N° 637

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mai 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1)
sur le
Fonds national de l'emploi - Formation (FNE-Formation),

Par M. Emmanuel CAPUS et Mme Ghislaine SENÉE,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

Le FNE-Formation est un dispositif ancien en faveur de la formation professionnelle des salariés. Créé en 1963, il était resté un dispositif marginal jusqu'à la crise sanitaire de 2020, à compter de laquelle il a permis le financement de plus de 1,5 million d'actions de formation. M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial, et Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale, des crédits de la mission « Travail et emploi », ont présenté à la commission des finances le 29 mai 2024 les conclusions de leur travail de contrôle sur ce dispositif aux « contours nébuleux »1(*).

I. LES MÉTAMORPHOSES DU FNE-FORMATION ENTRE 2020 ET 2023

A. À LA FAVEUR DES CRISES, L'ESSOR D'UN DISPOSITIF « AUX CONTOURS NÉBULEUX »

Le FNE-Formation est un instrument à la main du ministre chargé de l'emploi et de son administration, la délégation à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Avant 2020, le dispositif FNE-Formation constituait un instrument relativement marginal finançant des formations pour les entreprises en proie à des mutations économiques et technologiques. Sa dernière métamorphose a eu lieu à l'occasion de la crise sanitaire de 2020. D'abord utilisé pour préserver les compétences des salariés placés en activité partielle pendant les confinements, le FNE-Formation a continué d'être mobilisé pendant la crise, tout en étant progressivement réorienté, dans le cadre du plan de relance en 2021-2022 et du plan de réduction des tensions de recrutement en 2022.

Crédits ouverts et nombre d'actions de formation financées
au titre du FNE-Formation

(en nombre d'actions, et millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données fournies par la DGEFP

B. UN DISPOSITIF TRANSFIGURÉ EN QUELQUES ANNÉES

En avril 2020 le FNE-Formation connaît sa première évolution pour atténuer les effets de la crise économique. Il a ainsi été recentré sur les entreprises dont les salariés étaient en activité partielle indépendamment de leur taille, avant d'être élargi à celles dont les salariés étaient placés en activité partielle de longue durée. En 2021, le dispositif a été modifié pour être accessible également aux entreprises en difficulté dès le mois de janvier, puis par les entreprises en mutation ou en reprise d'activité.

En conséquence, le nombre d'actions de formation financées par le FNE-formation a connu une multiplication par 51,4 entre 2019 et 2020. Cette augmentation est liée à la très forte hausse des crédits dédiés au FNE Formation sur cette période, multipliés par 65 en trois ans, entre 2019 et 2022.

Initialement, la gestion du FNE-Formation était dévolue aux services déconcentrés de l'État, avant d'être progressivement déléguée, par un système de conventionnement permis depuis avril 2020 aux opérateurs de compétences (Opco). Ceux-ci sont des structures paritaires agréées par l'État pour soutenir les entreprises dans le domaine de la gestion des compétences et de la formation. À ce jour, les Opco, au nombre de 11, sont répartis par branche professionnelle.

Le FNE-Formation, en tant qu'aide d'État, est encadré par le régime général d'exemption par catégorie (RGEC) au niveau européen. Lors de la survenue de la crise sanitaire, la Commission européenne a autorisé la création d'un régime d'encadrement temporaire des aides européennes ; plus avantageux, permettant la prise en charge à 100 % des frais de formation. Depuis le 1er juillet 2022, le RGEC est à nouveau seul applicable, les taux de cofinancement maximaux étant désormais de 70 %, 60 % et 50 %, décroissants selon la taille de l'entreprise.

Ces taux s'appliquent à une assiette de coûts éligibles également déterminée dans les limites du RGEC, pouvant inclure les frais de personnel des formateurs, les coûts de fonctionnement des formateurs, les coûts des services de conseil et les coûts de personnel des participants.

C. DEPUIS 2023 : UNE MUE À ACHEVER

Au titre de l'année 2023, le dispositif a été réorienté vers le financement de formations visant à accompagner les entreprises face aux grandes « transitions » : la transition écologique, la transition alimentaire et agricole, la transition numérique, ainsi que les formations liées à l'organisation des grands événements sportifs internationaux. Cette réorientation inscrit le FNE-Formation dans une logique politique de croissance durable.

Répartition des actions de formation réalisées en 2023 par « transition »

Source : commission des finances du Sénat d'après la DGEFP

II. UNE GESTION ET UNE EFFICIENCE SATISFAISANTES, MAIS QUI PEUVENT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉES

A. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE SOUMISE AUX ALÉAS DE LA GESTION INTERMÉDIÉE DU DISPOSITIF

L'exécution du FNE-Formation présente d'importantes sous-consommations durant chaque exercice, en raison de l'intermédiation de sa gestion, déléguée aux Opco.

Évolution des crédits conventionnés, engagés et réalisés
au titre du FNE-Formation

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

En effet, les Opco ne perçoivent de l'État les crédits liés au FNE-Formation qu'à compter de la signature de la convention : ils bénéficient alors d'une avance de 50 %. Or les conventions avec l'État sont souvent signées tardivement, ce qui peut causer des ruptures de prise en charge et conduit à fragiliser les projets de formation des entreprises.

Par exemple, les conventions 2023 ont été signées en août, ce qui n'a pas permis aux salariés d'être formés en temps utile pour la Coupe du Monde de Rugby, qui débutait en septembre.

B. UNE ATTEINTE INÉGALE DES PUBLICS VISÉS

L'étude des publics bénéficiaires du FNE-Formation révèlent des inégalités d'accès au dispositif.

D'abord, la part des actions de formation financées au bénéfice d'entreprises de moins de 250 salariés a diminué entre 2020 et 2023, passant de 62,2 % à 57,5 %. En revanche, la proportion des actions financées au bénéfice d'entreprises de plus de 250 salariés a augmenté, de 37,8 % en 2020 à 42,6 % en 2023. De même, s'agissant des secteurs d'activité, si l'industrie est la première bénéficiaire du FNE-Formation, elle tend également à être plus touchée par la réduction des crédits alloués au dispositif.

S'agissant des salariés bénéficiaires, on constate une surreprésentation des catégories les plus qualifiées, au détriment des travailleurs les moins qualifiés : les « ingénieurs - cadres » représentent 36,3 % des bénéficiaires, alors que la proportion d'ouvriers non qualifiés est en baisse, de 11,1 % en 2021 à 4,1 % en 2023.

La part des femmes bénéficiant d'une formation financée par le FNE-Formation diminue elle aussi : elles représentaient 44 % des stagiaires en 2020 mais seulement 34,2 % en 2023. Enfin, la majorité des bénéficiaires a entre 25 et 49 ans (environ 70 %). On peut toutefois se féliciter qu'en cohérence avec les priorités définies depuis 2023, le taux de participants aux formations âgés de plus de 50 ans a augmenté, de 18 % à 24,8 % entre 2020 et 2023.

Les ouvriers non qualifiés représentent

Seul

Jusqu'à

 
 
 

des bénéficiaires

des formations bénéficient à des femmes

des bénéficiaires a plus de 50 ans

C. UN DISPOSITIF DONT LES MÉTAMORPHOSES ONT ACCRU L'EFFICIENCE

L'efficience du FNE-Formation n'était pas avérée, il y a encore quelques années. Ainsi, la Cour des comptes relevait, dans un rapport publié en 2023, la « portée limitée du FNE-Formation » durant la crise sanitaire, et notait que les incitations à la formation étaient « plus opportunistes que susceptibles de conjurer les effets de la crise ».

Il convient de nuancer cette affirmation, compte tenu de la difficulté de démontrer qu'un tel effet d'aubaine a bien été suscité, au travers par exemple d'un désengagement des entreprises. Alors que le suivi du FNE-Formation dans les documents budgétaires apparaît très élémentaire, une analyse du « coût unitaire » du FNE-Formation, c'est-à-dire du coût par action de formation financée, suggère une efficience croissante du dispositif.

Évolution du nombre d'actions de formations (gauche) et du nombre d'heures
de formation (droite), ainsi que de leurs coûts unitaires

(en unités et en euros par unité)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Si les dépenses de FNE-Formation par action de formation connaissent une progression entre 2020 et les années 2021-2022, principalement imputable à l'allongement des formations ; le coût d'une heure de formation est quant à lui à la baisse, passant de 37 euros l'heure en 2020 à 25,5 euros en 2023. Le FNE-Formation apparaît plus efficient que d'autres dispositifs comparables : le coût unitaire du Compte personnel de formation (CPF) lui est une fois et demi supérieur ; quant à celui du dispositif Transitions collectives, dit « Transco », il représente au moins 32 fois celui du FNE-Formation.

Coût par action - FNE

Coût par action - CPF

Coût par action - « Transco »

 
 
 

III. LE RETOUR BRUTAL DE LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE NE DOIT PAS EMPÊCHER LE FNE-FORMATION D'ACHEVER SA MUE

À la suite du décret du 21 février 2024, qui a annulé 1,1 milliard d'euros sur la mission « Travail et emploi », la DGEFP a indiqué que les crédits qui serait alloués aux différents Opco au titre du FNE-Formation s'établiraient à 96 millions d'euros en AE, soit une diminution de 63 % par rapport aux montants conventionnés en 2023.

Impact du décret du 21 février 2024 sur le niveau des crédits alloués
au FNE-Formation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Les rapporteurs spéciaux prennent acte de cette importante diminution de l'enveloppe dédiée au FNE-Formation mais relèvent qu'elle aura pour conséquence le retour brutal d'une forte contrainte budgétaire pour les Opco et pour les entreprises qui souhaitent porter un projet de formation. Les rapporteurs spéciaux s'étonnent d'ailleurs que cette baisse concerne un dispositif relativement efficient et unique dans le soutien qu'il apporte aux entreprises employant entre 50 et 250 salariés.

A. STABILISER LE FINANCEMENT ET LE FONCTIONNEMENT DU FNE-FORMATION

Pour les rapporteurs spéciaux, il convient d'abord de stabiliser le financement et le fonctionnement du FNE-Formation afin de limiter les effets de « stop and go » unanimement considérés comme préjudiciables au déploiement du dispositif. Ils proposent, au vu des économies déjà réalisées en 2024, a minima de maintenir les crédits dédiés au FNE-Formation à leur niveau résultant de la reprogrammation consécutive à la prise du décret du 21 février 2024, et considèrent que le FNE-Formation ne constitue pas un gisement d'économies pour l'avenir.

Les rapporteurs spéciaux proposent également qu'il soit procédé à une budgétisation au moins biannuelle du FNE-Formation et à un conventionnement d'égale durée avec les Opco, pour améliorer la visibilité sur les montants et les orientations du dispositif.

B. VARIER LES SOURCES DE (CO-)FINANCEMENT

Les rapporteurs spéciaux recommandent, à ce titre, de mobiliser davantage, pour les branches qui le peuvent, les fonds conventionnels en complément des crédits du FNE-Formation. En effet, si le FNE-Formation ne peut être complété par d'autres financements publics, il existe des possibilités de cofinancement sur fonds privés, via les contributions conventionnelles, décidées par les branches professionnelles. Les rapporteurs spéciaux, conscients qu'un tel effort serait fraîchement accueilli dans certaines branches, invitent néanmoins les branches qui le peuvent à mobiliser davantage ces financements.

Les rapporteurs spéciaux recommandent également d'orienter les entreprises de moins de 50 salariés en priorité vers des sources de financement alternatives qui leur sont spécifiquement dédiées, comme le plan de développement des compétences.

C. CIBLER LES PUBLICS ET LES FORMATIONS PRIORITAIRES

Enfin, les rapporteurs spéciaux proposent de procéder à un ciblage précis des fonds engagés au titre du FNE-Formation en faveur des actions de formation qui répondent le mieux à ses objectifs.

Une réponse envisagée, et parfois déjà pratiquée par les Opco pour faire face à la baisse des crédits, consiste à réduire l'assiette des coûts éligibles à la prise en charge par le FNE-Formation afin de financer en priorité les coûts directement liés à la formation (à l'exclusion des coûts annexes) ou de mettre en place des mécanismes de plafonnement des niveaux de prise en charge.

Enfin, les Opco disposent de la faculté de moduler les taux de prise en charge des formations en fonction des priorités identifiées. Ainsi, l'Opco du secteur agricole, OCAPIAT, a indiqué avoir introduit une modulation de l'ordre de 5 % à 10 % du taux de cofinancement public selon que les formations sont - ou non - destinées à des publics séniors. Une telle modulation du taux de prise en charge permet à la fois de s'adapter à la raréfaction des financements publics et de piloter le dispositif dans un sens plus favorable à l'atteinte de ses objectifs.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : Stabiliser le financement et le fonctionnement du FNE-Formation pour limiter les effets de « stop and go » (délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle - DGEFP ; direction du budget - DB) :

A minima maintenir les crédits dédiés au FNE-Formation à leur niveau actualisé pour 2024 ;

- Procéder à une budgétisation au moins biannuelle du FNE-Formation et à un conventionnement d'égale durée avec les opérateurs de compétences (Opco), pour améliorer la visibilité sur les montants et les orientations du dispositif ;

- Mettre les crédits conventionnés à disposition des Opco dès le début de l'exercice en cours, afin d'éviter les retards et les ruptures de mise en oeuvre ;

- À moyen terme, ne plus modifier le fonctionnement du FNE-Formation qu'à la marge.

Recommandation n° 2 : Mobiliser, lorsque cela est possible, des financements alternatifs ou complémentaires au FNE-Formation (Opérateurs de compétences - Opco ; branches professionnelles) :

- Recourir davantage aux fonds conventionnels, afin de compléter les financements du FNE-Formation ;

- Orienter les entreprises de moins de 50 salariés pour recourir en priorité à des financements alternatifs, comme le plan de développement des compétences.

Recommandation n° 3 : Cibler les prises en charge au titre du FNE-Formation vers les formations, les coûts et les publics prioritaires (Conseils d'administration des Opco) :

- Cibler les formations les plus stratégiques au sein des transitions jugées prioritaires par chaque Opco ;

- Réduire l'assiette des coûts éligibles à la prise en charge par le FNE-Formation et plafonner les niveaux de prise en charge ;

- Moduler les taux de prise en charge des formations en fonction des priorités identifiées, dans une double perspective d'économies et de ciblage des crédits.

AVANT-PROPOS

Rien ne reste tel quel, et renouvelant tout,
La nature toujours fait d'une forme une autre.
Rien ne meurt, croyez-moi, mais tout dans l'univers
Varie, change d'aspect. Ce qu'on appelle naître,
C'est commencer d'être autre qu'on fut, et mourir. (...)
Rien ne garde longtemps, m'est avis, même forme.2(*)

Mesdames, Messieurs,

Le FNE-Formation n'a pas toujours eu la forme que nous lui connaissons aujourd'hui. Créé en 1963, il constituait encore en 2019 un dispositif peu utilisé et marginal, comme figé à l'état larvaire, avant que sa très forte mobilisation pendant la crise sanitaire ne lui donne une physionomie nouvelle.

Entre 2020 et 2022, le FNE-Formation s'est vu transfiguré par sa mobilisation dans le cadre de l'activité partielle d'abord, puis du plan de relance et enfin du plan de réduction des tensions de recrutement. Plusieurs fois métamorphosé, véritablement méconnaissable, le FNE-Formation a bien mérité l'épithète homérique que Le Monde devait lui donner en janvier 2022 : un dispositif « aux contours nébuleux ». La première partie du présent rapport relate ces diverses métamorphoses, jusqu'à sa réorientation vers les « transitions » en 2023, qui constitue l'arrivée à maturité du dispositif.

Suspecté de susciter des effets d'aubaine auprès des entreprises bénéficiaires, le FNE-Formation a été critiqué par la Cour des comptes dès 2021. Le présent rapport visait donc initialement à juger de l'exécution et de l'efficience budgétaires de ce dispositif. La majorité de la seconde partie est consacrée à ces questions.

Sitôt nos travaux débutés, cependant, l'annulation d'un montant de 1,1 milliard d'euros sur la mission « Travail et emploi » appelait de nouvelles interrogations : dans quelle mesure le FNE-Formation serait-il concerné ? Avec quels effets ? Pourra-t-il achever sa mue sans disparaître ? Tel est l'objet de la conclusion du présent rapport, en espérant que quelques-unes des recommandations permettront d'éviter que le FNE-Formation, au terme de ses métamorphoses, ne connaisse le sort réservé par Ovide à Daphné, ou - pire - à Actéon.

PREMIÈRE PARTIE
LES MÉTAMORPHOSES DU FNE-FORMATION

I. À LA FAVEUR DES CRISES, L'ESSOR D'UN DISPOSITIF « AUX CONTOURS NÉBULEUX »

En janvier 2022, dans le cadre d'une série d'enquêtes consacrée aux politiques de l'emploi, le journal Le Monde publiait un article intitulé : « Le FNE-Formation, une aide aux contours nébuleux pour les entreprises fragiles »3(*).

Il est vrai que peu d'informations sont aisément accessibles au sujet du FNE-Formation. Il s'agit d'un dispositif aux racines anciennes : créé en 1963, le Fonds national pour l'emploi (FNE) visait à accompagner des entreprises et leurs salariés face aux restructurations qu'impliquait l'ouverture à la concurrence européenne et internationale. Au fil des décennies, il a notamment permis le financement d'actions de formation visant à accompagner les salariés licenciés dans leurs reconversions professionnelles.

Encadré souplement par la loi, le FNE-Formation est un instrument à la main du ministre chargé de l'emploi et de son administration, la délégation à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), qui a changé souvent de nom et d'objectif au gré des stratégies ministérielles et de la conjoncture économique.

Sa dernière métamorphose eut lieu à l'occasion de la crise sanitaire de 2020. C'est au FNE-Formation que le Gouvernement a eu recours pour préserver les compétences des salariés placés en activité partielle pendant les confinements, et pour adapter leurs compétences aux nouvelles conditions de (télé-)travail, imposées par la distance. Puis, le FNE-Formation a continué d'être mobilisé, tout en étant progressivement réorienté, dans le cadre du plan de relance en 2021-2022 et du plan de réduction des tensions de recrutement en 2022.

Du fait de ces fortes mobilisations, le FNE-Formation a connu un essor qu'il n'est pas usurpé de qualifier de fulgurant.

Une progression très importante du nombre d'actions financées par le FNE-Formation est en effet constatée entre 2020 et 2022 : 385 803 actions de formation ont été financées en 2020, 420 283 actions en 2021 et 488 155 actions en 2022. Il s'agit d'une multiplication par 51,4 entre 2019 et 2020, et d'une multiplication par 65 en trois ans, entre 2019 et 2022.

Évolution comparée des crédits ouverts et du nombre d'actions de formation financées au titre du FNE-Formation entre 2018 et 2024

(en nombre d'actions et en millions d'euros)

Note : Les données pour 2024 sont prévisionnelles.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Cette augmentation est aussi permise par la très forte hausse des crédits dédiés au FNE-Formation sur cette période, et au cumul des crédits issus à la fois du plan de relance et du plan de réduction des tensions de recrutement en 2021 et 2022. Ces crédits évoluent dans des proportions similaires au nombre d'actions qu'ils permettent de couvrir : les crédits de paiement au titre du FNE-Formation ont été multipliés par 53,1 entre 2019 et 2020 et par 106,9 en deux ans, entre 2019 et 2021.

Action, parcours : quelles distinctions ?

Juridiquement, le parcours de formation correspond à la définition de l'action de formation. Ainsi, l'article L. 6313-2 du code du travail dans sa rédaction en vigueur dispose que « L'action de formation mentionnée au 1° de l'article L. 6313-1 se définit comme un parcours pédagogique permettant d'atteindre un objectif professionnel. » Toutefois, dans la pratique administrative, les deux notions sont distinctes.

L'action est la maille la plus fine permettant la quantification du recours au FNE-Formation. Un parcours peut correspondre à une ou plusieurs actions de formation pour un même stagiaire. Les données relatives aux actions sont disponibles sur l'ensemble des exercices depuis 2020, mais s'agissant des parcours, les données ne sont disponibles qu'à partir de 2021.

