B. LES RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE
1. Le dîner de travail avec le Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l'Europe
Le Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l'Europe, M. Jean-Baptiste Mattéi, a reçu la délégation française, le dimanche 20 janvier 2019, pour un dîner de travail. Différents sujets y ont été abordés, notamment la situation financière du Conseil de l'Europe et les relations avec la Russie.
Étaient présents à ce dîner : MM. Olivier Becht (Haut-Rhin - UDI, Agir et Indépendants), Bertrand Bouyx (Calvados - La République en marche), Fabien Gouttefarde (Eure - La République en marche), Jérôme Lambert (Charente - Socialistes et apparentés), Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste), Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en marche), André Reichardt (Bas-Rhin - Les Républicains), Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en marche), présidente de la délégation française, et M. Sylvain Waserman (Bas-Rhin - Mouvement démocrate et apparentés).
M. Jean-Marc Séré-Charlet, directeur adjoint des Nations Unies, des organisations internationales, des droits de l'Homme et de la francophonie au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, qui assistait au dîner, a souhaité échanger avec les parlementaires sur la crise avec la Russie. En effet, à la suite de l'annexion de la Crimée, l'APCE a retiré, en janvier 2015, à la délégation russe ses pouvoirs. Dès lors, les parlementaires russes ont décidé de ne plus y envoyer de délégation et la Fédération de Russie ne paie plus sa contribution au budget du Conseil de l'Europe depuis juin 2017.
En juin 2019, durant la présidence française, tout État membre pourra demander l'exclusion de la Russie si elle continue de ne pas payer sa contribution. Cette demande devra être validée par deux tiers des membres du Comité des Ministres. La France souhaiterait qu'une telle extrémité soit évitée afin de préserver la vocation du Conseil de l'Europe à être un organe de coopération et de dialogue paneuropéen. Dans le même temps, il est difficile d'accepter que la Russie reste membre de l'Organisation sans régler sa contribution, tout en continuant de siéger au Comité des Ministres.
La Fédération de Russie, quant à elle, estime que ses pouvoirs lui ont été retirés de manière illégale, à l'appui d'une note du jurisconsulte du Conseil de l'Europe rendue publique peu avant la session d'octobre 2018. Les parlementaires russes ne siégeront à nouveau au sein de l'APCE que s'ils obtiennent l'assurance que, lors de la vérification des pouvoirs, l'Assemblée parlementaire ne limitera pas leurs droits, alors que certains États membres restent opposés à leur retour.
2. L'entretien avec M. Gianni Buquicchio, président de la Commission européenne pour la démocratie par le droit
Le lundi 21 janvier 2019, MM. Bertrand Bouyx (Calvados - La République en marche) , Fabien Gouttefarde (Eure - La République en marche), Mme Catherine Kamowski (Isère - La République en marche), MM. Jérôme Lambert (Charente - Socialistes et apparentés), Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste), Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en marche), et Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en marche) ont rencontré M. Gianni Buquicchio, président de la commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de Venise), en présence de M. Thomas Markert, directeur du secrétariat de cette commission.
Le président Gianni Buquicchio a commencé par retracer brièvement l'histoire de l'institution indiquant notamment que la France en était un membre fondateur, bien qu'elle n'ait jamais sollicité l'avis de la commission. À la suite de la chute du mur de Berlin en 1989, son travail s'est considérablement développé.
La commission de Venise peut être saisie par les États et l'APCE, à l'origine de la majorité des saisines, mais aussi par le Comité des Ministres et le Secrétaire général. M. Gianni Buquicchio a indiqué que l'Union européenne est un partenaire stratégique pour la commission. Elle incite les États à la saisir et exerce une pression pour que les avis soient suivis. En effet, l'Union européenne peut décider de réduire ses aides financières à certains pays si elle estime qu'ils dérogent aux principes de l'État de droit.
Les membres de la commission sont des juristes réputés nommés par les Gouvernements des États membres pour quatre ans. Ils ne sont pas révocables. Dès lors, on peut craindre que les Gouvernements tentent de nommer des juristes qui leur sont favorables. Une réforme a été proposée en 2002 mais elle n'a pas abouti en raison de l'opposition du Comité des Ministres.
À la suite de cette présentation, les parlementaires ont posé des questions sur le fonctionnement de la commission.
M. Fabien Gouttefarde a souhaité savoir si les avis de la commission étaient publics. Le président a répondu que oui, une fois qu'ils étaient rendus par la commission. Il a alors regretté les « fuites » lors de la préparation des avis. Il a également demandé s'il existait une autre commission avec les mêmes missions. Le président a répondu que non. La Commission européenne n'a pas souhaité que soit créée une institution similaire au sein de l'Union européenne car ce serait un doublon inutile. Les tentatives de créer une commission similaire en Afrique ou en Amérique du Sud n'ont pas abouti.
M. Jacques Maire a souhaité savoir si l'intervention de la commission de Venise était payante. Le président a indiqué que ses avis étaient gratuits, notamment pour préserver son indépendance. Il a également demandé si les États-Unis ou la Russie avaient déjà saisi la commission. Pour les États-Unis, ce n'est jamais arrivé ; quant à la Russie, elle n'a pas saisi la Commission depuis que cette dernière avait rendu un avis sur la crise tchétchène qui avait fortement déplu au Gouvernement.
Enfin, Mme Nicole Trisse a demandé s'il arrivait à la commission de solliciter sa saisine auprès de l'APCE. Le président a répondu que oui car la coopération entre les deux instances est très bonne.
