B. UNE ABSENCE DE RÉGULATION POUSSÉE DU SECTEUR DU NUMÉRIQUE, EN DÉPIT D'AVANCÉES RÉCENTES
1. Le statut des grandes plateformes Google et Facebook
a) Quelle est la nature des grandes plateformes ?
La conviction largement partagée par les membres de la commission d'enquête est que les grandes plateformes Internet comme Google et Facebook jouissent aujourd'hui d'un statut juridique qui n'est pas adapté à leur rôle et à leur influence .
Le Rapporteur a insisté sur ce point lors de l'audition de Laurent Solly, directeur général de Facebook France, le 10 février : « Vous êtes considéré comme un hébergeur, échappant à ce titre à des régulations et à des devoirs pesant sur les éditeurs. Or vos activités s'apparentent à celles d'un éditeur. Vous affirmez ne faire que transmettre des contenus, mais le tri opéré par les algorithmes traduit un choix subjectif de ce qui sera porté à la connaissance de tous, ce qui est finalement un travail de journalisme et de rédaction, en d'autres termes de sélection de l'information . »
Le Sénateur Pierre Laurent , au cours de cette même audition fait également part de sa conviction : « Au-delà du débat entre les statuts d'hébergeur et d'éditeur, vous êtes à proprement parler un créateur d'information. »
Il est rejoint par la Sénatrice Laurence Harribey : « Vous vous acharnez à dire que vous n'êtes pas un éditeur. »
Cette analyse n'est partagée ni par Facebook par la voie de son directeur général pour la France en réponse au Rapporteur : « Nous nous pensons non pas comme un éditeur, mais bien comme un hébergeur et une plateforme d'un type nouveau », ni par Google , via son directeur général : « La présentation de l'information repose sur des équipes d'ingénieurs dédiées avec lesquelles nous n'avons aucun lien, afin que nos interactions diverses n'aient aucune influence sur le résultat présenté. C'est le coeur de la confiance que placent les consommateurs dans ces moteurs de recherche . »
L'argument avancé consiste à rappeler que les deux sociétés n'ont pas d'activité de création de contenus . Ainsi, selon Laurent Solly : « Nous serions, à vos yeux, un éditeur : cela voudrait dire que nous avons une activité interne d'édition. Or aucune équipe, chez nous, n'a de travail de rédaction, de curation ou de sélection de contenus. (...) »
Cette certitude laisse cependant place à une forme de reconnaissance de l'inadaptation du statut actuel par le même Laurent Solly : « Pourquoi ai-je répondu que nous n'étions pas un éditeur ou un média ? J'ai dit que nous pensions être un acteur d'une autre nature, créé par le développement de l'activité numérique et des grandes plateformes. »
Il est aujourd'hui incontestable que les plateformes opèrent dans une forme de « zone grise », ne se contentant pas de rendre disponibles des contenus postés par des médias ou des internautes, mais agissent directement sur l'information des lecteurs en proposant un classement ordonné, thématisé et personnalisé des contenus, par le biais d'algorithmes.
Lors de son audition devant la commission d'enquête le 14 janvier, Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans Frontières (RSF) en a souligné les conséquences : « tous les contenus - propagande d'État, information sponsorisée par l'intérêt, journalisme de qualité, pures opinions, etc. - sont en concurrence directe et donc déloyale, car elle favorise, du fait de l'organisation algorithmique et des biais cognitifs de chacun, l'extrémisme, l'outrance, la rumeur . »
b) La protection du statut d'hébergeur
Si les grandes plateformes présentent des caractéristiques d'un éditeur, elles ne sont pour autant pas soumises aux mêmes règles. Le statut juridique « d'hébergeur » dont elles bénéficient constitue actuellement un verrou à un engagement de leurs responsabilités et à la reconnaissance de leur statut d'éditeur.
Ce débat ancien a été spécifiquement traité par la rapporteure de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, lors de l'examen des propositions de loi relatives aux fausses informations et à la haine en ligne.
