II. LE FNE-FORMATION : UN DISPOSITIF TRANSFIGURÉ EN QUELQUES ANNÉES

A. LE FNE-FORMATION À L'ÉTAT LARVAIRE : UN DISPOSITIF RELATIVEMENT MARGINAL AVANT 2020

1. À l'origine, le FNE ne finançait pas nécessairement des formations

Créé par la loi du 18 décembre 1963, le Fonds national de l'emploi (FNE) visait à l'origine à « faciliter aux travailleurs salariés la continuité de leur activité à travers les transformations qu'implique le développement économique et favoriser, à cette fin, en cas de changements professionnels dus à l'évolution technique ou à la modification des conditions de la production, l'adaptation de ces travailleurs à des emplois nouveaux salariés de l'industrie ou du commerce. »

Il s'agissait donc d'un dispositif d'accompagnement des transitions professionnelles et d'accompagnement des mutations économiques, pour l'accompagnement des travailleurs licenciés du fait des difficultés nées de l'ouverture à la concurrence internationale. À sa création, le FNE pouvait verser, soit des aides individuelles afin de faciliter la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs, soit des aides conventionnelles, attribuées dans le cadre de conventions entre l'État et les entreprises contraintes de licencier.

Les aides conventionnelles pouvaient être versées dans le cadre de trois conventions4(*) :

- une convention dite « de pré-retraite » dans les zones où des licenciements compromettent gravement la situation de l'emploi, afin d'accorder aux salariés âgés de plus de 60 ans une allocation leur permettant d'attendre 65 ans sans faire liquider leur retraite avec un abattement ;

- une convention d'allocation dégressive permettant de faciliter le changement d'emploi lorsqu'il comporte, comme c'est fréquemment le cas, des diminutions de rémunération ;

- enfin, et d'un particulier intérêt dans le cadre de ce contrôle, une convention de formation ou de réadaptation, permettant les entreprises de former leurs salariés en fonction des besoins de conversion interne ou des besoins d'entreprises voisines avec des besoins de main d'oeuvre qualifiée.

C'est en particulier ce dernier volet du FNE, dit « FNE-Formation », qui devait être appelé à progressivement évoluer, surtout à partir de 2020. Entre 1963 et 2020 toutefois, le volet « conventions de formation » du FNE reste assez marginal, ne formant que quelques centaines de bénéficiaires. Jusqu'en 2019, il reste peu mobilisé.

Évolution du nombre de conventions et de bénéficiaires
du « FNE-Formation » dans ses premières années de mise en oeuvre

 

Nombre de conventions

Nombre de bénéficiaires

1964

7

266

1965

14

322

1966

19

812

1er semestre 1967

38

532

Note : l'auteur relève que chaque section de formation ouverte par convention pouvait former entre 12 et 15 bénéficiaires. Une hypothèse médiane de 14 bénéficiaires par section a été retenue.

Source : commission des finances, d'après Claude Thomas, « Le Fonds national de l'emploi »

2. Après la crise financière de 2008, le FNE-Formation a été intégré dans la démarche d'appui aux mutations économiques (AME)

En 2008, le FNE-Formation trouve une base légale codifiée aux articles L. 5111-1 et R. 5111-1 du code du travail.

L'article L. 5111-1 reprend, dans son 1°, l'objectif énoncé à l'article premier de la loi du 18 décembre 1963, mais ces objectifs sont enrichis, notamment avec la mention de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L'article R. 5111-1 défini les procédés conventionnels fondant la mise en oeuvre du FNE-Formation.

Dispositions relatives au FNE-Formation dans le code du travail

Article L. 5111-1

Les aides à l'emploi ont pour objet :

1° De faciliter la continuité de l'activité des salariés face aux transformations consécutives aux mutations économiques et de favoriser, à cette fin, leur adaptation à de nouveaux emplois en cas de changements professionnels dus à l'évolution technique ou à la modification des conditions de la production ;

2° De favoriser la mise en place d'actions de prévention permettant de préparer l'adaptation professionnelle des salariés à l'évolution de l'emploi et des qualifications dans les entreprises et les branches professionnelles ;

3° De favoriser la qualification et l'insertion de demandeurs d'emploi ;

4° De contribuer à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Article R. 5111-1

Pour la mise en oeuvre de la politique de l'emploi définie à l'article L. 5111-1, le ministre chargé de l'emploi est habilité à conclure des conventions de coopération avec les organismes professionnels ou interprofessionnels, les organisations syndicales et avec des entreprises.

