III. LES CONSÉQUENCES SUR L'ENVIRONNEMENT ET LA SANTÉ HUMAINE
A. DES CONNAISSANCES LACUNAIRES
L'eau est à la fois une ressource pour l'être humain et un milieu de vie pour une multitude d'espèces. Sa contamination est donc susceptible d'entraîner des conséquences tant pour la santé humaine que pour l'environnement. À ce jour, l'évaluation de ces impacts se heurte à un état des connaissances parcellaire.
Ø Un besoin de données toxicologiques pour évaluer les risques
Comme précisé précédemment, les progrès des techniques analytiques permettent aujourd'hui de détecter des substances présentes en très faibles quantités. La comparaison des concentrations constatées avec des valeurs de référence, élaborées à partir de données toxicologiques détaillées, est dès lors primordiale pour évaluer les risques correspondants.
Ø Des données absentes ou incomplètes
Dans le cadre du règlement européen sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et la restriction des substances chimiques (REACH), les analyses de toxicité ne concernent que les substances produites ou importées en quantité supérieure à une tonne par an, excluant de fait un nombre élevé de composés. En outre, comme le relève la chercheuse Linn Persson23, même au sein de cette liste restreinte des substances concernées, une part importante n'a toujours pas été évaluée plus de dix ans après la mise en oeuvre de ce règlement.
Par ailleurs, il est structurellement impossible pour les systèmes d'évaluation actuels de prendre en compte la totalité des éventuels impacts des substances mises sur le marché39(*). Les évaluations réalisées considèrent rarement les effets liés à une exposition chronique et les « effets cocktail » qui peuvent résulter des mélanges chimiques observés dans l'environnement. De même, les produits de transformation sont susceptibles d'être considérés comme « non pertinents » s'ils ne possèdent pas des propriétés intrinsèques comparables à celles de la substance parente, alors qu'on ne peut pas exclure qu'ils présentent une toxicité via un autre mode d'action.
Ø Des données indisponibles
Enfin, même lorsqu'elles existent, la non mise à disposition des données produites par les industriels limite les possibilités d'évaluation des risques environnementaux et sanitaires des différentes substances.
Aussi, bien qu'elle soit probablement l'une des plus exigeantes au monde, la réglementation européenne reste insuffisante pour évaluer et prévenir l'ensemble des impacts des substances mises sur le marché.
Ø Des outils de biosurveillance pour pallier ces difficultés
Les méthodes de biosurveillance (ou bioessais), qui quantifient les effets sur le vivant à différents niveaux d'organisation biologique (cellules, organismes, populations), offrent un outil complémentaire à l'analyse chimique. Elles peuvent répondre à une partie des difficultés précitées puisqu'elles tiennent compte de l'ensemble des contaminants présents et de leurs éventuelles interactions. Dans le cadre des missions du Laboratoire national de référence sur la surveillance des milieux aquatiques (Aquaref), un groupe de travail français a récemment dressé un inventaire et évalué les outils disponibles40(*). Dans le prolongement de ces travaux, un appel à projets de recherche promouvant les expérimentations de terrain a été lancé par l'Office français de la biodiversité (OFB)41(*).
* 39 K. Fenner et al., Environ. Sci. Technol. 2021, 55, 14470 ( https://doi.org/10.1021/acs.est.1c04903).
* 40 N. Manier et al., « Inventaire et évaluation des méthodes biologiques issues de l'écotoxicologie pour la surveillance des milieux aquatiques en vue de leur utilisation dans le cadre de la DCE », 2023 ( https://ofb.hal.science/hal-04246077).
* 41 Office français de la biodiversité, « Lancement de l'appel à projets “Biosurveillance des milieux aquatiques et rejets aqueux” », 2023 ( https://www.ofb.gouv.fr/actualites/lancement-de-lappel-projets-biosurveillance-des-milieux-aquatiques-et-rejets-aqueux).