EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 25 OCTOBRE 2023
_________
M. Max Brisson, président. - Notre ordre du jour appelle tout d'abord l'examen du rapport préparé par nos collègues Catherine Morin-Desailly et Else Joseph consacré à l'expertise patrimoniale internationale française.
Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Notre rapport d'information prolonge les travaux conduits par la commission ces dernières années en matière de restitutions des biens culturels. Nos deux collègues, Max Brisson et Pierre Ouzoulias, avaient montré combien notre pays ne peut pas faire l'économie d'un engagement en matière de coopération patrimoniale tant les restitutions n'ont de sens que si elles s'inscrivent dans le cadre de coopérations plus larges.
L'enjeu de l'action à l'international n'est pas seulement de répondre aux sollicitations venues de l'étranger, dans un but, soit économique, soit de solidarité. C'est aussi un enjeu d'influence politique et culturelle, à l'heure d'une montée en puissance des affirmations identitaires sur la scène internationale. Nous avons besoin de défendre et de promouvoir notre vision de la culture, celle de l'universalisme et de son corollaire, le dialogue des cultures.
D'où les questions que nous nous sommes posées : quelle est l'image de l'expertise patrimoniale française à l'étranger ? L'affaire du trafic d'antiquités égyptiennes, dont on a beaucoup parlé depuis 2022, a-t-elle pu entacher durablement sa réputation ? La France est-elle aujourd'hui bien armée pour projeter son expertise à l'international ?
La France dispose d'une expertise d'excellente qualité, qui repose elle-même sur un cadre de formation unique, et ce, sur l'ensemble du champ patrimonial, c'est-à-dire aussi bien en matière d'archéologie, d'architecture, que d'archives, d'artisanat d'art, de musée, de conservation et de valorisation du patrimoine bâti ou de conservation des oeuvres et objets d'art. C'est une vraie chance compte tenu de l'interdisciplinarité croissante des projets menés dans le champ culturel.
Contrairement à beaucoup de pays, la France jouit d'une riche expertise publique grâce aux corps d'État que nous avons mis en place : conservateurs du patrimoine, architectes en chef des monuments historiques, architectes des bâtiments de France, etc.
La reconnaissance de notre expertise à l'étranger est indéniable. La renommée mondiale de certains de nos établissements, mais aussi la première place que nous occupons sur le plan de la fréquentation touristique, n'y sont pas étrangers.
Notre engagement de longue date en matière de coopération patrimoniale - que ce soit avec les missions archéologiques françaises à l'étranger, les coopérations scientifiques entre professionnels des musées, la politique active que nous menons en matière de prêts d'oeuvres, ou encore l'appui qu'apporte notre pays pour la sauvegarde du patrimoine dans les pays frappés par des catastrophes naturelles ou des conflits, je me souviens d'une mission au Mexique sur ce sujet - ont permis d'ancrer solidement notre réputation.
Les succès retentissants que nous avons rencontrés ces dernières années sur le marché naissant, mais en pleine explosion, de l'ingénierie culturelle, avec, en particulier, la coopération mise en place avec les Émirats arabes unis autour du projet du Louvre Abou Dhabi, puis le projet en cours à AlUla avec l'Arabie saoudite, démontrent bien l'attractivité de l'expertise française. Dans les deux cas, ce sont les partenaires étrangers qui sont venus nous chercher, ce qui est d'autant plus remarquable que la péninsule arabique est une aire traditionnellement placée sous influence anglo-saxonne. Sans doute notre capacité à savoir, mieux que nos concurrents, formuler des propositions adaptées aux contextes locaux, constitue-t-elle aussi l'une de nos forces. Quoi qu'il en soit, il s'agit, dans les deux cas, de projets d'importance stratégique majeure pour la France au regard de leurs retombées sur le plan financier et diplomatique, ainsi que pour le rayonnement de notre culture et l'attractivité de notre pays.
Dans ce contexte, on aurait pu craindre que l'affaire du trafic d'antiquités égyptiennes de provenance illicite puisse nous faire beaucoup de tort. Vous vous souvenez sans doute que l'ancien Président du Louvre, Jean-Luc Martinez, avait été mis en cause au printemps 2022, après avoir découvert qu'une stèle portant le nom de Toutankhamon acquise par le Louvre Abou Dhabi en 2016 avait été pillée.
