DE NOMBREUSES RATIFICATIONS D'ORDONNANCES DE TRANSPOSITION ET MISES EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPÉEN SANS QUE LES MOTIFS DU TRAITEMENT RÉSERVÉ AUX OPTIONS OUVERTES PAR LE TEXTE EUROPÉEN SOIENT TOUJOURS EXPLICITÉS
L'article 71 du projet de loi procède à la ratification de vingt-trois ordonnances, prises sur le fondement d'habilitations législatives diverses et publiées au cours des trois dernières années. Toutes ces ordonnances, sauf une, ont fait l'objet d'un projet de loi de ratification déposé à l'Assemblée nationale ou au Sénat mais dont l'examen n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour. Dix d'entre elles procèdent à la transposition de directives et/ou à la mise en conformité du droit français avec le droit européen. Certaines d'entre elles exploitent des options ouvertes par le texte européen .
De manière générale, il convient de souligner que l'étude d'impact ne justifie pas les options retenues dont seuls le bref rapport de présentation de l'ordonnance au Président de la République et éventuellement la fiche d'impact font parfois brièvement mention . On notera toutefois que certains des choix effectués répondent à des priorités nationales affirmées comme la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ou la protection du consommateur .
L'ORDONNANCE N° 2015-558 DU 21 MAI 2015 RELATIVE AUX SUCCURSALES TEND À ASSURER DES CONDITIONS D'ÉGALITÉ DE CONCURRENCE ENTRE LES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT FRANÇAIS ET LES ÉTABLISSEMENTS AYANT LEUR SIÈGE SOCIAL DANS UN ÉTAT NON MEMBRE DE L'UNION EUROPÉENNE NI PARTIE À L'ACCORD SUR L'ESPACE ÉCONOMIQUE EUROPÉEN (ART 71-II)
Prise en application de l'article 19 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (dite « DADDUE »), l'ordonnance n° 2015-558 procède à la mise en conformité du droit français avec les exigences de l'article 47 §1 de la directive 2013/36/UE du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (directive « CRD4 »), qui interdisent aux États membres d'imposer aux succursales d'établissements de crédit ayant leur administration centrale dans un pays tiers des dispositions conduisant à un traitement plus favorable que celui appliqué aux succursales d'établissements de crédit ayant leur administration centrale dans l'Union.
L'ordonnance assure effectivement le maintien de conditions d'égalité de concurrence entre les établissements de crédit établis en France, ceux dont le siège social est situé dans l'Union et ceux dont le siège social est situé dans un pays tiers, ce qui permet de prévenir les risques d'arbitrage réglementaire, pour les établissements dont le siège social est situé à l'étranger, entre l'implantation en France de succursales et celle de filiales.
Elle a en outre complété le code monétaire et financier, notamment les règles relatives à la gouvernance, en particulier l'obligation pour l'établissement du siège de s'engager à exercer, à l'égard de la succursale concernée, des missions équivalentes à celles du conseil d'administration et de l'assemblée générale des établissements de crédit. Les dirigeants effectifs de la succursale doivent ainsi transmettre au siège certaines informations relatives à la gouvernance. Le respect de ces règles est une condition de l'octroi et du maintien de l'agrément des succursales par l'ACPR.
Lorsqu'elles revêtent une importance significative, les succursales de pays tiers sont en outre tenues de justifier de l'existence d'un comité des risques et d'un comité des rémunérations, ou d'un dispositif permettant d'atteindre les mêmes finalités.
Enfin, les succursales de pays tiers, qui sont agréées par l'ACPR, peuvent bénéficier d' exemptions en matière d'exigences prudentielles, de solvabilité, de liquidité, de grands risques, de levier et de publication si plusieurs conditions cumulatives sont remplies, en particulier l'équivalence du contrôle des risques par les autorités compétente du pays dans lequel l'établissement de crédit a son siège, la surveillance des opérations de la succursale par celui-ci et la couverture de ses engagements, l'engagement d'informer l'ACPR et l'accord de l'autorité compétente de l'établissement de crédit dont dépend la succursale.
L'ordonnance tend à assurer des conditions d'égalité de concurrence entre les établissements de crédit établis en France, ceux dont le siège social est situé dans l'Union et ceux dont le siège social est situé dans un pays tiers, notamment en imposant à l'établissement du siège de la succursale, qui est agréée par l'ACPR, ou à la succursale elle-même lorsqu'elle est importante, de mettre en place des règles équivalentes en matière de gouvernance. |
LE RENFORCEMENT DU RÉGIME DE RESPONSABILITÉ DES DÉPOSITAIRES PAR L'ORDONNANCE N° 2016-312 DU 17 MARS 2017 MODIFIANT LE CADRE JURIDIQUE DE LA GESTION D'ACTIFS (ART. 71-III)
L'ordonnance n° 2016-312 a transposé la directive 2014/91/UE du 23 juillet 2014 dite « OPCVM V » qui a modifié la directive 2009/65/CE pour ce qui des fonctions de dépositaire, des politiques de rémunération et des sanctions, ainsi que les mesures d'adaptation et d'harmonisation liées à cette directive.
Afin d'assurer une meilleure protection des épargnants, la directive prévoit en effet un régime de responsabilité renforcé des dépositaires d'OPCVM :
- l'obligation de ségrégation des actifs de chaque OPCVM dans les comptes du dépositaire, ainsi que des restrictions des conditions de délégation de ses missions par celui-ci dépositaire ;
- la limitation de la délégation de ces missions à la fonction de garde des actifs, et le renforcement de l'encadrement de la sous délégation ;
- une responsabilité accrue de la responsabilité du dépositaire en cas de perte des actifs conservés ;
- une obligation de restitution immédiate des actifs en cas de perte, sauf cas de force majeure ;
- l'interdiction des décharges contractuelles de responsabilité ;
- l'interdiction de la réutilisation des titres par le conservateur des actifs dès lors qu'elle n'est pas effectuée pour le compte de l'OPCVM ;
- la limitation du champ des entités éligibles à la fonction de dépositaire d'OPCVM.