Selon la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), les actions de formation doivent être « organisées sous la forme d'un parcours » comprenant, outre les séquences de sensibilisation à la thématique et de formation, un positionnement pédagogique précis, une évaluation et un accompagnement du salarié qui suit la formation. Ce parcours doit permettre d'adapter le contenu et les modalités de déroulement de la formation à la situation du salarié.

Source : réponse de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs spéciaux

De la même manière, le volume d'actions baisse en 2023 pour s'établir à 26 276, du fait de la réduction de l'enveloppe allouée et d'un nouveau ciblage. Toutefois, les chiffres pour 2023 ne sont pas tout à fait définitifs, des engagements ayant continué à être possible jusqu'à fin mars 2024.

II. LE FNE-FORMATION : UN DISPOSITIF TRANSFIGURÉ EN QUELQUES ANNÉES

A. LE FNE-FORMATION À L'ÉTAT LARVAIRE : UN DISPOSITIF RELATIVEMENT MARGINAL AVANT 2020

1. À l'origine, le FNE ne finançait pas nécessairement des formations

Créé par la loi du 18 décembre 1963, le Fonds national de l'emploi (FNE) visait à l'origine à « faciliter aux travailleurs salariés la continuité de leur activité à travers les transformations qu'implique le développement économique et favoriser, à cette fin, en cas de changements professionnels dus à l'évolution technique ou à la modification des conditions de la production, l'adaptation de ces travailleurs à des emplois nouveaux salariés de l'industrie ou du commerce. »

Il s'agissait donc d'un dispositif d'accompagnement des transitions professionnelles et d'accompagnement des mutations économiques, pour l'accompagnement des travailleurs licenciés du fait des difficultés nées de l'ouverture à la concurrence internationale. À sa création, le FNE pouvait verser, soit des aides individuelles afin de faciliter la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs, soit des aides conventionnelles, attribuées dans le cadre de conventions entre l'État et les entreprises contraintes de licencier.

Les aides conventionnelles pouvaient être versées dans le cadre de trois conventions4(*) :

- une convention dite « de pré-retraite » dans les zones où des licenciements compromettent gravement la situation de l'emploi, afin d'accorder aux salariés âgés de plus de 60 ans une allocation leur permettant d'attendre 65 ans sans faire liquider leur retraite avec un abattement ;

- une convention d'allocation dégressive permettant de faciliter le changement d'emploi lorsqu'il comporte, comme c'est fréquemment le cas, des diminutions de rémunération ;

- enfin, et d'un particulier intérêt dans le cadre de ce contrôle, une convention de formation ou de réadaptation, permettant les entreprises de former leurs salariés en fonction des besoins de conversion interne ou des besoins d'entreprises voisines avec des besoins de main d'oeuvre qualifiée.

C'est en particulier ce dernier volet du FNE, dit « FNE-Formation », qui devait être appelé à progressivement évoluer, surtout à partir de 2020. Entre 1963 et 2020 toutefois, le volet « conventions de formation » du FNE reste assez marginal, ne formant que quelques centaines de bénéficiaires. Jusqu'en 2019, il reste peu mobilisé.

Évolution du nombre de conventions et de bénéficiaires
du « FNE-Formation » dans ses premières années de mise en oeuvre

 

Nombre de conventions

Nombre de bénéficiaires

1964

7

266

1965

14

322

1966

19

812

1er semestre 1967

38

532

Note : l'auteur relève que chaque section de formation ouverte par convention pouvait former entre 12 et 15 bénéficiaires. Une hypothèse médiane de 14 bénéficiaires par section a été retenue.

Source : commission des finances, d'après Claude Thomas, « Le Fonds national de l'emploi »

2. Après la crise financière de 2008, le FNE-Formation a été intégré dans la démarche d'appui aux mutations économiques (AME)

En 2008, le FNE-Formation trouve une base légale codifiée aux articles L. 5111-1 et R. 5111-1 du code du travail.

L'article L. 5111-1 reprend, dans son 1°, l'objectif énoncé à l'article premier de la loi du 18 décembre 1963, mais ces objectifs sont enrichis, notamment avec la mention de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L'article R. 5111-1 défini les procédés conventionnels fondant la mise en oeuvre du FNE-Formation.

Dispositions relatives au FNE-Formation dans le code du travail

Article L. 5111-1

Les aides à l'emploi ont pour objet :

1° De faciliter la continuité de l'activité des salariés face aux transformations consécutives aux mutations économiques et de favoriser, à cette fin, leur adaptation à de nouveaux emplois en cas de changements professionnels dus à l'évolution technique ou à la modification des conditions de la production ;

2° De favoriser la mise en place d'actions de prévention permettant de préparer l'adaptation professionnelle des salariés à l'évolution de l'emploi et des qualifications dans les entreprises et les branches professionnelles ;

3° De favoriser la qualification et l'insertion de demandeurs d'emploi ;

4° De contribuer à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Article R. 5111-1

Pour la mise en oeuvre de la politique de l'emploi définie à l'article L. 5111-1, le ministre chargé de l'emploi est habilité à conclure des conventions de coopération avec les organismes professionnels ou interprofessionnels, les organisations syndicales et avec des entreprises.

Source : Légifrance

Ces dispositions législatives et réglementaires se bornent à assigner au FNE-Formation des objectifs ainsi qu'une méthode. Les modalités de fonctionnement du dispositif peuvent ainsi être définie directement par le ministre du travail et par l'administration, par le biais d'instructions ministérielles, dans le respect du droit européen des aides d'État.

C'est donc dans la « littérature grise5(*) » de l'administration qu'il faut trouver les clés du fonctionnement du FNE-Formation, dans le « droit souple » encadré par le droit européen. Ce faible encadrement par le droit interne favorise l'adaptabilité du dispositif, qui peut être rapidement et aisément modifié dans son fonctionnement ou ses orientations par l'administration au gré de l'évolution du contexte économique.

Or à la sortie de la crise financière, le FNE-Formation a ainsi été intégré, par une circulaire de 20116(*), à une démarche unifiée d'appui aux mutations économiques. Son objectif était de financer des actions de formation visant à faciliter la continuité de l'activité des salariés face aux mutations économiques et technologiques, et de favoriser leur adaptation à de nouveaux emplois.

Le dispositif bénéficiait en priorité aux entreprises ou groupements d'employeurs de moins de 250 salariés et aux salariés fragilisés : salariés particulièrement exposés à la perte de leur emploi, de faible niveau de qualification ou placé en activité partielle. Le taux de cofinancement pouvait s'élever jusqu'à 80 % selon les entreprises, selon les formations et selon les salariés concernés. La partie restante était à la charge d'un financement privé. En contrepartie, l'entreprise devait s'engager à maintenir dans l'emploi les salariés formés pendant une durée au moins égale à la durée de la convention augmentée de six mois (à l'exception des salariés en reclassement externe).

Taux de cofinancement du FNE-Formation
entre avril 2011 et avril 2020

Formations spécifiques

Taille de l'entreprise

Petite entreprise

(< 50 salariés)

Moyenne entreprise

(50 à 250 salariés)

Grande entreprise
(> 250 salariés)

Taux de cofinancement de droit commun

45 %

35 %

25 %

Majoration (travailleurs défavorisés ou handicapés)

+ 10

+ 10

+ 10

Taux de cofinancement maximal

55 %

45 %

35 %

Formations générales

Taille de l'entreprise

Petite entreprise

(< 50 salariés)

Moyenne entreprise

(50 à 250 salariés)

Grande entreprise
(> 250 salariés)

Taux de cofinancement de droit commun

80 %

70 %

60 %

Majoration (travailleurs défavorisés ou handicapés)

Pas de majoration pour respecter le taux d'intensité d'aide maximum fixé à 80 %

+ 10

+ 10

Taux de cofinancement maximal

80 %

80 %

70 %

Note : Une formation spécifique se définit comme applicable au poste de travail actuel ; une formation générale comme une formation procurant des qualifications transférables.

Source : circulaire DGEFP n° 2011-12 du 1er avril 2011

Le FNE-Formation était piloté au niveau déconcentré par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) chargées de conclure des conventions avec une entreprise ou un opérateur de compétences (Opco). Les conventions pouvaient être conclues pour une durée allant jusqu'à 12 mois, voire 18 mois si les éléments contextuels et la situation de l'entreprise le justifiaient.

Ainsi en 2019, 88 conventions ont été conclues avec des entreprises, correspondant à la formation de plus de 7 500 salariés, pour un montant de 6,8 millions d'euros en autorisation d'engagements (AE) et 4,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP), dont les décaissements ont été répartis entre 2019 et 2022.

Avant avril 2020, le FNE-Formation demeurait donc un instrument relativement marginal.

Crédits ouverts en 2018 et 2019 au titre du FNE-Formation

(en millions d'euros)

Année d'ouverture

2018

2019

2020

2021

2022

Total AE ouverts

Total CP ouverts

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2018

4,5

2,7

 

0,6

 

0,2

 

0,1

 

 

4,5

3,6

2019

 

 

6,8

3,6

 

1,0

 

0,0

 

0,2

6,8

4,9

Note : vision « Chorus ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

B. LE FNE-FORMATION DANS SA CHRYSALIDE : DE MULTIPLES MUES AU GRÉ DES CRISES

1. Une mobilisation au rythme de la crise sanitaire, puis des plans de relance et de réduction des tensions de recrutement

Lors de la survenue de la crise du Covid-19, le Gouvernement a instauré, dès le mois de mars 2020 et alors que sévissait le « Grand confinement »7(*), des mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises et aux salariés en matière de formation.

Il s'agissait de préserver et de développer les compétences des salariés pendant leurs périodes d'inactivité consécutives à leur placement en activité partielle du fait du confinement. À ce titre, le FNE-Formation a été non seulement mobilisé pour lutter contre les effets économiques de la crise sanitaire, mais également renforcé et élargi. En effet, la souplesse juridique de ce dispositif a permis de le transformer et de l'adapter dans des délais relativement courts afin de viser des secteurs et des objectifs spécifiques temporairement pendant la succession des crises sanitaire et économique.

Une instruction datée du 9 avril 20208(*), relative au renforcement du FNE-Formation durant la crise du Covid-19, a ainsi profondément transformé le dispositif. Mobilisé par convention entre l'État et les opérateurs de compétences (Opco) à destination des seules entreprises dont les salariés étaient placés en activité partielle, il a pu concerner toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, et tous leurs salariés placés en activité partielle. À la fin de l'année 2020, le périmètre des entreprises éligibles a été élargi afin d'inclure les entreprises dont les salariés étaient placés en activité partielle de longue durée (APLD)9(*).

En 2021, le dispositif a été modifié et les conditions d'éligibilité de nouveau élargies pour préparer la sortie de crise. Le FNE-Formation a ainsi pu être mobilisé par des entreprises en difficulté dès le mois de janvier10(*), puis par les entreprises en mutation ou en reprise d'activité à compter du mois de septembre11(*).

À partir de 2021, les instructions ministérielles précisent que l'ensemble des salariés d'une entreprise éligible, y compris ceux qui ne sont pas placés en activité partielle, peuvent voir leurs parcours de formation financés par le FNE-Formation. La même année, l'accès aux parcours de formation a été assoupli, le dispositif a financé des parcours de formation plus structurés et plus longs.

En 2022, le dispositif poursuivant globalement sa mise en oeuvre comme l'année précédente, les conditions d'éligibilité et les paramètres du FNE-Formation n'ont pas évolué par rapport à 202112(*).

Évolution du nombre d'actions de formation, réparties par catégorie
de motif de recours au FNE-Formation entre 2020 et 2023

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

L'élargissement progressif des entreprises éligibles a accompagné une progressive réorientation du dispositif vers un soutien moins corrélé au placement en activité partielle et davantage calibré pour satisfaire les objectifs des plans de relance français et européen, puis du plan de réduction des tensions de recrutements.

Ainsi, la notion d'entreprise en difficulté renvoie à la définition du licenciement pour motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail. Une entreprise dont les indicateurs économiques sont en baisse, ou qui fait face à des mutations technologiques ou à une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité peut ainsi être considérée comme en difficulté - les entreprises qui cessent leur activité étant évidemment exclues du bénéficie du FNE-Formation. Une telle définition répond aux objectifs poursuivis par le plan de relance, qui était de préserver l'emploi et stimuler l'économie française en sortie de crise.

De même, la notion d'« entreprise en mutation » correspond aux sociétés qui font face à des mutations économiques ou technologiques importantes (transition écologique, énergétique, numérique) nécessitant de revoir leur organisation et de les accompagner par des formations adaptées. Les « entreprises en reprise d'activité » correspondent aux sociétés qui ont connu une baisse de leur activité à l'occasion de la crise sanitaire et qui connaissent une reprise nécessitant un soutien par des actions de formation adaptées à leurs besoins.

L'éligibilité de ces entreprises répondait non seulement à la nécessité d'accompagner la reprise économique en sortie de crise - incarnée par la notion de reprise d'activité, mais aussi à la volonté du Gouvernement de transformer progressivement le FNE-Formation en outil à la disposition des entreprises pour se préparer, durant les périodes de stabilité économique, aux mutations à venir de leur environnement technologique ou concurrentiel.

Les crédits ouverts au titre du FNE-Formation entre 2020 et 2021 témoignent de cette mobilisation.

Sur ces deux années, le tableau ci-dessous permet de constater, outre des crédits de paiement correspondant à des restes à payer prévisionnels au titre des exercices 2018-2019, le véritable « saut » quantitatif des crédits inscrits au titre du FNE-Formation à partir de 2020 dans le cadre de l'activité partielle durant la crise sanitaire, puis en 2021 et 2022.

En 2021, outre les 442,6 millions d'euros en AE et 201,1 millions d'euros en CP ouvert initialement au titre du plan de relance, la mise en oeuvre du plan de réduction des tensions de recrutement, en fin d'année, a conduit à l'ouverture d'une seconde enveloppe de 420,1 millions d'euros en AE et de 202,7 millions d'euros en CP, dont l'exécution devait s'étaler sur la fin de l'exercice 2021 et sur l'exercice suivant.

Crédits ouverts entre 2020 et 2022 au titre du FNE-Formation

(en millions d'euros)

Année d'ouverture

2020

2021

2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2018

 

0,2

 

0,1

 

 

2019

 

1,0

 

0,0

 

0,2

2020

335,8

221,9

 

45,1

 

2,6

2021

 

 

442,6

201,1

 

153,0

2022

 

 

420,1

202,7

150,0

177,3

Total

335,8

223,1

862,7

448,9

150,0

333,0

Note : vision « Chorus ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

2. Un fonctionnement transformé par les profondes mutations du dispositif
a) L'évolution du cadre européen a permis d'adapter l'intensité de prise en charge au titre du FNE-Formation

Le FNE-Formation est soumis au droit commun des aides d'État selon les termes de l'article 31 du régime cadre exempté de notification (RGEC)13(*). Les financements publics des actions de formation au titre du FNE-Formation bénéficient ainsi de ce cadre dérogatoire depuis son entrée en vigueur.

Toutefois lors de la survenue de la crise sanitaire, l'Union européenne a décidé d'assouplir et d'étendre ces règles dérogatoires afin que les États puissent soutenir leur économie plus fortement en créant un régime d'encadrement temporaire des aides européennes édicté par la Commission le 9 décembre 202014(*). Ce « régime temporaire » était dans la plupart des cas sensiblement plus avantageux, puisqu'il permettait la prise en charge par le FNE-Formation de jusqu'à 100 % des frais exposés.

Depuis le 1er juillet 2021, les entreprises éligibles ont pu choisir le régime juridique le plus avantageux. Ainsi, elles avaient la possibilité d'opter soit pour le régime de l'encadrement temporaire des mesures d'aides d'État mis en place dans le cadre de la crise, soit pour le régime général d'exemption par catégorie s'il était plus favorable. Les taux et les modalités de prise en charge des différents régimes étaient les suivants :

Taux de cofinancement prévus par l'encadrement temporaire des aides d'État

Taille de l'entreprise

Activité partielle (AP)

Activité partielle de longue durée (APLD)

Entreprise en difficulté (ED)

Entreprise en mutation, en transition ou en reprise d'activité (MUT-REP)

< 300 salariés

100 %

100 %

100 %

100 %

De 300 à 1 000 salariés

70 %

80 %

70 %

70 %

> 1 000 salariés

70 %

80 %

40 %

40 %

Source : instructions DGEFP

Depuis le 1er juillet 2022, le taux de cofinancement est désormais fixé uniquement en application des dispositions du RGEC. Ainsi, les taux d'intensité sont abaissés à 70 %, 60 % et 50 %, décroissants avec la taille de l'entreprise, de sorte que la prise en charge des frais à 100 % n'est plus autorisée.

Le taux de prise en charge n'est toutefois pas le seul levier de financement dont disposent les Opco. Ceux-ci peuvent également déterminer, dans les limites fixées par le droit européen, l'assiette des coûts éligibles à la prise en charge (par exemple les frais de personnel des formateurs, leurs coûts de fonctionnement, les coûts des services de conseil liés à la formation, certains coûts indirects, etc.) Enfin, les Opco peuvent mobiliser des financements privés, issues de contributions volontaires ou conventionnelles des entreprises, pour compléter le financement issu du FNE-Formation ; mais tout cofinancement sur fonds publics est exclu.

b) Une gestion « reconcentrée » du FNE-Formation, déléguée aux opérateurs de compétence (Opco)

Avant le mois d'avril 2020, la gestion du FNE-Formation relevait des directions régionales de l'économie, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi (Direccte), qui établissaient des conventions avec des entreprises ou des opérateurs de compétence (Opco). Ainsi, il s'agissait d'un dispositif géré par l'État, mais selon des modalités déconcentrées.

En avril 2020 toutefois, afin de tenir compte de la surcharge de travail pour les services déconcentrés de l'État induite par l'instruction d'un volume massif de demandes d'activité partielle, le choix a été fait de laisser la possibilité aux Direccte de déléguer la gestion du FNE-Formation aux Opco, par un système de conventionnement.

Issus de la fusion des anciens organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), prévue dans la loi « Avenir professionnel » de 201815(*), les Opco sont des structures agréées par l'État pour soutenir les entreprises dans le domaine de la gestion des compétences et de la formation. Ils sont administrés par un conseil d'administration paritaire réunissant des représentants d'organisations d'employeurs et d'organisations syndicales et concentrent 329 branches professionnelles réparties entre onze Opco.

Les opérateurs de compétence (Opco)

Les 20 organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), qui étaient chargés de financer les différents dispositifs de formation professionnelle des salariés pour le compte de leurs branches professionnelles adhérentes, ont été transformés en 2019 en 11 opérateurs de compétences (Opco). Ils se sont vus retirer la mission de financer le compte personnel de formation - transférée à la Caisse des dépôts et consignations - et la mission de recouvrer la contribution unique au financement de la formation professionnelle et de l'alternance (Cufpa) - transférée aux Urssaf et à la Mutualité sociale agricole. En parallèle, ils sont désormais compétents pour assurer le financement à titre principal des centres de formation des apprentis. Les 11 Opco sont :

Afdas pour le secteur de la culture, les industries créatives, les médias, les télécommunications, le sport et les loisirs, auquel 23 branches et 68 466 entreprises ont adhéré, couvrant 584 302 salariés ;

Akto pour les entreprises à forte intensité de main d'oeuvre, auquel 27 branches et 180 922 entreprises ont adhéré, couvrant 8 302 201 salariés ;

Atlas pour les services financiers et de conseil, auquel 15 branches et 116 767 entreprises ont adhéré, couvrant 1 788 802 salariés ;

Constructys pour le secteur du bâtiment et de la construction, auquel 9 branches et 213 017 entreprises ont adhéré, couvrant 1 509 970 salariés ;

Opcommerce pour le secteur du commerce, auquel 20 branches et 97 847 entreprises ont adhéré, couvrant 1 452 454 salariés ;

Ocapiat pour le secteur agricole, l'industrie agroalimentaire et la pêche, auquel 50 branches et 185 341 entreprises ont adhéré, couvrant 1 284 230 salariés ;

Opco 2i pour le secteur interindustriel, auquel 32 branches et 63 528 entreprises ont adhéré, couvrant 2 849 790 salariés ;

Opco EP pour les entreprises de proximité, auquel 54 branches et 283 866 entreprises ont adhéré, couvrant 3 034 734 salariés ;

Opco Mobilités pour le secteur des transports, de l'automobile et de la logistique, auquel 21 branches et 83 278 entreprises ont adhéré, couvrant 1 402 718 salariés ;

Opco Santé pour le secteur privé de la santé, auquel 8 branches et 10 936 entreprises ont adhéré, couvrant 973 544 salariés ;

Uniformation pour le secteur de la cohésion sociale, auquel 20 branches et 31 961 entreprises ont adhéré, couvrant 1 165 218 salariés.

