C. FAIRE DE LA SANTÉ DES POPULATIONS ET DE LA RÉDUCTION DES NUISANCES SONORES AÉROPORTUAIRES UNE PRIORITÉ

1. Prendre de nouvelles mesures pour limiter les nuisances sonores liées à l'aéroport

Le rapporteur fait sien le mot d'ordre de l'ensemble des maires des communes de la métropole de Nantes, qui ont rappelé, dans une position commune publiée en octobre 2023 que : « l'enjeu de la santé des populations doit être au coeur des préoccupations de tous ».

Plusieurs pistes de réflexion sont à ce titre étudiées.

a) Le déploiement d'un « essaim » d'aéroports pour le Grand Ouest ?

Face au constat de la saturation de l'aéroport de Nantes Atlantique et du niveau de nuisances sonores très élevé dont sont victimes les riverains, la question de la répartition du trafic sur les différents aéroports du Grand Ouest, notamment Rennes et Angers, et de l'organisation d'un maillage aéroportuaire « en essaim » s'est posée.

Les présidents des conseils départementaux du Maine-et-Loire et de la Sarthe, Christian Gillet et Dominique Le Mèner, ont souligné au moment de l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes que l'aéroport d'Angers pouvait être « une solution complémentaire à l'aménagement des aéroports de Nantes et Rennes ». Le Président d'Angers Loire-Métropole et maire d'Angers, Christophe Béchu, a déclaré en février 2018 à ce propos que « les infrastructures, comme l'aérogare et la piste, et les services existants sur la plateforme angevine peuvent offrir de réelles complémentarités avec les aéroports de Nantes et Rennes dans une optique de mise en réseau des aéroports du Grand Ouest ».

En théorie, une telle option aurait en effet présenté certains avantages : elle aurait permis de limiter les nuisances tout en tirant parti d'infrastructures existantes, sans avoir à augmenter les capacités de l'aéroport de Nantes Atlantique.

Cependant, en pratique, une telle politique de « multipolarisation » des aéroports de l'ouest semble difficile à mettre en oeuvre. D'une part, une gestion unifiée de ces aéroports serait très complexe, dans la mesure où ils sont gérés selon des modalités différentes. Tandis que l'aéroport de Nantes Atlantique est un aéroport national, propriété de l'État, celui d'Angers appartient à Angers Loire Métropole et celui de Rennes au Conseil régional de Bretagne. La DGAC a souligné les difficultés opérationnelles qu'induirait une telle répartition : « À l'exception des aérodromes exploités par ADP en Île-de-France, pour lesquels un arrêté prévoit une répartition du trafic aérien, selon les types d'aéronefs et les caractéristiques des vols, entre Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget, il n'existe pas en France de répartition organisée par l'État du transport aérien entre plusieurs aérodromes desservant une même zone urbaine ».

En outre, pour les compagnies aériennes, une stratégie de multilocalisation implique une multiplication des coûts, car les coûts fixes d'une base dans un aéroport sont élevés.

Par ailleurs, une politique de répartition du trafic entre ces trois aéroports du Grand Ouest poserait vraisemblablement des difficultés au regard du droit européen. L'article 19 du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l'exploitation de services aériens dans la Communauté prévoit en effet un encadrement très strict des mesures pouvant faire obstacle au principe de liberté pour les transporteurs aériens de desservir les aéroports de leur choix. Il faut en effet que :

- les aéroports visés desservent la même ville ou conurbation ;

- qu'ils soient desservis par des infrastructures de transport suffisantes assurant, dans la mesure du possible, une connexion directe permettant d'arriver à l'aéroport en quatre-vingt-dix minutes ;

- qu'ils soient reliés les uns aux autres ainsi qu'à la ville ou conurbation qu'ils desservent par des services de transport en commun fréquents, fiables et efficaces ;

- qu'ils offrent les services nécessaires aux transporteurs aériens et ne portent pas indûment préjudice à leurs opportunités commerciales.

Par conséquent, une meilleure répartition du trafic aérien sur le Grand Ouest ne saurait passer que par des moyens incitatifs. À ce titre, une connectivité renforcée entre Nantes, Angers et Rennes pourrait faciliter l'utilisation des aéroports de ces deux dernières villes par des usagers nantais. En outre, l'amélioration de la desserte ferroviaire de la région nantaise ne peut qu'inciter à un recours accru à ce mode massifié, en particulier pour les trajets effectués à l'intérieur du territoire national. Par ailleurs, l'amélioration promise de la liaison ferroviaire entre Nantes et les aéroports parisiens pourrait encourager certains voyageurs nantais à recourir davantage à ces plateformes.

