B. LES OUTILS CONTRACTUELS : LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, DES FINANCEURS INCONTOURNABLES
1. Les parcs naturels régionaux, gérés par des syndicats mixtes, dépendent fortement des contributions statutaires de leurs membres mais densifient leurs financements sur projet
Les PNR constituent une politique mise en oeuvre par les régions. En effet, la décision de lancement de la procédure de classement d'un territoire en PNR ou de renouvellement de classement revient au conseil régional, qui prescrit l'élaboration de la charte ou sa révision 35 ( * ) . Il détermine également les modalités d'association des collectivités territoriales sur le territoire et des autres partenaires.
Carte des 58 PNR en septembre 2021
Source : Fédération des PNR de France
Les PNR sont gérés par des syndicats mixtes regroupant des collectivités sur un territoire rural . Ils peuvent élaborer librement leurs statuts et bénéficier du transfert de certaines compétences par les communes et EPCI adhérents.
En tant que « territoire de projet », les PNR sont libres de mettre en place leur politique suivant les spécificités du territoire et dans le cadre des missions qui leur sont confiées par la loi. Leur périmètre d'action dépasse le cadre environnemental, et intègre d'autres problématiques faisant des PNR des acteurs majeurs en termes d'aménagement du territoire. Aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'environnement, les PNR « concourent à la politique de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire, de développement économique et social et d'éducation et de formation du public. À cette fin, ils ont vocation à être des territoires d'expérimentation locale pour l'innovation au service du développement durable des territoires ruraux . Ils constituent un cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel ».
Les PNR sont financés par des cotisations statutaires versées par leurs membres (qui financent les dépenses de fonctionnement), ainsi que par des financements sur projet ou dans le cadre de conventions .
D'après les dernières données à jour communiquées par la fédération des PNR, en 2017, les recettes de fonctionnement représentent un volume de 150 millions d'euros , ce qui représente environ 2,9 millions d'euros par PNR (en 2017, on dénombrait 51 PNR).
Répartition des recettes de fonctionnement des PNR en 2017
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les données communiquées par la fédération des PNR
Provenance des recettes de fonctionnement des PNR en 2017
Source : commission des finances d'après les données communiquées par la fédération des PNR
Les recettes issues de cotisations statutaires représentent environ 65 % des recettes de fonctionnement 36 ( * ) , tandis que les recettes sur opérations représentent environ 30 % de ces recettes : cette structure de recettes, dépendant largement des contributions statutaires de leurs membres, rend donc les PNR très sensibles à la contrainte budgétaire des collectivités 37 ( * ) .
Les ressources propres (issues de rémunérations de prestations ou de redevances) représentent 12 % des recettes de fonctionnement. La revue de dépenses de 2017 indiquait que la part des ressources propres dans le financement des parcs progresse mais reste modeste , rapportée à l'ensemble des ressources.
2. Natura 2000, une politique européenne qui se superpose à d'autres statuts de protection et dont la décentralisation partielle aux régions en 2023 suscite des inquiétudes
Natura 2000 constitue le principal dispositif de l'Union européenne en faveur de la biodiversité . Son objectif est de garantir la conservation de la faune et la flore sauvages sur la base de listes d'espèces et d'habitats définies au niveau communautaire par les annexes de la directive « Oiseaux » et de la directive « Habitats - Faune - Flore ».
Dans le cadre de ces deux directives, chaque État membre désigne un réseau fonctionnel de sites et définit les mesures de gestion qui doivent concourir à maintenir ou restaurer dans un bon état de conservation les habitats et espèces d'intérêt communautaire présents sur son territoire . En France, en 2020, 1 775 sites couvrent 12,9 % du territoire métropolitain terrestre et 33 % de la surface marine de la zone économique exclusive.
La gestion des sites Natura 2000 repose sur trois outils principaux :
- l'élaboration d'un plan de gestion pour chaque site Natura 2000, dénommé « document d'objectifs » ou « docob », par un comité de pilotage auquel participent les élus, qui assure également le suivi de sa mise en oeuvre. Ce document regroupe les enjeux de conservation du site et définit les orientations de gestion, les actions à mettre en oeuvre ainsi que les dispositions financières à mobiliser (plus de 90 % des sites Natura 2000 sont dotés d'un « docob ») ;
- une animation territoriale permettant la mise en oeuvre du « docob » sur chaque site Natura 2000, dans le cadre de conventions d'animation passées entre l'État et une structure animatrice ;
- les outils contractuels, par le biais des contrats Natura 2000 , passés volontairement par les acteurs locaux propriétaires ou gestionnaires de milieux naturels, avec l'État , en vue du maintien ou de l'amélioration de la conservation des habitats ou espèces présents dans le site Natura 2000.