L'ordonnance porte pour l'essentiel sur :
- la procédure d'approbation du cahier des charges du dépositaire par l'AMF, que l'entité désignée soit un établissement de crédit ou une entreprise d'investissement ;
- les critères d'éligibilité du dépositaire d'un OPCVM de droit français qui peut être une succursale d'un établissement de crédit établi dans de l'Union européenne ;
- les missions et le régime de responsabilité du dépositaire ;
- les conditions de réutilisation des actifs de l'OPCVM.
Elle définit par ailleurs les organes de direction de la société de gestion et du dépositaire pour l'application, aux entités liées, des règles d'interdiction et de limite de cumul de mandats dans les conseils d'administration et les conseils de surveillance et la désignation d'un nombre minimum d'administrateurs indépendants.
Cette transposition, très technique, n'appelle pas d'observations particulières. |
L'ORDONNANCE N° 2016-827 DU 23 JUIN 2016 RELATIVE AUX MARCHÉS D'INSTRUMENTS FINANCIERS TRANSPOSE LA DIRECTIVE MIFID ET EXPLOITE CERTAINES DE SES OPTIONS (ART. 71-V)
L'ordonnance n° 2016-827 du 23 juin 2016 34 ( * ) relative aux marchés d'instruments financiers a transposé pour partie la directive « MiFID 2 » 2014/65/UE et apporté les adaptations nécessaires au droit interne pour le rendre compatible avec le règlement « MiFIR » (UE) 600/2014 relatif aux marchés d'instruments financiers.
Une directive pour répondre aux dysfonctionnements révélés par la crise financière de 2008
Afin de rendre les marchés financiers plus transparents, plus résilients et plus efficaces, et de renforcer la protection des investisseurs, la directive MiFID 2 a apporté une ensemble de modifications au cadre européen des marchés financiers.
Elle a en particulier remodelé la structure de marché. Les entreprises d'investissement doivent désormais négocier sur des plateformes de négociation : marchés réglementés (RM), systèmes multilatéraux de négociation (MTF) gérés par des opérateurs de marché ou des entreprises d'investissement, ou systèmes organisés de négociation (OTF) pour les produits non-actions tels que les instruments de dette, les quotas d'émission de CO2 ou les instruments dérivés de matières premières, dès lors que certaines conditions de liquidité sont remplies.
Pour assurer une meilleure protection des investisseurs , la directive a renforcé les règles d'organisation et de bonne conduite des entreprises d'investissement et des établissements de crédit qui exercent des services d'investissement , et confère un rôle accru aux organes de direction dans la bonne gouvernance des entreprises d'investissement. Sont plus particulièrement prévus :
- l'obligation d'enregistrement des échanges téléphoniques ou des communications électroniques des entreprises d'investissement et d'établissement d'un compte-rendu écrit en cas de conversation en tête-à-tête avec le client ;
- l'encadrement des conflits d'intérêt entre les entreprises d'investissement et leurs clients ;
- le renforcement de l'information des clients ;
- des « règles de gouvernance » en matière de conception et de distribution des instruments financiers par les prestataires de services d'investissement (PSI) ;
- le renforcement du régime de meilleure exécution des ordres passés par les clients.
La directive a également renforcé l'encadrement des activités de marché :
- en réglementant la commercialisation des dépôts structurés par les établissements de crédit ;
- en restreignant le champ de l'exemption d'agrément en tant qu'entreprise d'investissement ;
- en renforçant la procédure d'agrément des entreprises d'investissement et des règles de gouvernance qui leur sont applicables ;
- en encadrant la négociation algorithmique, notamment à haute fréquence, et la négociation des instruments dérivés de matières premières ;
- en prévoyant des contrôles renforcés sur les plateformes de négociation ;
- en imposant des règles de conduite plus exigeantes aux PSI, notamment l'encadrement des conflits d'intérêts résultant des rémunérations reçues de tiers ;
- en créant un nouveau statut régulé de prestataires de services de communication de données pour la publication et la déclaration des transactions sur instruments financiers.
La directive renforce par ailleurs le rôle et les pouvoirs de supervision des régulateurs nationaux et prévoit que de nouveaux pouvoirs d'interdiction ou de restriction à la distribution des instruments financiers dans des circonstances bien définies doivent leur être conférés. Elle modifie les modalités de coopération entre autorités compétentes des États membres et avec l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), pour une meilleure intégration des pratiques de supervision au sein de l'Union européenne.
Enfin, elle met en place un régime d'accès aux marchés européens pour les entreprises de pays tiers, pour les seuls clients professionnels, fondé sur des décisions d'équivalence du cadre règlementaire du pays tiers rendues par la Commission européenne. Il est à noter que l'article 23 du projet de loi revoit ces dispositions pour les rendre applicables aux succursales de sociétés de pays tiers ne bénéficiant pas d'une telle reconnaissance.
L'ordonnance revoit les dispositions résultant d'options supprimées et exploite quelques-unes des options ouvertes par la directive
L'ordonnance procède à la transposition de la directive en introduisant notamment une nouvelle section dans le code monétaire et financier qui fixe le régime applicable à la commercialisation des dépôts structurés par les établissements de crédit qu'elle soumet à des règles identiques à celles applicables aux instruments financiers, en particulier en matière de règles de bonne conduite et de gestion des conflits d'intérêts (art. 8).
De même, elle crée un nouveau chapitre concernant les prestataires de services de communication de données , nouvelle catégorie de prestataires créée par la directive (art. 14).
Elle définit par ailleurs les exigences de résilience et de supervision des plateformes de négociation par rapport à la négociation algorithmique à haute fréquence et précise le régime de limite des positions sur les instruments dérivés sur matières premières , en les adaptant aux différentes plateformes de négociation (art. 15), y compris les OTF.
Elle précise également le régime des OTF (art. 3 et 7) et complète le périmètre des instruments financiers pour y inclure les quotas d'émission de CO2 et les instruments dérivés de matières premières (art. 9 1°).
Elle révise le champ de l'exemption d'agrément en tant qu'entreprise d'investissement , conformément à la directive (art.9, 2°).
Elle transpose les exigences renforcées applicables aux dirigeants des entreprises d'investissement et à l'actionnariat des entreprises de marché (art. 4).
