B. LES EFFETS SUR L'ENVIRONNEMENT

Selon la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), la pollution - au sens général - est le quatrième facteur de déclin de la biodiversité42(*). Le dérèglement climatique pourrait aggraver la situation et rendre les espèces encore plus vulnérables aux pollutions chimiques en raison de facteurs de stress liés aux changements de température, de salinité, etc.

Plusieurs travaux de recherche récents ont souligné le rôle spécifique des micropolluants. En 2020, une étude financée par le Syndicat national des entreprises du traitement de l'eau (Synteau) a montré que 88 micropolluants organiques rejetés par des stations de traitement des eaux usées françaises étaient susceptibles d'entraîner la disparition d'une espèce aquatique tous les dix ans43(*). De même, une expertise collective menée par l'Inrae et l'Ifremer en 2022 a mis en évidence l'ampleur et la diversité des impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques44(*).

Ø Des effets sublétaux de natures diverses

Si de nombreux produits chimiques peuvent causer des effets létaux aigus sur les espèces sensibles de poissons, d'invertébrés ou d'algues45(*), les micropolluants - qui sont, par définition, faiblement concentrés46(*) - n'engendrent généralement pas de mortalité massive mais des effets sublétaux. Ces derniers peuvent être de natures très diverses : cancérogénicité, mutagénicité, reprotoxicité, génotoxicité, neurotoxicité, immunotoxicité, perturbation endocrinienne, etc. Une étude portant sur les contaminants détectés dans trois grands fleuves européens a par exemple montré que ceux-ci étaient susceptibles d'interagir avec les organismes autochtones au travers de 30 modes d'action différents47(*).

Ø Des effets aux lourdes conséquences

Ces effets sublétaux peuvent avoir des conséquences importantes au niveau populationnel, en raison d'effets indirects48(*). À titre d'exemple, la féminisation des poissons mâles, engendrée par certains perturbateurs endocriniens, impacte la reproduction et entraîne l'effondrement de communautés49(*). Ce phénomène est identifié comme l'une des principales menaces qui pèsent sur la biodiversité des eaux douces50(*). De même, l'exposition à plusieurs polluants organiques persistants peut causer un affaiblissement du système immunitaire de certaines espèces et entraîner de fortes hausses de la mortalité du fait d'une vulnérabilité accrue aux infections opportunistes.

Ø Le cas des microplastiques

Divers organismes marins, du zooplancton aux grands vertébrés, sont susceptibles d'ingérer des microplastiques. Dans la Garonne, 2 % des invertébrés et 10 % des poissons seraient concernés par cette pollution51(*). Si les impacts associés sont encore mal connus52(*), il a été montré que les débris plastiques avaient tendance à adsorber les polluants organiques persistants, qui provoquent un large éventail d'effets chroniques néfastes sur les organismes53(*).

Ø De potentiels effets sur l'adaptation des espèces

Au cours de l'audition publique, Jeanne Garric a évoqué le rôle susceptible d'être joué par la pression chimique sur l'adaptation de certaines espèces, phénomène encore faiblement étudié mais pouvant conduire à de lourds impacts54(*).

En raison de la multitude de substances concernées et de la variété des mécanismes susceptibles d'être impliqués, le niveau d'incidence global des micropolluants sur la biodiversité n'est à ce jour pas clairement établi. Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux évaluer, et ainsi mieux prévenir, l'ensemble de ces effets.


* 42 Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, « Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services », 2019 ( https://doi.org/10.5281/zenodo.3831673).

* 43 Syndicat national des entreprises du traitement de l'eau (Synteau), « Les conséquences des micropolluants rejetés dans les eaux usées », 2020 ( https://www.synteau.com/wp-content/uploads/2020/11/MICROPOLLUANTS_INRAE_SYNTEAU.pdf).

* 44 L. Mamy et al., « Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services

Écosystémiques », Rapport d'ESCo, Inrae - Ifremer, 2022 ( https://dx.doi.org/10.17180/0gp2-cd65).
Concernant

* 45 E. Malaj et al., Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 2014, 111, 9549 ( https://doi.org/10.1073/pnas.1321082111).

* 46 Des phénomènes de bioaccumulation peuvent toutefois être observés dans les réseaux trophiques et conduire à des niveaux élevés d'imprégnation pour certaines espèces.

* 47 W. Busch et al., Environ. Toxicol. Chem. 35, 1887 ( https://doi.org/10.1002/etc.3460).

* 48 H.-R. Köhler et al., Science 2013, 759, 341 ( https://doi.org/10.1126/science.1237591).

* 49 K. A. Kidd, Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 2007, 104, 8897 ( https://doi.org/10.1073/pnas.0609568104).

* 50 A. J. Reid et al., Biol. Rev. 2019, 94, 849 ( https://doi.org/10.1111/brv.12480).

* 51 F. Garcia et al., Environ. Sci. Technol. 2021, 55, 1024 ( https://doi.org/10.1021/acs.est.0c06221).

* 52 K. Bucci et al., Ecol. Appl. 2020, 30 ( https://doi.org/10.1002/eap.2044).

* 53 L. M. Rios et al., J. Environ. Monit. 2010, 12, 2226 ( https://doi.org/10.1039/C0EM00239A).

* 54 J. W. Bickham, Ecotoxicology 2011, 20, 497 ( https://doi.org/10.1007/s10646-011-0636-y).

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page