Heureusement, nous avons constaté que cette affaire n'avait pas durablement écorné l'image de la France sur la scène internationale, même si certains concurrents, notamment anglo-saxons, ont essayé de l'instrumentaliser et qu'il en a résulté des frictions assez vives avec l'Égypte - en tant que présidente du groupe d'amitié France-Égypte, j'ai eu à en parler avec les autorités égyptiennes - qui ne sont toujours pas totalement apaisées. Trois éléments ont sans doute joué en notre faveur : d'abord, le rôle joué par la France depuis plusieurs années dans le but d'améliorer la lutte contre le trafic de biens culturels au niveau mondial. Par son ampleur, notre engagement sur ces questions peut difficilement être mis en doute. Ensuite, le caractère international de ce trafic, qui rend délicate la possibilité d'en faire porter la responsabilité à un État en particulier, c'est toute une chaine qui est en cause. Enfin, la réaction immédiate des autorités, comme des musées français, pour tirer toutes les leçons de ce scandale en mettant en place des mesures de sécurisation des acquisitions, dans le but notamment de mieux contrôler la provenance des oeuvres que les musées envisagent d'acquérir. Les recommandations formulées par Marie-Christine Labourdette, Christian Giacomotto et Arnaud Oseredczuk dans le rapport qui leur a été commandé à la suite de cette affaire sont progressivement en train d'être mises en oeuvre par les musées.
Ce rapport souligne que la crédibilité de l'expertise française dépend aussi d'une bonne sécurisation du marché de l'art. Les conservateurs ne sont en effet que le dernier maillon de la chaîne d'acquisition. La responsabilité éthique des professionnels du marché de l'art (les antiquaires, les galeries, les foires, les maisons de vente, les experts) constitue un enjeu très important pour l'image de notre expertise. Nous pensons qu'il serait justifié qu'un travail approfondi soit mené sur ces questions à brève échéance. C'est un sujet que nous n'avons malheureusement pas pu creuser davantage dans le cadre de notre rapport, compte tenu de l'ampleur du sujet que nous avions déjà à traiter. Je rappelle la loi dont j'ai été à l'initiative sur la réforme du Conseil des ventes volontaires, désormais intitulé Conseil des maisons de vente, définitivement adoptée en février 2022 mais qui ne traite qu'une partie des problèmes qui se posent en matière de régulation.
Mme Else Joseph, co-rapporteure. - Nous avons préféré concentrer notre réflexion sur l'enjeu de notre capacité de projection à l'international car nous nous sommes rendu compte que la profonde recomposition géopolitique et géoéconomique à laquelle nous assistons depuis quelques années confère à l'action internationale de la France dans le domaine patrimonial une importance stratégique sans doute jamais atteinte par le passé. C'est vrai d'un point de vue diplomatique, mais aussi économique.
J'en viens au premier enjeu, d'ordre diplomatique. Nous constatons tous, ces dernières années, combien l'influence de la France est, si ce n'est en recul, du moins de plus en plus contestée et fragilisée. C'est particulièrement vrai dans les instances internationales en matière culturelle, à l'instar de l'Unesco, où les pays occidentaux se voient régulièrement reprocher une attitude néocoloniale. Compte tenu du recul de l'usage de la langue française sur la scène internationale, pourquoi ne pas tirer parti de la solide expertise de la France dans le domaine patrimonial pour maintenir notre capacité d'influence ?
L'intérêt du patrimoine en termes diplomatique est double. D'une part, l'expérience montre que des coopérations dans ce domaine restent possibles, même avec des pays avec lesquels les relations politiques seraient tendues ou distendues, parce qu'il s'agit d'un sujet moins sensible. D'autre part, les coopérations patrimoniales sont l'occasion d'instaurer un dialogue, non seulement avec les autorités des pays partenaires, mais également avec la société civile.
L'importance de cet enjeu du point de vue diplomatique emporte deux conséquences.
Premièrement, l'action patrimoniale internationale ne doit plus être considérée comme un enjeu subalterne, ni par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui accorde encore trop la primauté aux éléments du « hard power », ni par le ministère de la culture, focalisé sur les enjeux nationaux de protection et de valorisation du patrimoine. C'est un levier de premier plan à ne pas négliger ou sous-estimer.
Deuxièmement, la France doit parvenir à maintenir un juste équilibre entre les actions de coopération dans le domaine patrimonial et la valorisation de son expertise. Les actions de coopération revêtent une dimension symbolique et politique forte pour les pays partenaires et sont essentielles à notre stratégie d'influence.
L'autre facteur qui plaide pour le renforcement de notre action patrimoniale à l'international est économique. Les questions patrimoniales font l'objet d'un intérêt de plus en plus prononcé de l'ensemble des pays à l'échelle mondiale, d'où une explosion de la demande d'ingénierie de la part des pays émergents - au Proche et au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique en particulier. Ce sont des zones prometteuses pour le déploiement de notre action. De leur côté, nos établissements culturels cherchent les moyens de développer leurs ressources propres dans un contexte de raréfaction des subventions.
La difficulté, c'est qu'il s'agit d'un marché hautement concurrentiel, sur lequel les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Italie ou l'Allemagne sont également bien positionnés. D'autres puissances, comme la Chine, le Japon ou certains pays d'Europe de l'Est, en fonction de leur sphère d'influence, essayent aussi de s'implanter. D'où l'importance de parvenir à promouvoir et valoriser correctement notre expertise pour ne pas laisser passer d'opportunités. D'où notre vigilance, y compris envers des pays amis.