Source : DGEFP

En raison de la surcharge de travail liée à l'activité partielle au moment de la crise sanitaire, l'ensemble des Direccte a progressivement délégué la gestion du FNE-Formation aux Opco.

Cette délégation s'est révélée efficace du point de vue de la diminution du volume de travail des services déconcentrés de l'État, malgré un coût administratif important requis pour nouer une convention entre chaque région et chaque OPCO, soit 187 conventions régionales. Par ailleurs, un nombre considérable d'avenants ont été adoptés au rythme de l'évolution épidémique. Au vu de la lourdeur administrative pour l'établissement de chaque convention, depuis 2021 les conventions sont établies au niveau national.

Désormais, l'administration du FNE-Formation repose sur l'établissement de 11 conventions nationales entre l'État et chaque Opco. Outre la simplification administrative induite, la gestion au niveau national du FNE-Formation a rendu plus aisé le pilotage du dispositif, facilitant l'homogénéisation des pratiques.

Ainsi, l'État et les Opco ont signé au début de l'année 2021 une première convention-cadre, sur le fondement de laquelle une convention financière met en oeuvre la convention-cadre. Au rythme des nouveaux engagements et des réorientations du dispositif décidées dans les instructions ministérielles successives, ces deux conventions ont fait l'objet d'avenants. Ainsi, chaque convention-signée entre l'État et un Opco a fait l'objet de deux avenants, de même que chaque convention financière.

Les Opco sont ainsi chargés de l'instruction et de la validation des demandes de prise en charge des actions de formation au titre du FNE-Formation, dans les conditions prévues par les instructions successives. À ce titre, les conseils d'administration paritaires des Opco peuvent décider de toute mesure visant à optimiser la gestion des ressources qui leur sont confiées, y compris en précisant les priorités d'accès au FNE-Formation et les conditions de prise en charge des actions de formation - dans les limites fixées par la réglementation européenne (cf. supra).

C. LE FNE-FORMATION DEPUIS 2023 : UN DISPOSITIF MÛR DONT LA MUE DOIT ÊTRE ACHEVÉE

1. Financer les formations dans les transitions : un objectif nouveau dans la forme, mais dont l'idée était déjà en gésine

Au titre de l'année 2023 et au regard du contexte économique plus favorable, l'instruction FNE-Formation du 21 avril 202316(*) a réorienté le dispositif vers le financement de formations visant à accompagner les entreprises face aux grandes « transitions ».

Depuis 2023, le FNE-Formation est ainsi orienté vers le financement de formations permettant d'accompagner les entreprises qui font face à des grandes mutations de trois ordres : la transition écologique, la transition alimentaire et agricole, la transition numérique. Par ailleurs, le FNE-Formation peut également être mobilisé pour soutenir les besoins en formation liés à l'organisation des grands évènements sportifs que sont la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Les priorités de financement du FNE-Formation « réorienté »
à compter de 2023

L'instruction du 21 avril 2023 précise les champs de formation financées par le FNE-Formation de la façon suivante :

Priorité n° 1 : Transition écologique

Cet axe vise à répondre aux besoins des entreprises qui doivent adapter leur activité en raison de la transition écologique, en finançant, pour leurs salariés, des formations :

- nécessaires à la transition énergétique des modes de production, à l'adaptation à l'épuisement des ressources et aux impératifs de la protection de l'environnement ;

- liées aux conséquences de la crise de l'énergie (réorganisation nécessaire de l'entreprise et de ses méthodes de production, projets de relocalisation, en lien notamment avec la souveraineté industrielle et aux enjeux d'approvisionnement en énergie).

Priorité n° 2 : Transition alimentaire et agricole

Cet axe vise à répondre aux besoins des entreprises de la filière agricole et agro-alimentaire affectées par la transition alimentaire, de contribuer au défi du renouvellement des productions agricoles dans un contexte de changement climatique, de transformation des modes de consommation, etc :

- visant à compenser les effets de la crise du monde agricole : réorganisation nécessaire de l'entreprise/de l'exploitation agricole et de ses méthodes de production, mécanisation, développement de l'agriculture biologique, diversification des modes de production, etc.

- nécessaires à toute la filière alimentaire, y compris agro-alimentaire, pour accomplir cette transition.

Priorité n° 3 : Transition numérique

Cet axe vise à financer des formations :

- en vue de mettre en oeuvre des projets innovants et des transformations numériques requérant une forte technicité ou un savoir-faire particulier (Intelligence artificielle, cybersécurité...).

- favorisant l'hybridation des compétences rendue nécessaire par la digitalisation d'une partie des tâches et des activités d'un grand nombre de métiers (marketing digital, communication digitale, digitalisation de la relation client, etc...) ;

- permettant aux directions d'entreprises et aux salariés de département métiers ou opérationnels, notamment dans les TPE et PME, de mieux dialoguer avec les prestataires informatiques ;

- visant à améliorer la résistance des entreprises aux cyberattaques et la protection des données.

Priorité n° 4 : Accompagnement des grands évènements sportifs

En complément des trois priorités précédentes, le FNE-Formation peut être mobilisé pour financer des actions de formation répondant aux besoins liés à l'organisation de la Coupe du monde de Rugby 2023 ou des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Au sein de chacun de ces axes, un ciblage prioritaire est effectué au bénéfice des formations favorisant le maintien dans l'emploi et l'employabilité des seniors.

Source : DGEFP

Cette réorientation vise, dans le contexte de la sortie de crise sanitaire, à recentrer le dispositif sur les besoins des entreprises et des salariés en cohérence avec les politiques prioritaires du Gouvernement, conformément à ses engagements internationaux de sauvegarde du climat et à ses objectifs réglementaires, notamment au travers de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Ainsi en 2023, sur les 262 276 actions de formations financées, 50,7 % concernaient la transition numérique. Cette proportion est de 41,1 % pour la transition écologique et de 3,1 % pour la transition alimentaire et agricole. Le financement de formation liées aux grands événements sportifs représente 5,1 % des actions de formations financées en 2023.

Répartition des 262 276 actions de formation
réalisées en 2023 par motif de recours

Source : commission des finances du Sénat d'après les données fournies par la DGEFP

Au sein de chacun de ces axes, l'instruction du 21 avril 2023 précise qu'un ciblage prioritaire est effectué au bénéfice des formations favorisant le maintien dans l'emploi et l'employabilité des seniors. La DGEFP a indiqué aux rapporteurs spéciaux envisager d'inclure parmi les priorités du FNE-Formation un axe concernant la transition démographique, qui permettrait par exemple le financement de formations pour les salariés assurant la prise en charge du grand âge ou de la petite enfance.

Si le FNE-Formation n'est pas nécessairement le dispositif le plus adapté aux salariés exerçant des métiers du médico-social - pour lesquels la durée des formations excède souvent un an - voire des professions règlementées, cette orientation paraît intéressante compte-tenu de l'importance croissante des enjeux de la transition démographique.

Ainsi, si depuis 2023 le FNE-Formation est ouvert à toutes les entreprises, dès lors que la formation s'inscrit dans un des quatre axes prioritaires définis par l'administration dans l'instruction du 21 avril 2023, ce qui constitue une innovation par rapport à la période précédente, la réorientation vers les quatre « transitions » constitue une inflexion plus qu'une révolution.

En effet, entre 2020 et 2021, les instructions successives avaient déjà défini les notions « d'entreprise en mutation » et de parcours « Anticipation des mutations »17(*), dont la philosophie se rapprochaient sensiblement de celle du FNE-Formation « réorienté » : encourager les entreprises à anticiper, par la formation, les mutations dans leur environnement économique.

Bien que les rapporteurs spéciaux n'aient pas demandé de données sur les différentes catégories de « parcours » qui existaient entre 2021 et 2022, le rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance indique que, sur ces deux années, les formations entrant dans les catégories « Compétences spécifiques Covid-19 » et « Anticipation des mutations » étaient les plus suivies, respectivement à 41 % et 45 %18(*).

Les quatre catégories de parcours de formation entre 2021 et 2022

Le Parcours reconversion permettait à un salarié de changer de métier dans l'entreprise, notamment les métiers qui voyaient leurs modalités d'exercice totalement remises en question par la crise ou dont l'activité avait été proportionnellement très impactée par les confinements. Le changement de métier dans une autre entreprise ne relève pas du FNE-Formation, mais a été déployé dans le cadre du dispositif « Transitions collectives ».

Le Parcours certifiant donnait accès à un diplôme, un titre professionnel, un certificat de qualification professionnelle, des compétences socles (CléA) et pouvant le cas échéant intégrer la VAE.

Le Parcours compétences spécifiques contexte Covid-19 devait permettre d'accompagner les différentes évolutions qui s'imposaient à l'entreprise pour sa pérennité et son développement, et pouvait comporter des formations relatives à de nouveaux marchés, nouveaux produits ou services, nouveaux procédés de fabrication, nouvelles techniques de commercialisation, ou encore aux nouveaux modes d'organisation et de gestion (travail collaboratif, télétravail, fonctions supports, etc.)

Le Parcours anticipation des mutations concernant les formations dans des thématiques stratégiques pour le secteur et permettait l'accompagnement des salariés pour leur montée en compétences et leur appropriation des outils et méthodes de travail dans le cadre des transitions numériques et écologiques.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les instructions DGEFP

Ce n'est pas à dire que la réorientation opérée en 2023 n'a pas eu d'effet : au contraire.

Si une rapide étude des principaux codes du thésaurus « Formacode », qui permet l'indexation et la recherche d'informations sur l'offre de formation montre une certaine stabilité dans le recours à plusieurs formations - par exemple en informatique -, on constate également un essor sensible, à compter de 2023, des formations portant sur l'écologie ou la conduite du changement technologique, en lien avec les transitions écologiques et numériques.

Tableau présentant les cinq principaux « Formacodes »
sollicités au titre du FNE-Formation entre 2021 et 2023

(en unités)

 

2021

2022

2023

1

Informatique et systèmes d'information

10 947

Prévention sécurité

20 061

Informatique et systèmes d'information

20 543

2

Comptabilité

10 936

Transport

19 560

Transport

10 227

3

Ressources humaines

6 469

Informatique et systèmes d'information

13 347

Efficacité personnelle

9 387

4

Gestion relation client

5 336

Efficacité personnelle

11 963

Écologie

9 226

5

Commerce

5 021

Encadrement

9 638

Conduite changement technologique

6 527

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

2. Un dispositif stabilisé dans ses financements et son fonctionnement ?
a) Une diminution légère des financements en 2023, appelée à se poursuivre avec plus d'ampleur en 2024

En 2023, les autorisations d'engagements (AE) allouées au FNE-Formation ont été de 256 millions d'euros. Il s'agit d'une très nette baisse par rapport à 2021 et 2022, période durant laquelle plus d'un milliard d'euros (1 012,6 millions d'euros) en AE avait été budgété au titre des plans de relance et de réduction des tensions de recrutement. Les CP consommés s'élèvent quant à eux à 141,9 millions d'euros.

Cette réduction des financements accompagne également, depuis le 1er juillet 2022, la diminution du taux de prise en charge maximal autorisé par le RGEC - avec notamment pour conséquence la fin des prises en charge à 100 % - ce qui se traduit mécaniquement par une baisse du niveau moyen de prise en charge.

Il convient de noter que les chiffres cités ci-dessus pour 2023 ne sont pas définitifs. En effet, la durée d'application de l'instruction relative à la mobilisation du FNE-Formation en 2023 a été prolongée jusqu'au 31 mars 2024 par l'instruction du 19 décembre 202319(*), afin d'éviter toute rupture dans les prises en charge au titre du FNE-Formation dans l'attente de la fixation des modalités de mobilisation du FNE pour l'année 2024. Les engagements au titre de 2023 pouvaient donc se poursuivre jusque fin mars 2024.

Les rapporteurs spéciaux manifestent leur attachement à ce que la très forte diminution des crédits dédiés au FNE-Formation à la suite de l'adoption du décret du 21 février 202420(*), qui a procédé à l'annulation de 1,1 milliard d'euros sur la mission « Travail et emploi » ne remette pas en cause la pérennisation du FNE-Formation et sa réorientation vers les formations permettant d'adaptation aux grandes transitions à venir.

b) Un dispositif dont le fonctionnement, stabilisé, doit parvenir à une pleine maturité

Réorienté en 2023 afin de soutenir dans la durée des entreprises qui souhaitent former leurs salariés pour anticiper les mutations de leur environnement économique, le FNE-Formation a vu depuis lors son fonctionnement se stabiliser. L'instruction pour 2024 n'y apportera, à la connaissance des rapporteurs spéciaux, que des modifications limitées.

D'une part, l'administration centrale, en cohérence avec les instructions qu'elle a pris, signe avec les opérateurs de compétences des conventions qui déterminent ce fonctionnement et les montants dévolus à chaque Opco. D'autre part, elle coordonne les travaux des administrations déconcentrées, qui suivent la mise en oeuvre du dispositif sur le terrain, en dialogue avec les Opco.

Les Opco mettent concrètement en oeuvre le dispositif, et disposent pour ce faire d'une latitude importante. Ils instruisent les demandes de prise en charge déposées par les entreprises qui leur sont rattachées. Lors de sa demande, l'entreprise doit formuler son projet au regard de son activité et de ses besoins en compétences en lien avec les transitions ciblées ou les grands évènements sportifs, selon un formulaire-type établi et mis à disposition par l'administration centrale.

L'Opco prend en charge la formation, selon une intensité qu'il détermine dans les limites fixées par le RGEC, sur une assiette qu'il détermine également dans les mêmes limites. Depuis 2023, l'assiette des coûts éligibles couvre les frais suivants :

- les frais de personnel des formateurs, pour les heures durant lesquelles ils participent à la formation ;

- les coûts de fonctionnement des formateurs et des participants directement liés au projet de formation tels que les frais de déplacement et d'hébergement, les dépenses de matériaux et de fournitures directement liées au projet, l'amortissement des instruments et des équipements, au prorata de leur utilisation exclusive pour le projet de formation en cause ;

- les coûts des services de conseil liés au projet de formation ;

- les coûts de personnel des participants à la formation et les coûts généraux indirects (coûts administratifs, location, frais généraux), pour les heures durant lesquelles les participants assistent à la formation21(*).

Taux de cofinancement prévus par le règlement général
d'exemption par catégories (RGEC)

Taille de l'entreprise

Petite entreprise*

Moyenne entreprise**

Grande entreprise***

Taux de cofinancement public

70 %

60 %

50 %

*Entreprise qui emploie moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires ou le total du bilan annuels n'excède pas 10 millions d'euros.

**Entreprise qui emploie moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires ou le total du bilan annuels n'excède pas 43 millions d'euros.

***Entreprise n'entrant pas dans les deux premières catégories.

Source : instruction DGEFP

Cette prise en charge peut être assurée soit directement auprès de l'entreprise, l'Opco lui versant les fonds issus du FNE-Formation au terme de la formation des salariés concernés. Toutefois, dans cette configuration, en plus de sa participation, l'entreprise doit supporter elle-même, jusqu'au terme de la formation, l'intégralité des coûts, directs et indirects, qui y sont liés. C'est pourquoi la pratique de la subrogation de paiement est très répandue parmi les Opco : les Opco récoltent les participations des entreprises et versent l'intégralité de la somme (fonds issus du FNE-Formation et fonds privés) à l'organisme de formation à l'issue du parcours.

La mise en oeuvre du FNE-Formation

Note : La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) signe des conventions avec des opérateurs de compétence (Opco). Elle pilote l'action des services déconcentrés, les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), et les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS), dans lesquelles les délégués à l'accompagnement des reconversions professionnelles jouent le rôle d'interlocuteur des entreprises et des Opco.

Source : réponse de la DGEFP au questionnaire des rapporteurs spéciaux

SECONDE PARTIE
UNE MUE RÉUSSIE ?

I. LA GESTION DU DISPOSITIF PAR L'ÉTAT ET LES OPCO EST SATISFAISANTE, MAIS DES AMÉLIORATIONS RESTENT SOUHAITABLES

A. UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE MARQUÉE PAR LA GESTION INTERMÉDIÉE DU FNE-FORMATION

1. D'importantes sous-exécutions des crédits du FNE-Formation durant les exercices récents

Le FNE-Formation constitue, comme la plupart des dispositifs financés sur le programme 103 « Adaptation aux mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi », un dispositif pour lequel les AE ne sont pas consommées en même temps que les CP. Ce mode de gestion apparaît clairement dans le graphique ci-dessous.

Évolution des crédits (en AE et en CP) consommés au titre du FNE-Formation
et taux d'exécution des CP depuis 2018

(en millions d'euros et en pourcentage)

Note : vision « Chorus ». Les données pour 2024 sont celles du projet annuel de performance (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2024, et donc prévisionnelles.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

La gestion distincte AE/CP résulte en d'importantes différences de consommations durant chaque exercice, particulièrement visibles en ce qui concerne les années 2021 et 2022, avec un taux de consommation de 52 % sur l'exercice 2021 et de 222,0 % sur l'exercice 2022. Cette incongruité s'explique par l'ouverture, en fin d'exercice 2021, d'une enveloppe de 420 millions d'euros supplémentaires en AE au titre du plan de réduction des tensions de recrutement, largement exécutée l'année suivante - d'où l'excès remarquable de CP rapportés aux AE sur l'exercice 2022.

La Cour des comptes, dans ses diverses notes d'exécution budgétaire (NEB), a plusieurs fois relevé le caractère à première vue irrégulier de l'exécution du FNE-Formation.

Ainsi, pour l'année 2021, la Cour relevait que « les crédits de relance sont en sous-exécution de 203 millions d'euros au regard des crédits disponibles à ce titre sur les programmes 102 et 103 (- 14 %) du fait de la sous-consommation des crédits alloués au FNE-Formation et aux contrats aidés. »22(*) La même année, la Cour notait également que « les principales sous-exécutions constatées en CP » concernait notamment « les crédits destinés au FNE-Formation, intégralement consommés en AE mais présentant une sous-consommation de 241,8 millions d'euros en CP. »23(*)

Ce constat est également valable pour l'exercice 2022, la Cour relevant que les crédits du FNE-Formation « présentent une sous-consommation de 27 % (107 millions d'euros) des crédits disponibles, alors que les AE sont correctement consommées. »24(*)

Enfin, dans les trois notes précitées, la Cour relevait d'importants reports de crédits finançant des restes à payer au titre du FNE-Formation.

2. Un constat de sous-exécution imputable à la gestion intermédiée du FNE-Formation, qui peut être nuancé

Cette exécution, caractérisée par une bonne consommation des AE mais d'importantes sous-consommations des CP, en réalité consommés lors de l'exercice suivant par report de crédits, est caractéristique d'un dispositif dont la gestion est intermédiée. Comme l'a rappelé la direction du budget, « l'intermédiation de la dépense est toujours source de plus de complexité dans la gestion et dans l'accès à la donnée. »

Du point de vue de l'exécution budgétaire, l'impact de l'intermédiation par les Opco sur la consommation des AE et des CP est différenciée. Concernant les AE, celles-ci sont consommées à due concurrence des montants conventionnés. Quant au rythme de décaissement en CP, les conventions avec les Opco prévoient :

d'abord une avance de 40 % ou 50 % à la signature de la convention ;

suivie de versements en fonction de la consommation remontée par les Opco, généralement 30 % supplémentaires à la remise d'un bilan intermédiaire et le solde à la clôture de la convention, ce qui permet d'adapter les paiements en fonction de la dépense réelle des organismes gestionnaires et d'éviter, du point de vue de l'État, l'accumulation de trésorerie par les Opco.