3. Un dîner de travail avec la délégation allemande à l'APCE, le soir même de la signature du traité d'Aix-la-Chapelle
Mardi 22 janvier 2019, soir du 56 ème anniversaire du traité de l'Elysée et de la signature, à Aix-la-Chapelle, du traité sur la coopération et l'intégration franco-allemandes qui le complète, la délégation française à l'APCE a reçu à dîner son homologue allemande pour jeter les premières bases d'une concertation plus étroite au sein de l'Assemblée parlementaire.
Participaient à ce dîner, au titre de la délégation française : Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en marche), présidente de la délégation, Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains), Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain), M. Bernard Cazeau (Dordogne - La République en marche), Mme Jennifer De Temmerman (Nord - La République en marche), M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - La République en marche), M. Fabien Gouttefarde (Eure - La République en marche), Mme Catherine Kamowski (Isère - La République en marche), M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste), M. Jérôme Lambert (Charente - Socialistes et apparentés), M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste), Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en marche) et M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en marche) .
S'agissant de la délégation allemande, étaient présents : M. Andreas Nick (CDU/CSU), président de la délégation, M. Frank Schwabe (SPD), président du groupe des Socialistes, démocrates et verts à l'APCE, M. Marc Bernhard (AfD), M. Peter Beyer (CDU/CSU), M. Martin Hebner (AfD), Mme Gabriela Heinrich (SPD), M. Christoph Hoffmann (FDP), M. Andrej Hunko (Die Linke), Mme Gyde Jensen (FDP), M. Konstantin Kuhle (FDP), Mme Elisabeth Motschmann (CDU/CSU), M. Axel Schäfer (SPD), M. Frithjof Schmidt (Die Grünen), M. Volker Ullrich (CDU/CSU).
Les deux ambassadeurs de la France et de l'Allemagne au Comité des Ministres, MM. Jean-Baptiste Mattéi et Rolf Mafael, ont eux aussi assisté au dîner.
Les échanges entre parlementaires des deux délégations ont notamment été l'occasion d'aborder la mise en place de l'accord interparlementaire entre l'Assemblée nationale et le Bundestag, soumis à l'adoption de ces deux assemblées le 21 février, à Berlin, et le 11 mars, à Paris. De la même manière, le rapprochement mis en oeuvre entre le Sénat et le Bundesrat a aussi été évoqué. La perspective d'initiatives communes et de convergences sur des propositions de textes ou des votes au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a également été envisagée.
Il a été convenu entre les deux délégations que ce type de dîner a vocation à se reproduire à une fréquence annuelle.
4. La rencontre avec des représentants de l'association « Freedom for Ocalan, Peace in Kurdistan »
Le mercredi 23 janvier 2019, M. Bertrand Bouyx (Calvados - La République en marche), M. Bernard Cazeau (Dordogne - La République en marche), Mme Jennifer De Temmerman (Nord - La République en marche), M. Fabien Gouttefarde (Eure - La République en marche), Mme Alexandra Louis (Bouches-du-Rhône - La République en marche), M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste) et M. André Vallini (Isère - Socialiste et républicain) ont rencontré Mme Havin Guneser, représentante de l'ONG « International Initiative - Freedom for Abdullah Ocalan, Peace in Kurdistan », ainsi que Mmes Serbay Köklü et Nevroz Uysal, avocates d'Abdullah Ocalan.
L'association a appelé l'attention des parlementaires sur la situation d'Abdullah Ocalan, leader du PKK présenté comme le leader de tout le peuple kurde en Turquie. Celui-ci a été arrêté en 1999 et maintenu à l'isolement dans une prison sur une île. Depuis 2015 et la fin du cessez-le-feu entre le PKK et l'armée turque, sa famille a pu le voir deux fois seulement et ses avocats n'ont pas pu lui rendre visite.
Mme Alexandra Louis et M. André Vallini ont demandé des précisions sur les conditions dans lesquelles M. Abdullah Ocalan a été jugé. Mme Havin Guneser a répondu qu'il avait été condamné à mort pour sédition puis, après l'abolition de la peine de mort en Turquie, sa peine a été commuée en prison à perpétuité. Lors de son procès, il n'a pas pu accéder à son dossier pour sa propre défense. En outre, ses entretiens avec ses avocats étaient filmés, ce qui était illégal jusqu'à récemment, quand la loi turque a légalisé cette pratique.
M. Bernard Cazeau a souhaité savoir comment la situation avait évolué dans le Sud-Est turc depuis un an. Pour les membres de l'association, la situation s'est encore dégradée. La population a dû subir des couvre-feux et des expulsions. De violents combats ont également fait de nombreuses victimes civiles. Les prisonniers kurdes, dont Leyla Güven, députée du HDP 1 ( * ) , tentent d'alerter l'opinion internationale avec une grève de la faim.
M. André Vallini a ensuite demandé ce que l'association attendait des parlementaires français. L'association a besoin de soutien qui pourrait prendre la forme d'une résolution de l'APCE ou d'une action du CPT en faveur des droits de M. Abdullah Ocalan. Elle souhaite aussi que les parlementaires relaient la situation des Kurdes en Turquie, les grèves de la faim et les atteintes aux droits de l'Homme dont sont victimes les Kurdes. La délégation turque comprend trois députés du HDP, qui risquent à tout moment la prison pour leur action en faveur des droits de l'Homme à l'APCE.
* 1 Mme Leyla Güven a été remise en liberté sous contrôle judiciaire le 25 janvier 2019.