Au regard de ces deux enjeux, diplomatiques et économiques, nous sommes convaincues que la France doit renforcer son action à l'international en matière patrimoniale. Nous constatons cependant que si la France dispose de remarquables atouts à faire valoir, il lui reste des progrès à accomplir pour mieux organiser son offre d'expertise et faciliter son déploiement à l'international.
Il faut reconnaitre que le paysage de l'expertise patrimoniale française est particulièrement dense et complexe. Un grand nombre de protagonistes s'y côtoient puisqu'au-delà des deux ministères concernés au premier chef, interviennent : en tant que pourvoyeurs d'expertise, les opérateurs culturels, les missions archéologiques françaises à l'étranger, et les deux agences dédiées à des projets d'envergure, à savoir l'Agence France-Muséums et l'Agence française pour le développement d'AlUla (Afalula) ; en tant que financeur, l'Agence française de développement (AFD) ; et en tant qu'ensemblier de compétences Expertise France. À quoi s'ajoute l'action internationale menée de manière indépendante par les collectivités territoriales et leurs établissements et le rôle éminent joué par plusieurs bailleurs internationaux, parmi lesquels, en particulier, l'Unesco, l'Union européenne et Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph).
Dans ce contexte, la réussite du déploiement de l'expertise patrimoniale française dépend de la capacité de notre pays à parvenir à répondre de manière commune, coordonnée et stratégique aux besoins exprimés à l'échelle internationale. Malgré la mise en place d'un comité conjoint de pilotage de l'expertise culturelle entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture en 2019 et la création, en 2018 au sein du ministère de la culture, d'une mission en charge de l'expertise culturelle internationale (MECI) rattachée au Secrétariat général, lui-même chargé depuis 2021 de toute la coordination de l'action internationale du ministère, les auditions ont révélé que la coordination sur ce sujet restait encore perfectible. Se pose un problème de lisibilité de notre action, compte tenu des zones d'ombre qui subsistent en matière de répartition des compétences. Nous avons besoin d'une politique cohérente et d'une stratégie plus claire.
Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Ces constats nous conduisent à souhaiter, effectivement, la définition d'une stratégie plus claire pour l'ensemble du dispositif, où chacun des acteurs aurait une place mieux identifiée, avec un meilleur suivi de l'action : cela nous paraît même nécessaire pour que la France convertisse ses atouts en une politique d'influence et de rayonnement efficace.
La coordination peut être améliorée à deux niveaux.
D'abord entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture. Leur qualité de tutelle leur confère un rôle déterminant dans la définition commune des priorités géographiques et sectorielles et dans l'information et le contrôle du suivi de ces directives par les opérateurs. Si la mise en place du comité conjoint de pilotage est un pas dans la bonne direction, nous croyons que le pilotage stratégique gagnerait à être conduit directement par les deux ministres - nous avons auditionné Jean-Yves Le Drian à ce sujet -, et plus seulement à l'échelle des directions de l'administration centrale. C'est l'objet de notre première recommandation.
La coordination au sein même du ministère de la culture doit également être améliorée. Nous avons constaté à quel point l'organisation était confuse. Même si le transfert de la responsabilité de la coordination et des équipes en charge de l'action internationale au Secrétariat général se justifie par le caractère transversal des actions culturelles que la France peut mener au niveau international, il est indispensable, dans le cas de l'expertise patrimoniale, que des mécanismes garantissent que la direction générale des patrimoines reste associée à la prise de décision puisque c'est elle qui a la connaissance de l'expertise qui existe au sein de ses établissements et qui gère les liens avec eux. D'où notre deuxième recommandation, qui consiste à instituer un comité de pilotage entre le Secrétariat général et la Direction générale des patrimoines en matière d'expertise patrimoniale.
Au-delà de cet enjeu de coordination, il nous faut aussi gagner en agilité. Les succès rencontrés par l'Aliph - présidée par notre ancienne collègue Bariza Khiari - en termes de rapidité de déploiement démontrent combien l'expertise patrimoniale constitue un domaine dans lequel il convient d'être capable de faire preuve de réactivité et de souplesse. Si nous ne sommes pas favorables à confier au ministère de l'Europe et des affaires étrangères un rôle de chef de file sur les questions d'expertise patrimoniale, car nous pensons que la pleine implication du ministère de la culture au sein du dispositif est indispensable, nous plaidons pour la constitution d'une « task force » commune aux deux ministères autorisée, sur la base des orientations stratégiques définies au plus haut niveau, à apporter une réponse rapide aux demandes présentées à la France par des partenaires étrangers. C'est notre troisième recommandation qui implique, reconnaissons-le, d'étoffer les équipes dédiées de chacune des administrations centrales.
