B. UNE LENTE MONTÉE EN CHARGE, QUI DEVRAIT SE TRADUIRE PAR D'INÉVITABLES DÉRAPAGES CALENDAIRES ET BUDGÉTAIRES
Le plan 15 000 et le plan CEF, bien qu'ils soient à l'opposé en termes d'ampleur et de coût, partagent deux points communs : leur calendrier et leur coût prévisionnel initial apparaissent caducs, en dépit des efforts engagés par les parties prenantes. Le garde des Sceaux a ainsi rappelé au début de l'année que ces deux programmes étaient prioritaires, sans que cela ne se traduise nécessairement par de nouveaux crédits ou par une évaluation et une révision des procédures mises en oeuvre pour accompagner l'exécution de ces deux plans.
1. Un rôle prépondérant confié à l'APIJ pour la mise en oeuvre du plan 15 000
La gestion du plan 15 000, l'un des plus grands programmes immobiliers menés par le ministère de la justice, a été confiée à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, l'APIJ. Créée au début des années 2000, cette agence exerce plusieurs missions : elle doit à la fois réaliser les études et les analyses préalables aux investissements immobiliers, gérer les opérations de construction, de réhabilitation ou de maintenance du parc immobilier judiciaire et pénitentiaire et mener toute mission d'assistance en matière de gestion et de valorisation de ce patrimoine immobilier26(*). Elle est placée sous la tutelle du ministre de la justice, le ministre chargé des comptes publics y étant associé.
L'APIJ exerce donc pour le compte de sa tutelle un rôle d'opérateur immobilier et de maître d'ouvrage de plein exercice, forte de son expérience et des compétences qu'elle a su développer en interne pour mener des projets de grande ampleur. Concernant les marchés, il n'y a eu qu'un seul partenariat public-privé dans le cadre du plan 15 000, sur un projet amorcé avant 2018. Le ministère s'est détourné de ce mode de portage, jugé trop coûteux et pas forcément rentable à long terme, pour se tourner vers les marchés de conception-réalisation, qui permettent de préserver le rôle de maître d'ouvrage de l'APIJ.
Sur le choix de ces modalités de dévolution, le rapporteur se range à l'analyse de Jean-René Lecerf, président de la commission du Livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire en 2017 : il n'est pas possible « de conclure de façon catégorique à la supériorité d'un mode de dévolution sur les autres. Au surcroît, une étude au cas par cas des différents projets tend à montrer que, plus que le mode de dévolution lui-même, c'est bien plutôt la nature du projet et les difficultés occasionnellement rencontrées qui permettent de rendre compte le mieux des variations de délais »27(*). Le type de marchés est un facteur d'explication ni suffisant ni satisfaisant pour expliquer les décalages calendaires et budgétaires observés sur ces deux programmes.
2. Comment compter jusqu'à 15 000 et à quel prix ?
S'il a pu procéder à diverses analyses du calendrier et du coût des projets sélectionnés dans le cadre du plan 15 000 et du plan de 20 CEF, le rapporteur s'est heurté à certaines difficultés pour obtenir des données précises sur les crédits budgétaires ouverts et consommés sur chacune de ces opérations, sur la révision de leur coût comme de leur calendrier.
De plus, la documentation budgétaire n'est que partielle sur cet aspect. L'indicateur 1.2 « Respect des coûts et des délais des grands projets immobiliers », attaché au programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » permet certes de disposer de premières informations, notamment sur le calendrier, mais elles ne sont pas exhaustives. Toutes les opérations des plans 15 000 et de 20 nouveaux CEF ne sont en effet pas couvertes. Seules sont retenues les plus grandes opérations d'un point de vue financier, dont le montant excède 10 millions d'euros et, parmi elles, les projets de construction neuve ou de restructuration en phase opérationnelle.
En dépit de ces lacunes, cet indicateur permet toutefois de constater que les écarts calendaires et budgétaires ont tendance à s'accroître pour l'immobilier pénitentiaire :
- le taux d'écart budgétaire agrégé s'élèverait à 33,9 % en 2024, contre 8,1 % initialement en 2023. Cette progression s'expliquerait par la prise en compte de nouvelles révisions de prix et le versement d'indemnités pour les projets de Bordeaux-Gradignan, Troyes-Lavau et Basse-Terre ;
- le taux d'écart calendaire agrégé passerait quant à lui de 13,8 % en 2023 à 20,7 % en 2024. Le Gouvernement justifie cette augmentation par les tensions d'approvisionnement des matériaux en 2021 et en 2022, qui ont conduit à des retards de livraison en fin d'opérations.