L'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) a transposé en droit français les dispositions issues de la directive 2000/31 du 8 juin 2000, dite directive e-commerce.
Le principe posé tant par la directive que par l'article 6 est de créer un régime de responsabilité limitée pour deux catégories d'intermédiaires techniques. D'une part, les « personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne », soit les fournisseurs d'accès, et « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ». Cette catégorie regroupe essentiellement les réseaux sociaux et les hébergeurs, les plateformes de vidéos etc . Ces personnes physiques ou morales sont supposées ne fournir qu'un support technique sous forme de stockage, et n'engagent pas leur responsabilité de manière générale, car il ne leur appartient pas de contrôler des contenus qu'elles ne font que rendre disponibles auprès du public.
Il convient de noter que, a contrario , en cas de propos mis en ligne susceptibles de constituer une infraction par rapport aux dispositions du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le régime de la responsabilité de droit commun s'applique, que ce soit pour les éditeurs, dont la responsabilité est reconnue par l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, ou pour les auteurs.
Les hébergeurs n'ont pas de responsabilité directe dans les contenus mis en ligne . La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a étendu aux réseaux sociaux ou encore aux services de publicité en ligne les dispositions de la directive, alors même que ces services n'existaient pas à l'époque et étaient loin de disposer de l'influence qu'ils ont maintenant. À aucun moment le classement algorithmique n'emporte de conséquence particulière , en dépit des multiples projets de réformes au niveau national. En conséquence, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision 2018-773 du 20 décembre 2018, censuré l'essentiel de la proposition de loi sur les fausses informations.
Les plateformes ne sont donc pas astreintes à un devoir de surveillance ou de filtrage des contenus rendus disponibles par le biais de leur plateforme.
Cependant, l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 précitée introduit une possibilité de les mettre en cause, au plan civil (2. de l'article) ou pénal (3. de l'article). Cette mise en cause est définie de manière négative. Elle ne peut être engagée si les personnes :
- n'ont pas « effectivement » connaissance du caractère illicite des contenus ou de « faits et circonstances faisant apparaître ce caractère » ;
- si, « dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ».
Ainsi, les hébergeurs ont une obligation d'agir, à la condition expresse qu'ils aient pu être informés , sans devoir pour autant exercer un contrôle systématique. L'engagement de leur responsabilité implique donc la possibilité de les informer des contenus délictueux.
Dans sa décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel a, de plus, limité la portée de cette responsabilité, en indiquant que le contenu devait présenter un caractère manifestement illicite .
Le cadre juridique appliqué aux plateformes, défini au niveau européen, rend donc difficile en l'état d'aller plus loin sur l'engagement de leur responsabilité.
Christophe Deloire, lors de son audition le 14 janvier, soulignait ce paradoxe d'un secteur des médias traditionnels extrêmement régulé , et d'un monde numérique qui bénéficie de règles très souples , en dépit de son influence désormais dominante :
« On trouve, en effet, d'un côté, des entités structurantes, qui organisent la distribution de l'information et créent les normes de l'espace public. Ce sont aujourd'hui les plateformes numériques, auxquelles il est d'autant plus important d'imposer des obligations fortes que nous leur avons délégué, d'une certaine manière, cette organisation du fait de l'évolution technologique . (...) Il s'agit d'un danger majeur .
De l'autre côté se trouvent ceux qui agissent dans l'espace public, c'est-à-dire les médias, qui sont exposés à un problème de concurrence déloyale. L'enjeu est de tenir compte de l'ensemble du champ de l'information, et non de s'en tenir à un secteur délimité, ce qui ne serait pas très pertinent sachant que les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux viennent de toutes parts . »
Il est rejoint dans cette analyse par David Leclabart, coprésident de l'Association des agences-conseils en communication entendu par la commission d'enquête le 10 février : « Je souhaite compléter ma réponse sur l'asymétrie réglementaire : on peut considérer que plus un média est ancien, plus il est réglementé et plus l'autorégulation est forte. Les anciens médias sont réglementés parce que des lois ont été adoptées, notamment dans le domaine de la santé publique, ce qui a conduit à la fermeture de certains secteurs ; les nouveaux médias ne le sont pas encore parce qu'ils ont émergé récemment. »
c) Un espoir déçu d'évolution de la législation européenne sur ce point avec le projet de Digital Services Act
Face à cette législation ancienne et manifestement insuffisante, la Commission européenne a présenté le 15 décembre 2020 une proposition de règlement relatif à un marché intérieur des services numériques (« législation sur les services numériques »), également appelé Digital Services Act (DSA).