En revanche, après avoir beaucoup réfléchi à ce sujet, nous écartons l'idée d'une agence dédiée à la valorisation du savoir-faire patrimonial français à l'étranger, parfois évoquée pour disposer d'un guichet unique. Sur le plan organisationnel, nous pensons que l'ajout d'un échelon supplémentaire ne ferait qu'aggraver le manque de coordination car les grands établissements culturels continueront à être directement sollicités compte tenu du prestige international dont ils jouissent. Sur le plan budgétaire, nous considérons que l'équilibre financier d'un tel établissement ne serait pas garanti car, reconnaissons-le, les projets de l'ampleur du Louvre Abu Dhabi et d'AlUla ne sont pas si fréquents et leur financement tient grâce au pays d'accueil. Sur le plan stratégique enfin, nous pensons que la création d'une telle structure pourrait brider l'action internationale des établissements culturels, ce qui n'est pas souhaitable.
Autant continuer, par conséquent, à monter des agences dédiées pour chacun des projets de grande envergure. C'est la meilleure garantie d'apporter une réponse adaptée aux demandes du partenaire en rassemblant les compétences qui lui sont nécessaires.
Reste la mise en oeuvre des projets que l'on pourrait qualifier d'intermédiaires, c'est-à-dire ceux qui dépassent le champ de l'expertise patrimoniale stricto sensu parce qu'ils requièrent une assistance à maitrise d'ouvrage ou présentent un enjeu urbanistique ou touristique. Le ministère de la culture, même en s'appuyant sur la MECI, n'a pas la compétence pour gérer de tels projets de son côté. En revanche, ils pourraient être portés par Expertise France - elle travaille déjà sur le nouveau musée d'Abomey, au Bénin, dans le cadre du projet de restitution d'oeuvres - à la condition que le ministère de la culture demeure associé à sa mise en oeuvre et prenne en charge l'organisation du volet patrimonial. C'est la raison pour laquelle nous recommandons qu'une évaluation ex post du projet conduit par Expertise France à Abomey soit réalisée, afin de s'assurer qu'il s'agit bien d'un opérateur pertinent. Il s'agit de notre recommandation n° 4.
Mme Else Joseph, co-rapporteure. - De l'avis de tous nos interlocuteurs, le manque de moyens reste bien souvent le principal frein à davantage d'interventions à l'international dans le domaine patrimonial.
Quels moyens sommes-nous prêts à mettre sur la table au service de cette stratégie d'influence ? C'est un réel enjeu.
Pour notre part, nous sommes d'avis de cibler un certain nombre de priorités budgétaires. Nous avons choisi d'en retenir deux, qui font l'objet de notre recommandation n° 5.
D'abord, les missions archéologiques françaises à l'étranger, parce que la concurrence dans ce domaine est particulièrement féroce et parce nous n'aurions sans doute jamais signé l'accord avec l'Arabie saoudite à AlUla si une mission archéologique française n'était pas arrivé sur place dix ans avant. C'est le signe du caractère stratégique de cet instrument.
L'autre priorité stratégique à nos yeux, c'est la coopération en matière de formation. C'est une attente forte de nos partenaires et nous sommes convaincues que nous avons tout à y gagner, car c'est un moyen de créer un réseau de professionnels proches de la France et sensibles à ses approches, susceptibles à l'avenir de faire appel à ses services lorsqu'ils seront en fonction.
Face à la raréfaction des moyens budgétaires, nous sommes convaincues que la France aurait intérêt à inscrire davantage son action internationale dans le cadre des actions financées par les bailleurs internationaux, comme l'Unesco, l'Union européenne ou l'Aliph. Nous contribuons déjà financièrement au fonctionnement de ces institutions et, même si notre stratégie d'influence pourrait s'en trouver légèrement diluée, nous pouvons espérer de notre participation à leurs missions des retombées à la fois directes et indirectes. D'où notre recommandation n° 6.
Se pose également une problématique de ressources humaines. Nous entendons suffisamment régulièrement le ministère et les opérateurs au sein de cette commission pour savoir combien les effectifs leur font défaut. Tous les opérateurs que nous avons entendus ont reconnu que c'était le principal obstacle pour répondre favorablement aux demandes qui leur étaient adressés. Interrogeons-nous sur le niveau de nos ambitions et, en fonction, accordons, ne serait-ce qu'aux établissements les plus stratégiques, les moyens de développer une action internationale plus forte : c'est notre septième recommandation.
J'en viens à l'enjeu d'organiser un dispositif de prospection efficace pour ne pas passer à côté d'éventuelles opportunités. Ce rôle parait pouvoir le mieux être exercé par les services de coopération et d'action culturelle des ambassades, présents sur le terrain, la plupart des établissements culturels ne disposant pas des ressources humaines pour conduire une mission de veille performante. Quoi qu'il en soit, il nous semble urgent de mettre en place une stratégie de prospection, en définissant les zones stratégiques d'un point de vue géographique et politique, et dans lesquelles nos services devront, non seulement se mettre en alerte, mais aussi se montrer forces de proposition. C'est notre recommandation n° 8.