Elle définit des règles pour améliorer la consolidation et la mise à disposition du public des données de négociation (art. 14).
Enfin, en lien avec les engagements du G 20 et dans le but d'améliorer la transparence des marchés, de favoriser la formation des prix et de prévenir les abus de marché, l'ordonnance renforce les pouvoirs de supervision de l'Autorité des marchés financiers (AMF) en lui permettant de limiter les positions prises sur des instruments dérivés de matières premières.
Le recours aux agents liés n'étant plus une option à la discrétion des États membres, l'ordonnance revoit, en fonction des prescriptions de la directive, les conditions d'exercice de la fonction d'agent lié et les critères à respecter pour avoir le droit de recourir à de tels agents (art. 13, 4° et 5). En revanche, elle ne fait pas usage de la faculté ouverte par l'article 29 §3 de la directive pour autoriser les agents liés immatriculés sur le territoire français à détenir des fonds et/ou des instruments financiers de clients pour le compte de et sous l'entière responsabilité de l'entreprise d'investissement pour le compte de laquelle ils agissent. A l'inverse, elle utilise la faculté ouverte par le même article pour confier à l'entreprise d'investissement le soin de vérifier l'honorabilité et les compétences de l'agent lié.
L'ordonnance autorise par ailleurs les entreprises d'investissement de pays tiers bénéficiant d'une décision de la Commission européenne constatant l'équivalence de leur cadre règlementaire à fournir des investissements aux clients professionnels établis en France (art. 7). En revanche, elle exploite la faculté restrictive prévue à l'article 39 de la directive pour contraindre ces entreprises à établir une succursale en France lorsqu'elles entendent fournir des services d'investissement à des clients non-professionnels .
L'ordonnance aménage en outre le régime des conseillers en investissements financiers, qui s'inscrit dans le cadre d'une faculté prévue par la directive MiFID 1, pour y inclure les règles de bonne conduite de MiFID 2 (art. 12).
Elle introduit également certains allègements , en particulier la création d'un régime spécifique pour les systèmes multilatéraux de négociation admettant aux négociations plus de 50% de titres de PME et enregistrés en tant que « marchés de croissance des petites et moyennes entreprises ».
En revanche, elle ne retient pas certaines des options ouvertes par la directive, par exemple la reconnaissance comme contreparties éligibles des entités de pays tiers équivalentes à celles des États membres (art. 30 § 4).
L'ordonnance ne fait pas usage de la faculté ouverte par la directive MiFID 2 pour autoriser les agents liés immatriculés sur le territoire français à détenir des fonds et/ou des instruments financiers de clients pour le compte de et sous l'entière responsabilité de l'entreprise d'investissement pour le compte de laquelle ils agissent. En revanche, ell e reprend une faculté ouverte par directive pour confier à l'entreprise d'investissement le soin de vérifier l'honorabilité et les compétences de l'agent lié. Si elle autorise les entreprises d'investissement de pays tiers bénéficiant d'une décision de la Commission européenne qui constate l'équivalence de leur cadre règlementaire à fournir des investissements aux clients professionnels établis en France, elle les oblige à établir une succursale en France lorsqu'elles entendent fournir des services d'investissement à des clients non-professionnels, ainsi que l'autorise la directive . Enfin, l'ordonnance ne fait pas usage de plusieurs des options ouvertes par la directive, par exemple la reconnaissance comme contreparties éligibles des entités de pays tiers équivalentes à celles des États membres. |
L'ORDONNANCE N° 2016-1635 DU 1ER DÉCEMBRE 2016 RENFORÇANT LE DISPOSITIF FRANÇAIS DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME NE RETIENT AUCUN DES ALLÈGEMENTS DES OBLIGATIONS DE VIGILANCE PESANT SUR CERTAINES ACTIVITÉS AUTORISÉS PAR LA DIRECTIVE « BLANCHIMENT » (ART. 71-VII)
La directive 2015/849/UE du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux ou du financement du terrorisme a été transposée par l'ordonnance n° 2016-1635, qui a également modifié le code monétaire et financier pour le mettre en conformité avec le règlement (UE) 2015/847 du 20 mai 2015 sur les informations accompagnant les transferts de fonds et abrogeant le règlement (CE) n° 1781/2006 35 ( * ) .
Cette 4e directive anti-blanchiment et financement du terrorisme, qui est d' harmonisation minimale , vise notamment à mettre le droit de l'Union européenne en conformité avec les recommandations du Groupe d'action financière internationale (GAFI) adoptées en février 2012. Pour l'essentiel, elle :
- apporte des précisions sur l'identification du bénéficiaire effectif des personnes morales et des trusts et un accès élargi à l'information sur ces bénéficiaires effectifs ;
- élargit la notion de personnes politiquement exposées (PPE) à l'égard desquelles doivent être appliquées des mesures de vigilances renforcées dédiées ;
- assujettit les prestataires du secteur des jeux d'argent et de hasard aux obligations qu'elle prévoie, sauf si l'État membre considère, sur le fondement d'une évaluation spécifique des risques, justifiée et notifiée à la Commission, que le risque est faible ;
- abaisse à 10 000 € le seuil de paiement en espèces pour les personnes négociant des biens ;
- consacre l'indépendance et l'autonomie opérationnelle des cellules de renseignements financiers (CRF) - Tracfin en France - que les États membres doivent mettre en place pour recueillir et analyser les informations reçues ;
- renforce la coopération entre ces CRF ;
- prévoit une politique spécifique de vigilance lorsque les professionnels assujettis traitent avec des personnes physiques ou des entités juridiques établies dans les « pays tiers à haut risque », dont la liste est établie par actes délégués de la Commission ;
- met en place une évaluation par la Commission européenne des risques affectant le marché intérieur et liés à des activités transfrontalières ;
- renforce l'approche par les risques, les États membres et les entités assujetties devant tenir compte au minimum de facteurs de situation de risque potentiellement moins élevés figurant dans les annexes de la directive lorsqu'ils évaluent les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à certains types de clients, de zones géographiques et à des produits, services, transactions ou canaux de distribution particuliers ;
- soumet désormais les produits de monnaie électronique aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ;
- harmonise, a minima , les sanctions administratives applicables en cas de violation sérieuse, répétitive ou systématique, par les organismes assujettis, des obligations de vigilance à l'égard de la clientèle, de déclaration de soupçon, de conservation des données et des dispositions relatives au contrôle interne ;
- prévoit la désignation d'un représentant permanent pour les établissements de paiement et de monnaie électronique anonymes exerçant leur activité dans un autre État membre par l'intermédiaire d'un réseau d'agents ou de distributeurs opérant en libre établissement.