Dans cette optique, il est indispensable que l'État honore les engagements pris en 2019 à travers le Contrat d'avenir en faveur de la desserte ferroviaire de la région Pays de la Loire, mais aussi de l'aéroport.

Proposition n° 8 : Améliorer la connectivité ferroviaire de Nantes avec les aéroports parisiens et les autres aéroports du Grand Ouest et assurer une meilleure desserte en transports collectifs de l'aéroport de Nantes Atlantique.

b) La question du plafonnement du trafic aérien

La solution d'un plafonnement du trafic est régulièrement évoquée afin de résoudre le problème des nuisances sonores causées par l'activité aéroportuaire de Nantes Atlantique.

Cette option présenterait en effet certains avantages. D'une part, elle permettrait de réduire mécaniquement les nuisances sonores. D'autre part, dans le climat de tension et de méfiance qui semble régner sur ce dossier, l'option du plafonnement du trafic a l'avantage de la clarté et de la transparence.

Cette option permet en outre d'ouvrir un débat intéressant : celui de la vocation de l'aéroport de Nantes Atlantique, voire du rôle qu'il peut revêtir pour le territoire. Le président du Conseil départemental de la Loire-Atlantique, entendu par le rapporteur, lui a indiqué sa volonté qu'une réflexion collective soit menée sur ce sujet. À ce titre, la multiplication de vols vers des destinations de loisirs assurés par des compagnies à bas coûts interroge, car elle présente peu de retombées positives pour le territoire comparativement à des vols permettant la desserte de villes françaises ou à l'international, qui sont plus essentiels pour l'activité des entreprises du Grand Ouest.

Cependant, un plafonnement du trafic aérien à Nantes Atlantique soulèverait plusieurs difficultés. Tout d'abord, une telle mesure serait fragile du point de vue du droit européen et exigerait, quoi qu'il en soit, de mettre en place une étude d'impact selon l'approche équilibrée (EIAE). En outre, un tel plafonnement pourrait porter préjudice au territoire. Comme l'ont souligné la présidente du Conseil régional des Pays de la Loire et les acteurs socio-économiques rencontrés par le rapporteur, il est nécessaire pour l'économie de la région de bénéficier d'une desserte de bonne qualité, y compris aérienne, afin d'assurer l'attractivité du territoire et le développement de ses entreprises.

En définitive, le rapporteur estime que la piste du plafonnement du trafic de l'aéroport de Nantes Atlantique doit être écartée.

c) Couvre-feu : de multiples aménagements sont encore nécessaires

Face au constat sans appel d'un nombre alarmant de violations du couvre-feu, il est nécessaire, comme le Gouvernement s'y est d'ailleurs engagé, de clarifier la rédaction de l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes Atlantique (Loire-Atlantique).

Il est en particulier nécessaire de définir au plus vite avec précision les conditions d'exonération de responsabilité des compagnies aériennes lorsqu'un aéronef atterrit en dehors des horaires prévus par le couvre-feu. Une telle situation serait de nature à faciliter le travail d'instruction de l'Acnusa et à rendre la règle applicable plus claire et prévisible, au bénéfice de l'ensemble des acteurs. Le rapporteur rejoint ici pleinement l'analyse des maires de l'ensemble des communes de la métropole de Nantes qui appellent à une « modification rapide » de cet arrêté.

À ce titre, le rapporteur note que la rédaction insatisfaisante de cet arrêté avait mené l'Acnusa, le 6 septembre 2021, à rendre un avis défavorable au projet de texte soumis par le Gouvernement. D'une part, le collège de l'autorité s'étonnait de la possibilité de prévoir des décollages par anticipation avant 6 heures : « Hors évènement parfaitement exceptionnel, il n'existe pas de situation où un vol programmé après 6h30 devrait voir son départ anticipé pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur ». Surtout, dans son avis, le collège relevait que « la sécurité juridique » des dispositions relatives aux interdictions d'atterrissages après minuit n'était « pas assurée ».

Il est à cet égard regrettable que l'administration n'ait pas entendu l'avis de l'Acnusa, recommandant de « reprendre rapidement la rédaction » de l'arrêté « afin que des règles claires puissent entrer en application dès le début de la saison aéronautique de l'été 2022 ».