Même si les établissements culturels manquent de moyens, nous pensons qu'ils pourraient indirectement participer à cette mission de prospection en encourageant leurs agents à participer aux différents réseaux internationaux dans leurs domaines de compétences. Les Français y sont traditionnellement peu présents, cette culture des réseaux étant beaucoup plus anglo-saxonne. Nous croyons qu'il y a pourtant beaucoup à gagner à être mieux identifié à l'échelle internationale et c'est pourquoi nous suggérons, par notre recommandation n° 9, la mise en place de décharges « horaires » ou une meilleure valorisation dans les parcours de carrière des activités au sein des réseaux internationaux.
Notre dernier axe de réflexion concerne les modalités d'amélioration de la promotion de l'expertise française.
Cette promotion bute aujourd'hui sur une connaissance encore trop lacunaire, à la fois des actions menées par les établissements au niveau international, et de l'offre précise d'expertise que les différents établissements ont à proposer au niveau international. Les interlocuteurs privilégiés du ministère de la culture sur ces sujets se limitent encore trop souvent à quelques grands opérateurs nationaux.
Or, l'expertise patrimoniale française n'est pas l'apanage de ces seuls établissements. L'expertise des musées relevant de collectivités territoriales ou la compétence d'entreprises privées contribuent, elles aussi, à la bonne image de la France à l'étranger.
Par ailleurs, notre offre d'expertise ne se limite pas au seul champ des musées et de la restauration du patrimoine. Il pourrait être opportun de susciter des besoins dans d'autres domaines d'expertise, comme par exemple, en matière d'archéologie préventive, qui reste un secteur encore peu développé dans beaucoup de pays émergents.
En 2019, la Cour des comptes avait recommandé la mise en place d'un réseau numérique partagé autour de l'expertise culturelle, ouvert à l'ensemble des opérateurs nationaux et territoriaux, afin de recenser l'offre d'expertise disponible et de partager les bonnes pratiques et les ressources méthodologiques. Cette recommandation n'a jamais été suivie d'effet.
Afin d'avoir une vue plus complète de la diversité de l'action de la France à l'international, mais aussi de se constituer un vivier de professionnels pour répondre le plus efficacement et le plus rapidement possible aux demandes étrangères, nous croyons indispensable que soit réalisé, chaque année, un suivi des demandes, des actions et des offres d'expertise patrimoniale auprès de l'ensemble des établissements nationaux et territoriaux intervenant dans le champ patrimonial. C'est notre recommandation n° 10.
Nous pensons aussi qu'il serait utile de disposer d'une plaquette de présentation de l'éventail des savoir-faire français, qui mettrait en avant certaines de ses réalisations majeures dans les différentes disciplines entrant dans le champ patrimonial, et listerait la manière dont la France peut accompagner les partenaires étrangers dans leurs désirs de réalisation en matière patrimoniale. Ce catalogue, qui fait l'objet de notre recommandation n° 11, et que nous proposons d'intituler « Patrimoine France », avec pour sous-titre « Vous accompagner sur le chemin de vos racines », aurait vocation à être diffusé par tous les acteurs chargés de la promotion de l'expertise française : les ambassades, l'AFD, Expertise France, Business France, Atout France, les instituts français, etc.
Il est temps de saisir toutes les opportunités de valoriser notre expertise à l'étranger. C'est pourquoi nous suggérons, pour finir, d'utiliser la visibilité internationale du chantier de Notre-Dame, hors norme par son ampleur et la diversité des savoir-faire qui y ont collaboré, pour communiquer autour de l'expertise unique au monde qu'y a acquise la France, ou encore, de confier au soin du Mobilier national la décoration d'un certain nombre d'ambassades symboliques ou stratégiques pour promouvoir le savoir-faire français en termes d'artisanat d'art et de design. Même si cette dernière opération nécessiterait sans doute un certain budget, nous sommes convaincues que des mécènes seraient prêts à y concourir.
Au terme de nos travaux, voici les différentes recommandations que nous souhaitions soumettre à votre approbation. Nous sommes bien sûr à votre disposition pour en débattre et répondre à l'ensemble de vos interrogations.
M. Max Brisson, président. - J'ouvre la discussion générale sur les conclusions de cette mission, en donnant la parole prioritairement à un intervenant par groupe.
M. Pierre Ouzoulias. - Merci Mesdames les rapporteures, pour ce rapport de grande qualité sur une matière complexe et qui n'a pas suffisamment été prise en compte par les gouvernements successifs, alors que la culture n'est pas seulement un supplément d'âme, elle est devenue un outil pour convaincre dans les relations internationales. Jean-Yves Le Drian vous a dit que la culture ne relève pas du pouvoir « doux » mais bien du pouvoir « dur » - chacun est libre de rétablir l'anglais... -, elle devient fondamentale dans la diplomatie d'influence. L'exemple de l'Arabie Saoudite le montre bien, puisque c'est la présence ancienne d'archéologues français, dotés pourtant de petits moyens, qui a ouvert les portes d'instances où l'on négocie aujourd'hui... jusqu'à la vente d'avions Rafale : c'est un raccourci, pour montrer que la stratégie d'influence peut rapporter beaucoup.