Cette gestion intermédiée est donc propre à retarder l'exécution des crédits, ceux-ci devant faire l'objet d'une convention entre l'État et les Opco, puis être versés aux Opco - par avance puis versements réguliers - en fonction de l'avancée des engagements Opco-entreprises.

Les derniers reporting transmis par les Opco, en fin d'année 2023, montrent un taux d'engagement rapporté aux crédits conventionnés à hauteur de 79,6 % en 2020, 89,4 % en 2021 et 77,7 % en 2022. Ce taux est moins élevé en 2023, les engagements étant toujours en cours : il s'établit à 67,5 %. Ces taux peuvent d'ailleurs encore évoluer, les exercices 2021, 2022 et 2023 n'étant pas finalisés du point de vue du contrôle de Service Faits (CSF). Il convient donc de nuancer le constat de sous-exécution.

Évolution des crédits conventionnés, engagés et réalisés
au titre du FNE-Formation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Les sous-exécutions des crédits alloués au FNE-Formation, dont il faut nuancer l'ampleur, sont ainsi principalement dues au caractère intermédié de la gestion de ce dispositif, et n'appellent - contrairement à leurs conséquences - pas d'alerte particulière des rapporteurs spéciaux.

3. Une disponibilité « saccadée » des crédits, source d'un préjudiciable « stop and go »

Si les sous-exécutions des crédits du FNE-Formation ne posent pas de problème en elles-mêmes, elles ont toutefois des conséquences dommageables pour les Opco, qui gèrent le dispositif, et surtout pour les entreprises qui souhaitent bénéficier du FNE-Formation.

En effet, la disponibilité tardive conduit bien souvent à des retards de mise en oeuvre ou à des difficultés de trésorerie pour les Opco. En 2023 par exemple, les conventions État/Opco ont été conclues au début du mois d'août 2023. Si des avances ont été versées dès la signature, à raison de 50 % des montants conventionnés, les sommes restantes ont dû faire d'objet d'une avance de trésorerie de la part des Opco - ce qui, en principe, ne pose pas de difficulté majeure.

Toutefois, la compensation par l'État des avances concédées par les Opco n'intervient que très tardivement. En effet, en raison du temps nécessaire à l'entière réalisation des parcours de formation, qui peuvent durer jusqu'à douze mois, les contrôles de service fait (CSF) afférents aux conventions 2021-2022 n'ont toujours pas été achevés, alors qu'ils constituent - avec la présentation du bilan final - la condition du versement du solde du montant conventionné aux Opco.

Si les rapporteurs spéciaux n'ont pas été informés de situations critiques dans lesquelles la trésorerie des Opco aurait été dangereusement mise sous pression, il est évident que ces avances de trésorerie se font au détriment d'autres dispositifs qui pourraient être financées sur les fonds propres des Opco.

Surtout, l'association Les Acteurs de la Compétence, représentant des organismes de formation, ainsi que l'ensemble des Opco entendus par les rapporteurs spéciaux, ont souligné que cette disponibilité tardive et comme « saccadée » des crédits résultait en un effet de « stop and go » préjudiciable pour la mise en oeuvre des projets de formation des entreprises - et indirectement des salariés - bénéficiaires.

En effet, les Opco sont contraints d'attendre la signature de la convention pour véritablement lancer la campagne de promotion du dispositif et instruire les dossiers des entreprises. À cet égard, la conformité des aides financières au RGEC impose de vérifier que la prise en charge via le FNE-Formation a bien eu un effet incitatif sur le déclenchement de l'action de formation.

Aux dires d'un Opco, en 2023, « la période de carence d'un semestre a entrainé une rupture de prise en charge préjudiciable aux entreprises et aux salariés », les crédits du FNE-Formation étant resté indisponibles jusqu'à la signature - tardive - de la convention. Le recueil des demandes de prise en charge des entreprises n'a pu commencer qu'en août et a dû se conclure prestement, dès la fin de la période estivale et au retour des congés, ce qui a suscité l'incompréhension des entreprises, dont les Acteurs de la Compétence se sont fait l'écho. D'évidence, il ne s'agit pas de conditions optimales pour soumettre des projets de formation approfondis en fonction des besoins de long-terme des entreprises...

La tardiveté du lancement des parcours de formation peut avoir, dans certains cas, des conséquences sur la réalisation même de formations considérées comme prioritaires par le Gouvernement. La réorientation du FNE-Formation pour préparer les grands événements sportifs dès 2023 n'a ainsi eu qu'un effet limité sur ce point : en effet, les formations débutées en fin d'année 2023 n'ont guère pu permettre aux salariés d'en bénéficier en temps utile pour la coupe du monde de rugby, qui se tenait du 8 septembre au 28 octobre. Il est à craindre que l'édition 2024 du FNE-Formation n'arrive, elle aussi, après la bataille des Jeux Olympiques et Paralympiques, prévus pour l'été...

Les « stop and go » résultant de la disponibilité tardive et saccadée des crédits du FNE-Formation doivent donc, selon les rapporteurs spéciaux, être limités au maximum.

B. UNE ATTEINTE INÉGALE DES PUBLICS VISÉS

1. La taille de l'entreprise et son secteur d'activité sont insuffisamment pris en compte dans l'attribution des crédits du FNE-Formation
a) Les petites entreprises (TPE-PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) pourraient être davantage ciblées

Si le FNE-Formation tient compte de la taille des entreprises en prévoyant une prise en charge progressive dont le montant est plus élevé pour les petites entreprises que pour les plus grandes, de nombreuses grandes entreprises figurent parmi les bénéficiaires du dispositif. Alors que les petites entreprises ont des besoins particuliers, la part relativement importante des grandes entreprises parmi les bénéficiaires du FNE-Formation interroge.

En effet, le FNE-Formation bénéficie, depuis quatre ans, majoritairement aux entreprises de moins de 250 salariés, avec une proportion d'environ 60 % en moyenne. Ainsi, la représentation parmi les bénéficiaires du dispositif des entreprises allant de 1 à 250 salariés n'est pas négligeable. Cette proportion souligne le besoin qu'ont les petites structures de recevoir une aide pour bénéficier de formations.

Si la part des actions de formation financées au bénéfice d'entreprises de moins de 250 salariés reste globalement stable ces dernières années, cette part a diminué pour les entreprises de moins de 11 salariés, passant de 16,9 % à 9,5 % des actions financées entre 2020 et 2023. Cette baisse a été compensée en partie par une augmentation des demandes des entreprises embauchant entre 50 et 250 salariés, passée de 24,0 % à 28 % en quatre ans. Toutefois, la proportion des actions financées au bénéfice d'entreprises de plus de 250 salariés a augmenté. Elle est passée de 37,8 % en 2020 à 42,6 % en 2023. Ces entreprises représentent une part importante des bénéficiaires du FNE-Formation, alors même qu'elles ne semblent pas constituer le coeur de cible dudit dispositif, en raison de leur taille et de leurs moyens. Ces dernières n'ont en principe pas de problème à financer elles-mêmes la formation de leurs salariés.

Entreprises bénéficiaires du FNE-Formation
selon la taille de leurs effectifs

Note : sont exclues les actions pour lesquelles la donnée n'a pas été renseignée (15,8 % en 2023).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Les différents Opco notent que les entreprises de plus de 50 salariés ne bénéficient plus que de rares dispositifs d'aide à la formation. En effet, le Plan de développement des compétences (PDC-50), financé par les Opco, est, depuis la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018, réservé aux entreprises de moins de 50 salariés. Ainsi, depuis 2018, les entreprises de plus de 50 salariés ne bénéficie d'aucun dispositif collectif de formation professionnelle des salariés - à l'exception du FNE-Formation.

Dès lors, le FNE-Formation apparaît comme le principal dispositif incitant les entreprises de plus de 50 salariés à investir dans la formation de leurs salariés.

b) Un ciblage sur l'industrie qui pourrait être accentué

Concernant les secteurs d'activité des entreprises bénéficiaires, celui de l'industrie demeure assez nettement le principal bénéficiaire du dispositif depuis 2021. Toutefois, les montants dédiés à ce secteur d'année en année montrent une grande instabilité et suivent une tendance baissière. Ainsi, de 2020 à 2021, la somme dédiée à l'industrie a été multipliée par trois, avant d'être diminuée d'un tiers en 2022, pour être cette fois divisée par deux en 2023.

Répartition des fonds du FNE-Formation par OPCO

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Par ailleurs, d'après un rapport25(*) de l'inspection générale des finances (IGF), de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), et de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR), les moyens accordés au secteur industriel dans le cadre du FNE-Formation sont cruciaux, en particulier pour les entreprises de moins de 50 salariés, en raison des besoins de développement que connaît ce secteur à l'aune de l'objectif de réindustrialisation. Selon les rapporteurs spéciaux, ces moyens devraient être stabilisés afin de sécuriser les financements en faveur de ce secteur, dont le développement est sources d'externalités positives pour le reste de l'économie.

Outre l'Opco 2i, représentant des entreprises des secteurs inter-industriel, le FNE-Formation est également beaucoup mobilisé par l'Opco Akto, représentant les entreprises à forte intensité de main d'oeuvre, qui a également largement fait appel au dispositif, notamment en 2020 lors de la crise sanitaire. Les secteurs de la construction (Opco Constructys) et de la mobilité (Opco Mobilités) semblent bénéficier de la réorientation du dispositif vers les transitions écologiques et énergétiques.

À l'inverse, les secteurs de la santé et de la cohésion sociale font assez peu appel au FNE-Formation. Ils sont en effet, aux dires de l'administration, plutôt positionnés sur d'autres dispositifs accompagnant des formations plus longues, comme la reconversion promotion par alternance (Pro-A).

2. Les salariés dont la formation devrait être jugée prioritaire ne représentent pas une part suffisante des bénéficiaires du FNE-Formation
a) Une sur-représentation des cadres parmi les bénéficiaires du FNE-Formation

Les données portant sur les catégories socioprofessionnelles des bénéficiaires du FNE-Formation suggèrent que l'accès au dispositif est pour le moins inégal. La catégorie des « ingénieurs - cadres » a cru ces dernières années en représentant 31,4 % des bénéficiaires en 2020, et jusqu'à 36,3 % en 2023. Une tendance similaire s'observe concernant l'accès au FNE-Formation des « techniciens et agents de maitrise » avec 10 points d'augmentation entre 2020 et 2023. Ces deux catégories cumulées représentaient en 2023 presque les deux tiers des bénéficiaires, en atteignant 63,7 %.

En revanche, la représentation des catégories professionnelles avec de moindres qualifications a suivi une trajectoire baissière depuis la crise sanitaire. Elles représentaient la moitié des bénéficiaires en 2020, mais seulement 36,1 % en 2023. La proportion d'employés ayant accès au FNE-Formation a été divisée par deux : elle était de 41,7 % en 2020, pour finalement représenter 20 % des bénéficiaires en 2023. Les ouvriers qualifiés font figure d'exception : leur proportion a été doublée. Ils représentaient 6 % des bénéficiaires en 2020 pour atteindre 12 % en 2023. Principal bémol, la proportion d'actions de formation en faveur d'ouvriers non qualifiés est toujours la plus faible, s'établissant à 3,2 % en 2020, jusqu'à 11,1 % en 2021, avant de décroître jusqu'à 4,1 % en 2023.

Cette faible proportion est source d'insatisfaction aux yeux des rapporteurs spéciaux. Les récents rapports budgétaires sur la mission « Travail et emploi »26(*) ont en effet témoigné d'un consensus entre les trois rapporteurs spéciaux, passés et présents, pour financer en priorité la formation des personnes dont les qualifications sont les plus faibles, étant entendu que c'est à ces niveaux que la « valeur ajoutée » d'une formation est la plus importante.

Évolution de la répartition des stagiaires par catégorie socio-professionnelle
entre 2020 et 2023

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Ces données mettent en exergue une forte surreprésentation des catégories les plus qualifiées, au détriment des travailleurs moins qualifiés. Selon l'Insee27(*), en 2021, les ouvriers et les employés représentaient 47% de la population active alors qu'ils ne constituent que 36,1 % des bénéficiaires en 2023. S'agissant des catégories qualifiées, les « ingénieurs-cadres » et « techniciens » constituent 46,3 % de la population en emploi tandis qu'ils représentent 63,7 % des bénéficiaires du FNE-Formation.

Les rapporteurs spéciaux déplorent que les catégories professionnelles bénéficiant de ce dispositif ne soient pas représentatives de la sociologie réelle du monde du travail.

b) Une diminution continue de la part des femmes parmi les stagiaires

Depuis 2020, la part des femmes bénéficiant d'une formation financée par le FNE-Formation est en baisse continue : les femmes salariées représentaient 44 % des stagiaires en 2020, puis 37,2 % en 2021, 36,9 % en 2022, et enfin à 34,2 % en 2023.

Part des femmes parmi les salariés bénéficiaires du FNE-Formation

(en unités et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Les rapporteurs spéciaux émettent l'hypothèse que ce décrochage de la part des femmes formées grâce au FNE-Formation, particulièrement sensible entre 2020 et 2021, pourrait s'expliquer par la résorption du chômage partiel après le « Grand confinement » de 2020, qui avait constitué une opportunité inédite pour les femmes de se former sur leur temps de travail. C'est en tout cas ce que semble suggérer certains travaux universitaires, qui indiquent par exemple que « l'augmentation de la part des femmes dans l'activité partielle par rapport aux crises précédentes (...) semble ainsi liée au caractère inédit, par sa soudaineté et son ampleur, de cette crise, et à la massification de l'usage de l'activité partielle. »28(*)

Il est possible qu'avec la fin des confinements et le retour en présentiel, le recours au FNE-Formation étant progressivement décorrélé de l'activité partielle, les femmes se soient trouvées désincitées à se former pour diverses raisons - contraintes professionnelles renouvelées, autocensure, etc.

Il apparaît en outre que les femmes mettent en place une stratégie de recours à la formation spécifique29(*). Ainsi, les femmes ont plus tendance à se former en vue d'une promotion professionnelle, un changement d'entreprise, une mobilité géographique, tandis que les hommes ont majoritairement tendance à se former pour s'acculturer à leur poste, confirmer et valoriser leurs acquis. Le recours à la formation ne revêt donc pas la même finalité selon les sexes.

c) Une priorité donnée à la formation des seniors progressivement assumée

Les données sur l'âge des bénéficiaires du FNE-Formation, communiquées aux rapporteurs spéciaux, indiquent que la majorité des bénéficiaires appartient à la catégorie d'âge des 25-49 ans (environ 70 %). Cette catégorie décline néanmoins faiblement en passant de 71 % en 2020 à 2023 à 68 % des bénéficiaires. La proportion de stagiaires âgés de moins de 25 ans subit également une légère baisse entre 2020 et 2023, en diminuant de 11,1 % à 6,8 %. En parallèle, le taux de participants aux formations âgés de plus de 50 ans a augmenté, de 18 % à 24,8 % entre 2020 et 2023. Cette augmentation s'inscrit en cohérence avec les dernières évolutions du dispositif qui prévoient un ciblage prioritaire des seniors de plus de 50 ans afin de favoriser leur employabilité et leur maintien en emploi.

Répartition des stagiaires bénéficiant du FNE-Formation
par classe d'âge

(en unités et en pourcentage)

 

2020

2021

2022

2023

2023/2020

Tranche d'âges

Nombre d'actions

Répartition

Nombre d'actions

Répartition

Nombre d'actions

Répartition

Nombre d'actions

Répartition

Évolution répartition

- 25 ans*

42 971

11,1 %

28 995

6,9 %

34 739

7,1 %

17 897

6,8 %

- 38,7 %

25-29 ans

273 295

70,8 %

52 845

12,6 %

57 924

11,9 %

33 968

13,0 %

- 3,6 %

30-49 ans

242 945

57,8 %

281 895

57,7 %

145 179

55,4 %

50-54 ans

69 518

18,0 %

51 581

12,3 %

60 595

12,4 %

32 069

12,2 %

+ 38,0 %

55 ans et +

43 918

10,4 %

53 012

10,9 %

33 163

12,6 %

TOTAL

385 803

100,0 %

420 284

100,0 %

488 165

100,0 %

262 276

100,0 %

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

L'Opco OPCAPIAT se distingue à cet égard par la mise en place d'une modulation du taux de prise en charge des formations selon qu'elles sont ou non destinées à des seniors de plus de 55 ans. Le taux de cette valorisation est compris entre 5 et 10 % selon la taille de l'entreprise du bénéficiaire afin de respecter les exigences prévues par le RGEC.

Les rapporteurs spéciaux se félicitent de la priorité donnée aux formations à destination des seniors, public qui fait face à de multiples difficultés sur le marché du travail, dont un défi de renouvellement des compétences.

II. UN DISPOSITIF DONT LES MÉTAMORPHOSES ONT ACCRU L'EFFICIENCE

A. UN RISQUE D'EFFETS D'AUBAINE GLOBALEMENT ÉCARTÉ APRÈS LA PREMIÈRE PHASE DE LA CRISE SANITAIRE

1. Durant la crise sanitaire : des effets d'aubaine qui, sans pouvoir être prouvés, ne peuvent pas non plus être écartés

La Cour des comptes s'est rapidement montrée critique vis-à-vis de l'utilisation des crédits du FNE-formation. Dans son rapport sur l'utilisation des dépenses publiques pendant la crise sanitaire de juillet 202130(*), la Cour relevait « une portée limitée du FNE-Formation », et notait que les incitations à la formation étaient « plus opportunistes que susceptibles de conjurer les effets de la crise ».

Un premier examen par la Cour des comptes avait en effet permis de relever que, malgré le succès quantitatif du dispositif, « les formations ont plus largement profité aux salariés les plus qualifiés » - ce qui tend à rejoindre le constat des rapporteurs spéciaux - « dans des secteurs d'activité moins menacés que d'autres », par exemple dans des secteurs tertiaires potentiellement moins fragilisés, comme les activités juridiques, comptables ou de gestion.

Dans ces secteurs, la Cour note qu'il n'est pas exclu, en particulier dans la période pendant laquelle le FNE-Formation pouvait prendre en charge 100 % des frais des coûts pédagogiques des actions réalisées, que le dispositif « ait déclenché une forme d'effet d'aubaine consistant à proposer aux salariés, aux frais de l'État, des formations ne présentant pas nécessairement le caractère décisif qui aurait justifié leur prise en charge à 100 %. »

Enfin, les données arrêtées au 31 octobre 2020 et transmises par les Opco à la Cour des comptes indiquent que, durant ses premiers mois de mobilisation dans le cadre de la crise sanitaire en 2020, le FNE-Formation avait financé de très nombreuses formations en langue, communication, marketing voire bureautique, et que seuls 17 % des crédits conventionnés à cette date avaient permis de financer des formations certifiantes.

La Cour concluait que « l'ouverture du recours au FNE-Formation ne paraît pas avoir répondu aux effets de la crise sur l'emploi, tout en suscitant des effets d'aubaine. » Renvoyant à ces constats, elle a en outre estimé, dans son rapport sur la formation professionnelle des salariés31(*), que « même si le phénomène est difficile à mesurer, le FNE-Formation de crise a pu engendrer un effet d'aubaine » pendant la crise sanitaire.

Les interrogations sur les effets d'aubaine potentiellement suscités par le dispositif avaient été relayées par les milieux politiques, notamment la ministre du travail, à l'époque Élisabeth Borne, et par la presse32(*).