Assurer une meilleure application du couvre-feu nécessite également de renforcer les sanctions applicables. Afin que les amendes aient une réelle portée dissuasive et qu'elles ne soient pas une simple donnée intégrée dans le modèle économique des compagnies aériennes, une augmentation de leur montant maximal est nécessaire. Selon le Gouvernement, à ce stade, le montant moyen des sanctions prononcées par l'Acnusa est d'un peu moins de 16 000 €, le montant maximal étant de 25 000 €.

Le rapporteur se réjouit qu'un doublement du plafond de sanction ait été intégré au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 lors de son examen au Sénat. Le plafond devrait donc atteindre 40 000 €, et 80 000 € en cas de récidive, au lieu de 20 000 € et 40 000 € actuellement. Cet apport23(*) sénatorial a été confirmé par les députés, lors de l'examen du PLF pour 2024 en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 18 décembre 2023.

En outre, il serait opportun de renforcer le couvre-feu, tout en veillant à ne pas entraver de manière excessive les conditions d'exercice des compagnies.

À ce titre, sans étendre la plage horaire du couvre-feu actuel, il serait possible d'interdire les atterrissages d'aéronefs avant 7 h et les décollages après 21 h. Une telle disposition n'empêcherait pas les compagnies basées d'effectuer un nombre de rotations journalier suffisant afin que la desserte de Nantes reste économiquement viable. Cependant, elle limiterait les nuisances sonores aux horaires où leur impact sur la santé est maximal pour les riverains.

Le rapporteur salue les récentes annonces du Gouvernement tendant à optimiser la procédure de sanction de l'Acnusa, afin de réduire le délai de traitement à moins d'un mois, à la fois pour l'envoi des procès-verbaux et pour l'analyse des dossiers de vols au départ. En outre, l'administration indique que la nouvelle rédaction devrait prévoir la possibilité pour les services de l'aviation civile de s'opposer à l'atterrissage d'un aéronef pendant la période de couvre-feu lorsque cette situation méconnaît manifestement la réglementation. Ces évolutions sont positives, mais semblent encore manquer d'ambition.

Proposition n° 9 : Renforcer le couvre-feu à l'aéroport de Nantes Atlantique et en améliorer l'application par :

- la réécriture de l'arrêté du 28 septembre 2021 portant restriction d'exploitation de l'aérodrome de Nantes Atlantique, afin de clarifier les conditions exonératoires pouvant être invoquées par les compagnies aériennes en cas d'atterrissage en dehors des horaires programmés ;

- le doublement du plafond des amendes de l'Acnusa en cas de non-respect du couvre-feu ;

- l'interdiction des atterrissages avant 7 heures du matin et des décollages après 21 heures.

En outre, et de façon complémentaire, les redevances aéroportuaires pourraient être utilisées comme un levier d'incitation pour encourager les compagnies à mener des vols aux horaires où les nuisances ont le moins d'impact sur la santé des riverains. Une modulation des redevances aéroportuaires qui encouragerait substantiellement la programmation des vols entre 7 h et 21 h serait à ce titre souhaitable.

Proposition n° 10 : Moduler les redevances aéroportuaires en fonction de l'horaire de mouvement (atterrissage et décollage) des aéronefs, en prévoyant un rehaussement des redevances pour les mouvements effectués avant 7 heures du matin et après 21 heures.

d) Le renouvellement des flottes et l'utilisation d'aéronefs moins bruyants : une nécessité pour diminuer le niveau de nuisances sonores

Les aéronefs d'ancienne génération émettent non seulement bien plus de gaz à effet de serre que les nouveaux modèles mis en circulation, mais causent également bien plus de nuisances sonores. Afin de limiter ces dernières, il importe d'inciter fortement les compagnies aériennes à n'utiliser à Nantes Atlantique que des aéronefs de dernière génération.

Selon une étude menée par la DGAC portant sur les vols au départ des aéroports de Nantes Atlantique, Paris-Orly et Paris-CDG en février et en juin 2023 communiquée au rapporteur, les aéronefs de nouvelle génération permettent de réaliser des gains sonores notables au bénéfice des riverains des aéroports.

Pour estimer ces gains, la DGAC s'est appuyée sur les valeurs de certification au décollage en un point au survol et en un point latéral des aéronefs ainsi que sur le point de certification à l'atterrissage nommé « approche ». Ces trois indicateurs sont agrégés dans un indicateur appelé « marge cumulée », qui est la distance qui sépare la somme des trois points de certification de leur limite réglementaire. Une marge cumulée élevée est donc signe d'une haute performance acoustique de l'avion au regard de sa gamme de masse.