La maîtrise du récit national, ensuite, est devenue déterminante pour les États non libéraux. On le voit dans le conflit du Haut-Karabakh, où la fin de la République d'Artsakh et la fuite de 120 000 habitants vont être, malheureusement, suivies par la destruction du patrimoine arménien par les Azéris. L'Unesco n'intervient pas, parce qu'elle est bloquée par des conflits internes, la France est relativement discrète, alors que cette destruction systématique d'une culture est constitutive d'un crime contre l'humanité.
Vos propositions sont justes, et pour avoir participé à plusieurs des auditions, je confirme le manque de coordination et de cohérence des initiatives françaises. Sur le terrain, les ambassades nous disent ne pas comprendre les formes d'intervention des ministères en matière culturelle, ils nous disent manquer d'une sorte de catalogue de ressources qu'ils pourraient mobiliser en matière culturelle - et l'on voit des agents se mobiliser ici et là sans cohérence, pour faire souvent de très bonnes choses mais sans assez de moyens et parfois même sur leur temps libre et sans reconnaissance. Ce n'est pas admissible !
Vos recommandations vont donc dans le bon sens, pour plus de coordination et de cohérence de l'offre française en matière patrimoniale, ceci pour répondre à une demande importante qui nous est adressée et à laquelle nous ne répondons pas suffisamment.
M. Adel Ziane. - Je regrette d'être arrivé trop récemment au Sénat pour avoir pu participer à vos travaux, puisque j'ai passé quatre ans au ministère des affaires étrangères sur la coopération et le développement au Proche-Orient, et douze ans au Louvre à m'occuper de la coopération internationale et en particulier des relations extérieures du Louvre Abu-Dhabi...
Le désir de France sur les questions patrimoniales est très fort, il progresse à mesure que nos pays partenaires veulent davantage valoriser leur patrimoine. Au ministère des affaires étrangères, j'ai assisté à la création d'un service du Patrimoine, qui est devenu le point d'entrée pour les pays partenaires intéressés par la valorisation et la préservation du patrimoine. On a constaté ces dernières années des demandes de plus en plus tournées non pas principalement vers le patrimoine comme héritage, mais, à l'anglo-saxonne, comme levier pour l'activité touristique. De ce fait, les demandes mêlent à la fois des questions culturelles et des enjeux économiques.
Or, dans la compétition internationale exacerbée qui a cours, la France dispose d'un avantage compétitif grâce à notre réseau international puissant, et je vous rejoins pour dire qu'il faut le préserver. C'est ce que j'ai vu en travaillant au Louvre, nous avons des relations de travail continues avec bien des pays du pourtour méditerranéen, du Proche et du Moyen Orient, nous savons construire des relations culturelles avec des pays où la situation est compliquée. Je l'ai vu en Iran, où une exposition organisée par le Louvre à Téhéran avait rencontré un grand succès, ce qui avait été l'occasion de nouer bien des relations, même si le pays s'est refermé après. Les liens culturels sont une ouverture pour les habitants et c'est un vecteur de dialogue là où les liens politiques se sont distendus.
Parmi vos recommandations, je crois que la coordination entre les deux ministères des affaires étrangères et de la culture, est le point décisif. Des pays comme le Japon, l'Allemagne ou l'Italie peuvent répondre très vite à des demandes de pays tiers, nous devons améliorer notre organisation, votre recommandation n° 2 d'un comité de pilotage entre le secrétaire général et la direction du patrimoine est essentielle ; je crois qu'il faut regarder aussi au sein même du ministère de la culture, du côté des relations entre la mission d'expertise culturelle internationale et la direction générale des patrimoines.
Je souscris également au propos de Pierre Ouzoulias : les missions archéologiques établissent des liens sur le temps long, il faut les soutenir davantage.
Votre recommandation n° 7 est également très importante, il faut étoffer les équipes des établissements culturels qu'on estime stratégiques et encourager leurs agents à mieux participer aux réseaux internationaux dans leur domaine de compétence. Ces établissements ont des agents très compétents qui sont décisifs pour répondre à la demande des pays partenaires, mais à condition qu'on leur assure des décharges horaires suffisantes et que cette participation à l'international soit bien valorisée dans leur carrière. Il y a encore trop de freins administratifs et organisationnels, qui rendent difficiles des missions suffisamment longues à l'étranger, cela compromet bien des projets.
Ensuite, si le nombre de nos opérateurs et de nos agences montre bien la richesse de notre expertise, si notre pays peut se féliciter que certaines de ses initiatives comme l'Aliph aient rencontré le succès, il faut voir aussi qu'il nous arrive de perdre de l'expertise quand des personnels de haut niveau, après avoir été formés et avoir commencé leur carrière en France, vont travailler dans des institutions étrangères ou à l'étranger, on l'a vu avec le Louvre Abu Dhabi.
Dernier point, il faut réaffirmer le rôle d'ensemblier des ambassadeurs, de leurs services culturels et des Instituts français. Ce sont les coordinateurs de première ligne qui sont en lien avec les pays et les porteurs de projets.