Ce projet a deux objectifs principaux :
? renforcer les obligations de modération pesant sur les plateformes ;
? renforcer les obligations de vigilance sur les contenus illicites.
Les rapporteures de la commission des affaires européennes, Florence Blatrix Contat et Catherine Morin-Desailly, ont analysé ce projet de règlement de manière approfondie 140 ( * ) . Leur constat conforte les analyses développées devant la commission d'enquête : « en sélectionnant et en classant les contenus, puis en en déterminant la présentation et en augmentant la visibilité de certains d'entre eux au détriment d'autres, les plateformes, par le biais de leurs algorithmes, jouent bien un rôle actif qui peut s'apparenter à celui d'un éditeur . »
Les deux rapporteures estiment cependant que le projet de la Commission européenne ne répond pas à l'exigence d'une évolution de la responsabilité des plateformes en matière d'édition : « De ce point de vue, le DSA apparaît comme une occasion manquée de mettre les plateformes, et en particulier les grands réseaux sociaux, devant leurs responsabilités . »
Il n'y a donc pas, sauf retournement de situation, de perspective claire d'une reconnaissance d'un statut d'éditeur au niveau européen pour les grandes plateformes, qui peuvent donc encore bénéficier du « meilleur des deux mondes » : d'un côté, les revenus et l'influence d'un éditeur, de l'autre, l'absence de responsabilité d'un hébergeur.
2. Les droits voisins
Comme cela a été indiqué dans la première partie du présent rapport, la fragilité économique de la presse écrite constitue un facteur de concentration « à son corps défendant » . Cette situation est largement liée à l'assèchement sans précédent de ses ressources publicitaires.
Ce constat a conduit le Rapporteur de cette commission d'enquête à être à l'initiative de l'adoption de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse. Si les droits voisins n'ont pas vocation à résoudre à eux seuls la crise de la presse, ils constituent d'une part un levier économique qui peut s'avérer puissant, d'autre part une manifestation de la capacité de la France et de l'Europe à entamer une réelle régulation du secteur numérique .
La loi, qui a été la première en Europe à transposer l'article 15 de la directive sur les droits d'auteur du 17 avril 2019, est destinée à doter les éditeurs et les agences de presse de la capacité juridique et des moyens de négocier avec les plateformes pour faire valoir leurs droits et parvenir à une répartition des revenus plus équilibrée pour eux, pour les journalistes et pour les photographes .
Comme a pu en témoigner Nicolas Théry, qui s'exprimait pour le groupe de presse régionale EBRA, lors de son audition par la commission d'enquête le 10 janvier : « La législation sur les droits voisins est un élément très important de l'équilibre durable de la presse écrite, notamment régionale . »
Dès l'adoption de la loi, la société Google a été immédiatement placée en première ligne, Facebook et les autres sites concernés restant pour leur part en retrait.
Cependant, allant à l'encontre des espoirs suscités en France et en Europe, Google a annoncé le 25 septembre 2019 qu'elle entendait se placer en marge du système et ne pas entrer en négociation avec les éditeurs.
Dans cette logique, Google proposait un choix aux éditeurs : ou bien accepter de renoncer au paiement de droits voisins, et continuer de bénéficier d'une exposition optimale sur le moteur de recherche, ou bien refuser , et dans ce cas, être « dégradé » sous forme de simple lien. Cette solution constituait une dissuasion d'autant plus crédible qu'elle avait été utilisée en Espagne, et que les éditeurs ont conscience de leur dépendance aux renvois du moteur de recherche et de leur exposition.