Ces effets sont appréhendés en EPNdB (Effective perceived noise in decibels), une unité mesure qui porte sur les effets subjectifs du bruit des avions sur l'être humain.

La conclusion de l'étude met en avant que « les nouvelles générations d'aéronefs permettent des gains de 6 à 16,5 EPNdB de marge cumulée par rapport à leurs prédécesseurs ». Cependant, il faut prendre en compte que « ce gain est inégalement réparti entre les points de certification, reflétant une baisse plus marquée du bruit au décollage qu'à l'atterrissage ».

À ce titre, il serait opportun d'inciter les compagnies aériennes à privilégier l'usage d'aéronefs de nouvelle génération à Nantes Atlantique. En particulier, et afin d'inciter les compagnies aériennes à renouveler leurs flottes, le rapporteur recommande que les redevances soient rehaussées pour les aéronefs dont la marge cumulée ne dépasse pas 20 EPNdB, soit 72,3 % du trafic à Nantes Atlantique, Paris-Orly et Paris-CDG. À l'inverse, les aéronefs qui dépassent 25 EPNdB, soit 14 % du trafic et surtout celles qui dépassent 30 EPNdB (notamment les Airbus A320 Neo), qui représentent 5,7 % du trafic dans ces aéroports, pourraient bénéficier d'un abaissement des redevances aéroportuaires.

Une trajectoire pluriannuelle de durcissement des modulations des redevances pourrait être prévue afin que les compagnies disposent d'une vision de long terme et qu'elles soient ainsi incitées à prendre en compte cette évolution dans leurs investissements futurs. Cette trajectoire, pour être réellement efficace, implique que soient affinées les catégories acoustiques des aéronefs, dans la mesure où la catégorie classant les aéronefs les moins bruyants comporte aujourd'hui tous ceux dont la marge cumulée est supérieure à 20 EPNdB. De nouvelles catégories plus précises, classant les aéronefs dont la marge cumulée est supérieure à 25 EPNdB et 30 EPBdB pourraient ainsi être mises en place.

Ces modulations pourraient être facilitées par le dispositif prévu à l'article 20 du projet de loi initial portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, en cours d'examen, qui modifie le champ d'application du principe de modération tarifaire des redevances aéroportuaires prévu au II de l'article L. 6327-2 du code des transports.

Ce principe encadre l'évolution du niveau des redevances et garantit que leur hausse ne soit pas trop rapide d'une année à l'autre. Il revient à l'Autorité de régulation des transports (ART), chargée d'homologuer les tarifs des redevances aéroportuaires, de vérifier que les tarifs fixés respectent bien ce principe.

L'article 20 du projet de loi en cours d'examen crée une dérogation à ce principe l'année qui suit le renouvellement d'une concession aéroportuaire. Ce dispositif permettrait d'accorder une plus grande souplesse au futur concessionnaire pour mettre en place, le cas échéant, ce système de modulations. Une telle mesure favoriserait la fixation de tarifs de redevances aéroportuaires en adéquation avec les nombreux investissements nécessaires en matière de modernisation de la plateforme.

Le champ d'application de cette possibilité a été élargi à l'initiative de la commission spéciale chargée d'examiner ce texte au Sénat à travers l'adoption d'un amendement.

La classification acoustique des aéronefs

Les aéronefs sont classés en fonction du bruit qu'ils émettent, mesuré par la marge cumulée exprimée en EPNdB. Cette classification est utilisée pour moduler le montant de TNSA et de redevances d'atterrissage versé par les compagnies aériennes.

Ce critère de la marge cumulée est combiné avec la classification de l'aéronef par l'OACI. L'OACI classe les aéronefs au sein de différents chapitres de l'annexe 16 à la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944, les aéronefs définis dans les premiers chapitres de ce document étant les plus bruyants. Actuellement, les aéronefs mentionnés aux chapitres 1 et 2 dudit document ne peuvent circuler dans l'Union européenne.