Mme Sabine Drexler. - Merci pour ce rapport très intéressant. On vient nous chercher, c'est le signe du rayonnement de notre culture et de nos savoir-faire dans le domaine patrimonial. Le marché est très concurrentiel, d'où l'importance de promouvoir plus encore notre expertise pour renforcer son action à l'international. J'ai auditionné l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) dans le cadre de mon rapport budgétaire. Cet institut dispose d'une grande expertise et il est volontaire pour travailler à l'international. À votre avis, ne pourrions-nous pas, au Sénat, contrôler plus régulièrement la manière dont est assurée le suivi des offres d'expertise et la façon dont le Gouvernement se mobilise pour y répondre en interministériel ?
Mme Sonia de La Provôté. - Je félicite nos rapporteures pour la qualité de leur travail, sur un sujet que nous éludons trop de nos interventions, alors que l'enjeu, il est grand temps de s'en rendre compte, a toute son importance pour notre diplomatie. Quand les pays s'intéressent de plus en plus à leur histoire et que les questions identitaires prennent plus de place, l'expertise patrimoniale prend davantage de valeur, parce que c'est un outil d'écriture et de réécriture de l'histoire. Or l'éthique de nos chercheurs et experts, leur rigueur scientifique, sont le gage d'une meilleure interprétation de l'histoire. Je crois que nous devons mettre en avant ces qualités, elles sont essentielles quand on donne des conseils, quand on accompagne la construction du récit national. Et il y a aussi un enjeu plus large : l'approche scientifique facilite les ponts civilisationnels, des convergences qu'on recherche en diplomatie positive. C'est une dimension éthique qui me parait très importante et je vous félicite d'avoir mis en valeur ce rôle éthique de l'expertise.
La veille et la protection des patrimoines dans les zones de conflits est aussi un sujet de préoccupation. On a vu disparaitre des trésors du patrimoine de l'humanité. L'Unesco n'est pas partout un outil adéquat pour leur protection - la France a un rôle à jouer, on l'a vu encore récemment en Syrie.
Quelques questions, qui seront aussi des points d'appui d'une réflexion. D'abord sur la coordination et sur la stratégie : quelles sont nos priorités en matière d'archéologie, en matière d'expertise patrimoniale ? On ne les voit pas, la stratégie n'est pas visible - alors que c'est nécessaire pour coordonner notre action. Ensuite notre réseau d'ambassades : c'est une force, mais ne l'affaiblit-on pas avec la réforme du statut en cours ? Comment préserver tout ce qui fait levier du « soft power » ? Enfin, quelle place pour le mécénat - considérant que l'histoire s'écrit par des professionnels de l'archéologie, de l'histoire, et pas par des mécènes ?
Enfin, je crois que l'expertise patrimoniale française est irremplaçable, elle a toute sa place et que nous ne devons pas céder aux sirènes de l'idéologie anglo-saxonne, qui a tendance à envahir notre débat public.
Mme Monique de Marco. - Je savais le sujet complexe mais je ne me doutais pas qu'il l'était à ce point. Votre rapport le rend plus clair, c'est très précieux. Vous constatez le manque d'agilité de notre dispositif d'ensemble et je vous rejoins parfaitement quand vous repoussez l'idée d'ajouter une strate supplémentaire.
J'aimerais une précision sur la recommandation n° 11 : est-ce que les ambassadeurs ne disposent pas déjà d'un guide des ressources disponibles, puisqu'ils sont la vitrine de notre expertise patrimoniale ? J'avoue que cela me surprend...
Mme Else Joseph, co-rapporteure. - Merci pour vos remarques. Le patrimoine et la culture sont un levier important de l'influence française, c'est un constat prégnant. Il y a un désir de s'adresser à la France pour l'expertise patrimoniale. Nous devrons suivre ce qui advient de nos recommandations, l'enjeu est bien de développer ce qui est un atout culturel pour notre pays.
Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Merci pour vos remarques, elles confirment notre diagnostic. Quand nous nous déplaçons à l'étranger, nous voyons combien le désir de France est vivant, on nous sollicite pour des coopérations, pour de la formation - et nous avons un devoir de répondre à cet appel touchant. C'est aussi pourquoi il faut une stratégie, parce que nous parlons bien ici d'un pouvoir « dur » et non pas d'un pouvoir « doux ». Jean-Yves Le Drian a insisté sur ce point, de même qu'il nous a confirmé la coordination insuffisante entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture. Il faut s'emparer du sujet, nous le faisons avec nos propositions. L'appellation « Patrimoine France » pourrait être une bannière autour de laquelle rassembler, ou à tout le moins recenser tous ceux qui, dans les deux ministères, contribuent à l'action et à l'expertise patrimoniale, c'est le sens de notre proposition n° 11, un tel répertoire aidera notre action à l'étranger.