2. Un dispositif qui veille de plus en plus à susciter des effets de levier

Les administrations entendues par les rapporteurs spéciaux sont convenues que les alertes de la Cour des comptes devaient être prises au sérieux. La direction du budget a ainsi indiqué que « la forte augmentation des crédits dédiés au dispositif peut effectivement interroger sur l'existence d'un effet d'aubaine, notamment d'un effet de substitution par rapport aux efforts des entreprises via leur plan de développement des compétences (PDC), à la mobilisation d'enveloppes conventionnelles et volontaires ou au financement du plan de développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés (PDC-50) par France compétences. »

Toutefois, la même direction a insisté sur la difficulté de démontrer qu'un tel effet d'aubaine a bien été suscité, au travers par exemple d'un désengagement des entreprises. Or, une diminution significative de consommation sur le PDC-50 n'a pas été observée par les administrations, et aucune étude ne conclut en ce sens.

La DGEFP relève quant à elle que les règles d'encadrement européen excluent une prise en charge à 100 % - hors la période où le régime temporaire a été appliqué durant la crise sanitaire. De même, en vertu des mêmes règles, tout cofinancement public est exclu. Dans ces conditions, l'administration estime que « le FNE-Formation agit alors comme un levier d'investissement dans la formation, permettant d'amplifier l'appel des entreprises aux fonds privés ».

À rebours de l'effet d'aubaine, le FNE-Formation a ainsi été progressivement repensé pour produire de véritables effets de levier, pour inciter les entreprises à investir elles-mêmes, éventuellement en complément de fonds publics ou conventionnels, dans le développement des compétences, avec un potentiel impact « bénéfique sur le plan budgétaire à moyen-terme » selon la direction du budget.

B. UNE EFFICIENCE DE LA DÉPENSE DIFFICILE À MESURER, MAIS QUI S'EST VRAISEMBLABLEMENT ACCRUE

1. La mesure de l'efficacité du FNE-Formation est difficile, tant en théorie qu'en pratique
a) La mesure de l'efficacité de la formation professionnelle des salariés se heurte à des difficultés importantes

L'efficacité de la formation professionnelle des salariés peut difficilement être mesurée. En effet, si l'efficacité de la formation professionnelle ou des organismes de formation peut être aisément approchée pour les demandeurs d'emploi via la mesure du taux d'accès à l'emploi à la suite de la formation, par exemple dans les six mois à compter de la fin de la formation33(*), une telle démarche n'est d'évidence pas transposable à la formation professionnelle des salariés.

Ainsi, les rapports sur l'usage des fonds (RUF) de France Compétences34(*) indiquent qu'« évaluer la valeur ajoutée d'une formation requiert un travail conséquent en amont de choix et de production d'indicateurs pertinents », ce pour quoi ces rapports tentent de croiser plusieurs sortes d'indicateurs pour mesurer le taux d'accès à l'emploi, mais aussi le taux de rupture prématurée de la formation, ou encore en quoi la formation a aidé les personnels formés « à devenir des professionnels (plus) compétents capables de (mieux) penser et agir en situation35(*) », afin de mesurer les transferts des acquis de la formation.

Alors que le suivi du FNE-Formation dans les documents budgétaires apparaît très rudimentaire, les développements qui suivent tenteront de mieux appréhender l'efficience de ce dispositif.

b) Un pilotage par les indicateurs rudimentaire dans les documents budgétaires

Le suivi de la performance du FNE-Formation au sein des documents budgétaires, projets annuels de performances (PAP) et rapports annuels de performances (RAP) consiste en un indicateur unique, numéroté 2.3 et intitulé « Nombre de parcours/salariés engagés en FNE-Formation ».

Il était, à partir de 2020, nécessaire de suivre la progression du nombre d'actions de formation financées, notamment pour répondre à l'objectif fixé par le plan de relance européen porté par la Facilité de reprise et de résilience (FRR) de financer 400 000 actions de formation.

Le choix subséquent de retenir le parcours de formation pour mesurer la progression du FNE-Formation répondait au souhait de financer des actions de formations plus longues et plus structurées qu'en 2020, un parcours pouvant être constitué d'une ou plusieurs actions pour un même stagiaire. Cet indicateur fait son apparition pour la première fois, à la connaissance des rapporteurs spéciaux, dans le PAP annexé au projet de loi de finances pour 2022. Dans le cadre du « quoi qu'il en coûte » encore de rigueur à l'époque, cet indicateur servait à suivre prioritairement les cibles fixées dans les instructions successives, en lien avec les priorités du Gouvernement.

Il est à ce titre permis de s'étonner qu'aucune cible n'ait été fixée dans les documents budgétaires avant 2023. Depuis lors, le Gouvernement vise 200 000 parcours de formation par an.

Il s'agit toutefois d'un indicateur quelque peu rudimentaire, qui ne donne aucune information quant à son utilité ou sa performance. La direction du budget concède que cet indicateur « ne permet pas d'améliorer l'efficience du dispositif » et qu'il « doit être complété en gestion par des données qualitatives pour permettre un pilotage efficace. » Du reste, la DGEFP admet que l'impact de cet indicateur sur ses choix de gestion est marginal, et qu'elle se fonde plutôt sur d'autres critères - taille de l'entreprise, caractéristiques des stagiaires (âge, catégorie socio-professionnelle).

2. L'emploi de diverses méthodes d'évaluation permet aux rapporteurs spéciaux de conclure à une efficience relative, mais croissante, du FNE-Formation
a) Le FNE-Formation, quel coût pour le contribuable français ?

Une première approche pour déterminer l'efficience du FNE-Formation consiste en une approche du point de vue du contribuable français : quels résultats a-t-il obtenu pour quel coût à sa charge ? Un rapide calcul permet de déterminer que, pour un coût « brut » de 1 147 millions d'euros, le FNE-Formation a financé, entre 2020 et 2023, plus d'un milliard et demi d'actions de formation.

Ce coût « brut » est toutefois à mettre en regard des financements européens obtenus au titre de l'atteinte des cibles fixées dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR). Le coût « net » pour le contribuable français est réduit d'autant. Ainsi, le 17 novembre 2023, l'État a obtenu de la Commission européenne le versement de 10,5 milliards d'euros, dont 800 millions d'euros au titre du FNE-Formation.

Il est donc possible de dire que le coût « net » pour le contribuable français de la réalisation de plus d'un milliard et demi d'actions de formation entre 2020 et 2023 a été d'environ 350 millions d'euros.

Estimation du coût du FNE-Formation pour le contribuable français
entre 2020 et 2023

(en unités et en mission d'euros)

 

2020

2021

2022

2023

TOTAL

Nombre d'actions de formation

385 803

420 284

488 165

262 276

1 556 528

Crédits consommés (CP)

223,1

448,9

333,0

141,9

1 147,0

Fonds européens débloqués

     

800

800

Coût net pour le contribuable français

347,0

Note : vision « Chorus ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par le DGEFP

Il convient de relever d'emblée la très grande fragilité méthodologique d'une telle approche. En effet, les 800 millions d'euros versés au titre du plan de relance et de résilience n'ont pas directement alimenté le FNE-Formation ; l'Union européenne, via la Facilité de reprise et de résilience, verse une enveloppe globale découpée en tranches qui abonde le budget de l'État sans être affectée à un dispositif particulier.

En outre, le déploiement du FNE-Formation n'était pas conditionné au versement de ces fonds européens, et ne constituait qu'une des mesures évaluées dans le cadre de ce paiement. D'autres approches sont donc nécessaires pour évaluer l'efficience du dispositif.

b) Le « coût unitaire » des formations financées par le FNE-Formation est relativement faible

Une autre approche consiste à tenter de dégager le « coût unitaire » d'une formation ou d'une heure de formation, ce qui permet en théorie d'appréhender l'efficience d'un dispositif, son rapport « coût / bénéfice ».

(1) Un coût plutôt en diminution

S'agissant des dépenses de FNE-Formation par action de formation, il est constaté une progression du coût pris en charge par le FNE-Formation entre 2020 et les années 2021-2022, passant de 668,2 euros par action à 867,7 puis 907,3 euros par action.

Sur la même période, le coût par heure tend également à diminuer, passant de 37,0 euros par heure en 2020 à 29,7 euros par heure en 2021 et 31,5 euros par heure en 2022.

Évolution du nombre d'actions de formations (gauche)et du nombre d'heures
de formation (droite), ainsi que de leurs coûts unitaires

(en unités et en euros par unité)

Note : les montants sont les montants engagés (uniquement la part prise en charge par l'État, et non le montant total de la formation) dans une vision « Opco ».

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

L'augmentation du coût par action entre 2020 et 2022 est certainement liée à l'objectif, dès 2021, de réaliser des actions de formation plus longues et plus structurées qu'en 2020. En effet, si le nombre d'actions n'augmente que peu entre 2020 et 2021, passant d'environ 385 000 à environ 420 000 actions, le nombre d'heures de formation connaît un doublement, passant de presque 7 millions d'heures à plus de 12 millions d'heures. Le nombre d'heures par action est ainsi passé de 18 à 29,5 heures entre 2020 et 2021.

Quant à l'évolution baissière du coût par heure, elle pourrait s'expliquer par la diminution du taux de prise en charge des formations par le FNE-Formation, passé d'un maximum de 100 % en 2020 à des taux inférieurs en 2021 et 2022, et à l'application exclusive des taux du RGEC à compter de juillet 2022, soit 50 %, 60 % ou 70 % selon la taille de l'entreprise.

En 2023, les dépenses par action diminuent fortement, de 907,3 euros par action en 2022 à 659,1 euros par action en 2023. De même, les dépenses de FNE-Formation par heure diminuent, passant de 31,5 euros par heure en 2022 à 25,5 euros par heure en 2023.

Il est probable que cette forte baisse soit imputable à la temporalité de l'exécution 2023, qui a continué jusqu'en mars 2024. Ainsi, des actions ont pu être débutées sans pour autant donner lieu à un décaissement à la date de remontée des données.

En tout état de cause, il convient là aussi de considérer ces résultats avec prudence : la diminution de ces « coûts unitaires » ne permet pas de tirer de conclusions directes sur l'efficacité du dispositif, dans la mesure où elle reflète en partie l'évolution de la durée moyenne des formations ou du taux de prise en charge.

(2) Un coût inférieur à ceux des principaux dispositifs comparables

Il est toutefois possible de comparer le « coût unitaire » du FNE-Formation avec les coûts unitaires d'autres dispositifs de formation professionnelle des salariés semblables.

Ainsi éclairée, la question de l'efficience du FNE-Formation semble trouver une réponse positive : avec un coût unitaire de 867,7 euros par action entre 2021 et de 907,3 euros par action en 2022 - les deux années où ce coût est le plus élevé - le FNE-Formation est le dispositif de formation professionnelle des salariés le plus efficient.

Comparaison du coût unitaire d'une action de formation au titre du
FNE-Formation et d'autres dispositifs de formation professionnelle des salariés

(en millions d'euros, en unités et en et euros par action)

   

2021

2022

 

Gestionnaire

Engagements

Nombre d'actions

Coût unitaire

Engagements

Nombre d'actions

Coût unitaire

FNE-Formation

OPCO

364,7

420 284

867,7

442,9

488 165

907,3

Projet de transition professionnelle (PTP)

Associations Transitions Pro

596,0

19 835

30 046,5

602,8

18 795

32 073,6

Transitions collectives

Associations Transitions Pro

4,2

100

41 727,0

7,2

255

28 055,8

Compte personnel de formation (CPF)

Caisse des dépôts et consignations

2 835,1

2 044 365

1 386,8

2 637,9

1 797 943

1 467,2

VAE financée par les AT Pro

Associations Transitions Pro

5,7

2 945

1 940,3

4,9

2 546

1 933,7

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la direction du budget

Le coût unitaire du Compte personnel de formation (CPF), qui représente des montants de dépenses bien supérieurs, est ainsi une fois et demi supérieur à celui du FNE-Formation. Quant au dispositif Transitions collectives, dit « Transco », son coût unitaire représente au moins 32 fois celui du FNE-Formation.

Le FNE-Formation apparaît donc comme un dispositif dont l'efficience s'est accrue depuis 2020, en particulier au regard des autres dispositifs de formation professionnelle des salariés.

c) Un suivi qualitatif des actions de formation réalisées permet d'évaluer concrètement l'efficacité du dispositif

Le suivi qualitatif d'un certain nombre d'exemples des parcours réalisés en 2023 au titre du FNE-Formation permet de se faire une idée de la pertinence des actions financées. Une liste d'exemples de formations dispensées en 2023 au titre de chacune des « transitions » figure en annexe du présent rapport et permet d'illustrer le propos.

Il semble d'abord, en particulier s'agissant du volet « transition numérique », que les formations en rapport avec l'intelligence artificielle (IA) et la cybersécurité aient remplacé les formations bureautiques qui avaient trop souvent été financées durant les années précédentes - ce dont on peut se féliciter.

Il convient à ce titre de noter que les formations obligatoires à la charge de l'employeurs (sécurité, hygiène, etc.) sont inéligibles à la prise en charge au titre du FNE-Formation depuis l'instruction du 27 janvier 2021, et que les formations bureautiques y sont devenues inéligibles à compter de celle du 21 avril 2023.

Notons toutefois que l'accès aux formations semble inégal selon leur objet et le niveau de qualification des travailleurs bénéficiaires. Une étude du Centre d'études et de recherche sur les qualifications (Cereq)36(*) note que lors de la crise sanitaire, pendant la période d'élargissement du dispositif aux entreprises en activité partielle ou en activité partielle de longue durée, les formations financées par le FNE-Formation pour les ouvriers relevaient pour la moitié de formations « obligatoires » ou règlementaires portant sur la sécurité, l'hygiène, la conduite d'engins etc... Sur la même période, ce type de formation n'a été suivi que par un tiers des stagiaires toutes catégories confondues.

Ces formations étant désormais inéligibles, il est vraisemblable que l'utilité et la pertinence des formations financées au titre du FNE-Formation s'en soient trouvées augmentées.

III. LE RETOUR BRUTAL DE LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE NE DOIT PAS EMPÊCHER LE FNE-FORMATION D'ACHEVER SA MUE

A. CONCERNÉ PAR LES MESURES D'ÉCONOMIES DÉCIDÉES DÉBUT 2024, LE FNE-FORMATION CONSERVE NÉANMOINS SA PERTINENCE

En 2024, les crédits initialement budgétés dans la loi de finances initiale s'élevaient à 273 millions d'euros en AE. Toutefois, le décret du 21 février 202437(*) ayant procédé à une annulation de 1,1 milliard d'euros sur la mission « Travail et emploi », ce montant a immédiatement été voué à diminuer. Ainsi, la direction du budget a indiqué lors de son audition que « la reprogrammation [était] en cours et devrait aboutir à une enveloppe légèrement inférieure à 100 millions d'euros. »

La DGEFP, sollicitée à cette fin par les rapporteurs spéciaux, a confirmé courant mai que les crédits qui serait alloués aux différents Opco au titre du FNE-Formation s'établiraient à 96 millions d'euros en AE, soit une diminution de 63 % par rapport aux montants conventionnés en 2023. À l'échelle des Opco, les principaux « perdants » sont ceux qui bénéficiaient le plus du FNE-Formation durant les exercices précédents : ainsi, l'AFDAS, ATLAS et l'Opco 2i verraient le montant qui leur est alloué diminuer de près de trois quarts.

Impact du décret du 21 février 2024 sur le niveau des crédits
alloués au FNE-Formation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Il est vrai que, si la mobilisation de fonds publics au soutien des entreprises se justifie en période de crise, où ce soutien est souvent crucial pour éviter que les dépenses constituent la variable d'ajustement pour des entreprises en difficulté38(*), une telle justification trouve a priori moins à s'appliquer, en période de stabilisation du cycle économique, où il pourrait être attendu des entreprises qu'elles investissent elles-mêmes dans les compétences de leurs salariés, accumulant le capital humain comme elles accumulent le capital productif ou financier.

Les rapporteurs spéciaux prennent acte de cette importante diminution de l'enveloppe dédiée au FNE-Formation - qu'il serait de toute façon illusoire d'espérer rétablir pour l'exercice en cours en l'absence de projet de loi de finances rectificative - mais relèvent qu'elle aura pour conséquence le retour brutal d'une forte contrainte budgétaire pour les Opco et pour les entreprises qui souhaitent porter un projet de formation.

Ainsi, l'Opco OCAPIAT, qui représente les entreprises du secteur agricole, a indiqué qu'il engageait 1,5 million d'euros par mois durant les exercices précédents, et qu'à ce rythme, l'enveloppe allouée pour 2024 ne lui laisserait que trois mois de couverture.

Répartition entre Opco de l'enveloppe FNE-Formation pour 2024

(en millions d'euros et en pourcentage)

Opco

Répartition FNE 2023 (AE)

Répartition FNE 2024 (AE)

Évolution

AFDAS

20,0

5,0

- 75 %

AKTO

49,0

18,0

- 63 %

ATLAS

32,0

9,0

- 72 %

CONSTRUCTYS

20,0

12,0

- 40 %

L'OPCOMMERCE

9,0

6,0

- 33 %

OCAPIAT

15,0

5,0

- 67 %

OPCO EP

14,0

5,0

- 64 %

OPCO MOBILITES

18,0

11,0

- 39 %

OPCO SANTE

1,0

1,0

+ 0 %

OPCO2I

75,0

21,0

- 72 %

UNIFORMATION

3,0

3,0

+ 0 %

TOTAL

256,0

96,0

- 63 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la DGEFP

Surtout, les rapporteurs spéciaux soulignent que, comme il a déjà été dit, le FNE-Formation permettait d'atténuer les effets de la décision prise en 2018 de priver les entreprises de 50 à 250 salariés du mécanisme de mutualisation des financements de la formation professionnelle dont elles bénéficiaient jusqu'alors, pour le cibler sur les entreprises de moins de 50 salariés. Dès lors, le FNE-Formation a été particulièrement apprécié par les entreprises employant entre 50 et 250 salariés, pour lesquels il n'existait désormais plus de dispositif de soutien sur fonds publics.

Diminuer aujourd'hui les crédits alloués à ce dispositif aura pour conséquence de pénaliser particulièrement ces entreprises, trop grandes pour bénéficier du mécanisme public de mutualisation via la contribution légale, mais trop petites pour financer entièrement par elles-mêmes des actions de formation, et surtout qui ne peuvent pas se tourner vers d'autres dispositifs.

Les rapporteurs spéciaux notent également que l'Opco 2i, et ainsi le secteur industriel, sont parmi les principaux « perdants » de la diminution de l'enveloppe allouée au FNE-Formation. Ils s'interrogent sur le signal envoyé à ce secteur à l'heure de la réindustrialisation, et constatent que les recommandations du rapport de l'IGAS39(*) risquent de rester lettre morte.

Enfin, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la décision de faire porter les économies demandées sur la mission « Travail et emploi » sur un dispositif dont le coût moyen est plus sensiblement faible que le coût moyen d'autres dispositifs, décision qui paraît plus dictée par l'urgence de réduire les dépenses que par l'efficience de la dépense publique. À l'unisson de la direction du budget, qui suggérait « d'être prudent sur des recommandations qui viseraient à substituer d'autres dispositifs » au FNE-Formation, les rapporteurs spéciaux estiment que le FNE-Formation ne saurait constituer à l'avenir un gisement viable d'économies.

B. ENVERS ET CONTRE TOUT, FAIRE MIEUX AVEC MOINS FACE À LA DIMINUTION DES MOYENS

Les développements qui vont suivre tenteront de trouver, malgré le retour de la contrainte budgétaire imposée par le Gouvernement et les circonstances, les voies permettant au FNE-Formation d'achever convenablement sa mue. Comme il est de rigueur en période de restrictions budgétaires, ces propositions ne prétendront pas apporter une réponse complète aux difficultés identifiées mais elles proposeront quelques pistes à la lumière des constats exposés au cours du présent rapport.

Les rapporteurs spéciaux résument leurs propositions en trois recommandations d'ordre général : stabiliser, varier, cibler.