La classification actuelle a été fixée par l'arrêté du 21 mars 2022 relatif à la classification acoustique des aéronefs mentionnée à l'article L. 422-56 du code des impositions sur les biens et services à prendre en compte pour le calcul de la taxe sur les nuisances sonores aériennes. En application de cet arrêté, les aéronefs sont classés en 6 classes acoustiques :

- groupe 1 : les aéronefs qui ne sont pas mentionnés dans les groupes acoustiques 2, 3, 4, 5 et 6 définis ci-après ;

- groupe 2 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 3, 4, 5 dont la marge acoustique cumulée est supérieure ou égale à 10 EPNdB et inférieure à 13 EPNdB ;

- groupe 3 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 3, 4, 5 dont la marge acoustique cumulée est supérieure ou égale à 13 EPNdB et inférieure à 17 EPNdB ;

- groupe 4 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 3, 4, 5 ou 14 dont la marge acoustique cumulée est supérieure ou égale à 17 EPNdB et inférieure à 20 EPNdB ;

- groupe 5 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 3, 4, 5 ou 14 dont la marge acoustique cumulée est supérieure ou égale à 20 EPNdB ;

- groupe 6 : les aéronefs certifiés en vertu des chapitres 6, 8, 10 ou 11.

Le tableau ci-après présente le niveau de bruit émis par les différents aéronefs utilisés à Paris Charles de Gaulle, Paris Orly et à l'aéroport de Nantes Atlantique.

Analyse des valeurs de certification acoustique des principaux avions rencontrés dans le trafic des aéroports de Paris CDG, Paris Orly et Nantes Atlantique en février et juin 2023

Source : DGAC

Il est donc nécessaire d'encourager les compagnies dans leur effort de renouvellement des flottes, afin que les plus vertueuses soient récompensées et que celles qui ne se sont pas encore engagées dans cette transition soient incitées à le faire le plus rapidement possible. À ce titre, le Groupe Air France a précisé au rapporteur que, « en 2021, la flotte Air France comptait 7 % d'avions de nouvelle génération. Ce taux s'élèvera à 30 % fin 2023, 45 % en 2025 et 70 % en 2030. Concernant Transavia, l'objectif est de renouveler l'intégralité de la flotte d'ici 2030 ». Ces données concernent le parc de chacune des compagnies du groupe Air France (Air France et Transavia) basées à Nantes. Le groupe souligne que « le renouvellement des flottes demeure le levier principal pour réduire l'empreinte sonore de nos activités ». Les autres compagnies basées à Nantes Atlantique disposent de proportions très variables d'aéronefs de nouvelle génération.

Compte tenu du poids prépondérant des compagnies à bas coûts à l'heure actuelle à l'aéroport de Nantes Atlantique et de la situation unique de cet aéroport urbain, il est nécessaire d'inciter ces compagnies à faire du renouvellement de leurs flottes une priorité.

Le rapporteur regrette que le droit de l'Union européenne empêche actuellement d'interdire l'usage des aéronefs les plus bruyants dans les aéroports des États membres de l'Union européenne. En effet, une directive de 200224(*) prévoit des règles très strictes relatives à l'interdiction des aéronefs. L'article 6 de ce texte prévoit la possibilité de mettre en place des « restrictions d'exploitation visant à retirer de la circulation les aéronefs présentant une faible marge de conformité ». L'article 2 définit ces aéronefs comme étant ceux dont la « marge cumulée est inférieure ou égale à 5 EPNdB ». Il semble, selon les données transmises par la DGAC, que ces aéronefs ne soient déjà plus utilisés à Nantes Atlantique.

En outre, la directive prévoit actuellement la possibilité, pour certains aéroports urbains listés en annexe, d'étendre ces interdictions à d'autres catégories d'aéronefs particulièrement bruyants. L'aéroport de Nantes Atlantique ne figure toutefois pas, à ce jour, dans cette liste.

Le rapporteur recommande donc au Gouvernement d'entamer des négociations tendant à modifier cette directive, à plusieurs titres.

D'une part, la dernière modification de ce texte a eu lieu il y a quinze ans. Une actualisation de ce dernier est donc essentielle compte tenu, d'une part, des évolutions techniques survenues, et, d'autre part, de l'approfondissement des connaissances scientifiques relatives aux effets sur la santé du bruit des aéronefs.

En parallèle de cette renégociation générale du cadre juridique européen relatif à l'encadrement de l'usage des aéronefs en fonction du bruit qu'ils émettent, il serait opportun que l'aéroport de Nantes Atlantique soit considéré comme un « aéroport urbain » au sens de ladite directive. De la sorte, l'État disposerait de marges de manoeuvre renforcées pour interdire l'usage de certains aéronefs sur la plateforme, en fonction de leur niveau de bruit.