La directive ouvre aux États membres la possibilité de prévoir des obligations de vigilance simplifiée à l'égard de la clientèle pour la monnaie électronique et les instruments de paiement répondant à des conditions d'atténuation du risque (art. 12) ou dans des domaines présentant un risque moins élevé (art. 15). Elle permet également, après évaluation appropriée, d' exempter , en tout ou partie, les prestataires de certains services de jeux d'argent (art. 2§2). L'ordonnance n'a pas fait usage de ces facultés.
Elle a, en revanche, exploité la faculté, prévue à l'article 4 §2 de la directive, d'assujettir aux obligations de vigilance des professions ou catégories d'entreprises autres que celles visées par la directive, en particulier les sociétés d'assurance et de réassurance, les agents sportifs, les antiquaires et les galeries d'art ou encore les syndics de copropriété (art. 2 - L. 561-2 du code monétaire et financier). Il est toutefois à noter que le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français , récemment adopté par le Sénat, retire les syndics de copropriété du champ d'application des obligations de vigilance .
L'ordonnance oblige par ailleurs les plateformes de don à disposer d'un statut d'intermédiaire en financement participatif, ce qui les soumet de plein droit aux obligations de vigilance (art. 11).
Enfin, elle étend les prérogatives et les obligations de Tracfin au-delà de ce qu'impose la directive, qui est d'harmonisation minimale sur ce point (art. 4 et 5).
S'agissant du plafond des paiements en espèces d'un particulier à un professionnel ou entre professionnels, on relèvera qu'il a été fixé à 1 000 € par le décret pris pour l'application de l'ordonnance, soit très en deçà du plafond de 10 000 € prévu par la directive , choix que plusieurs entreprises ont contesté dans le cadre de la consultation sur les sur-transpositions organisée conjointement en janvier dernier par la commission des affaires européennes et la délégation sénatoriale aux entreprises. Ce plafond est toutefois de 15 000 € si le domicile fiscal du débiteur est à l'étranger et qu'il règle une dépense personnelle , soit le plafond maximum autorisé en pareil cas par la directive . Cette disposition est considérée comme étant de nature à faciliter les achats des touristes fortunés.
L'ordonnance qui transpose la directive « Blanchiment » n'a pas retenu les obligations de vigilance simplifiée à l'égard de la clientèle dont la directive autorise la mise en place pour la monnaie électronique et les instruments de paiement répondant à des conditions d'atténuation du risque ni la faculté d'exempter , en tout ou partie, les prestataires de certains services de jeux d'argent. Elle assujettit en revanche aux obligations de vigilance des professions ou catégories d'entreprises autres que celles visées par la directive, en particulier les sociétés d'assurance et de réassurance, les agents sportifs, les antiquaires et les galeries d'art ainsi que l'autorise la directive . Enfin, elle étend les prérogatives et les obligations de Tracfin au-delà de ce qu'impose la directive, qui est d'harmonisation minimale à cet égard . Par ailleurs, le plafond des paiements en espèces a été fixé à 1 000 € par le décret d'application de l'ordonnance, soit très en deçà du plafond de 10 000 € prévu par la directive. Il est porté à 15 000 €, soit le plafond maximum autorisé en pareil cas par la directive, si le domicile fiscal du débiteur est à l'étranger et qu'il règle une dépense personnelle. |
L'EXIGENCE, PAR L'ORDONNANCE N° 2016-1809, DE CONDITIONS SECTORIELLES D'EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE POUR CERTAINS PROFESSIONNELS DONT LA PROFESSION N'EST PAS RÉGLEMENTÉE DANS LEUR ÉTAT D'ORIGINE ET QUI SOUHAITENT FOURNIR DES PRESTATIONS TEMPORAIRES EN FRANCE (ART. 71-VIII)
L'ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées a transposé la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013, qui a modifié la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et a mis le droit français en conformité avec le règlement (UE) n° 1024/2012 du 25 octobre 2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur et abrogeant la décision 2008/49/CE de la Commission (« règlement IM ») et le règlement d'exécution (UE) 2015/983 de la Commission du 24 juin 2015 sur la procédure de délivrance de la carte professionnelle européenne et l'application du mécanisme d'alerte conformément à la directive 2005/36/CE.
La directive de 2013 entendait faciliter la mobilité au sein du marché intérieur des professionnels exerçant une profession réglementée par une reconnaissance des formations et des compétences. En particulier, elle :
- prévoit l'attribution, par les États membres, d'une carte professionnelle européenne aux titulaires d'une qualification professionnelle pour faciliter la fourniture de prestations temporaires et occasionnelles de services ou l'établissement et la prestation temporaire et occasionnelle de services par des professionnels au sein du marché intérieur (art. 4 bis et suivants) ;
- fixe les conditions de reconnaissance des qualifications professionnelles attestées par l'État membre d'origine où elles ont été acquises (attestations de compétence ou des titres de formation) (art. 13) ;
- subordonne la reconnaissance de certaines formations à des exigences minimales de durée et de contenu (art. 46) ;
- prévoit une reconnaissance automatique sur la base de principes communs de formation (art. 49 bis et 49 ter ) ;
- organise la reconnaissance des stages professionnels si l'accès à une profession réglementée dans l'État membre d'origine est subordonné à l'accomplissement d'un tel stage (art. 55 bis ) ;
- met en place des mécanismes d'alerte et de transparence intra-européens (art. 57 bis et 58).