Le rôle des ambassades est primordial. La compétence « patrimoine » n'entre pas dans le champ des Instituts français, mais ils pourraient relayer des demandes, sous la responsabilité des ambassadeurs. La diplomatie est un métier, la réforme du statut des ambassadeurs a fait grand bruit à juste titre.
S'agissant de la protection du patrimoine dans les zones de conflits, l'Aliph joue un rôle formidable par sa souplesse et son agilité, notre rapport s'en fait le relais. Le Sénat a débattu de la situation en Arménie, nous nous y sommes déjà rendus et nous savons combien le patrimoine arménien est menacé dans le Haut-Karabakh. Bariza Khiari, vice-présidente de l'Aliph, nous l'a confirmé : les inscriptions chrétiennes sont effacées, trois mille ans d'histoire sont niés - et lorsque nous nous étions rendus sur place avec Bruno Retailleau, nous avions constaté combien l'OEuvre d'Orient jouait un rôle important, en lien avec l'Aliph, ces deux organisations tâchent d'intervenir pour préserver le patrimoine, il faut continuer de les soutenir.
Les démarches identitaires et la recherche des racines historiques, nous les constatons aussi dans les demandes de restitution. À nous de faire évoluer nos modes de coopération - nous avons interrogé le groupe francophone de l'Unesco à ce sujet. On voit qu'il y a un débat et qu'on prête à la France une capacité d'agir, je crois que nous devons réaffirmer ici l'importance des coopérations.
Mme Annick Girardin. - Vous constatez que la France est présente et mal organisée et vous proposez, à raison, d'améliorer la coordination stratégique pour gagner en agilité. C'est pour moi bien triste de constater que tout ce qui avait été mis en place il y a quelques années pour cette coordination semble avoir fait long feu... Parce qu'il faut se rappeler qu'Expertise France a été créé pour regrouper les moyens d'expertise internationale de chaque ministère, pour bâtir une expertise globale. C'est apparemment un échec, puisque les ministères ont reconstitué leurs moyens en propre - c'est bien connu, dans l'administration française, on n'aime pas se faire déposséder d'une compétence... Nous avions l'exemple allemand, où l'équivalent de l'AFD globalise l'action de développement et d'expertise à l'étranger, nous avons maintenu l'AFD comme banque, principalement, en lui accolant Expertise France. On voit que ce n'est pas la même chose et je crois qu'on n'arrivera pas à globaliser tant qu'on ne réformera pas l'AFD.
Il faut voir, aussi, comment l'action de l'Union européenne peut entrer en concurrence avec celle des États. C'est un sujet sur lequel il faut monter au créneau à l'échelon européen. Même chose pour l'articulation entre les agences, qui ont plus de moyens que les ministères, lesquels sont en charge de la stratégie : il faut mieux organiser les choses, bien expliciter la stratégie pour avancer.
En tous les cas bravo pour ce travail, j'espère que nous pourrons continuer sur ces sujets.
Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Oui, une réforme de l'AFD est nécessaire. Les agences ont certes des moyens, mais c'est bien nous qui les votons - et nous demandons d'aller plus loin, en instaurant une coordination co-pilotée par les deux ministres. Il faut qu'ils s'emparent davantage du sujet. Hier en audition, la ministre de la culture n'a pas mentionné l'action culturelle extérieure dans sa présentation liminaire, alors qu'elle s'est déjà beaucoup déplacée à l'étranger. Je trouve que c'est symptomatique.
M. Jean-Gérard Paumier. - La restitution des oeuvres d'art sera l'un des grands enjeux du siècle. Au moment où l'influence de la France marque le pas en Afrique, la restitution de biens culturels de notre pays aux pays africains pourrait être une opportunité de regain d'influence. Le Sénat a voté une proposition de loi le 10 juillet 2022 pour demander un cadre et des mécanismes de contrôle pour ces décisions de restitution. Où en est-on, en particulier de la proposition d'un conseil national de réflexion de la circulation et le retour de biens culturels extra-européens ?
M. Max Brisson, président. - Vaste sujet...
Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Notre commission s'est emparée du sujet depuis une dizaine d'années et nous avons été à l'initiative de textes, après un long travail d'évaluation. Un texte a été voté avant l'été, sur la restitution des biens spoliés aux Juifs ; un texte est dans la navette, il porte sur la restitution de restes humains, nous en avons été à l'initiative avec Max Brisson et Pierre Ouzoulias ; et un troisième texte, qui ne devrait pas intervenir avant l'année 2024, porte sur la restitution des biens culturels appartenant à nos collections publiques en général. C'est dans le cadre de ce texte que se pose l'enjeu d'un avis d'un conseil scientifique indépendant, permettant d'assurer une réelle transparence sur ce processus. C'était l'objet du conseil national de réflexion que vous évoquez et que nous avions inscrit dans une proposition de loi que nous avions précédemment déposée, mais dont la discussion n'a pas été poursuivie à l'Assemblée natioanle. Ce conseil national est donc en pointillé, nous aurons l'occasion d'en reparler, car nous le gardons à l'esprit.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.