B. LE DISPOSITIF DE SURVEILLANCE MIS EN PLACE

Le dispositif de surveillance repose sur deux piliers : le suivi des milieux aquatiques naturels et le suivi des eaux destinées à la consommation humaine.

1. La surveillance des milieux aquatiques naturels

Ø Un cadre défini au niveau européen par la directive-cadre sur l'eau

La directive-cadre sur l'eau (DCE) impose à l'ensemble des États membres la mise en oeuvre de programmes de surveillance de l'ensemble des masses d'eau douce superficielles, souterraines et côtières. En France, on dénombre 689 masses d'eau souterraines et 11 407 masses d'eau superficielles, d'eau douce et côtières, dont le suivi est effectué grâce à plus de 3 500 stations.

La directive-cadre sur l'eau fixe également des obligations de résultat : pour les eaux de surface douces et côtières, des objectifs de « bon état » chimique et écologique ; pour les eaux souterraines, des objectifs de « bon état » chimique et quantitatif.

Le « bon état » chimique repose sur le respect de valeurs seuils pour plusieurs substances (ou groupes de substances) chimiques figurant dans des listes : les substances « prioritaires » et « dangereuses prioritaires » définies par l'annexe X de la DCE, ainsi que les substances « dangereuses » définies par la liste I de la directive 2006/11/CE.

Le « bon état » écologique est apprécié sur la base d'une liste élargie de substances, propre à chaque bassin ou sous-bassin hydrographique, déterminée à partir des polluants spécifiques identifiés dans les masses d'eau du bassin ou sous-bassin.

La DCE prévoit par ailleurs une liste des substances « pertinentes à surveiller » (SPAS) qui n'entrent pas dans l'évaluation de « bon état » des eaux. Ces listes peuvent être complétées par les États membres avec des substances définies à l'échelon national ou régional.

Ø Un nombre de substances recherchées qui reste limité

Les substances in fine recherchées n'intègrent cependant qu'une fraction des nombreuses molécules susceptibles d'avoir des effets néfastes sur les milieux naturels. Au cours de l'audition publique, Marie-Laure Métayer a évoqué un nombre de 760 substances phytopharmaceutiques (incluant des métabolites) recherchées dans les eaux souterraines, tandis qu'environ 250 sont recherchées dans les eaux superficielles.

Ø Des résultats en demi-teinte

En 2019, 43,1 % des masses d'eau superficielles françaises étaient identifiées comme étant en « bon état » écologique et 44,7 % en « bon état » chimique30(*) (contre 44,2 et 62,9 % en 201531(*)). Lorsque les substances dites « ubiquistes » - c'est-à-dire omniprésentes dans l'environnement et sur lesquelles il est difficile d'agir - ne sont pas prises en compte dans le calcul, la part des masses d'eau superficielles en « bon état » chimique s'élevait à 66,9 %. Pour les masses d'eau souterraines, 70,7 % étaient identifiées comme étant en « bon état » chimique (contre 69,1 % en 2015). Les pesticides continuent de constituer la première cause de déclassement du « bon état » chimique des masses d'eau souterraines, avec 83,1 % des masses d'eau déclassées au moins pour cette raison. À l'heure actuelle, la quasi-totalité des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) prévoient que l'objectif de « bon état » ne sera pas atteint pour la totalité des masses d'eaux en 202732(*).

2. La surveillance des eaux destinées à la consommation humaine

Ø Un double suivi sanitaire

Le suivi de la qualité sanitaire de l'eau potable est encadré par la directive « eau potable » 2020/2184 et piloté par la Direction générale de la santé (DGS). Il repose, d'une part, sur une surveillance par les personnes responsables de la production et de la distribution d'eau (PRPDE), d'autre part, sur un contrôle sanitaire exercé par les Agences régionales de santé (ARS).