L'ordonnance n° 2016-1809 comporte des dispositions à caractère général sur la délivrance de la carte professionnelle européenne (art. 1 er à 4), clarifie les modalités de la coopération administrative bilatérale entre les autorités européennes compétentes en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles (art. 5 et 6), fixe la procédure du mécanisme d'alerte (art. 7 et 8), met en place le guichet unique prévu par la directive (art. 9) et précise les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice en France de la profession envisagée (art. 10).
Elle fixe par ailleurs des conditions sectorielles d'expérience professionnelle pour certains professionnels dont la profession n'est pas réglementée dans leur État d'origine et qui souhaitent fournir des prestations temporaires : les assistants de service social européen (art. 11), les psychologues (art. 12), les guides-conférenciers (art. 13 et 14), les contrôleurs techniques de la construction (art. 15), les formateurs à la conduite des bateaux de plaisance (art. 16), les géomètres-experts (art. 17), les opérateurs de vente volontaire de meubles aux enchères (art. 18), les éducateurs sportifs (art. 19) et les agents sportifs (art. 20), les professeurs de danse (art. 21), les responsables d'établissement d'élevage d'animaux d'espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi que d'établissement destiné à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère (art. 22), les professionnels exerçant des activités d'agent immobilier, d'administrateur de biens, ou de syndic de copropriété (art. 23), les professionnels souhaitant exercer des services d'expertise comptable (art. 24) et les avocats pour des activités de consultation ou d'expertise juridiques (art. 25).
Pour les professionnels qui exercent une profession réglementée dans un autre État membre, la directive modifiée a été transposée en droit français par un grand nombre de textes sectoriels.
De manière générale, la France reste caractérisée par le grand nombre des professions qui y sont réglementées. Elle a en effet le souci de protéger le niveau de qualification qu'elle exige de ses professionnels, même si parfois d'aucuns considèrent que la situation française comporte trop de « rentes de situation ». |
L'AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE RÉGIE PAR L'ORDONNANCE N° 2017-80 VA AU-DELÀ DE LA DIRECTIVE 2011/92 DU 13 DÉCEMBRE 2011 RELATIVE À L'ÉVALUATION DES INCIDENCES DE CERTAINS PROJETS PUBLICS ET PRIVÉS SUR L'ENVIRONNEMENT (ART. 71-IX)
L'ordonnance n° 2017-80 a pour objet de pérenniser les expérimentations de procédures intégrant plusieurs autorisations environnementales, conduites depuis mars 2014 dans certaines régions et concernant les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à la législation sur l'eau. Ces expérimentations ont été étendues à la France entière par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, pour les ICPE relatives aux énergies renouvelables et pour les IOTA. L'objectif de ces expérimentations était de simplifier les procédures pour faciliter la vie des entreprises sans régression de la protection de l'environnement.
L'article 103 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a habilité le Gouvernement à inscrire de manière définitive dans le code de l'environnement un dispositif d'autorisation environnementale unique, en améliorant et en pérennisant les expérimentations. L'ordonnance, ainsi que son décret d'application, créent, au sein du livre Ier du code de l'environnement, un nouveau titre VIII intitulé « Procédures administratives » qui comporte un chapitre unique consacré à l'« Autorisation environnementale » qui précise le champ d'application de cette autorisation. Il s'agit :
- des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à la législation sur l'eau et les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), lorsqu'ils relèvent du régime d'autorisation ;
- des projets soumis à évaluation environnementale et qui ne sont pas soumis à une autorisation administrative susceptible de comporter des mesures d'évitement, de réduction ou de compensation.
L'autorisation environnementale se substitue en outre aux autorisations prévues par ailleurs, en particulier aux déclarations IOTA, enregistrements ou déclarations ICPE. Pour autant, elle ne vaut pas autorisation d'urbanisme. Il est prévu que lorsqu'une étude d'impact n'est pas requise, le dossier de demande d'autorisation environnementale doit comporter une étude d'incidence environnementale.
L'ordonnance définit les conditions nécessaires à la délivrance de l'autorisation environnementale, notamment pour assurer la protection d'un certain nombre d'intérêts tels que la santé, la sécurité et la salubrité publiques, l'environnement, la ressource en eau, les paysages, l'agriculture. Elle précise le contenu de la demande d'autorisation et les étapes précédant son dépôt, notamment la possibilité d'établissement d'un certificat de projet. Elle prévoit que certains projets complexes ou de grande ampleur peuvent faire l'objet d'autorisations environnementales par tranches.
Elle précise en outre les modalités d'instruction de la demande d'autorisation environnementale et encadre la phase d'enquête publique. Enfin, elle prévoit certaines dispositions applicables après la délivrance de l'autorisation, en particulier en cas de modifications du projet, selon que celles-ci sont ou non substantielles.
Enfin, des règles particulières sont prévues pour certaines catégories de projets, en particulier les IOTA et les IPCE, en particulier une étude de dangers.
Lors de la consultation organisée conjointement par la commission des affaires européennes et la délégation sénatoriale aux entreprises, auprès des entreprises, sur la sur-transposition du droit européen en droit français, certaines réponses ont regretté que plusieurs mesures d'application réglementaires de l'ordonnance aillent au-delà des exigences de la directive, en particulier la soumission à évaluation, au cas par cas, des modifications ou extensions de projets ayant faits l'objet d'une évaluation environnementale . Cette obligation qui génère des charges administratives , des délais et des coûts pour les porteurs de projets .
L'autorisation environnementale, régie par l'ordonnance n° 2017 - 80 et ses décrets d'application, n'est pas contraire au cadre européen dans lequel elle s'inscrit. Toutefois, cette procédure va au-delà des exigences européennes, en particulier de celles qui résultent de la directive 2011/92 du 13 décembre 2011 relative à l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. |
L'INTRODUCTION PAR L'ORDONNANCE 2017-84 D'ORGANISMES DÉDIÉS À L'EXERCICE DE L'ACTIVITÉ DE RETRAITE PROFESSIONNELLE SUPPLÉMENTAIRE PRÉVUS PAR LA DIRECTIVE 2003/41/CE (ART. 71-X)
L'ordonnance n° 2017-84 du 6 avril 2017 relative à la création et à l'adaptation des régimes de retraite supplémentaire en unités de rente 36 ( * ) autorise enfin la création d'organismes ayant pour objet l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire.