1. Stabiliser : le FNE-Formation ne doit pas, à la sortie de sa métamorphose, s'être mué en éphémère

Pour les rapporteurs spéciaux, il convient d'abord de stabiliser le financement et le fonctionnement du FNE-Formation afin de limiter les effets de « stop and go » unanimement considérés comme préjudiciables au déploiement du dispositif.

Ils proposent, au vu des économies déjà réalisées en 2024, a minima maintenir les crédits dédiés au FNE-Formation à leur niveau résultant de la reprogrammation consécutive à la prise du décret du 21 février 2024, et considèrent que le FNE-Formation ne constitue pas un gisement d'économies viable pour l'avenir. Une nouvelle diminution des crédits du FNE-Formation risquerait de mener ce dispositif à rejoindre la marginalité d'où la crise sanitaire l'avait tiré, voire de provoquer sa disparition. Or il a été démontré que le FNE-Formation est un dispositif utile qui répond à des besoins qu'aucun autre dispositif ne prend en charge. Cette stabilisation des montants devrait en particulier permettre, en cohérence avec les priorités du Gouvernement, de sanctuariser les moyens alloués à l'industrie.

Au terme de sa métamorphose, le FNE-Formation se doit d'être non un éphémère, mais un lépidoptère.

Les rapporteurs spéciaux proposent également qu'il soit procédé, comme l'ont préconisé de nombreux Opco, à une budgétisation au moins biannuelle du FNE-Formation et à un conventionnement d'égale durée avec les Opco, pour améliorer la visibilité sur les montants et les orientations du dispositif.

En effet, les opérateurs de compétence entendus par les rapporteurs spéciaux ont relayé les difficultés rencontrées par les entreprises en l'absence de visibilité pluriannuelle et le souhait de leurs branches adhérentes de disposer d'une telle visibilité : pour citer l'Opco 2i, entendu par les rapporteurs spéciaux, « les entreprises ne peuvent malheureusement par décliner une vision stratégique à moyen terme et restent soumises à des enveloppes qui s'ouvrent et qui se ferment, sans possibilité d'anticipation et de construction dans la durée. »

Dans leur majorité, les Opco ont indiqué qu'une prévision budgétaire de deux ans, par exemple, leur permettrait d'informer convenablement les entreprises et les branches, de construire avec elles des parcours de formation plus pertinents et de réaliser des bilans tant quantitatifs que qualitatifs des actions de formation.

Cette recommandation est d'autant plus aisée à mettre en oeuvre que le FNE-Formation a déjà fait l'objet d'une contractualisation pluriannuelle, pour les années 2021 et 2022 - ce qui n'a d'ailleurs pas empêché de modifier les enveloppes en cours d'exécution. Il pourrait être objecté qu'une budgétisation pluriannuelle ne se justifie pas du fait des incertitudes résultants des besoins d'économies liées à la conjoncture, mais les rapporteurs spéciaux considèrent que le FNE-Formation, qui vient déjà de contribuer à l'effort de redressement des finances publiques, pourrait à l'avenir être épargné.

Une budgétisation pluriannuelle devrait être accompagnée d'une contractualisation de même durée. Définie en amont, sous réserve du vote de la loi de finances et de quelques ajustements à la marge, l'enveloppe allouée au FNE-Formation pourrait ainsi être mise à disposition en début d'année, évitant ainsi les retards dans la disponibilité des crédits qui ont caractérisé l'exécution du FNE-Formation en 2023.

Enfin, les rapporteurs spéciaux recommandent de ne plus modifier qu'à la marge le fonctionnement et l'orientation générale du FNE-Formation, qui paraissent pertinents en l'état. En effet, certains Opco ont constaté, en 2021 puis en 2023, que les modifications profondes apportées au dispositif avaient généré des phénomènes de reports de projets de formation de la part des entreprises du fait de l'instabilité des plans de financements associés.

Ils se félicitent à ce titre que le projet d'instruction pour 2024 que leur a communiqué la DGEFP ne comporte que de très mineures modifications par rapport à l'instruction pour 2023. Une instruction sans limite de validité pourrait ainsi être adoptée, gage d'une plus grande stabilité du dispositif.

Recommandation n° 1 : Stabiliser le financement et le fonctionnement du FNE-Formation pour limiter les effets de « stop and go » :

A minima maintenir les crédits dédiés au FNE-Formation à leur niveau actualisé pour 2024 ;

- Procéder à une budgétisation au moins biannuelle du FNE-Formation et à un conventionnement d'égale durée avec les opérateurs de compétences (Opco), pour améliorer la visibilité sur les montants et les orientations du dispositif ;

- Mettre les crédits conventionnés à disposition des Opco dès le début de l'exercice en cours, afin d'éviter les retards et les ruptures de mise en oeuvre ;

- À moyen terme, ne plus modifier le fonctionnement du FNE-Formation qu'à la marge.

2. Varier : les branches professionnelles qui le peuvent pourraient s'appuyer davantage sur leurs contributions conventionnelles

Le FNE-Formation, soumis au RGEC, ne peut pas faire l'objet de cofinancements publics. Toutefois, le FNE-Formation ne pouvant pas prendre en charge 100 % des coûts d'une formation depuis le 1er juillet 2022, des cofinancements privés sont indispensables. Ils peuvent venir de l'employeur, dont la participation couvre en général le « reste à charge » non financé par le FNE-Formation ; ils peuvent également venir de contributions volontaires des entreprises ou de contributions conventionnelles, décidées par les branches professionnelles.

En effet, outre la contribution unique à la formation professionnelle et l'apprentissage (Cufpa), ressource publique mutualisée pour financer les actions de formations dans les entreprises de plus de 50 salariés, les branches peuvent également décider, librement, de procéder à des contributions conventionnelles supplémentaire aux mains des Opco. Ces fonds, qui ne sont pas issus d'un prélèvement obligatoire, demeurent des fonds privés et peuvent donc être utilisés en complément du FNE-Formation, comme cela a déjà été dit.

Ainsi, les Opco Akto, Constructys, Opco Mobilités, Atlas, EP ou encore Uniformation - pour ne citer qu'eux - ont indiqué avoir mobilisé des ressources issues de contributions volontaires des branches pour compléter les financements issus du FNE-Formation, avec des enveloppes allant de quelques centaines de milliers d'euros à une dizaine de millions d'euros.

Les rapporteurs spéciaux recommandent de mobiliser davantage, pour les branches qui le peuvent, les fonds conventionnels en complément des crédits du FNE-Formation.

Cette option, discutée lors de l'audition de plusieurs Opco, n'a pas fait consensus, de nombreux opérateurs de compétence relayant une certaine lassitude ressentie dans leur branche. En effet, les contributions des entreprises à la formation ne bénéficient pas toujours à ceux qui les acquittent. Ainsi, la Cufpa est due par l'ensemble des entreprises mais ne bénéficie qu'aux entreprises de moins de 50 salariés. Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux concèdent qu'il peut être difficilement audible, pour certaines entreprises de taille moyenne, de contribuer davantage alors même que les fonds publics qui leur sont destinés se tarissent.

Les rapporteurs spéciaux recommandent toutefois, lorsque des accords sectoriels apparaissent possibles, d'encourager le développement des contributions conventionnelles à mobiliser en complément du FNE-Formation.

Enfin, les rapporteurs spéciaux recommandent d'orienter les entreprises de moins de 50 salariés en priorité vers des sources de financement alternatives qui leur sont spécifiquement dédiées, comme le plan de développement des compétences (PDC-50). Les rapporteurs soulignent à ce titre que la diminution de la part des actions de formation financées en faveur d'entreprises de moins de 50 salariés - elle est passée de 37,3 % en 2020 à 29,5 % en 2023 - semble indiquer que la complémentarité entre le FNE-Formation et le PDC-50 est de plus en plus recherchée. Ils appellent à poursuivre cette tendance, à condition que les fonds soient bien redéployés vers des entreprises de moins de 250 salariés.

Recommandation n° 2 : Mobiliser, lorsque cela est possible, des financements alternatifs ou complémentaires au FNE-Formation :

- Recourir davantage aux fonds conventionnels, afin de compléter les financements du FNE-Formation ;

- Orienter les entreprises de moins de 50 salariés pour recourir en priorité, à des financements alternatifs, comme le plan de développement des compétences.

3. Cibler : les fonds doivent bénéficier d'abord aux publics et aux formations prioritaires
a) Cibler les formations les plus stratégiques, au sein des transitions jugées prioritaires par chaque Opco

Enfin, les rapporteurs spéciaux recommandent de procéder à un ciblage précis des fonds engagés au titre du FNE-Formation en faveur des actions de formation qui répondent le mieux à ces objectifs. Un tel ciblage paraît indispensable pour concilier à la fois les contraintes découlant du décret d'annulation du 12 février 2024 et la volonté d'accroître l'efficacité du dispositif.

Les Opco, gestionnaires du FNE-Formation, sont en première ligne pour assurer un ciblage efficient des crédits qui leurs sont délégués, en fonction de leurs priorités.

D'abord, les conseils d'administration des Opco sont en capacité de définir des priorités de financement, faculté à laquelle ils ont souvent recours. Ainsi, certains Opco ont indiqué circonscrire leur prise en charge aux formations répondant à l'une ou l'autre des « transitions » ou thématiques mises en avant par l'administration. Ainsi, l'Opco Mobilités a défini la transition énergétique et l'organisation des grands événements sportifs comme ses priorités ; l'Opco Atlas envisage de faire de même en faveur des transitions écologiques et numériques.

Enfin, au sein de chaque transition, le ciblage des formations jugées les plus stratégiques permettrait de concentrer les moyens sur les actions prioritaires. Ainsi, la DGEFP avait indiqué que les formations bureautiques, qui avait parfois été financées par le FNE-Formation pendant et en sortie de la crise sanitaire, n'étaient désormais plus éligibles, les formations en intelligence artificielle et en cybersécurité étant les principales visées par le nouvel axe « Transition numérique ». Un strict ciblage vers ces formations stratégiques devrait, au vu de la contrainte budgétaire, être poursuivi.

b) Réduire l'assiette des coûts éligibles et plafonner les niveaux de prise en charge pour compenser la baisse des moyens

Une réponse envisagée, et parfois déjà pratiquée par les Opco pour faire face à la baisse des crédits, consiste à réduire l'assiette des coûts éligibles à la prise en charge par le FNE-Formation afin de financer en priorité les coûts directement liés à la formation, et non les coûts annexes. Ainsi, certains Opco ont financés exclusivement les coûts pédagogiques, comme l'Opco 2i, d'autres ont accepté de prendre également en charge les coûts salariaux des stagiaires. Comme l'indique l'Opco EP, les frais annexes (déplacement, hébergement, restauration, etc.) peuvent relativement aisément être sortis de l'assiette des coûts éligibles, dans la mesure où cela évite également à l'Opco de mener un travail d'instruction, de suivi et de contrôle conséquent.

D'autres Opco, comme l'Opco EP ou encore Akto ont en outre décidé d'encadrer la prise en charge des coûts pédagogiques, par exemple en fixant un plafond de prise en charge, ou en prenant en charge un montant forfaitaire des coûts salariaux des stagiaires. Ainsi, un Opco, invoquant « la raréfaction des crédits accordés par l'État », a indiqué avoir défini un montant forfaitaire de prise en charge de 12 euros par heure pour les coûts salariaux et un plafond de 2 500 euros hors taxe par jour pour les coûts pédagogiques.

Bien employés, ces mécanismes de plafonnement peuvent en outre constituer une incitation pour les entreprises à recourir à des formations moins coûteuses, le montant forfaitaire de prise en charge des coûts salariaux incitant même les entreprises, toutes choses égales par ailleurs, à former leurs salariés les moins bien rémunérés.

Le ciblage de la prise en charge sur un nombre plus limité de coûts éligibles, pourrait en tout état de cause permettre de mieux faire face à la baisse des crédits, tout en continuant de faire bénéficier de ces formations le plus grand nombre de salariés et d'entreprises.

c) Moduler le taux de prise en charge, pour soutenir davantage les formations répondant aux priorités identifiées

Enfin, les Opco disposent de la faculté de moduler les taux de prise en charge des formations en fonction des priorités identifiées. Ainsi, l'Opco du secteur agricole, OCAPIAT, a indiqué avoir introduit une modulation de l'ordre de 5 % à 10 % du taux de cofinancement public selon que les formations sont - ou non - destinées à des publics seniors.

Taux de cofinancement prévus par OCAPIAT
selon que les formations bénéficient ou non à des publics séniors

Taille de l'entreprise

Petite entreprise*

Moyenne entreprise**

Grande entreprise***

Tous publics

Publics seniors

Tous publics

Publics seniors

Tous publics

Publics seniors

Taux de cofinancement public

65 %

70 %

50 %

60 %

40 %

50 %

*Entreprise qui emploie moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires ou le total du bilan annuel n'excède pas 10 millions d'euros.

**Entreprise qui emploie moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires ou le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros.

***Entreprise n'entrant pas dans les deux premières catégories.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par OCAPIAT

Cette modulation, qui entre dans les attributions de l'Opco en tant que gestionnaire du dispositif - dans les limites imposées par le RGEC - n'a à la connaissance des rapporteurs spéciaux été mise en oeuvre que par OCAPIAT. Réalisée à la baisse, elle permet de concentrer le soutien public sur les priorités définies par l'administration centrale dans ses instructions, tout en diminuant la participation du FNE-Formation au financement de formations qui ne concernent pas les publics prioritaires.

OCAPIAT indique d'ailleurs que cette modulation du taux de cofinancement a atteint son objectif, dans la mesure où la part des séniors parmi les bénéficiaires a augmenté de 12,6 % en 2021-2022 à 15 % en 2023.

En ce sens, la modulation du taux de prise en charge permet à la fois de s'adapter à la raréfaction des financements publics et de piloter le dispositif dans un sens plus favorable à l'atteinte de ses objectifs.

Recommandation n° 3 : Cibler les prises en charge au titre du FNE-Formation vers les formations, les coûts et les publics prioritaires :

- Cibler les formations les plus stratégiques au sein des transitions jugées prioritaires par chaque Opco ;

- Réduire l'assiette des coûts éligibles à la prise en charge par le FNE-Formation et plafonner les niveaux de prise en charge ;

- Moduler les taux de prise en charge des formations en fonction des priorités identifiées, dans une double perspective d'économies et de ciblage des crédits.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 mai 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial et Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale, sur le Fonds national de l'emploi - Formation (FNE-Formation).

M. Claude Raynal, président. - Nous allons à présent entendre une communication de M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial, et Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale, de la mission « Travail et emploi », sur le Fonds national de l'emploi-Formation (FNE-Formation).

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Le FNE-Formation est un dispositif ancien, aux origines modestes, qui a fait l'objet d'une métamorphose plutôt heureuse ces dernières années.

Créé en 1963, le FNE-Formation a été pensé comme un instrument permettant d'accompagner, par la formation, les reconversions professionnelles des salariés licenciés pour raisons économiques. Pour un observateur de 2024, la faible voilure de ce dispositif avant 2020 est surprenante : avec 4,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) en 2019, le FNE-Formation demeurait assez marginal, pour ainsi dire à l'état larvaire.

Dès avril 2020, toutefois, le FNE-Formation a été fortement mobilisé. Il l'a d'abord été pour financer des formations au bénéfice des salariés placés en activité partielle, afin de préserver voire d'étendre leurs compétences durant ces périodes d'inactivité forcée. En 2021 et en 2022, le FNE-Formation a continué d'être mobilisé, tout en étant progressivement réorienté.

Les conditions d'éligibilité des entreprises ont en effet été revues pour préparer la sortie de crise : dans le cadre du plan de relance puis du plan de réduction des tensions de recrutement, le FNE-Formation a été dirigé vers des entreprises recourant à l'activité partielle et à l'activité partielle de longue durée, ainsi qu'à des entreprises en difficulté, en mutation ou en reprise d'activité, quelle que soit leur taille.

Depuis 2023, le dispositif a ainsi été ouvert à toutes les entreprises qui souhaitent faire bénéficier leurs salariés de formations visant à préparer les grandes transitions - numérique, écologique et agricole -, ainsi qu'à la préparation de la Coupe du monde de rugby et des jeux Olympiques et Paralympiques. Le dispositif a ainsi achevé sa métamorphose.

Parallèlement, les crédits alloués au FNE-Formation ont considérablement augmenté. Après 4,2 millions d'euros en 2019, le fonds a bénéficié de l'ouverture de 223,1 millions d'euros en 2020, de 448,9 millions d'euros en 2021 et de 333 millions d'euros en 2022. En 2023, les montants alloués au dispositif ont connu une première baisse, cohérente au vu de la sortie de crise, et se sont établis à 141,9 millions d'euros. Ces moyens importants ont permis de financer plus d'un million et demi d'actions de formation entre 2020 et 2023.

Pour filer la métaphore, au sortir de sa chrysalide, le FNE-Formation a toutefois été percuté par le décret du 21 février 2024, qui, avec 1,1 milliard d'euros annulés sur la mission « Travail et emploi », a accentué cette tendance à la baisse des crédits. Alors que 273 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) étaient prévus en loi de finances initiale, seuls 96 millions d'euros seront effectivement alloués au FNE-Formation.

Pour ma part, je considère qu'il faut prendre acte de cette diminution. Dans le contexte actuel, qui appelle à une réduction urgente du déficit public, il ne me semble pas déraisonnable que la mission « Travail et emploi », dont les crédits ont fortement augmenté ces dernières années, participe à l'effort de réduction des dépenses.

Toutefois, je crois parler en mon nom et en celui de Ghislaine Senée en affirmant qu'au terme de ce contrôle, le FNE-Formation nous apparaît comme un dispositif utile. À nos yeux, réduire encore les crédits qui lui sont alloués reviendrait à le replacer dans l'état larvaire d'où la crise sanitaire l'avait tiré. Il serait dommage que, à peine sorti de son cocon, le FNE-Formation vive la vie d'un éphémère.

La première recommandation que nous émettons est donc de stabiliser les financements du FNE-Formation autour de leur niveau actuel.

Cette exigence de stabilité ne s'arrête toutefois pas là. Stabilisé dans son montant, le FNE-Formation gagnerait également à être stabilisé dans le temps.

Jusqu'en 2020, le FNE-Formation était administré par les services déconcentrés de l'État. Toutefois, au début de la crise sanitaire, la gestion du dispositif a été déléguée par un système de conventionnement aux opérateurs de compétences, les Opco. À ce jour, onze Opco gérés par les partenaires sociaux représentent les branches professionnelles et les entreprises d'un même secteur d'activité. Cette délégation de gestion, qui permet aux branches de déterminer paritairement leurs priorités de formation, a malheureusement aussi pour conséquence de retarder l'exécution du dispositif.

En effet, les conventions entre l'État et les Opco sont trop souvent signées tardivement dans l'année, ce qui empêche le déploiement du dispositif. Par exemple, en 2023, les conventions ont été signées au début du mois d'août. Sans surprise, ces délais empêchent les Opco de mobiliser les crédits du FNE-Formation, ce qui suscite l'incompréhension des entreprises. Les conventions ayant été signées aussi tardivement, aucune formation n'a pu être financée en temps utile avant le début de la Coupe du monde de rugby qui avait lieu en septembre, alors même qu'il s'agissait de l'une des priorités ! Cette situation paradoxale a toutes les chances de se reproduire cette année avec les jeux Olympiques et Paralympiques si le conventionnement entre l'État et les Opco intervient aussi tardivement. Surtout, ce sont les projets de formation dont les salariés des entreprises bénéficient qui pâtissent de ces effets de stop and go.

C'est pourquoi nous appelons à ce que le FNE-Formation fasse l'objet, entre l'État et les Opco, d'un conventionnement pluriannuel, au moins tous les deux ans. Nous avons conscience qu'un tel conventionnement serait d'une portée juridique limitée en raison du principe d'annualité budgétaire, mais il permettrait sans doute de considérablement simplifier les procédures de mise à disposition des crédits aux Opco et de fluidifier la gestion du dispositif. Les retards d'ouverture des enveloppes en seraient certainement réduits.