Source : Légifrance

Ces dispositions législatives et réglementaires se bornent à assigner au FNE-Formation des objectifs ainsi qu'une méthode. Les modalités de fonctionnement du dispositif peuvent ainsi être définie directement par le ministre du travail et par l'administration, par le biais d'instructions ministérielles, dans le respect du droit européen des aides d'État.

C'est donc dans la « littérature grise5(*) » de l'administration qu'il faut trouver les clés du fonctionnement du FNE-Formation, dans le « droit souple » encadré par le droit européen. Ce faible encadrement par le droit interne favorise l'adaptabilité du dispositif, qui peut être rapidement et aisément modifié dans son fonctionnement ou ses orientations par l'administration au gré de l'évolution du contexte économique.

Or à la sortie de la crise financière, le FNE-Formation a ainsi été intégré, par une circulaire de 20116(*), à une démarche unifiée d'appui aux mutations économiques. Son objectif était de financer des actions de formation visant à faciliter la continuité de l'activité des salariés face aux mutations économiques et technologiques, et de favoriser leur adaptation à de nouveaux emplois.

Le dispositif bénéficiait en priorité aux entreprises ou groupements d'employeurs de moins de 250 salariés et aux salariés fragilisés : salariés particulièrement exposés à la perte de leur emploi, de faible niveau de qualification ou placé en activité partielle. Le taux de cofinancement pouvait s'élever jusqu'à 80 % selon les entreprises, selon les formations et selon les salariés concernés. La partie restante était à la charge d'un financement privé. En contrepartie, l'entreprise devait s'engager à maintenir dans l'emploi les salariés formés pendant une durée au moins égale à la durée de la convention augmentée de six mois (à l'exception des salariés en reclassement externe).

Taux de cofinancement du FNE-Formation
entre avril 2011 et avril 2020

Formations spécifiques

Taille de l'entreprise

Petite entreprise

(< 50 salariés)

Moyenne entreprise

(50 à 250 salariés)

Grande entreprise
(> 250 salariés)

Taux de cofinancement de droit commun

45 %

35 %

25 %

Majoration (travailleurs défavorisés ou handicapés)

+ 10

+ 10

+ 10

Taux de cofinancement maximal

55 %

45 %

35 %

Formations générales

Taille de l'entreprise

Petite entreprise

(< 50 salariés)

Moyenne entreprise

(50 à 250 salariés)

Grande entreprise
(> 250 salariés)

Taux de cofinancement de droit commun

80 %

70 %

60 %

Majoration (travailleurs défavorisés ou handicapés)

Pas de majoration pour respecter le taux d'intensité d'aide maximum fixé à 80 %

+ 10

+ 10

Taux de cofinancement maximal

80 %

80 %

70 %

Note : Une formation spécifique se définit comme applicable au poste de travail actuel ; une formation générale comme une formation procurant des qualifications transférables.

Source : circulaire DGEFP n° 2011-12 du 1er avril 2011

Le FNE-Formation était piloté au niveau déconcentré par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) chargées de conclure des conventions avec une entreprise ou un opérateur de compétences (Opco). Les conventions pouvaient être conclues pour une durée allant jusqu'à 12 mois, voire 18 mois si les éléments contextuels et la situation de l'entreprise le justifiaient.

Ainsi en 2019, 88 conventions ont été conclues avec des entreprises, correspondant à la formation de plus de 7 500 salariés, pour un montant de 6,8 millions d'euros en autorisation d'engagements (AE) et 4,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP), dont les décaissements ont été répartis entre 2019 et 2022.

Avant avril 2020, le FNE-Formation demeurait donc un instrument relativement marginal.

Crédits ouverts en 2018 et 2019 au titre du FNE-Formation

(en millions d'euros)

Année d'ouverture

2018

2019

2020

2021

2022

Total AE ouverts

Total CP ouverts

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2018

4,5

2,7

 

0,6

 

0,2

 

0,1

 

 

4,5

3,6

2019

 

 

6,8

3,6

 

1,0

 

0,0

 

0,2

6,8

4,9

Note : vision « Chorus ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP


* 4 Claude Thomas, « Le Fonds national de l'emploi », Cahier du Cahtefp, n° 4, 2000.

* 5 G. Koubi (dir.), La littérature grise de l'administration, Berger-Levrault, coll. « Au fil du débat », 2015.

* 6 Circulaire DGEFP n° 2011-12 du 1er avril 2011 relative à la démarche d'appui aux mutations économiques.

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