Lors de la transposition en 2006 de la directive 2003/41/CE, la France avait en effet choisi de réserver la fourniture de contrats de retraite professionnelle supplémentaire aux seuls organismes d'assurance qui totalisent aujourd'hui, sur ce segment, près de 130 milliards d'euros d'encours. Ce choix faisait de la France le seul État membre à ne pas disposer d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de fonds de pension.
L'ordonnance revient sur cette approche restrictive et instaure les mutuelles et unions de retraite professionnelle supplémentaire (MRPS et URPS) et les institutions de retraite professionnelle supplémentaire (IRPS), permettant ainsi aux entreprises d'assurance de proposer des fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS) .
Le Premier ministre fait valoir, dans le rapport au Président de la République qui accompagne l'ordonnance, que, depuis le 1er janvier 2016, les organismes d'assurance sont soumis au régime prudentiel prévu par la directive 2009/138/CE dite « Solvabilité 2 ». Or, notamment en raison de sa structure fondée sur un horizon de risque à un an, ce régime s'accompagne d'un alourdissement de la charge en capital pour les activités de long terme comme les engagements de retraite professionnelle supplémentaire gérés par des organismes d'assurance. Il constate que ce « durcissement des exigences prudentielles entraîne une limitation des capacités d'investissement de ces acteurs dans des actifs de diversification de long terme, pourtant bien adaptés au profil des activités de retraite », motif pour lequel il propose de développer un nouveau cadre français « adapté à l'exercice de la retraite professionnelle supplémentaire » et estime que les exigences prudentielles qui s'imposent ainsi aux fonds de pension « pourraient rapidement avoir pour effet d'inciter les entreprises souhaitant mettre en place un régime de retraite professionnelle supplémentaire au profit de leurs salariés à se tourner vers des fonds de pension étrangers », soumis à des règles prudentielles « plus adaptées au profil de long terme de cette activité ».
Dès lors, l'ordonnance soumet à un régime prudentiel moins contraignant la nouvelle catégorie d'organismes dédiés à l'exercice de l'activité de retraite professionnelle supplémentaire qu'elle introduit en droit français. Elle définit ce régime en conformité avec le cadre prévu par la directive 2003/41/CE du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IORP), revue en dernier lieu par la directive 2016/2341 du 14 décembre 2016, qui reprend les exigences de gouvernance de la directive « Solvabilité 2 » applicables aux sociétés d'assurance (Piliers 2 et 3) mais pas les règles quantitatives du Pilier 1 .
Le Gouvernement entend maintenant aller au-delà dans la promotion de ces activités. L'article 67 du projet de loi l'habilite en effet à « prendre les mesures nécessaires à la transposition de la directive » et à aménager le cadre français pour renforcer la compétitivité et l'attractivité de ces activités par voie d'ordonnance.
L'ordonnance prévoit la création de mutuelles et unions de retraite professionnelle supplémentaire et d'institutions de retraite professionnelle supplémentaire comme le prévoit la directive 2003/41/CE permettant aux entreprises d'assurance de proposer des fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS). Elle les soumet aux exigences de gouvernance de la directive Solvabilité 2, à l'exception des règles quantitatives du pilier 1 qui ne sont pas adaptées à ces activités |
LA SÉPARATION DU RÉGIME JURIDIQUE DES SOCIÉTÉS DE GESTION DE PORTEFEUILLE DE CELUI DES ENTREPRISES D'INVESTISSEMENT PAR L'ORDONNANCE N° 2017-1107 (ART. 71-XV)
Le chapitre 1er de l'ordonnance n° 2017-1107 37 ( * ) du 22 juin 2017 relative aux marchés d'instruments financiers transpose la directive « MiFID 2 » 2014/65/UE du 15 mai 2014 et adapte le code monétaire et financier au règlement « MIFIR » (UE) n° 600/2014 du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers pour séparer le régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille (SGP) de celui des entreprises d'investissement (EI).
L'ordonnance tire les conséquences du fait que les SGP ne sont pas des entreprises d'investissement et de la logique sectorielle du droit européen. Elle précise les règles applicables aux services d'investissement que les SGP sont autorisées à fournir eu égard au droit de l'Union européenne, leur liberté d'établissement et leur liberté de prestation de services dans d'autres États membres, les règles d'organisation et de bonne conduite auxquelles elles sont soumises, en particulier l'obligation de meilleure exécution et la déclaration des transactions, la nature de leur relation de clientèle avec les porteurs de parts ou d'actions d'organismes de placement collectifs qu'elles gèrent et le régime des conventions entre producteurs et distributeurs d'instruments financiers.
Cette ordonnance achève, sur le plan législatif, la transposition de la directive MiFID 2 et procède aux modifications nécessaires pour adapter au règlement « MIFIR » le droit français applicable aux SGP.
En séparant le régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d'investissement, l'ordonnance supprime les sur-transpositions imposées jusqu'à présent aux sociétés de gestion de portefeuille. |
LA MODERNISATION DU CADRE JURIDIQUE DE LA GESTION D'ACTIFS ET DU FINANCEMENT PAR LA DETTE PAR L'ORDONNANCE N° 2017-1432 EN CONFORMITÉ AVEC DIRECTIVE AIFM 2011/61/UE ET LE RÈGLEMENT ELTIF (UE) 2015/760 (ART. 71 - XVIII)
L'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 portant modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs et du financement par la dette 38 ( * ) modifie les dispositions du code monétaire et financier relatives à certains fonds d'investissement alternatifs (FIA) pour définir notamment les modalités et conditions dans lesquelles ces fonds peuvent octroyer des prêts à des entreprises . Elle revoie les règles applicables aux organismes de placement collectif et à leurs dépositaires et gestionnaires, pour renforcer leur capacité à assurer le financement et le refinancement d'investissements, de projets ou de risques, y compris par l' acquisition et la cession de créances non échues , tout en assurant la protection des porteurs. Enfin, elle précise les conditions dans lesquelles des investisseurs du secteur financier peuvent acquérir des créances à caractère professionnel non échues auprès d'établissements de crédit et de sociétés de financement .