Proposition n° 11 : Assurer rapidement le renouvellement des flottes d'aéronefs utilisés à l'aéroport de Nantes Atlantique par :

- la modulation des redevances aéroportuaires selon la classe acoustique des aéronefs utilisés par les compagnies aériennes, grâce à un barème ayant vocation à être renforcé au fil des années ;

- la renégociation de la directive européenne du 26 mars 2002 relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté pour :

 tenir compte des évolutions techniques survenues et de l'approfondissement des connaissances scientifiques relatives aux effets sur la santé du bruit des aéronefs ;

 intégrer l'aéroport de Nantes Atlantique à la liste des aéroports urbains pouvant interdire plus largement, à titre dérogatoire, une catégorie d'aéronefs en fonction de leur niveau de bruit.

Enfin, dans un objectif de transparence envers les populations locales, le Gouvernement pourrait inclure dans le cahier des charges de l'aéroport la définition d'une trajectoire tendancielle de baisse des émissions sonores à l'aéroport de Nantes Atlantique.

L'indicateur utilisé pour définir cette trajectoire pourrait être un indicateur global mesuré pondéré (IGMP) analogue à celui qui est actuellement utilisé à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Cet indicateur est calculé à partir des mesures de bruit en temps réel effectuées par un réseau de huit stations placées dans les axes des quatre pistes de l'aéroport. Il détermine l'énergie sonore totale mesurée durant une année pour les décollages et pour les atterrissages, rapportée à l'énergie calculée pour l'année de référence25(*).

Proposition n° 12 : Mettre en place un objectif tendanciel de baisse des émissions sonores à l'aéroport de Nantes Atlantique, qui serait mesuré grâce à un indicateur global mesuré pondéré (IGMP) similaire à celui utilisé à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.

2. Prendre des mesures compensatoires d'atténuation et de compensation des effets des nuisances sonores

De façon complémentaire à la diminution des nuisances sonores « à la source », il est essentiel d'atténuer les effets du bruit émis par les aéronefs pour les habitants.

À ce titre, l'insonorisation des logements est un outil indispensable afin de protéger la santé des riverains. Il est donc impératif de relever le plafond des montants des aides à l'insonorisation, qui date de 2011 et est donc largement obsolète et ce, dans les meilleurs délais.

Le rapporteur note avec satisfaction que le ministre chargé des transports, Clément Beaune, s'est engagé à rehausser ce montant de 25 % afin de « réduire le reste à charge pour les riverains »26(*). Toutefois, l'indice des prix d'entretien-amélioration des bâtiments (IPEA), indicateur retenu pour évaluer l'inflation du coût des travaux d'isolation acoustique a augmenté de 33,4 % entre 2011 et le second trimestre 2023. Une augmentation du plafond des aides à l'insonorisation correspondant à l'augmentation réelle des coûts depuis 2011 serait donc préférable et légitime. La hausse d'ores et déjà prévue par le Gouvernement est donc opportune, mais reste insuffisante au regard des besoins. Le rapporteur appelle donc, à l'instar des maires des communes de la métropole de Nantes, à rehausser ce plafond à la hauteur de l'augmentation des coûts.

Le coût supplémentaire des aides à l'insonorisation ne pourra vraisemblablement pas être financé à moyens constants : une hausse du tarif de TNSA applicable à l'aéroport de Nantes Atlantique pourrait donc s'avérer nécessaire. Le rapporteur souligne que le pouvoir réglementaire dispose d'une large marge de manoeuvre pour augmenter ce tarif. Il peut en effet le fixer à un montant compris entre 20 € et 75 €. Or, ce tarif est actuellement de 27 €.

En pratique, un relèvement des plafonds des montants des aides serait de nature à accroître leur attractivité. Par conséquent, les riverains solliciteront plus fréquemment les aides, y compris s'agissant du dispositif complémentaire financé par le fonds de compensation de Nantes Atlantique qui devrait donc également voir ses moyens renforcés.

Un autre point nécessite une attention particulière : la qualité de l'isolation phonique des logements a progressé avec le temps. Or, des logements qui ont déjà bénéficié de travaux d'isolation, parfois il y a plus d'une décennie, ne peuvent pas bénéficier d'une seconde campagne de travaux. Afin de tenir compte de l'évolution des techniques d'isolation, il serait pertinent d'étudier la possibilité d'une réouverture du droit à isolation phonique pour les logements qui ont bénéficié d'une aide à l'isolation avant une certaine date, qui pourrait être déterminée par voie réglementaire.

