D. REMETTRE À NIVEAU LES MOYENS D'ACTION DES SERVICES RÉPRESSIFS

La commission d'enquête propose de faire de l'Ofast le vrai chef de file de la lutte contre le narcotrafic - ce qu'il n'est qu'en titre jusqu'à présent - et de le repenser comme une « DEA à la française ». Cela doit passer par un changement de son positionnement institutionnel : simple office rattaché à la direction générale de la police nationale, l'Ofast peut difficilement jouer son rôle de coordination de l'action des services répressifs. Un double rattachement aux ministères de l'intérieur et de l'économie et des finances sera de nature à faciliter le dialogue avec les organismes relevant de ce dernier ministère, à commencer par les douanes. Une telle mesure doit s'accompagner d'un recentrage de l'Office sur son coeur de métier, à savoir la poursuite des trafiquants du « haut du spectre », d'un renforcement de ses moyens (avec notamment la création d'une direction technique autonome) et de la mise en oeuvre d'un pouvoir d'évocation sur les enquêtes les plus complexes.

Parallèlement, la lutte contre le narcotrafic restera aveugle sans une véritable association des acteurs locaux que sont les maires et les bailleurs sociaux, dont le rôle de vigies doit être mieux mis en valeur. Les maires, notamment, ont besoin d'être sécurisés dans ce rôle, et dotés de véritables moyens d'action contre le narcotrafic au niveau local.

Il convient enfin de développer le recours aux techniques innovantes. Interrogés sur ce dont ils avaient le plus besoin pour significativement accroître l'efficacité de la lutte contre le narcotrafic, les services d'enquête et les magistrats ont unanimement cité, parmi leurs priorités, l'impératif de disposer de capacités techniques et cyber suffisantes pour accéder aux réseaux cryptés. Les dossiers EncroChat et Sky ECC le démontrent : casser une messagerie cryptée, c'est augmenter la probabilité de remonter toute une filière, de démanteler un réseau et d'aboutir à de nombreuses condamnations et saisies.

Alors que les narcotrafiquants ne cessent d'investir pour développer et acquérir des outils technologiques de pointe, les forces de l'ordre doivent être en mesure d'entraver l'utilisation de ces moyens de communication.

Pour les services d'enquête, le recours à l'intelligence artificielle a pour principal avantage de permettre de traiter rapidement un immense volume de données - volume que des services d'enquête sous-dotés et surchargés de dossiers ne seraient jamais en mesure d'appréhender à eux seuls. Elle peut concourir à comprendre des réseaux, à éclairer l'environnement des mis en cause, à recueillir des éléments de preuve et donc, in fine, à progresser dans les enquêtes. La commission d'enquête considère que l'usage de l'intelligence artificielle (IA) doit être développé et devenir un appui pour les services, sans céder à la tentation d'un usage généralisé qui ne serait pas sans soulever de difficultés au regard de la protection des données personnelles et du droit au respect de la vie privée. Il est essentiel que les services disposent au plus vite d'une analyse des potentialités permises par le cadre juridique actuel (qui n'a pas été épuisé par les pratiques existantes) pour expérimenter leurs outils.

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