Évolution des prévisions des taux
d'écart calendaire et budgétaire
agrégé sur le
périmètre de l'immobilier pénitentiaire
(en %)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Le rapporteur s'est quant à lui attaché, dans le cadre de ses travaux, à obtenir une granularité plus fine, avec un suivi projet par projet. Ce sera le cas pour les ajustements calendaires, des éléments complémentaires à la documentation budgétaire ayant été transmis par le projet de loi.
a) Alors que moins d'un cinquième des places ont été livrées, la crainte d'importants dérapages calendaires
Aux termes des annonces du Gouvernement, 7 000 places devaient être livrées en 2022, sur les 15 000 places nettes créées d'ici 2027. La réalité s'est avérée bien décevante : au 1er juillet 2023, soit déjà plus de six mois après cette échéance, seules 2 711 places nettes ont été ouvertes, pour 14 opérations achevées et 4 281 places brutes créées. Le Gouvernement ne parle d'ailleurs désormais plus de 7 000 places livrées, mais de 7 000 places dont les travaux sont « bien avancés ».
D'ici la fin de l'année 2023, cinq nouveaux établissements devraient être finalisés, pour 1 328 places nettes livrées dans les structures d'accompagnement vers la sortie d'Osny et de Meaux (180 places chacune), le centre pénitentiaire de Caen-Ifs (282 places nettes), le quartier centre de détention de Fleury-Mérogis (408 places) et le centre pénitentiaire de Troyes-Lavau (278 places nettes après la fermeture de la maison centrale de Clairvaux et de la maison d'arrêt de Troyes).
Au début de l'année 2024, il restera donc encore plus 12 000 places nettes à créer - le Gouvernement ayant toutefois défendu l'idée que la majeure partie du plan 15 000 serait livrée dans le courant de l'année 2024. Les données analysées par le rapporteur montrent qu'il est permis de douter de cet optimisme d'autant plus que, et il s'agit là de l'un des constats les plus alarmants du rapporteur, les délais de livraison s'allongent au fur et à mesure que l'échéance du plan 15 000 se rapproche. Le nombre de places devant être livrées non plus en année n mais en 2027 s'accroît d'année en année, faisant peser un risque très fort de soutenabilité sur l'année 2027.
Calendrier initial et actualisé de
livraison des programmes
dans le cadre du plan 15 000
Nombre de projets devant être livrés par année :
Nombre de places devant être livrées par année :
Source : commission des finances, d'après les données transmises au rapporteur et les documents budgétaires
Ainsi, le calendrier révisé prévoit la livraison de 19 projets et de près de 9 115 places en 2027, alors qu'il était initialement prévu que 11 opérations s'achèvent en 2027, pour un peu plus de 5 900 places. Ce report vers 2027 ne laisse absolument plus aucune marge de manoeuvre pour achever la mise en oeuvre du plan 15 000 dans le calendrier initial, en dépit des efforts et du suivi au quotidien de ces projets par le maître d'ouvrage, l'APIJ.
(1) La comptabilisation d'opérations lancées avant l'annonce du plan 15 000, une mesure de périmètre flatteuse
En plus de ce report sur 2027, qui laisse de fait présumer que toutes les places ne seront pas livrées d'ici cette échéance, un autre facteur est de nature à dégrader encore plus le bilan comptable du Gouvernement sur le plan 15 000 : certaines des opérations réalisées dans ce cadre, avec la livraison de places nettes, ont été décidées et mêmes lancées bien avant l'annonce du plan 15 000. Ce n'est donc qu'après qu'elles ont été effectivement rattachées à ce plan, le Gouvernement bénéficiant d'une mesure comptable favorable pour pouvoir afficher un taux de livraison relativement satisfaisant sur la période 2019-2023.
Or, d'après les données analysées par le rapporteur, ce seraient 1 926 places qui seraient concernées, pour sept projets : au total, 12 % des places livrées dans le cadre du plan 15 000 correspondent à des opérations qui lui sont bien antérieures :
- la rénovation du centre pénitentiaire La Santé a duré près de 13 ans, les travaux lancés en 2006 ayant été finalisés en 2019 (707 places) ;
- la première tranche de travaux sur le centre pénitentiaire des Baumettes a été lancée en 2013 et achevée en 2017 (- 572 places28(*)), tout comme la construction du centre de Papéari à Tahiti (410 places) ;
- commencées en 2015, les opérations sur le centre pénitentiaire d'Aix (735 places), la maison d'arrêt de Draguignan (504 places) et le centre de Saint-Martin-les-Boulogne (50 places) ont abouti en 2017 et 2018 ;
- enfin, la construction du quartier de semi-liberté du centre pénitentiaire de Nanterre, qui a permis la livraison de 92 nouvelles places en 2019, avait été lancée en 2016.