Au plan européen, l'activité des fonds communs de titrisation (anciennement dénommés fonds communs de créances) ne se limite pas à la titrisation au sens du règlement n° 575/2013/UE du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement 648/2012/UE. Outre le refinancement d'établissements de crédit, ces fonds peuvent en effet participer également au financement direct d'infrastructures, d'entreprises, ou à la couverture de risques d'assurance, activité qui entre dans le champ de la directive 2011/61/UE du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, dite « AIFM ».
« Afin de renforcer la lisibilité du cadre juridique français à l'étranger, et la compétitivité des acteurs ayant une activité de commercialisation transfrontalière au sein de l'Union européenne », le Gouvernement a estimé nécessaire de distinguer, au sein de l'actuelle catégorie des organismes de titrisation, ceux qui peuvent entrer, à raison de leur nature et non de leur activité, dans le champ de la directive AIFM, qu'il dénomme « organismes de financement spécialisé » (OFS) et dont l'ordonnance définit le régime. Ces organismes relèvent de dispositions communes avec les organismes de titrisation. Ils sont par nature dans le champ de la directive « AIFM » et sont en outre soumis à des dispositions spécifiques qui élargissent le champ des investissements éligibles.
L'ordonnance précise en outre les règles applicables aux dépositaires des organismes de titrisation (OT). En particulier, elle clarifie les responsabilités respectives du gestionnaire de l'organisme et de son dépositaire, ainsi que les missions du dépositaire. Elle prévoit notamment la possibilité pour l'OT, ouverte par le règlement UE n° 575/2013 du 26 juin 2013, d'être établi et géré par un sponsor , lorsque celui-ci délègue la gestion de l'organisme à une société de gestion. Elle supprime par ailleurs l'obligation de co-fondation des organismes de titrisation par leurs sociétés de gestion et les dépositaires.
L'ordonnance précise également les conditions dans lesquelles des cessionnaires relevant d'un droit étranger peuvent acquérir des créances non échues à caractère professionnel auprès d'entités de droit français , ce qui permet de sécuriser la cession de créances non échues à des entités régulées relevant d'un droit étranger et d'améliorer le marché secondaire de ces créances.
Enfin, elle met en conformité le droit français avec le règlement (UE) 2015/760 dit « ELTIF », qui permet aux fonds européens d'investissement à long terme d'octroyer des prêts à des entités de droit français.
L'ordonnance modernise par ailleurs différentes dispositions afférentes au secteur de la gestion d'actifs : les fonds communs de placement d'entreprise européens dans le cadre d'une commercialisation au sein de l'Union européenne, le fonctionnement des groupements forestiers d'investissement, la palette des outils de gestion du risque de liquidité ouverte aux organismes de placement collectifs. Elle autorise ainsi la création de fonds communs de placement d'entreprise d'actionnariat salarié dédiés uniquement à des salariés couverts par un droit étranger. Enfin, elle ouvre la possibilité d'élargir la liste des outils de gestion du risque de liquidité pour les fonds ouverts, et clarifie la possibilité, pour les fonds professionnels spécialisés, d'avoir recours à des avances en compte courant d'associé.
L'ordonnance reprend la possibilité pour un organisme de titrisation , ouverte par le règlement UE n° 575/2013, d'être établi et géré par un sponsor qui en délègue la gestion à une société de gestion . Elle précise les conditions dans lesquelles des cessionnaires relevant d'un droit étranger peuvent acquérir des créances non échues à caractère professionnel auprès d'entités de droit français . Enfin, elle met le droit français en conformité avec le règlement (UE) 2015/760 dit « ELTIF », qui permet aux fonds européens d'investissement à long terme d'octroyer des prêts à des entités de droit français. |
LE RENFORCEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DU DÉTAILLANT PAR L'ORDONNANCE N° 2017-1717 DU 20 DÉCEMBRE 2017 PORTANT TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE 2015/2302/UE RELATIVE AUX VOYAGES À FORFAIT ET AUX PRESTATIONS DE VOYAGE LIÉES (ART. 71 - XXII)
L'article 64 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne a habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2015/2302/UE, dite « DVAF », relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, et de simplifier et moderniser le régime applicable aux activités d'organisation ou de vente de voyages et de séjours.
La directive renforce la protection des voyageurs en cas d'annulation d'un voyage à forfait et aux prestations de voyage liées facilitées par des professionnels
La définition des forfaits est élargie. Ils réunissent dorénavant au moins deux services de voyage : transport, hébergement, location de voiture et tout autre service touristique. Ils sont combinés par un seul professionnel et font l'objet d'un contrat unique. Ils sont achetés auprès d'un seul point de vente (art.3).
La directive 2015/2302/UE du 25 novembre 2015 prévoit des obligations d'informations précontractuelles 39 ( * ) (art. 5), qui doivent être reprises sans modification dans le contrat de vente, sauf accord exprès des parties (art. 6). Les termes du contrat, dont un exemplaire sur support durable est fourni au client, doivent répondre à des exigences de clarté et d'intelligibilité, et préciser notamment que l'organisateur est responsable de la bonne exécution de tous les services de voyage compris dans le contrat (art. 6). Les conditions de modification du contrat avant le début du forfait sont précisées au chapitre III (préavis, majoration du prix, acceptation expresse), le voyageur pouvant en outre résilier le contrat à tout moment avant le début du forfait, éventuellement avec des frais si le contrat le prévoit et sous réserve que ceux-ci soient standards et raisonnables.
L'organisateur est responsable de l'exécution des services de voyage prévus dans le forfait. La directive fixe les conditions dans lesquelles une inexécution partielle ou assortie de coûts supplémentaires ouvre droit, selon le cas, à réduction du prix ou à remboursement partiel, voire à la prise en charge des frais d'hébergement pour trois nuit si le retour s'avère impossible en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables (art. 13 et 14).