En application de la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021, des obligations de rénovation énergétique des logements mis en location amènent les propriétaires bailleurs à lancer des travaux de rénovation. En outre, l'État a déployé une politique de soutien à la rénovation énergétique des logements, notamment à travers le dispositif « MaPrimeRenov' » afin de réduire leur consommation d'énergie et donc leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, la rénovation thermique et la rénovation phonique des logements pourraient être menées concomitamment étant donné les interactions entre ces deux types de travaux. Comme le proposent les maires des communes de la métropole de Nantes, la reprise d'une expérimentation de ce couplage lancée en 2021 pourrait être menée. Afin de mieux lier ces travaux, une aide bonifiée en cas de réalisation conjointe des travaux pourrait ainsi être envisagée.

Proposition n° 13 : Renforcer les dispositifs d'atténuation des effets des nuisances sonores pour les riverains de Nantes Atlantique par :

- le rehaussement du plafond des aides à l'insonorisation, qui n'a pas été revu depuis 2011 ;

- le renforcement des moyens alloués au fonds de compensation de Nantes Atlantique ;

- la réouverture du droit à l'isolation phonique pour les travaux effectués avant une date qui serait fixée par voie réglementaire, pour tenir compte des évolutions intervenues en matière de techniques d'isolation.

Enfin, l'utilisation concrète du droit de délaissement ouvert pour certains riverains de l'aéroport n'est pas pleinement satisfaisante. En pratique, de nombreux riverains, bien que situés dans la zone B du PEB qui compte les logements les plus exposés aux nuisances sonores, n'ont pas accès à ce dispositif du fait du critère d'antériorité prévu par le droit actuel : pour rappel, seuls les riverains ayant acheté ou effectué la reconstruction ou un agrandissement supérieur à 40 m² de leur logement entre le 31 décembre 2010 et le 17 janvier 2018 peuvent en bénéficier.

Il pourrait être envisagé d'ouvrir le droit de délaissement à tous les riverains situés en zone B du PEB de l'aéroport sans tenir compte, comme c'est actuellement le cas, de la date d'acquisition du logement, tant qu'elle est antérieure à 2018. Pour l'aéroport de Nantes Atlantique, la zone B est définie par un niveau de nuisances sonores exprimé par un Lden supérieur à 65 décibels. Selon la DGAC, ce dispositif portant sur tous les logements de la zone B « concernerait environ 58 logements, dont 17 sont déjà concernés par le droit de délaissement actuel » et aurait un coût maximal d'environ 14,5 M€.

Le rapporteur estime toutefois qu'il ne serait pas pertinent de supprimer en contrepartie la possibilité d'user du droit de délaissement pour les biens subissant des nuisances comprises entre 62 et 65 décibels acquis entre le 31 décembre 2010 et le 17 janvier 2018, qui peuvent actuellement bénéficier du dispositif. Il préconise donc d'étendre le droit de délaissement à tous les riverains situés dans la zone B du PEB, pour autant que leur logement ait été acquis avant 2018, tout en le maintenant pour les riverains subissant des nuisances comprises entre 62 et 65 décibels et qui ont acquis leur logement entre le 31 décembre 2010 et le 17 janvier 2018.

Proposition n° 14 : Élargir le droit au délaissement au bénéfice de l'ensemble des riverains de la zone B du plan d'exposition au bruit de Nantes Atlantique, sans remettre en cause l'accès à ce dispositif pour ceux qui y sont déjà éligibles.

3. Trajectoires de décollage et d'atterrissage : un levier à utiliser pour réduire les nuisances sonores aériennes et assurer la sécurité des vols

Actuellement, la trajectoire utilisée pour assurer les atterrissages à Nantes Atlantique n'est pas satisfaisante, que ce soit en matière de sécurité ou de nuisances sonores.

Les aéronefs qui atterrissent par le nord suivent une trajectoire désaxée de 12 degrés par rapport à l'axe de la piste avant d'effectuer un virage au dernier moment lorsqu'ils ont la piste dans leur champ de vision. Cette manoeuvre permet de contourner le centre-ville de Nantes. Cependant, comme le souligne la DGAC, « la trajectoire satellitaire d'approche décalée par le Nord est dérogatoire. Cette dérogation a été récemment prolongée en considérant la mise en oeuvre future d'un ILS (système d'aide à l'atterrissage tout temps) dans l'axe, seul système à même de garantir la sécurité des opérations pour les aéronefs actuels ».