(2) Sur les 36 opérations restantes, 13 sont encore en phase d'études préalables
Alors que la majorité des livraisons de places nettes a été décalée à 2027, l'avancement des 36 opérations restant à finaliser n'est pas de nature à inciter le rapporteur à faire preuve de plus d'optimisme quant au respect du calendrier initial. Sur ces 36 opérations, 13 sont en effet encore en phase d'études préalables, à quatre ans de l'échéance. Dans le contexte actuel, et au regard du retour d'expérience des 14 premières opérations achevées sur le plan 15 000, il est plus que probable que la suite des travaux excède quatre ans.
Un dépassement du calendrier doit donc être acté, même si l'APIJ et le ministre continuent de défendre l'impératif de tenir l'échéance de 2027 et se sont organisées en conséquence. Ils reconnaissent toutefois qu'ils n'ont plus de marge, en cas par exemple de délais dans les procédures d'instruction administrative.
État d'avancement du plan 15 000
Source : commission des finances, d'après les données transmises au rapporteur et les documents budgétaires
Ces retards portent autant sur les établissements traditionnels que sur les structures plus innovantes que devait favoriser le plan 15 000. Par exemple, sur les 14 SAS prévues dans le cadre du plan 15 000, trois projets étaient encore en phase d'études au printemps 2023, soit plus de cinq ans après le lancement du plan. De même, pour les trois structures InSERRE, présentées comme de véritables innovations par le ministère, aucune n'a été livrée : la première devrait l'être à Arras en 2025 (180 places), tandis que les deux autres sont encore en phase d'études.
Aucun des 36 projets dont la livraison est prévue à compter de 2024 ne devrait s'achever dans le calendrier prévu, avec des dépassements plus ou moins importants.
Durée initiale et actualisée des
opérations du plan 15 000
dont la livraison est
prévue à compter du
1er juillet 202329(*)
(en mois)
CP : centre pénitentiaire ; CD : centre de détention ; MA : maison d'arrêt ; SAS : structure d'accompagnement vers la sortie ; InSERRE : innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi.
Les projets dits de la « première tranche » (7 000 places en 2022) sont en violet tandis que ceux relevant de la « seconde tranche » (8 000 places en 2027) sont en bleu.
Source : commission des finances, d'après les données transmises au rapporteur et les documents budgétaires
Parmi les projets ayant connu les plus importants dérapages calendaires, celui du centre pénitentiaire de Basse-Terre a vu sa durée être plus que doublée : alors que la reconstruction aurait dû durer 73 mois, pour s'achever en 2017 - elle ne devrait finalement s'achever qu'au bout de 157 mois (13 ans), à la fin de l'année 2024. La révision du calendrier du projet de Baie-Mahault s'est quant à elle traduite par un allongement de deux ans et demi, pour atteindre huit ans et trois mois30(*).
Il est donc à craindre que l'échéance de 2027 ne soit pas respectée.
b) Une projection budgétaire plusieurs fois révisée à la hausse
(1) Un surcoût d'au minimum 20 %
Dès le lancement du plan 15 000, l'enveloppe budgétaire nécessaire à la bonne conduite des opérations a été rehaussée. Le coût initial total estimé à 4,5 milliards d'euros par le ministère de la justice était déjà un milliard d'euros plus élevé que l'estimation retenue dans l'avis du secrétariat général pour l'investissement31(*). En juin 2022, la direction du budget a de nouveau réévalué le coût total du projet, désormais estimé à 5,4 milliards d'euros, soit 20 % de plus que le coût prévisionnel initial.
Les données analysées par le rapporteur, pour chacun des projets du plan 15 000, montrent que quasiment toutes les opérations ont connu des dépassements budgétaires, d'une ampleur plus ou moins forte.
Coût prévisionnel initial et actualisé des opérations du plan 15 000
(en millions d'euros)
Projets livrés avant le 1er juillet 2023
Projets livrés après le 1er juillet 2023 et d'ici la fin de l'année
Projets en phase de travaux
Projets en phase d'études de conception
Projets en phase d'appel d'offres
Projets en phase d'études préalables
CP : centre pénitentiaire ; CD : centre de détention ; MA : maison d'arrêt ; SAS : structure d'accompagnement vers la sortie ; InSERRE : innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi.
