C. LE CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN EST RELÉGUÉ AU SECOND PLAN ET LA RELANCE DU PROCESSUS DE PAIX N'EST PLUS UN OBJECTIF POLITIQUE MAJEUR
L'échiquier politique israélien relègue la question palestinienne au second plan compte tenu de la nécessité de composer avec des coalitions où les partis les plus radicaux rejettent toute relance d'un processus de paix, voire même l'esprit d'une solution à deux États.
Tel ne fut pas le cas du parti de Yaïr Lapid, le Yesh Atid, qui soutient le principe de la solution à deux États. Malgré les espoirs que pouvait donner en ce sens la coalition de 8 partis composée, à l'issue des élections législatives de mars 2021, pour la première fois d'une formation de députés arabes israéliens, force fut de constater que le gouvernement confié à Naftali Bennet ne s'engagea pas formellement pour la reprise d'un processus de paix dans le cadre de la solution à deux États dans la mesure où une large partie de la coalition restait « ouvertement hostile à toute reprise du processus de paix »8(*).
Ce sujet est une impasse de politique intérieure israélienne dès lors qu'une coalition se construit sur un équilibre fragile où avec des partis opposés à la solution à deux États. Il risque d'en être ainsi pour le futur gouvernement issu des élections législatives du 1er novembre 2022.
Il reste que sur l'ambition de Yair Lapid de renforcer les relations avec les Palestiniens, là encore des divergences notables se sont exprimées. D'une part, des efforts ont été entrepris pour soutenir l'Autorité palestinienne (délivrance de 16 000 permis de travail, régularisation de la situation de 4 000 Palestiniens, construction de 1 300 logements palestiniens en zone C, desserrement du blocus de Gaza, etc.). Mais d'autre part, 80 des 120 députés de la Knesset restaient favorables à la colonisation expliquant les décisions successives, en octobre, d'extension des colonies en Cisjordanie (+ 4 300 logements que la France a dénoncé le 28 octobre dernier avec plusieurs pays de l'UE : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, Irlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne et Suède) et dernièrement en décembre de porter à 100 000 habitants la population du plateau du Golan annexé.
Sur le climat de tension à Jérusalem et dans les Territoires occupés qui perdure depuis la crise de mai 2021, le gouvernement est resté partagé entre deux conceptions stratégiques concernant la bande de Gaza : les forces de droite donnant la priorité au rapport de force dans les relations avec le Hamas, et celles du centre et de la gauche plus portées à une « approche incitative afin de couper » le Hamas de son soutien populaire.
Quelle sera l'équation politique d'un éventuel Gouvernement formé par Benyamin Netanyahou pour l'engagement d'un nouveau processus de paix ? L'absence de perspective de paix serait plus dangereuse que la relance des négociations9(*). Ce danger suffirait-il à convaincre les plus réticents ?
Le Président de la Knesset a rappelé qu'Israël avait déjà accompli un geste important en se désengageant de la bande de Gaza en 2007 mais qu'il n'en restait rien de positif, ni pour les Palestiniens qui y vivent sous l'autorité de fait du Hamas, ni pour les Israéliens qui en subissent les attaques. Le renoncement à la violence, la désescalade et la sécurité d'Israël sur laquelle la France ne transige pas, doivent donc indiscutablement figurer dans les conditions d'une reprise du processus de paix.
* 8 Les entretiens à la Knesset ont permis d'entendre les diverses sensibilités parlementaires, qu'elles soient membres de la coalition ou de l'opposition de l'époque :
- Mickey LEVY, Président de la Knesset (Yesh Atid);
- Ram BEN BARAK, Président de la commission des affaires étrangères et de la défense (Yesh Atid), en présence de Zvi HAUSER (Nouvel espoir) et Yossi SHAIN (Israel Beytenou), députés ;
- Mansour ABBAS, président du parti Raam et député de la liste arabe unie ;
- Emilie MOATTI (parti travailliste) et Yosef TAIEB (Shas), co-présidents du groupe d'amitié Israël-France, et Mme Nira SHPAK (Yesh Atid), députée.
* 9 À cet égard, les négociations engagées par Benjamin Netanyahu avec Bezalel Smotrich (parti sioniste religieux), Ben Gvir (parti Force juive) et Avi Maoz (parti Noam), personnalités qualifiées d'extrême-droite et d'ultra-orthodoxe, augurent de positions hostiles à la création d'un État palestinien (source : The Time of Israël).