Son attitude a finalement évolué à la suite d'une véritable guérilla judiciaire.
Face au refus de se lancer dans une négociation, une plainte contre Google a été déposée par l'APIG, le SEPM et l'AFP auprès de l'Autorité de la concurrence pour abus de position dominante en novembre 2019 .
Dans sa décision du 9 avril 2020, l'Autorité a considéré que Google était susceptible de détenir une position dominante sur le marché français des services de recherche généraliste et que les pratiques dénoncées étaient susceptibles d'être qualifiées d'anticoncurrentielles. Elle a donc imposé une négociation « de bonne foi » entre Google et les éditeurs, pour une durée de trois mois .
À compter de cette date, Google ne semble plus avoir contesté le principe des droits voisins, mais a cherché à le « noyer » en l'incluant dans une négociation plus large sur les relations entre son moteur de recherche et les éditeurs.
À la fin de l'été 2020, la période de négociation étant échue, les principaux représentants des éditeurs ont annoncé avoir déposé un second recours auprès de l'Autorité contre Google, pour non-respect de ses obligations. Dans le même temps, le 2 juillet 2020, Google a fait appel de la décision de l'Autorité devant la cour d'appel de Paris, qui a rendu une décision défavorable à l'opérateur le 8 octobre 2020.
Chronologie des droits voisins
mars 2015
Stratégie de la Commission européenne pour le marché unique numérique
14 septembre 2016
Proposition de directive sur le droit d'auteur
17 avril 2019
Adoption de la directive sur les droits d'auteur et les droits voisins
24 juillet 2019
Promulgation de la loi relative aux droits voisins, à la suite de la proposition de loi de David Assouline
25 septembre 2019
Google annonce qu'il n'entrera pas en négociation avec les éditeurs
novembre 2019
Les éditeurs déposent une plainte devant l'Autorité de la concurrence pour abus de position dominante
9 avril 2020
Décision de l'Autorité qui impose à Google une négociation "de bonne foi" dans un délai de trois mois
8 octobre 2020
Le recours de Google est rejeté par la Cour d'appel de Paris
13 juillet 2021
L'Autorité inflige à Google une amende de 500 millions d'euros pour non-respect de plusieurs injonctions
mi-septembre 2021
Lancement du délai de deux mois fixé par l'Autorité pour conclure les négociations avec les éditeurs
11 novembre 2021
Paiement par Google de l'amende de 500 millions d'euros
10 janvier 2022
Nouvelle plainte du SEPM contre Google
La commission de la culture a consacré à cette question une table ronde avec les éditeurs le mercredi 14 avril 2021 141 ( * ) , ainsi qu'une audition spécifique des représentants de Google et Facebook le 23 juin 2021 142 ( * ) .
Le 23 juillet 2021, l'Autorité de la concurrence a finalement rendu une décision extrêmement sévère par ses attendus , par le montant de l'amende infligée à Google - 500 millions d'euros - et par celui de l'astreinte pouvant aller jusqu'à 900 000 euros par jour de retard si, au terme d'un délai de deux mois, la société refuse de formuler une offre de rémunération correcte. Suite à une question du Président de la commission d'enquête dans l'hémicycle du Sénat le 8 décembre, le ministre Cédric O a finalement confirmé que Google avait bien acquitté l'amende le 11 novembre 2021 .
Entendue par la commission d'enquête le 13 décembre 2022, Isabelle de Silva, ancienne présidente de l'Autorité de la concurrence, qui était en fonction au moment de la décision du 23 juillet, a précisé : « Concernant les droits voisins, il s'agissait d'apprécier la façon dont cette loi, qui avait pour objectif de rééquilibrer le partage dans la chaîne de valeur, avait été ou non correctement appliquée par Google. S'en est suivie la mesure conservatoire que vous connaissez, qui n'a pas été respectée et nous a conduits à condamner cette entreprise à une amende de 500 millions d'euros . »
Cependant, et en dépit du montant de l'amende, les négociations avancent toujours à un rythme très insatisfaisant.