Les sites Natura 2000 peuvent recouper d'autres types d'espaces protégés, dont des périmètres de réserves naturelles, des PNR, des sites gérés par des Conservatoires d'espaces naturels, etc. 700 sites Natura 2000 sont d'ailleurs animés par l'un de ces trois réseaux, soit environ 40 % des sites du réseau français (dont 18 % par les PNR). En 2015, ce sont 77 % de la surface des sites Natura 2000 qui sont concernés par un autre statut de protection . Par exemple, 26 % de la surface française terrestre du réseau Natura 2000 est comprise dans un PNR.
Environ un milliard d'euros a été consacré à la politique Natura 2000 en France sur la période 2007-2013 soit environ 150 millions d'euros par an 38 ( * ) . Ce montant ne peut pas être rapporté au nombre de sites Natura 2000 présents en France car leur taille est trop disparate (de quelques hectares à plusieurs dizaines de milliers d'hectares).
La principale source de financement de cette politique est le FEADER , en lien avec l'importance de l'action des mesures agroenvironnementales (MAE), soulignant la forte dépendance vis-à-vis des fonds communautaires du modèle Natura 2000 à la française . Ces fonds sont gérés par les régions.
Les contreparties nationales sont essentiellement assurées par les financements nationaux, autres que ceux des ministères (collectivités territoriales et agences de l'eau), puis par ministère de la transition écologique et le ministère de l'agriculture.
Engagements financiers sur la période 2007 et
2013
selon les sources de financement
(en millions d'euros et en %)
Engagements financiers sur la période 2007-2013 |
Total |
Moyenne/an |
Contribution |
FEADER |
383 |
55 |
36,27 % |
Autres financements publics (dont agences de l'eau) |
249 |
36 |
23,58 % |
Ministère de l'agriculture |
231 |
33 |
21,88 % |
Ministère de l'écologie |
168 |
24 |
15,91 % |
LIFE+ |
23 |
3 |
2,18 % |
FEDER |
2 |
/ |
0,19 % |
Total |
1 056 |
150 |
Source : commission des finances d'après « Analyse du dispositif Natura 2000 en France », rapport du CGEDD et du CGAAER, décembre 2015
Les contreparties nationales financées par le ministère de la transition écologique n'ont donc représenté que 16 % des financements totaux de la politique Natura 2000, tels que présentés dans le bilan ci-dessus. Rapportée aux actions autres que les MAE, la part des financements du ministère de la transition écologique s'élève à plus de 50 %. Pour ces autres actions, ce financement revêt donc une importance majeure.
Pour la programmation 2014-2020, les contributions nationales notifiées par les deux ministères se déclinent comme suit : le ministère de l'agriculture prévoyait de consacrer 60 millions d'euros par an en moyenne pour les MAEC et le ministère de la transition écologique avait annoncé environ 25 millions d'euros par an pour les « docob » et les contrats 39 ( * ) .
L'article 13 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 3DS », tel qu'adopté par le Sénat le 21 juillet 2021, prévoit la décentralisation de l'animation des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions . Le Sénat a par ailleurs souhaité renforcer la place des régions dans le processus de désignation des sites Natura 2000 et leur conférer un pouvoir de proposition s'agissant de la création des sites terrestres dont elles assureront la gestion .
Le rapporteur a constaté, tant lors de ses échanges avec les représentants de structures gestionnaires auditionnés que lors de son déplacement, que la décentralisation de la gestion prévue suscite de nombreuses inquiétudes de la part des élus locaux sur la gestion et la pérennité des fonds qui étaient jusqu'à présents attribués par le ministère de l'écologie via le programme 113. Le rapporteur veillera ainsi à ces nouvelles responsabilités ne constituent pas pour l'État, comme le craignaient le CGDD et le CGAAER en 2015, un transfert « aux collectivités territoriales (d')une responsabilité qu'il peine à financer, sans contrepartie ». Il faut en effet rappeler que malgré leur rôle de cheffes de file et tout en étant autorités de gestion sur les fonds européens qui cofinancent la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, les régions ne disposent pas de ressource spécifique en matière de biodiversité.
* 35 Aux termes de l'article L. 333-1 du code de l'environnement « la charte constitue le projet de territoire du PNR ». Sa durée d'application est de 15 ans.
* 36 Ce montant intègre également la participation du budget général de l'État au financement des parcs, qui représente environ 100 000 euros par PNR.
* 37 Les 5 % restant correspondent aux budgets annexes, dont disposent certains parcs pour mettre en oeuvre des dispositifs spécifiques : transferts de compétences,... D'après la fédération, ces budgets représentent au plan national 8,3 millions d'euros.
* 38 « Analyse du dispositif Natura 2000 en France », rapport du CGEDD et du CGAAER, décembre 2015.
* 39 28,6 millions d'euros ont été alloués au réseau Natura 2000 en 2021 par le programme 113 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».