L'ILS est un système d'aide à l'atterrissage utilisé dans la plupart des aéroports qui assure des conditions optimales de sécurité. Il comprend un guidage latéral, qui permet de maintenir les avions dans l'axe de la piste, et vertical, qui assure la maîtrise de la trajectoire de descente. Il permet aux avions de se poser en toute sécurité et par tous les temps. La mise en place du système ILS implique la fin de la trajectoire désaxée, qui est utilisée actuellement afin d'éviter le survol de populations dans l'hypercentre de Nantes. Or, un réalignement de la trajectoire impliquerait que de nouvelles populations soient survolées par les aéronefs en phase d'approche face au sud. Ainsi, selon la DGAC, le nombre de personnes concernées par les nuisances augmenterait d'environ 20 000 personnes en cas d'usage exclusif de l'approche par ILS.

Face à cette situation, le ministre chargé des transports a annoncé un moratoire sur la mise en place de l'ILS jusqu'en 2027, afin de réaliser des études d'impact préalables. Pour l'instant, il est prévu de le déployer dans le cadre d'une procédure dite de « double approche ». Lorsque les conditions météorologiques sont favorables, l'approche désaxée actuelle sera utilisée. Cependant, l'approche par ILS sera utilisée en cas de météo défavorable. La DGAC estime que le taux d'utilisation de l'approche axée avec ILS variera entre 30 % et 50 %.

La double approche amènerait à une réduction de la fréquence des survols de l'hypercentre de Nantes. Toutefois, la coexistence de deux approches aurait pour conséquence inévitable un nombre total d'habitants touchés par des nuisances sonores supérieur à celui constaté en cas d'usage exclusif de l'approche axée par ILS ou de l'approche désaxée actuelle. Par conséquent, selon la DGAC, entre 40 000 (en cas de ratio d'approches à 30 % axées et 70 % désaxées) et 80 000 personnes (ratio 50 % d'approches axées et 50 % désaxées) seraient touchées par un niveau significatif de nuisances sonores.

Une telle situation ne serait pas satisfaisante, d'autant plus que, selon plusieurs acteurs entendus par le rapporteur, une autre procédure, plus efficace et présentant moins d'inconvénients, pourrait être utilisée à Nantes Atlantique: il s'agit de l'approche satellitaire dite RNP AR. Cette approche utilise un guidage satellitaire de haute précision permettant de mettre en place des trajectoires courbes. Elle nécessite l'installation d'un système de surveillance et d'alerte à bord des aéronefs qui assure une haute sécurité des vols.

Selon la DGAC, « la seule hypothèse permettant de s'affranchir de cette remise dans l'axe, et donc d'éviter le survol de l'hyper centre de Nantes, est de recourir à la mise en oeuvre d'une approche satellitaire appelée approche RNP AR ». Cette approche « est non dérogatoire et meilleure en termes de sécurité que la procédure désaxée actuelle ».

Toutefois, actuellement, la quasi-totalité des aéronefs utilisés à Nantes Atlantique n'est pas équipée pour atterrir en appliquant ce type de procédure. Les compagnies aériennes devront donc supporter un coût additionnel afin d'équiper leurs appareils et de former leurs équipages.

Afin de donner un maximum de visibilité aux compagnies et de leur permettre de se préparer à l'application de cette mesure, il serait essentiel de mener une étude sur la faisabilité du déploiement de cette technologie.

Un temps d'adaptation devrait ensuite être laissé aux compagnies avant de rendre l'usage de la trajectoire RNP AR obligatoire d'ici 2027. Entre temps, la mise en oeuvre de cette procédure par les compagnies devrait être encouragée, sans pour autant être immédiatement rendue obligatoire.

Proposition n° 15 : Mettre en place la procédure d'approche « RNP AR » pour limiter les nuisances sonores autour de l'aéroport de Nantes Atlantique et assurer une meilleure sécurité des vols.


* 23 Article 16 septies A du PLF pour 2024.

* 24 Directive 2002/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mars 2002 relative à l'établissement de règles et procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de la Communauté.

* 25 Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, L'environnement sonore sur la plateforme de Paris-CDG ( https://www.ecologie.gouv.fr/lenvironnement-sonore-sur-plateforme-paris-cdg)

* 26  Dossier de presse « Moderniser et réaménager l'aéroport de Nantes Atlantique en association avec le territoire ».

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