Les projets dits de la « première tranche » (7 000 places en 2022) sont en violet tandis que ceux relevant de la « seconde tranche » (8 000 places en 2027) sont en bleu.
Source : commission des finances, d'après les données transmises au rapporteur
D'après ces données, au mois de juin 2023, le coût prévisionnel révisé atteignait désormais 5,55 milliards d'euros. À ce rythme, et alors même que le coût des projets encore en phase d'études a connu une nette réévaluation, avant donc l'engagement des travaux et la prise en compte des aléas qui ne manqueront pas de survenir lors de l'exécution du contrat, le coût total du plan 15 000 pourrait excéder les 6 milliards d'euros.
Certains écarts budgétaires sont tout à fait considérables : le coût prévisionnel des opérations sur le centre pénitentiaire des Baumettes 3 a augmenté de 45 %, pour atteindre 160 millions d'euros, tandis que celui du centre de Saint-Laurent du Maroni a doublé pour atteindre au moins 370 millions d'euros. Alors qu'ils sont tout juste en phase d'études préalables, les projets du centre pénitentiaire de Trélazé et de Lille, avec un changement de site pour ce dernier, ont vu leurs coûts être révisés de respectivement 118 % et 124 %. Ces écarts s'expliquent tant par la conduite du programme (modification du projet en cours d'exécution, retards) que par des aléas extérieurs (inflation, pénurie de matériaux).
Le budget total alloué au plan 15 000 devrait donc être révisé d'1,7 milliard d'euros au moins par rapport au coût prévisionnel initial de 4,3 milliards d'euros.
(2) Des difficultés en gestion
En gestion, 80 % de l'enveloppe budgétaire initiale, soit 3,6 milliards d'euros, ont été délégués à l'APIJ, en tant qu'opérateur chargé des opérations du plan 15 000. L'Agence a quant à elle décaissé environ 1,6 milliard d'euros, sachant que les opérations les plus volumineuses, avec les décaissements les plus élevés, devraient avoir lieu sur la période 2024-2027.
En termes d'exécution budgétaire, les choix opérés sur le plan 15 000 se traduisent par d'importants et dynamiques restes à payer sur le programme 107 « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ».
En outre, la progression de la part de l'administration pénitentiaire dans les restes à payer de la mission illustre l'ampleur de son programme immobilier : les restes à payer relatifs aux opérations immobilières devraient ainsi s'élever à 4,41 milliards d'euros au 31 décembre 2023, ils représentent 73 % du total des restes à payer de la mission.
Évolution des restes à payer sur la mission « Justice »
(en milliards d'euros et en %)
Source : commission des finances, d'après la document budgétaire
Souhaitant illustrer sa volonté « d'aller vite », le Gouvernement avait fait le choix d'ouvrir la quasi-totalité des autorisations d'engagement (AE) dès les premières années du programme immobilier, sans de fait ouvrir les crédits de paiement (CP) correspondant, puisque les opérations n'étaient même pas encore lancées. Or, tous les éléments présentés jusqu'ici montrent que ne serait-ce que de parvenir à la phase des travaux nécessite le plus souvent plusieurs années de discussion et d'études préalables.
Cette décision a eu plusieurs conséquences, dont tout d'abord la nécessité de reporter un volume important d'autorisations d'engagement, faute d'avoir pu les utiliser dans le délai annuel imparti. L'écart croissant entre l'engagement des AE et le décaissement des CP, une fois les contrats signés, s'est également traduit par un accroissement du montant des restes à payer de l'administration pénitentiaire. Les AE ont enfin été ouvertes avant même que les cahiers techniques ne soient finalisés, avec un engagement « à l'aveugle » sur les crédits de paiement qui y sont liés. La volonté « d'aller vite », sans doute également pour matérialiser le plan 15 000 et afficher son caractère irréversible, a pris le dessus sur la définition de caractéristiques techniques précises et stabilisées ainsi que sur la fiabilité de la budgétisation.