Notre première recommandation est donc de stabiliser le FNE-Formation, dans ses montants et dans le temps. Notre deuxième recommandation vise, quant à elle, à faire face à la diminution des crédits qui s'est accentuée en 2024. Nous proposons, lorsque cela est possible, de varier les sources de financement et de cofinancement.

En effet, le FNE-Formation ne permet qu'une prise en charge partielle des coûts de formation des entreprises. Ce principe, qui découle du droit européen, permet au FNE-Formation de financer 70 % du coût des formations pour les petites entreprises, 60 % de ce coût pour les entreprises de taille moyenne, et 50 % pour les grandes entreprises. Le reste à charge doit provenir de fonds privés, soit par l'employeur lui-même, soit par la mobilisation de fonds conventionnels issus des contributions supplémentaires décidées par les branches professionnelles.

Certains Opco ont d'ores et déjà recours aux contributions volontaires ou conventionnelles des entreprises pour compléter les financements. C'est pourquoi nous recommandons, là où un accord est possible au sein des branches, de mobiliser davantage les fonds conventionnels en complément des crédits du FNE-Formation.

Enfin, les entreprises de moins de 50 salariés, qui peuvent bénéficier de la mutualisation de la contribution unique à la formation professionnelle et à l'apprentissage (Cufpa), pourraient mobiliser en priorité ces fonds qui leur sont spécifiquement dédiés.

Nous recommandons donc également de varier les sources de financement.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Je rejoins Emmanuel Capus sur de nombreux points, mais je souhaite apporter quelques précisions supplémentaires. À nos yeux, le FNE-Formation est un dispositif pertinent, qui a désormais trouvé sa place et sa raison d'être.

Je conviens qu'il mérite d'être stabilisé pour garantir une visibilité aux Opco et aux entreprises. À titre personnel, j'estime toutefois qu'au vu de son efficacité, il n'aurait pas dû faire l'objet d'une telle cure d'austérité. En effet, notre rapport tend à démontrer que le « coût unitaire » du FNE-Formation est bien inférieur à ce qu'il peut être pour plusieurs dispositifs similaires. Ainsi, le coût moyen d'une action de formation financée par le FNE-Formation est de 907 euros ; ce coût est une fois et demie supérieur pour une action de formation financée par le compte personnel de formation (CPF), atteignant 1 467 euros, et trente-deux fois supérieur pour une action financée par le dispositif dit « Transco », à hauteur de 28 056 euros.

Je m'interroge donc sur la pertinence d'une coupe budgétaire sur un dispositif dont l'efficacité est démontrée. Je comprends la nécessité de réduire la voilure du dispositif en raison des contraintes budgétaires, même si nous combattons cette idée lorsque nous examinons les projets de loi de finances, mais je ne peux que regretter qu'il soit amputé de presque deux tiers de son budget...

Je rappelle également que le FNE-Formation a été réorienté en 2023 vers le financement de formations visant à accompagner les entreprises face aux grandes transitions dans les domaines écologique, agricole et numérique, mais aussi du point de vue démographique, c'est-à-dire pour les métiers liés à la petite enfance et au grand âge. Je juge pertinent le choix de ces priorités qui sont à mon sens vitales pour faire face aux enjeux que l'avenir nous réserve.

Je précise enfin que la proposition de mobiliser davantage les fonds conventionnels a été fraîchement accueillie par les Opco. En effet, les contributions des entreprises à la formation ne bénéficient pas toujours à ceux qui les acquittent. Ainsi, la Cufpa est due par l'ensemble des entreprises, mais ne bénéficie qu'à celles de moins de 50 salariés. Or les entreprises de plus de 50 salariés n'acceptent que difficilement de payer une contribution dont elles ne bénéficient pas. Les PME, qui comptent entre 50 et 250 salariés, sont mises à contribution alors qu'elles ont plus de difficultés à financer la compétence de leurs salariés. Nous recommandons donc à la fois de mobiliser davantage les contributions conventionnelles et d'orienter les plus petites entreprises, éligibles à la mutualisation de la Cufpa, vers les fonds qui leur sont réservés. Les marges de manoeuvre ainsi dégagées pourraient bénéficier aux PME de plus de 50 salariés. Cet équilibre est essentiel pour assurer l'acceptabilité d'efforts supplémentaires.

J'en viens à notre troisième et dernière recommandation. Emmanuel Capus vous a déjà indiqué que nous proposions d'une part de stabiliser le FNE-Formation et d'autre part de varier les sources de financement, c'est-à-dire de mobiliser des ressources complémentaires ou alternatives à ce dispositif. Nous recommandons enfin de cibler le FNE-Formation vers les formations et les publics prioritaires.

En effet, l'un des constats les plus saillants de notre rapport est que les dispositifs de formation professionnelle n'atteignent qu'inégalement les salariés qui devraient, à notre sens, en bénéficier en priorité. Or force est de constater que ces publics ne bénéficient pas toujours en priorité du FNE-Formation.

Je pense notamment aux petites et moyennes entreprises, particulièrement celles qui comptent entre 50 et 250 salariés. Entre 2020 et 2023, leur proportion d'entreprises de moins de 250 salariés a décru parmi les bénéficiaires, passant de 62,2 % à 57,5 %, alors que la part des entreprises de plus de 250 salariés a augmenté, passant de 37,8 % à 42,6 %.

De même, les catégories socioprofessionnelles les plus qualifiées sont surreprésentées, au détriment des travailleurs les moins qualifiés. Les ingénieurs et les cadres représentent 36,3 % des bénéficiaires en 2023, alors que la proportion d'ouvriers non qualifiés, fortement en baisse, est passée de 11,1 % en 2021 à 4,1 % en 2023.

Depuis 2020, la part des femmes bénéficiant d'une formation financée par le FNE-Formation est également en baisse : les femmes représentaient 44 % des stagiaires en 2020, contre seulement 34,2 % en 2023. Nous émettons l'hypothèse que ce décrochage s'explique par la fin du recours massif à l'activité partielle, qui constituait une opportunité inédite pour les femmes d'avoir accès à la formation. Ce faible taux de féminisation interroge, l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle étant un objectif auquel nous souscrivons tous.

Nous pouvons toutefois constater une augmentation de la part des plus âgés parmi les bénéficiaires du FNE-Formation. Leur proportion a augmenté de 6 points entre 2020 et 2023. Cela s'explique par la récente réorientation du FNE-Formation qui cible les bénéficiaires seniors, dont nous connaissons les difficultés sur le marché du travail.

Dans ce contexte, il nous paraît donc souhaitable de mieux cibler les fonds du FNE-Formation sur les formations et les publics prioritaires. Ainsi, les formations en lien avec la transition écologique pourraient, en fonction des secteurs d'activité, être particulièrement encouragées. Surtout, afin de cibler des crédits de plus en plus rares vers ceux qui en ont le plus besoin, il est possible, comme le pratique aujourd'hui l'opérateur de compétences pour la coopération agricole, l'agriculture, la pêche, l'industrie agroalimentaire et les territoires (Ocapiat), de moduler le taux de prise en charge en fonction des publics concernés par les formations. Ainsi, le conseil d'administration paritaire d'Ocapiat a introduit une modulation favorable aux seniors. Par exemple, le taux de prise en charge pour une entreprise moyenne est de 60 % si ce sont des seniors qui bénéficient de la formation, mais de seulement 50 % si ce public n'en bénéficie pas. Les entreprises sont ainsi financièrement incitées à faire que des salariés jugés prioritaires par la puissance publique puissent bénéficier de ces formations.

La modulation des taux de prise en charge paraît en tout état de cause une piste intéressante pour mieux cibler le FNE-Formation tout en tenant compte de la raréfaction des deniers publics. Elle apparaît même plutôt efficace, puisque la part des seniors parmi les bénéficiaires du FNE-Formation a augmenté depuis la mise en place de cette modulation selon les données d'Ocapiat.

En conclusion, pour reprendre la métaphore zoologique de mon collègue, la mue du FNE-Formation nous apparaît plutôt réussie. Nos trois propositions - stabiliser, varier, cibler - visent à adapter ce dispositif au retour de la contrainte budgétaire, afin que sa peau neuve ne soit pas le premier trophée de la baisse des dépenses publiques.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le FNE-Formation a connu une amélioration. La formation constitue un vrai sujet en raison de l'évolution de la pyramide des âges. Les études comparatives établissent que nous souffrons d'un problème de productivité et, pour faire face à la forte modification tendancielle de la démographie, il faudra absolument améliorer la formation tout au long de la vie.

Je remarque que les deux rapporteurs spéciaux convergent en ce qui concerne la montée en compétence et un meilleur ciblage des aides. Il me semble que la clé se situe sur ces points : les jeunes peu qualifiés entrant dans le monde du travail doivent tout de suite monter en compétence mais des entreprises peuvent être amenées à se poser la question d'embaucher des collaborateurs ayant autour de 50 ans. Les choses évoluent dans le secteur agricole, mais c'est également en raison de l'effondrement du nombre des exploitants.

Ce rapport démontre qu'il est utile de disposer de données budgétaires et financières objectives. Le montant de ces aides est faible, mais il est nécessaire d'accorder des moyens à la formation dans les parcours professionnels. Ce qui compte, c'est d'améliorer la formation, les compétences et la motivation. Logiquement, si l'on améliore la formation et la qualification, les rémunérations seront meilleures, ainsi que les retraites.

M. Marc Laménie. - Je remercie les rapporteurs spéciaux de leur travail. Vous avez cité divers organismes de formation, mais avez-vous une idée du nombre d'équivalents temps plein (ETP) que cela représente à l'échelon national, et de leur répartition dans les territoires ?

Les grandes régions ont également une compétence en matière de formation. L'Union européenne intervient aussi en la matière. Y a-t-il des interactions financières entre l'État et ces acteurs ?

M. Grégory Blanc. - L'État impose parfois aux entreprises des charges nouvelles, par exemple en ce qui concerne la dématérialisation des facturations. Le poids de cette mesure n'est pas le même pour une très petite entreprise (TPE) que pour une plus grande entreprise. Tous les ans, lors de l'examen du projet de loi de finances, le calendrier est reporté. Cela fait écho à la question de la formation au sein des entreprises, qui doivent absorber les nouvelles techniques liées à la numérisation.

Je partage l'idée qu'il est nécessaire de moduler les taux de prise en charge des formations en fonction de la taille des entreprises. Mais je m'interroge devant celle de recourir à des financements alternatifs reposant sur les seules entreprises pour répondre à une demande de l'État : celui-ci devrait entièrement prendre en charge les contraintes relatives aux larges changements liés à la dématérialisation qu'il impose.

Mme Florence Blatrix Contat. - Le récent rapport de McKinsey Un nouveau futur pour le travail prévoit que le développement de l'intelligence artificielle (IA) générative pourrait conduire à l'automatisation d'environ 27 % des heures de travail d'ici à 2030, et jusqu'à 45 % d'ici à 2035. Cette révolution considérable touchera tous les travailleurs, qui pour partie seront contraints d'occuper de nouvelles fonctions. La montée en compétence des travailleurs sera la clé dans ce changement, tout en sachant que les salariés les moins qualifiés, qui occupent des fonctions de production, administratives ou commerciales, seront les plus exposés. Nous avons besoin d'investir davantage dans la formation : nous risquons sinon de devoir faire face à un déficit de croissance et à des problèmes sociaux. Le sujet est structurel : ces évolutions sont-elles anticipées ? On peut s'inquiéter de la baisse des montants du fonds.

M. Michel Canévet. - Je m'étonne de la forte baisse des crédits consommés ces dernières années. En 2023, l'écart entre les 172 millions d'euros de crédits engagés et les 27 millions d'euros de crédits consommés est considérable. Quelles en sont les raisons, en plus de la signature tardive des conventions ? Comment se passe la répartition des crédits entre les différents Opco ? Ne faudrait-il pas davantage cibler les entreprises bénéficiaires, en concentrant les aides sur les entreprises comptant entre 50 et 250 salariés, pour être sûr de diriger ces aides vers ceux qui ont besoin ? Enfin, comment se fait-il que la part des femmes ayant bénéficié d'une formation diminue aussi fortement ?

M. Victorin Lurel. - Je félicite les rapporteurs spéciaux de la clarté de leur exposé. Toutefois, je reste dubitatif : 177 millions d'euros de crédits sont supprimés sur un total de 271 millions d'euros, et les rapporteurs demandent de stabiliser ces crédits au niveau de 96 millions d'euros. Je me trompe peut-être, d'autant que depuis peu les Opco ont la possibilité de moduler les aides, mais dans ma circonscription, de nombreux salariés n'arrivent pas à boucler les plans de financement et doivent s'adresser à des financeurs alternatifs, auprès de la région ou des chambres consulaires. Maintenir ces fonds au niveau prévu par le décret du 21 février 2024 me semble une proposition austéritaire qui ne répond pas aux nécessités de l'économie.

Quels sont ces financements alternatifs ? Quel est le pouvoir de modulation des Opco ? Comment est évalué le fonctionnement des Opco ? Comment réduire l'assiette des coûts éligibles à la prise en charge par le FNE-Formation ? Les salariés souffrent beaucoup. Comment mieux évaluer ce dispositif, notamment dans l'agriculture et pour les petites entreprises ?

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Emmanuel Capus a raison de demander de rationaliser les dépenses de la mission « Travail et emploi ». Il avait fait une proposition en ce sens lors de l'examen du dernier projet de loi de finances.

Vous avez évoqué les secteurs stratégiques pour la formation et les activités liées aux transitions écologique et démographique, notamment les métiers de l'aide à la personne. Ces secteurs nécessitent d'importantes dépenses d'investissement. Avez-vous recueilli des données pour mesurer l'opportunité économique de ces domaines et les mettre en regard des coûts supplémentaires induits ?

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - M. le rapporteur général et moi-même partageons la même vision : il est nécessaire d'améliorer la qualification professionnelle au fil de la vie et d'accompagner la montée en compétence.

Monsieur Laménie, tout d'abord, je ne connais pas le nombre d'ETP employés dans les Opco. Ensuite, je vous rappelle que les conseils régionaux n'interviennent plus dans ce domaine. Enfin, le plan de relance a investi dans la formation, à l'aide d'un montant de 800 millions d'euros issu de financements européens.

Monsieur Grégory Blanc, l'exemple de la dématérialisation de la facturation est la parfaite illustration du nécessaire accompagnement par l'État des TPE dans la transition numérique au travers du FNE-Formation. Toutefois, le droit européen ne permet pas une prise en charge totale par l'État de tels financements.

Madame Blatrix Contat, nous souhaitons moduler le dispositif, afin que les salariés les moins qualifiés soient davantage pris en compte, car ce ne sont pas forcément ceux qui demandent le plus de formations, contrairement aux cadres des grandes entreprises, lesquels sont surreprésentés. Selon nous, une telle priorisation est nécessaire.

Monsieur Canévet, les 256 millions d'euros de crédits sont répartis entre les Opco par les services du ministère du travail, en fonction du nombre de salariés concernés, du poids des secteurs d'activité et de la demande. Le faible taux d'exécution des crédits en 2023 est dû à l'exceptionnelle tardiveté de la signature des conventions durant cet exercice.

Nous préconisons de verser les aides aux entreprises de moins de 250 salariés en priorité, car nombre de grandes entreprises demandent à bénéficier de ce dispositif.

Monsieur Lurel, si ma collègue rapporteure spéciale souscrit à votre analyse, ce n'est pas le cas de la commission, qui pourrait légitimement souhaiter revenir à un montant pré-covid de 4,2 millions d'euros pour le FNE-Formation ! Aussi, nous avons trouvé un consensus pour stabiliser les crédits du fonds à hauteur de 96 millions d'euros. Les représentants des Opco nous ont alertés : à moins de 90 millions d'euros, ils n'auraient plus les moyens de travailler et le FNE-Formation disparaîtrait.

Madame Paoli-Gagin, nous ne disposons pas de données relatives aux activités liées aux transitions écologique et démographique. Grâce à la formation, les métiers du secteur médico-social peuvent s'y adapter, et cela montre que le FNE-Formation peut apporter beaucoup à notre économie et à notre population.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Malheureusement, l'État a décidé de couper le budget du FNE-Formation sans passer par un projet de loi de finances rectificative (PLFR). Nous avons à tout le moins essayé de stabiliser le budget des Opco à 96 millions d'euros ; ce qui n'est pas satisfaisant. Aussi, nous mènerons la bataille lors du prochain PLF !

Les différentes branches travaillent en coopération et sont très solidaires, cela m'a impressionnée.

Le champ de la compétence des salariés ne doit pas être abandonné. Il faut accompagner les salariés confrontés aux évolutions technologiques, liées notamment à l'intelligence artificielle.

Les branches ont conscience de la nécessité d'anticiper l'accompagnement des salariés dans ces transitions, qui sont parfois subies. Les évolutions sont très rapides et il faut s'y adapter ; il n'y a pas d'effets d'aubaine. Il convient d'aider en priorité les entreprises qui comptent entre 50 et 250 salariés, car elles ont peu de moyens.

En règle générale, ce sont les femmes qui ont le plus recouru à l'activité partielle. Cela a créé un appel d'air au moment du covid, mais l'activité partielle diminuant, les femmes sont moins présentes dans les formations.

Je suis convaincue de la nécessité d'un tel dispositif : la compétence doit être accompagnée au sein des entreprises, en raison des nouvelles pratiques agricoles ou numériques, et des évolutions sociologiques : à 30 ans ou à 40 ans, certains salariés décident d'opter pour un autre parcours de vie et ont besoin d'être formés pour pouvoir satisfaire leurs aspirations.

La commission a adopté les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorisé la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction du budget - 6ème sous-direction - bureau 6 BEFP (emploi et formation professionnelle)

- M. Olivier DUFREIX, adjoint à la sous-directrice ;

- Mme Laura DAMBLEMONT, adjointe au chef du bureau de l'emploi et de la formation professionnelle.

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

- M. Stéphane REMY, sous-directeur en charge des politiques de formation et du contrôle ;

- Mme Agathe ANDRIEUX, adjointe à la cheffe de la mission du fonds national de l'emploi ;

- M. Guillaume JASPART, chef de projet.

Acteurs de la Compétence

- M. Guillaume HUOT, vice-président ;

- Mme Claire PASCAL, administratrice.

Table ronde des représentants des Opérateurs de compétence (Opco)

AFDAS

- M. Thierry TEBOUL, directeur général.

AKTO

- M. Jean-Marie GLOWACKI, directeur du développement.

OPCO 2i

- Mme Stéphanie VERHAEGHE, directrice Appui aux Branches et Action Prospective.

OPCO MOBILITES

- Mme Isabelle MAIMBOURG, directrice générale adjointe.

OCAPIAT

- M. Hervé PROKSCH, président ;

- M. Jonathan EMSELLEM, directeur général.

ANNEXE -
EXEMPLES DE RECOURS AU FNE-FORMATION EN 2022-2023

TRANSITION NUMÉRIQUE

Exemple n° 1 :

Un Comité régional du tourisme (CRT) a engagé un projet de refonte de son écosystème digital. La majeure partie de son équipe (29 salariés sur 48) a été formée dans ce domaine, afin que l'écosystème digital puisse être maitrisé collectivement. Le CRT a ainsi construit une formation en 3 volets :

- Volet 1 - Ensemble des problématiques digitales

o Maîtriser les enjeux du digital dans le tourisme

o Comprendre le parcours digital, les supports, les leviers et facteurs clés de performance

o Comprendre les problèmes environnementaux et sociétaux du numérique

o Cerner les concepts et composantes du numérique responsable

o S'engager dans une démarche de numérique responsable

- Volet 2 - Compétences opérationnelles

o Les facteurs clés de succès d'un site web de destination

o La performance digitale responsable

o Stratégie d'acquisition éthique et responsable

o Rôle et facteurs clés de succès des contenus digitaux

-Volet 3 - Communication digitale responsable

o Optimiser et scénariser des contenus web performants

o Animer et améliorer son site web

o Piloter la performance responsable de son site web

Le coût total du projet s'élevait à 36 560 euros pour l'ensemble des stagiaires pour 110 heures de formation, dont 25 592 euros ont été pris en charge par le FNE-Formation.

