B. BATTERIES ET CÂBLAGE : UN ENJEU DE POIDS ET DE SÉCURITÉ

Si les moteurs électriques bénéficient d'un très bon rendement par rapport aux moteurs thermiques, la chaîne propulsive électrique présente un défaut majeur : un poids plus élevé que celui d'un chaîne propulsive classique.

Ce problème de poids résulte avant tout de la très faible densité énergétique massique des batteries. En effet, à l'heure actuelle, la densité énergétique massique des batteries lithium-ion se situe aux alentours de 250 Wh/kg, alors que celle du kérosène est d'environ 12 000 Wh/kg. La densité énergétique massique de ce dernier est donc 48 fois supérieure à celle des batteries.

Une étude récente de la NASA conclut que les seuils de densité énergétique des batteries permettant l'usage d'avions électriques pour l'aviation générale et régionale sont respectivement de 400 Wh/kg et de 750 Wh/kg68(*).

Densité énergétique des batteries nécessaires à différentes catégories d'avions

Source : BNEF69(*)

Tirée par l'industrie automobile, la recherche et développement sur les batteries progresse, comme l'a montré l'audition sur les avancées technologiques en matière de batteries organisée par l'Office parlementaire le 4 mai 2023. Plusieurs nouvelles technologies de batteries sont au stade de la recherche et développement ou de l'industrialisation : les batteries lithium-fer-phosphate, les batteries lithium-soufre, les batteries sodium-ion, les batteries « tout solide », les batteries lithium-air, etc.

Malgré ces évolutions, la densité énergétique des futures batteries restera très en-deçà de celle des carburants liquides. La plus prometteuse à moyen terme serait la technologie « tout solide » à anode lithium métallique qui pourrait atteindre une densité énergétique de 400 Wh/kg, ce qui correspondrait à la densité nécessaire à l'aviation générale, comme le montre le graphique ci-dessus. Mais l'audition précitée a mis en évidence l'incertitude qui pèse sur le délai d'industrialisation de cette technologie.

Un autre handicap notable des batteries concerne l'évolution du poids de l'avion durant le vol : alors que celui du kérosène diminue avec la distance parcourue, le poids des batteries reste constant. Cette stabilité a un impact direct sur la consommation d'énergie durant le vol, d'autant qu'elle nécessite aussi un renforcement de l'aéronef, qui doit supporter un poids élevé à l'atterrissage.

Par ailleurs, les batteries destinées à l'aviation doivent répondre à des contraintes spécifiques, en particulier des cycles de charge et de décharge rapide, plus nombreux que dans l'automobile. Pour rentabiliser leur flotte, les compagnies aériennes cherchent en effet à minimiser le temps d'immobilisation au sol entre deux vols, lesquels doivent s'enchaîner rapidement dans une journée.

Enfin, les batteries requièrent la mise en oeuvre de systèmes de protection contre l'emballement thermique, une surcharge pouvant conduire à leur inflammation. Cet inconvénient est un frein à la certification des avions électriques.

Le câblage, autre élément clé dans la chaîne de propulsion électrique, renforce ce problème de poids excessif. La réduction des pertes thermiques le long des câbles nécessite la mise en oeuvre de fortes tensions, de l'ordre de 800 volts. Cette contrainte conduit à utiliser des câbles de fort diamètre, donc lourds, destinés à prévenir les risques de sécurité : arcs électriques, courts-circuits, décharges partielles, etc.

La poursuite de la recherche et développement sur les batteries, la distribution à haute tension et l'électronique de puissance sont de ce fait indispensables pour le développement de la propulsion électrique dans l'aviation.

La supraconductivité ouvre l'une des pistes les plus prometteuses pour répondre aux contraintes de câblage liées à la haute tension dans l'aviation. Elle permettrait d'alléger les câbles destinés à transporter de fortes puissances, supérieures au mégawatt. Les matériaux supraconducteurs présentent en effet une résistance quasi nulle à température cryogénique. Ils permettent ainsi de réduire la tension du réseau pour transmettre la même puissance, donc de diminuer significativement la masse de câble nécessaire. Les circuits se trouveraient allégés et l'utilisation de fortes puissances pour le transport régional serait facilitée.

De fin 2020 à fin 2023, Airbus a développé avec succès, dans le cadre du projet ASCEND (Advanced Superconducting and Cryogenic Experimental powertrain Demonstrator), un démonstrateur de système de propulsion cryogénique de 500 kilowatts, constitué d'un conducteur de courant supraconducteur, d'une unité de commande de moteur cryogénique et d'un système de refroidissement, ainsi que d'un moteur supraconducteur.

Source : Airbus


* 68 V. Lvovich and J. Lawson, Integrated Computational-Experimental Development of Lithium-Air Batteries for Electric Aircraft, NASA, 2019.

* 69 S. West et C. Curry, Decarbonizing Aviation, Bloomberg NEF, 16 juin 2022.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page