Selon les résultats présentés par Laurence Caté au cours de l'audition publique, 82,6 % de la population française étaient alimentés par de l'eau respectant en permanence les limites de qualité réglementaire pour les pesticides en 202133(*). Pour la quasi-totalité de la population alimentée par une eau non-conforme, les dépassements se sont avérés limités en concentration et dans le temps, ne nécessitant pas de restrictions de l'usage de l'eau du robinet34(*). Cependant, comme pour la surveillance des milieux aquatiques, le programme de contrôle sanitaire ne porte que sur une liste restreinte de substances : en moyenne 250 pesticides et métabolites par région35(*), parmi les 764 faisant l'objet d'au moins un agrément.

Ø Une surveillance également prospective

La DGS s'emploie également à rechercher de nouvelles pollutions. À cet effet, elle confie au laboratoire d'hydrologie de l'Anses la réalisation de campagnes nationales exploratoires de recherche de « micropolluants émergents » - c'est-à-dire des molécules, susceptibles de présenter des effets néfastes, qui ne sont pas couramment surveillées - dans les eaux brutes et distribuées. Comme indiqué par Christophe Rosin au cours de l'audition publique, ces campagnes sont effectuées sur la base d'une liste de substances prioritaires, élaborée à partir d'une veille des travaux scientifiques et d'expertise et d'une attention portée aux alertes locales et étrangères. Les résultats obtenus permettent ensuite de faire évoluer les contrôles sanitaires. C'est au cours de la dernière campagne prospective que la forte présence du chlorothalonil R471811 a été mise en évidence, ce métabolite ayant été quantifié dans 60 % des échantillons d'eaux brutes et 57 % des échantillons d'eaux traitées étudiés28.

3. Le système d'information sur l'eau

Un effort est fait pour mettre à disposition des citoyens l'ensemble des résultats de ces analyses. Les données issues des contrôles sanitaires de la qualité de l'eau distribuée aux consommateurs sont disponibles sur la base de données SISE-Eaux (système d'information en santé-environnement sur les eaux)36(*), les analyses des eaux de surface sont compilées au sein du système d'information Naïades37(*) et le suivi des nappes est rendu public à travers le portail ADES (accès aux données sur les eaux souterraines)38(*).


* 30 Eaufrance, « Synthèse 2019 des états des lieux des bassins », 2022 ( https://www.eaufrance.fr/actualites/parution-de-ledition-2022-du-bulletin-rapportage).

* 31 Eaufrance, « Rapportage 2016 des données au titre de la DCE », 2018 ( https://www.eaufrance.fr/publications/rapportage-2016-des-donnees-au-titre-de-la-dce).

* 32 À l'exception du SDAGE de Corse, dont une grande partie des masses d'eau est déjà dans un état jugé bon. Voir : Autorité environnementale, « Rapport annuel 2021 de l'Autorité environnementale », 2022 ( https://www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ra2021-ae-v6_cle7d4d87.pdf).

* 33 En 2020, cette proportion s'élevait à 94,1 %. D'après le ministère chargé de la santé, cette forte baisse s'explique par un meilleur ciblage des molécules susceptibles d'être trouvées dans les eaux destinées à la consommation. Voir : Ministère de la Santé et de la Prévention, « Bilan de la qualité de l'eau au robinet du consommateur vis-à-vis des pesticides en France en 2021 », 2022 ( https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/2021_bilan_pesticides.pdf).

* 34 Un peu plus de 11 000 personnes ont été concernées par des restrictions des usages de l'eau pour la boisson et la préparation d'aliments. Ibid.

* 35 Il n'existe pas de liste nationale de substances à rechercher dans le cadre du contrôle sanitaire. Chaque ARS adapte les modalités de contrôle en fonction des spécificités territoriales. Cela est susceptible de se traduire par d'importantes disparités, comme le relevaient l'UFC-Que Choisir et Générations Futures. Voir : UFC-Que Choisir, « Les pesticides se la coulent douce ! », 2021 ( https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-carte-interactive-de-l-eau-du-robinet-les-pesticides-se-la-coulent-douce-n90494/).

* 36 https://data.eaufrance.fr/concept/sise-eaux

* 37 https://naiades.eaufrance.fr/

* 38 https://ades.eaufrance.fr/

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page