Exemple n° 2 :

Une entreprise exerçant une activité de production de films et de contenu de marque (vidéo, photo, digital, graphisme et évènementiel) a bénéficié du FNE-Formation afin d'acquérir les compétences internes en intelligence artificielle (IA) nécessaires à son utilisation pour l'optimisation des processus, à l'augmentation de sa productivité par l'automatisation de tâches à faible valeur ajoutée et à la production de contenus innovants et créatifs. Les compétences visées sont plurielles : savoir interagir avec les IA, maîtriser le « prompt engineering », connaitre les risques liés à la confidentialité et à la propriété intellectuelle dans l'utilisation de ces outils, découvrir et maîtriser les fonctionnalités des outils comme Midjourney, ChatGPT ou Adobe Firefly.

L'ensemble des salariés de l'entreprise a reçu deux formations d'acculturation à l'IA et de prise en main des outils d'IA pour un total de 560 heures, dont 7 000 euros ont été pris en charge par le FNE-Formation (soit 50 % du coût total du projet de formation).

Exemple n° 3 :

Une entreprise installée en Mayenne et constituée sous la forme d'une joint-venture entre deux entreprises cotées au CAC-40, spécialisée dans la réparation d'aubes de compresseurs haute-pression de moteurs d'avions de ligne, a bénéficié, dans le cadre de son projet à horizon 2027 d'usine du futur et de réinternalisation de l'activité actuellement produite à Singapour, de formations pour inclure de l'automatisation, de la robotisation et de l'intelligence artificielle dans ses activités. L'objectif était d'orienter sa production sur des activités à haute valeur ajoutée et de former de nouveaux effectifs.

Ce projet a été soutenu par le FNE-Formation à hauteur de 49 893 euros.

Exemple n° 4 :

Une entreprise de 10 salariés située dans la Haute-Garonne et spécialisée dans la tôlerie fine de précision a bénéficié du FNE-Formation afin d'adapter les compétences à l'adoption de technologies de modélisation et de simulation 3D avancées et à l'utilisation d'un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO) pour créer des modèles numériques réalistes.

Exemple n° 5 :

Une entreprise exerçant dans le secteur de l'immobilier a été accompagnée par le FNE-Formation afin de développer deux types de compétences.

D'une part, les employés de l'entreprise ont suivi des formations de cybersécurité relatives à la prévention et à la gestion des cyberattaques, l'entreprise ayant constaté une forte augmentation de la réception de courriers frauduleux (phishing) visant à détourner les données clients (RIB, bulletins de salaires, pièces de crédit, relevés d'imposition, etc.) ainsi que l'argent versé à ses clients.

D'autre part, l'entreprise a bénéficié du FNE-Formation pour accompagner la montée en compétences des salariés sur l'utilisation et la maîtrise de l'IA afin de fidéliser ses clients et développer ses ventes.

Le coût total du projet de formation s'est élevé à 42 508 euros pour la formation de 31 salariés pour un total de 744 heures, dont 29 755 euros ont été financés par le FNE-Formation.

Exemple n° 6 :

Une entreprise de trois salariés, confrontée à l'augmentation des demandes dématérialisées, a souhaité mettre en oeuvre la transition numérique de son parcours client. La formation a visé à la création des outils de gestion et d'opérations internes automatisés et à la mise en oeuvre des automatisations avancées (multi-étapes, ancrage web, etc.).

Une salariée a ainsi bénéficié de deux formations pour un coût total de 3 500 euros pour 77 heures, dont 2 450 euros ont été financés par le FNE-Formation.

TRANSITION ÉCOLOGIQUE - ÉNERGÉTIQUE

Exemple n° 7 :

Pour devenir l'enseigne multimarque référente en termes d'entretien et de réparation de 100 % des véhicules hybrides et électriques d'ici 2025, une entreprise de réparation automobile a déployé un dispositif de formation national permettant une acculturation aux technologies d'avenir. Dans ce cadre, le FNE-Formation a permis de financer le parcours de formation « École des Électrotechniciens ».

Une autre entreprise a accompagné ses salariés dans les transformations vers l'électromobilité en lien avec la vente de véhicules industriels et de véhicules utilitaires et avec la maintenance des véhicules. Les salariés des ateliers sont formés vers les nouvelles technologies afin qu'ils puissent assurer la maintenance des véhicules électrifiés. Les commerciaux sont formés sur l'écosystème et les environnements électrifiés afin de pouvoir jouer pleinement leur rôle de conseil des clients.

Exemple n° 8 :

Une entreprise de 5 salariés située en Bretagne et spécialisée dans la mutualisation des achats pour les industriels agroalimentaires a bénéficié du FNE pour un salarié au titre d'un projet de formation pour développer les compétences dans les achats d'énergie. Le suivi de formations spécifiques aux achats d'énergie, de gaz et d'électricité, nécessaires au vu de la complexité des marchés et de la réglementation, lui permet de conseiller les industriels de l'agroalimentaire qui lui confient leurs achats d'énergie (sécurisation de la couverture, de prix fournisseurs et d'origine de l'énergie) dans un contexte de changement climatique et de crise géopolitique.

Le salarié a suivi un parcours de 14 heures de formation du module « Les fondamentaux des achats de gaz et d'électricité » permettant de maitriser les thématiques « Énergies plus complexes » comme les calculs des coûts d'acheminement ou l'approfondissement des structures de prix et gagner en autonomie dans la maitrise du portefeuille achat.

Le parcours de formation a été financé à hauteur de 1 505 euros par le FNE-Formation (coût total du projet : 2 408 euros).

Exemple n° 9 :

Une entreprise de 18 salariés située dans le département du Var, qui produit et exploite des ballons captifs à des fins d'utilisations civiles et militaires, a bénéficié de plusieurs formations destinées à développer de nouveaux produits à très faible émission :

- dans le domaine des ballons stratosphériques : conception de ballons capables d'effectuer des relevés photographiques et/ou de données afin de détecter de manière précoce les départs de feux de forêts, de suivre des déplacements migratoires et d'en analyser les impacts sur la faune, d'effectuer des relevés de pollution atmosphérique etc. ;

- dans le domaine des véhicules à mobilité urbaine décarbonée : développement de nouveaux véhicules de mobilité urbaine ;

- dans le domaine du cargo pour transport décarboné : développement d'un nouveau produit utilisant les techniques liées au dirigeable déjà brevetées par l'entreprise et permettant le transport de marchandises jusqu'à 12 tonnes. Ce dirigeable pourra être utilisé dans des zones reculées ou difficilement accessibles par voies terrestres, afin d'apporter de l'aide humanitaire sur des zones sinistrées, faire du transport de marchandises (bois ou autres matériels de construction), permettre de l'exploration environnementale, etc.

Ce projet de formation a été financé par le FNE-Formation à hauteur de 27 684 euros.

Exemple n° 10 :

Une entreprise implantée dans les Hauts-de-France a bénéficié du FNE-Formation afin de développer des programmes de construction de logements en auto-suffisance, autonomes en production et consommation énergétique.

Trois salariés de l'entreprise ont bénéficié d'une formation de deux mois, pour un coût total de 11 561 euros dont 5 780 euros ont été financés par le FNE-Formation.

Exemple n° 11 :

Une entreprise de transport routier de marchandises a bénéficié du FNE-Formation afin de former 47 de ses salariés à la conduite éco-responsable, dans le cadre de sa démarche globale autour de la charte CO2 et avec l'objectif d'obtenir le label Objectif CO2, pour réduire l'impact énergétique et environnemental de ses activités de transport.

Les salariés concernés ont ainsi bénéficié d'une formation de 7 heures (329 heures au total), pour un coût total de 39 345 euros dont 23 607 euros ont été financés par le FNE-Formation.

Exemple n° 12 :

Une entreprise de 122 salariés rattachée au secteur de l'industrie alimentaire et spécialisée dans la production du lait, de produits laitiers et dans la vente à l'industrie de la transformation a bénéficié du FNE-Formation pour s'adapter au changement climatique, qui impacte la qualité du lait produit en été et le bien-être animal, ce qui requiert une adaptation des bâtiments d'élevages afin de réduire les conséquences physiologiques des fortes chaleurs sur les bovins. Dix salariés de l'entreprise (dont 3 séniors) ont ainsi suivi un parcours de formation de 42 heures dans le cadre d'une démarche « Ferme laitière bas carbone » portant notamment sur la limitation du stress thermique des élevages, la maîtrise des outils de diagnostic des risques, l'adaptation des assolements aux évolutions climatiques, l'impact de l'alimentation du cheptel sur l'environnement et les impératifs d'évolution alimentaires et sur la qualité du lait.

Le coût total du projet de formation était de 24 108 euros pour l'ensemble des salariés, dont 12 915 euros ont été financés par le FNE-Formation.

TRANSITION ALIMENTAIRE

Exemple n° 13 :

Quatre entreprises de la région Nouvelle Aquitaine ont conjointement bénéficié du FNE-Formation afin de former un total de 26 salariés (dont 4 séniors) à la vaccination des palmipèdes après les vagues de grippe aviaire. L'objectif de la formation était d'acquérir des compétences de maitrise du geste vaccinal ainsi que les connaissances des règles de la biosécurité en élevage et de la traçabilité des interventions.

Le coût total du projet s'élevait à 10 995 euros dont 6 332 euros ont été financés par le FNE-Formation.

Exemple n° 14 :

Une boulangerie artisanale a bénéficié du FNE-Formation dans le cadre de sa démarche éco-responsable visant à intégrer de nouvelles méthodes de fabrication pour lutter contre le gaspillage alimentaire et à réduire l'impact environnemental auprès des équipes de vente.

Quinze salariés de l'entreprise ont ainsi bénéficié d'une formation, pour un coût total de 14 264 euros dont 9 984 euros ont été financés par le FNE-Formation.

GRANDS ÉVÈNEMENTS SPORTIFS

Exemple n° 15 :

Onze des seize salariés d'une entreprise située à la Réunion ont bénéficié d'une formation de surveillance et de sauvetage en mer (notamment pour la réduction du risque requin) afin d'assurer la sécurité de compétitions à venir : Open de France de surf à la Réunion au premier semestre 2024 et accueil d'une compétition internationale professionnelle de surf en partenariat avec la WSL en 2025 à la Réunion.

Le coût total du projet est de 11 025 euros pour 101 heures de formation pour l'ensemble des salariés dont 7 718 euros ont été financés par le FNE-Formation.

Exemple n° 16 :

La tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est susceptible de générer une augmentation du nombre de pratiquants en situation de handicap. Les structures doivent ainsi constituer des lieux d'accueil et des pratiques sportives adaptées aux pratiquants en situation de handicap, dans un cadre sécurisé et professionnel. Vingt-neuf salariés ont ainsi bénéficié d'une formation à l'accueil des publics en situation de handicap, aux réflexes comportementaux adaptés et à l'adaptation des outils de la structure ainsi qu'à la compréhension des règles d'accessibilité.

Le coût total du projet était de 8 820 euros dont 5 292 euros ont été financés par le FNE-Formation pour 1 218 heures de formation réparties entre 29 salariés de l'entreprise.

Exemple n° 17 :

Une entreprise gérant un centre d'appel spécialisé dans la relation client pour les sourds et malentendants et offrant des services à d'autres entreprises souhaitant rendre accessibles leurs services clients téléphoniques aux clients sourds et malentendants via un accueil par chat ou par webcam, a bénéficié du FNE-Formation afin de former ses salariés, eux-mêmes atteints de surdité, au service client dans le contexte des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

Pour cela, l'entreprise a fait appel à des formations sur-mesure, adaptées au handicap de ses salariés, et nécessitant de faire appel à des interprètes français/langue des signes, ce qui représente un coût plus important que pour une formation classique.

L'aide du FNE accompagne cet investissement : 8 salariés ont ainsi été formés, pour un total de 224 heures de formation et un coût global de 13 668 euros, dont 8 212 euros ont été financés par le FNE-Formation.

Source : les exemples ont été transmis aux rapporteurs spéciaux par la DGEPF

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI (TEMIS)

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

AXE N° 1 - STABILISER LE FINANCEMENT ET LE FONCTIONNEMENT DU FNE-FORMATION

1

A minima maintenir les crédits dédiés au FNE-Formation à leur niveau actualisé pour 2024, ce dispositif ne constituant pas un gisement d'économies viables pour l'avenir 

Gouvernement, Parlement

Dès 2024

Loi de finances

2

Procéder à une budgétisation au moins biannuelle du FNE-Formation et à un conventionnement d'égale durée avec les Opco, pour améliorer la visibilité sur les montants et les orientations du dispositif 

DB, DGEFP

2025

Conventions

3

Mettre les crédits conventionnés à disposition des Opco dès le début de l'exercice en cours, afin d'éviter les retards et les ruptures de mise en oeuvre

DB, DGEFP

2025

Conventions

AXE N° 2 - MOBILISER DES FINANCEMENTS ALTERNATIFS OU COMPLÉMENTAIRES AU FNE-FORMATION

4

Mobiliser davantage les fonds conventionnels, afin de compléter les financements du FNE-Formation 

Branches professionnelles, Opco

Dès 2024

Négociation collective ; résolution des CA des Opco

5

Orienter les entreprises de moins de 50 salariés pour recourir en priorité, à des financements alternatifs, comme le plan de développement des compétences

Branches professionnelles, Opco

Dès 2024

Tous moyens

AXE N° 3 - CIBLER LES PRISES EN CHARGE AU TITRE DU FNE-FORMATION VERS LES FORMATIONS, LES COÛTS ET LES PUBLICS PRIORITAIRES

6

Cibler les formations les plus stratégiques au sein des transitions jugées prioritaires par chaque Opco 

Conseils d'administration des Opco

Dès 2024

Résolution des CA des Opco

7

Réduire l'assiette des coûts éligibles à la prise en charge par le FNE-Formation et plafonner les niveaux de prise en charge 

Conseils d'administration des Opco

Dès 2024

Résolution des CA des Opco

8

Moduler les taux de prise en charge des formations en fonction des priorités identifiées, dans une double perspective d'économies et de ciblage des crédits

Conseils d'administration des Opco

Dès 2024

Résolution des CA des Opco


* 1 Le Monde, «  Le FNE-Formation, une aide aux contours nébuleux pour les entreprises fragiles », 7 janvier 2022, modifié le 1er avril 2022.

* 2 Ovide, Les Métamorphoses, XV, v. 252-259, Les Belles Lettres, trad. Olivier Sers.

* 3 Le Monde, «  Le FNE-Formation, une aide aux contours nébuleux pour les entreprises fragiles », 7 janvier 2022, modifié le 1er avril 2022.

* 4 Claude Thomas, « Le Fonds national de l'emploi », Cahier du Cahtefp, n° 4, 2000.

* 5 G. Koubi (dir.), La littérature grise de l'administration, Berger-Levrault, coll. « Au fil du débat », 2015.

* 6 Circulaire DGEFP n° 2011-12 du 1er avril 2011 relative à la démarche d'appui aux mutations économiques.

* 7 International Monetary Fund, World Economic Outlook, April 2020: « The Great Lockdown ».

* 8 Instruction DGEFP du 9 avril 2020 relative au renforcement du FNE-Formation dans le cadre de la crise du Covid-19.

* 9 Instruction DGEFP du 9 novembre 2020 relative à la mise en place du FNE-Formation dans le cadre de l'activité partielle et de l'activité partielle de longue durée.

* 10 Instruction DGEFP n° D-21-002987 du 27 janvier 2021 relative à la mobilisation du FNE-Formation dans le cadre de parcours de formation.

* 11 Instruction DGEFP n° D-21-023831 du 7 septembre 2021 relative à la mobilisation du FNE-Formation et de la pro A pour financer les parcours de formation des salariés.

* 12 Instruction DGEFP n° D-22-004111 du 14 février 2022 relative à la mobilisation du FNE-Formation et de la pro A pour financer les parcours de formation des salariés.

* 13 Règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014 modifié déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

* 14 Commission européenne, Aide d'État SA.56985 (2020/N) - France - Covid-19 : Régime cadre temporaire pour le soutien des entreprises.

* 15 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 16 Instruction DGEFP n° D-23-006082 du 21 avril 2023 relative à la mobilisation du FNE-Formation en 2023.

* 17 Instruction DGEFP n° D-21-002987 du 27 janvier 2021 relative à la mobilisation du FNE-Formation dans le cadre de parcours de formation.

* 18 Comité d'évaluation du plan France Relance, Rapport final, Vol. II - Évaluation des dispositifs, Chapitre 12 : L'activité partielle de longue durée et le plan pour la formation, janvier 2024.

* 19 Instruction DGEFP n° D-23-026471 modifiant l'instruction du 21 avril 2023.

* 20 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 21 Instruction DGEFP n° D-23-006082 du 21 avril 2023 relative à la mobilisation du FNE-Formation en 2023.

* 22 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire, mission « Travail et emploi », 2021.

* 23 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire, mission « Plan de relance », 2021.

* 24 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire, mission « Travail et emploi », 2022.

* 25 Rapport portant sur les tensions sur les effectifs et compétences dans l'industrie et dispositifs de formation associés - Juillet 2023 - IGF, IGAS, IGESR.

* 26 Emmanuel Capus et Daniel Breuiller, Annexe n° 32 « Travail et emploi » au Rapport général n° 771 (2022-2023) fait au nom de la commission des finances, déposé le 28 juin 2023 ; Emmanuel Capus et Ghislaine Senée, Annexe n° 32 « Travail et emploi » au Rapport général n° 128 (2023-2024) fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2023.

* 27 Insee, Enquête emploi 2021, Séries longues sur le marché du travail.

* 28 Calavrezo O., Hounkpevi L., Journeau F. et Robin Y. (2021), « L'utilisation de l'activité partielle en France pendant la crise de la Covid-19 : une analyse empirique sous l'angle du genre », Socio-économie du travail, 2020-2, n° 8.

* 29 Briard, Karine. « Formation et progression professionnelle : des logiques genrées selon les emplois occupés », Formation emploi, vol. 161, no. 1, 2023, pp. 39-60 ; Dares, Karine Briard, « Formation et progression professionnelle : quelles logiques pour les femmes et les hommes ? Une évaluation sur la période 2010 - 2015 », Juillet 2021, N° 248.

* 30 Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel de leur utilisation, communication à la commission des finances de l'Assemblée nationale, juillet 2021, pp. 127-129.

* 31 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023, p. 95.

* 32 Le Monde, «  Le FNE-Formation, une aide aux contours nébuleux pour les entreprises fragiles », 7 janvier 2022, modifié le 1er avril 2022.

* 33 Dares, «  Les organismes de formation des demandeurs d'emploi. Des effets différenciés sur l'accès à l'emploi », Document d'études n° 250, août 2021.

* 34 France Compétences, Rapport sur l'usage des fonds de la formation professionnelle, édition 2023.

* 35 Vergnaud, « Au fond de l'action de conceptualisation », in Barbier J-M, Savoirs théoriques et savoirs d'action, 1996, Paris, PUF, cité dans ibid.

* 36 Melnik-Olive E., « Crise sanitaire et formation professionnelle : le temps libéré ne suffit pas pour se former », Céreq Bref, n° 420, mars 2022.

* 37 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 38 Guergoat-Larivière, M., Perez, C. (2017), « Formation continue des salariés en temps de crise : quels liens avec les ajustements pratiqués par leurs entreprises ? »? Formation emploi, 137, 51-71.??????????????????????????????????????

* 39 Rapport portant sur les tensions sur les effectifs et compétences dans l'industrie et dispositifs de formation associés - Juillet 2023 - IGF, IGAS, IGESR. Les inspections recommandaient en effet de « stabiliser le FNE-Formation pour l'industrie et donner une visibilité sur ses orientations ».

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