérée au fond mentionnée à l'article 839 du code de procédure civile.
Recommandation n° 25
Renforcer la dimension climatique de la gouvernance des entreprises :
- en encourageant les entreprises à mettre en place des comités climatiques ou RSE au sein de leur conseil d'administration, notamment en poursuivant les actions menées au niveau de l'État actionnaire ;
- en incitant les entreprises du secteur de l'énergie, pour favoriser l'articulation des rôles de chaque instance, à clairement identifier les questions climatiques au sein de leur gouvernance et à impliquer leur comité climatique ou leur référent climatique dans toutes les décisions et arbitrages relatifs à la stratégie de décarbonation de l'entreprise et au dialogue actionnarial sur ces sujets.
Recommandation n° 26
Dans le prolongement de la pratique actuelle, encourager les sociétés cotées à prendre en compte des critères en lien avec le climat dans la détermination de la part variable de la rémunération des dirigeants mandataires sociaux, notamment en poursuivant l'action de l'Agence des participations de l'État (APE).
Recommandation n° 27
Instituer un site internet public dédié qui permettrait de collecter des documents d'archives non publics des entreprises du secteur de l'énergie concernant des décisions relatives à la lutte contre le changement climatique.
Axe IV : Lutter contre les conflits
d'intérêts
et appliquer des règles de
transparence
L'État doit affirmer son exemplarité dans la lutte contre les conflits d'intérêts et l'application des règles de transparence.
Recommandation n° 28
Prendre position en faveur d'une meilleure distinction entre les délégations étatiques et celles des entreprises des secteurs les plus émissifs en gaz à effet de serre et leurs organisations représentatives aux COP au sein du secrétariat de la CCNUCC.
Recommandation n° 29
Augmenter les moyens financiers et humains de la HATVP pour lui permettre de mener l'ensemble de ses missions.
Recommandation n° 30
Améliorer le contrôle des mobilités public-privé mené par la HATVP en prévoyant :
- la possibilité pour la HATVP d'étendre la durée de son contrôle de deux années supplémentaires au maximum au cas par cas si l'emploi exercé par une personne ou son secteur d'activité le justifie ;
- une amélioration du fonctionnement du principe de subsidiarité de saisine de la HATVP ;
- une réforme du régime de sanctions applicables en cas de méconnaissance de l'avis émis par l'autorité hiérarchique de l'agent de façon identique à la méconnaissance d'un avis de la HATVP ;
- la révision des modalités de contrôle des mobilités vers et depuis certaines entités comme les Epic et la Caisse des dépôts et consignations.
Recommandation n° 31
Améliorer le contrôle des déclarations du répertoire des représentants d'intérêts par la HATVP :
- en confiant à la HATVP de nouveaux pouvoirs de communication de documents et de sanction en cas d'entrave à ses prérogatives ;
- en améliorant la lisibilité du répertoire à travers le passage à un rythme semestriel de déclaration, la précision de la décision exacte sur laquelle porte l'action de représentation d'intérêts, la mention de la fonction précise des personnes sollicitées, la fin du critère d'initiative de l'action de représentation d'intérêts, l'ajout des actions de représentation d'intérêts auprès des membres des représentations diplomatiques françaises à l'étranger et l'indication de la ventilation des dépenses déclarées par grand poste ;
- en modifiant la définition de la notion de représentant d'intérêts, qui pourrait être définie à l'échelle des sociétés mères plutôt que des entreprises qui composent un groupe.
Recommandation n° 32
Obliger les organismes publics à rendre publics au sein d'un registre public hébergé par la HATVP les financements privés reçus pour les projets de recherche en matière d'environnement et de réchauffement climatique.
Recommandation n° 33
Harmoniser davantage les doctrines de l'ensemble des entités participant à la diplomatie économique de la France dans l'appui aux projets économiques à l'international, afin de valoriser les meilleures pratiques environnementales, et encourager nos partenaires à adopter des doctrines analogues ; inclure au sein du rapport annuel de la Cour des comptes sur la transition écologique annoncé par la juridiction financière une évaluation des effets de la diplomatie économique de la France sur le climat.