Enfin, la directive prévoit une protection des voyageurs contre l'insolvabilité des organisateurs (art. 18) et, ce qui est nouveau, des professionnels facilitant les prestations de voyage liées ou « click through », autrement dit les assemblages de prestations achetées auprès de professionnels distincts grâce à des procédures de réservation en ligne liées (art. 19).
La directive est d'harmonisation maximale (art. 2) et impérative (art. 23). Toute stipulation contraire à ses dispositions est donc nulle de plein droit. L'article 13 ouvre toutefois deux options aux États membres :
- la faculté de prévoir que le détaillant est également responsable de l'exécution du forfait (§ 1 alinéa 2) ;
- la prise en charge de l'hébergement au-delà de trois nuits lorsque le retour s'avère impossible en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, dès lors que des durées plus longues sont prévues par la législation nationale applicable aux moyens de transport concernés (§7).
L'ordonnance renforce la responsabilité des détaillants dans l'exécution des voyages à forfait.
L'ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2018, modifie le code du tourisme pour reprendre les règles édictées par la directive. Elle ne comporte pas de dispositions spécifiques pour des contrats n'entrant pas dans le champ d'application de la directive (défini à l'article 2) comme les forfaits et prestations de voyage liées couvrant une période de moins de 24 heures sans nuité incluse ou les prestations proposées par un organisme sans but lucratif, à titre occasionnel et pour un groupe limité de voyageurs, ou dans le cadre d'une convention générale conclue pour le voyage d'affaires.
L'article 3 de l'ordonnance fait usage de la faculté ouverte par l'article 13 de la directive pour renforcer la responsabilité de plein droit de l'exécution du service prévu par le contrat de voyage à forfait, des détaillants, comme les agences de voyages, qui facilitent l'achat par les voyageurs de prestations de voyage liées.
L'article L. 211-16 du code du tourisme prévoyait déjà la responsabilité du détaillant à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par lui-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice du droit de recours contre ceux-ci 40 ( * ) . Le détaillant pouvait toutefois s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat était imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.
L'article 3 de l'ordonnance précise que l e détaillant est dorénavant tenu par toutes les obligations applicables au professionnel qui vend le forfait, notamment en matière de traitement de la non-conformité des prestations.
S'agissant de l'éventuelle indemnisation du préjudice causé en cas d'inexécution ou de mauvaise exécution, la responsabilité du détaillant ne peut être écartée totalement ou partiellement que s'il apporte la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage et revêt un caractère imprévisible ou inévitable, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables
Cette responsabilité oblige les détaillants à souscrire une assurance de responsabilité civile professionnelle renforcée, ce qui alourdit d'autant leurs charges.
Ainsi que l'ont fait observer des entreprises qui ont répondu à la consultation organisée conjointement par la commission des affaires européennes et la délégation sénatoriale aux entreprises en début d'année, cette obligation ne pèse pas sur les prestataires qui ne sont pas établis en France. Il convient toutefois de rappeler que, dans sa résolution du 4 mars 2014 sur la proposition de directive, le Sénat avait estimé « indispensable, compte-tenu des caractéristiques fortement nationales du marché du voyage, de maintenir la règle actuelle d'une responsabilité du détaillant ou de l'organisateur » 41 ( * ) .
On relèvera par ailleurs que l' harmonisation maximale à laquelle procède la directive a conduit l'article 4 de l'ordonnance à supprimer la dérogation à l'obligation d'immatriculation dont bénéficiaient les associations organisant des accueils collectifs de mineurs (ACM) , immatriculation qui, en droit français, impose une garantie financière. Le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale 42 ( * ) a toutefois observé que cette suppression n'était qu' apparente . En effet :
- de nombreuses structures accueillant des mineurs satisfont déjà à l'obligation d'immatriculation, au moins pour les voyages à l'étranger qui ne représentent qu'une partie marginale de leur activité ;
- les associations peuvent s'adosser à une fédération ou à une union immatriculée, comme c'était déjà le cas précédemment et comme le prévoit l'article L. 218-III du code de l'action sociale et des familles tel que modifié par l'ordonnance.
Le Premier ministre a par ailleurs répondu aux associations que certains organisateurs d'ACM n'entrent pas dans le champ d'application de la directive et pourront continuer à bénéficier de la dérogation :
- les associations agréées (agréments de jeunesse et d'éducation populaire, du sport ou d'associations éducatives complémentaires de l'enseignement public) qui organisent des ACM sur le territoire national, en raison de leur but non lucratif et compte tenu du régime particulier auquel elles sont soumises ;
- les personnes morales de droit public, dont les collectivités locales, qui n'interviennent pas dans le domaine industriel ou commercial, et organisent de nombreux ACM en France, dans l'intérêt général et à des fins éducatives ou sportives ;
- les ACM sans hébergement (accueils de loisirs, accueils de jeunes, accueils de scoutisme sans hébergement) dès lors que leur période de fonctionnement couvre une période de moins de vingt-quatre heures et qu'ils ne comprennent pas de nuitée ;
- les associations et organismes sans but lucratif appartenant à une fédération ou une union déclarée s'en portant garantes à la condition que ces dernières soient immatriculées.
L' ordonnance n° 2017-1717 fait usage d'une faculté ouverte par la directive 2015/2302/UE pour maintenir et renforcer la responsabilité de plein droit des détaillants qui facilitent l'achat par les voyageurs de prestations de voyage liées en matière d'exécution du service prévu par le contrat de voyage à forfait . |
* 34 Prise sur le fondement de l'article 28 de la loi n°2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière (« DDADUE ») qui mentionnait « notamment les mesures tendant à la protection des investisseurs par le renforcement de la transparence et de l'intégrité des marchés financiers ».
* 35 Habilitation donnée par l'article 118 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
* 36 Prise sur le fondement de l' article 114 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
* 37 Prise sur le fondement de l'article 122 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (« Sapin II »).
* 38 Prise sur le fondement de l'article 117 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (« Sapin 2 »).
* 39 Des formulaires d'information standard sont annexés à la directive.
* 40 Tel que modifié par la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.
* 41 Résolution européenne n° 92 (2013-2014) sur les voyages à forfait et les prestations de voyage assistées.
* 42 Rapport n° 1237 (XVème législature).