Lors de son audition du 10 février, Sébastien Missoffe, directeur général de Google France, a indiqué : « nous avons signé un accord avec l'Agence France-Presse (AFP) en novembre dernier. De plus, nous poursuivons les avancées significatives avec l'Alliance de la presse d'information générale (APIG), notamment sur la contractualisation de nos accords. Nous échangeons également régulièrement avec le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) dans le but de trouver un accord rapidement . » Cette annonce s'est concrétisée le 3 mars 2022 par la signature d'un accord entre l'APIG et Google. Laurent Solly s'était félicité, de son côté, de la conclusion d'un accord de Facebook avec l'APIG plusieurs mois auparavant.
Si ces nouvelles peuvent être considérées de manière positive, elles appellent cependant trois séries de remarques .
Tout d'abord , les accords déjà signés avec l'AFP et les accords avec l'APIG sont entourés de la plus grande opacité . De facto , Google comme Facebook ne souhaitent pas que les montants soient connus, arguant de négociations toujours en cours avec les parties prenantes. Relancés par le Rapporteur, l'un comme l'autre ont cependant admis que même la finalisation des accords ne devrait pas permettre de dévoiler publiquement les sommes versées.
Le Rapporteur est revenu sur l'importance de cette question lors de l'audition de Sébastien Missoffe :
« Vous êtes en cours de négociations et ne souhaitez pas en révéler les montants. Toutefois, hier, sur cette même question, Facebook n'était pas fermé : une fois les négociations conclues, serez-vous en mesure de révéler les montants ? C'est un sujet démocratique : si on ne connaît pas les montants, comment vérifier que la juste part revient aux journalistes, en conformité avec la loi ? (...) Il y a un risque que la presse devienne dépendante des plateformes de par la rémunération des droits voisins : c'est dans la transparence que tout cela doit s'apprécier . » Le rapport rendu public par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les droits voisins 143 ( * ) va dans ce sens, en proposant de rendre publics les accords « ce qui inclut les modalités de calcul et les montants de rémunérations versées par les plateformes aux éditeurs et agences de presse ».
Ensuite , et en dépit du rappel par le directeur général de Google France du caractère rétroactif des accords, ce qui signifie que les rémunérations devront prendre en compte la période qui court depuis octobre 2019, la durée des négociations n'est pas vécue de la même manière par des éditeurs fragilisés économiquement et des groupes internationaux extrêmement puissants. Il peut donc sembler - même si le Rapporteur est conscient de la complexité inhérente à ce mode de rémunération -, que le temps joue objectivement en faveur de Google et pousse les éditeurs à accepter des conditions moins favorables que celles résultant d'une négociation normale menée « d'égal à égal ».
Enfin, la négociation semble pour lors laisser de côté la presse magazine , au point que le SEPM a déposé une nouvelle saisine devant l'Autorité de la concurrence pour non-respect de l'obligation de négocier le 10 janvier 2022, et les agences de presse hors AFP. On peut rappeler solennellement qu'en application de la loi, les droits voisins doivent bénéficier à l'ensemble de la presse, et ne pas être réservés au seul secteur de l'information politique et générale.
Un début de prise de conscience semble s'être opéré plus de deux ans après l'adoption de la loi. Lors de ses voeux à la presse le 11 janvier 2021, le Président de la République a publiquement réaffirmé son soutien à la presse sur les droits voisins, en déclarant : « Nous compléterons, si besoin était, nos textes français et européens pour aller au bout de la volonté qui fut la nôtre et demeure la nôtre, la juste rémunération des droits d'auteur et des droits voisins ».
Il pourrait appartenir prochainement au législateur de donner aux éditeurs des moyens juridiques plus appropriés pour traiter cette question.
* 140 http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-274-notice.html
* 141 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210412/cult.html#toc6
* 142 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210621/cult.html#toc4
* 143 Rapport de Laurent Garcia, rendu public le 12 janvier 2022 ; https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/dv/l15b4902_rapport-information#