3. L'enlisement du plan de création des 20 CEF de deuxième génération ?
a) À mi-parcours du programme des 20 nouveaux CEF, un taux de livraison de 15 % particulièrement alarmant
Les retards pourraient être encore plus importants sur le plan de création de 20 CEF de deuxième génération que sur le plan 15 000 puisque cinq projets - soit un quart des CEF envisagés - ne disposent pas encore du foncier nécessaire32(*). Trois CEF seulement ont été livrés, à Épernay, Bergerac et Saint-Nazaire. Un seul devrait être livré au printemps 2024, celui de Rochefort, actuellement en travaux, le prochain devant être le CEF de Mayotte pour la fin de l'année 2025.
État d'avancement du plan de
création
de 20 centres éducatifs
fermés
Source : commission des finances, d'après les données transmises au rapporteur
Pour trois projets, en dépit d'un accord sur la localisation du centre, le foncier est toujours indisponible : pour le premier, le propriétaire du terrain n'a pas répondu à la demande d'acquisition, pour le deuxième, les élus locaux sont réticents à l'implantation du centre et, pour le troisième, le terrain communal proposé par la collectivité a été jugé trop coûteux à adapter à la suite de l'expertise. Enfin, pour les deux autres projets, il n'y a toujours aucune emprise identifiée.
Se retrouve ici le double enjeu de la disponibilité et de la qualité du foncier, une problématique commune aux établissements pénitentiaires et aux centres éducatifs fermés. Pourtant, et d'autant plus pour les CEF qui accueillent des mineurs, la proximité avec une ville est essentielle, ne serait-ce que pour favoriser l'éducation de ces jeunes et leur réinsertion sociale.
b) Les phases d'études et de travaux ont conduit à rehausser le coût budgétaire de la plupart des nouveaux CEF
À l'origine, dans le cadre du dossier de presse accompagnant la présentation par le Gouvernement de son plan de création de 20 nouveaux centres éducatifs fermés33(*), le coût total de l'investissement était estimé à 30 millions d'euros. À celui-ci s'ajoutait une estimation du coût de fonctionnement annuel, de 42 millions d'euros, ce qui équivalait alors à 5 % du budget de la DPJJ.
Dès la publication de la liste des projets retenus, l'enveloppe initiale, correspondant aux seuls coûts de construction et de rénovation, avait été réévaluée à 76,5 millions d'euros, soit une révision de 155 %.
Budget prévisionnel initial et
actualisé des opérations
du plan de construction des
20 nouveaux CEF de deuxième génération
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les données transmises au rapporteur
Les données analysées par le rapporteur font désormais état d'un coût prévisionnel actualisé de 110 millions d'euros, c'est-à-dire quasiment trois fois plus que le budget initialement prévu. Or, la plupart de ces CEF sont encore en phase d'études, voire de recherche foncière. Ce montant devrait donc encore connaître d'importantes évolutions.
*
S'il a été question ici, pour les établissements pénitentiaires comme pour les CEF, du coût budgétaire - toute analyse d'un projet d'investissement immobilier ne peut faire l'économie d'une prise en compte des coûts et gains socio-économiques. Le rapporteur a par exemple rappelé les estimations produites par la contre-expertise sur le plan 15 000 en matière de réduction de la violence dans les établissements, de réduction des arrêts maladie du personnel pénitentiaire et de prévention des suicides des détenus.
Le coût budgétaire permet d'apprécier l'efficacité de la gestion pluriannuelle, de la conduite des travaux et des réponses apportées aux aléas extérieurs - ce qui est absolument majeur dans un contexte de finances publiques contraint et d'engagement de sommes massives d'argent public. L'analyse budgétaire ne peut toutefois seule servir à valider ou à remettre en cause la pertinence d'un programme d'investissement de grande ampleur.
* 26 Agence publique pour l'immobilier de la justice, rapport d'activité pour l'année 2022, août 2023.
* 27 Livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire remis à Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice, par Jean-René Lecerf, président de la commission du livre blanc, 4 avril 2017.
* 28 En décomptant les 573 places fermées.
* 29 Les informations dans les documents budgétaires ne permettent pas de disposer du calendrier actualisé de l'ensemble des projets mais seulement de ceux dont le passage en phase opérationnelle a été validé ou de ceux qui ont fait l'objet d'une commande ferme de réalisation, avec fixation d'un coût final estimé.
* 30 Données transmises dans le projet annuel de performances de la mission « Justice », annexé au projet de loi de finances pour 2024.
* 31 Secrétariat général pour l'investissement, op. cit.
* 32 Ces projets correspondent, dans le tableau de présentation du plan de construction, à la mention « pas de date ».
* 33 Ministère de la justice, dossier de presse « Création de 20 centres éducatifs fermés », septembre 2018.