ANNEXE 3 - LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DU CGAAER SUR LES VISITES SANITAIRES EN ÉLEVAGE
1. Prioriser les élevages difficiles La visite sanitaire devrait permettre d'identifier les élevages en déshérence qui présentent un risque particulier, sur le plan sanitaire et médiatique en particulier dans le domaine de la bien traitance animale . Tous les acteurs sont d'accord sur la difficulté de gérer ces cas, souvent connus . La quasi-totalité des vétérinaires rencontrés par la mission ont des difficultés, même s'ils en ont connaissance, à remonter vers la DD(CS)PP des informations relatives à des élevages en difficultés : soit ils se sont démobilisés face à l'absence de suites concrètes par les services de l'État , soit ils considèrent que ces signalements relèveraient du contrôle qui n'entre pas dans l'esprit de la visite sanitaire vétérinaire, soit, le cas échéant, ils mettent en avant un conflit d'intérêt avec leur client , soit, bien que motivés sur ce sujet, il ne leur appartient pas d'agir seuls. Seule une action globale peut être efficace, en regroupant tous les services, y compris la mutualité sociale agricole, les établissements bancaires et à condition que l'éleveur lui-même accepte un accompagnement. Certaines données dont dispose l'administration, transmises au vétérinaire pour préparer sa visite sanitaire pourraient lui permettre, sur la base d'un seuil d'alerte pour des indicateurs pertinents (nombre de morts/nombre d'animaux présents, naissance/taille cheptel) de signaler ces cas à l'administration. De la même manière, l'administration pourrait consulter ces données pour intervenir, ce qu'elle fait rarement . Toutefois, les élevages en déshérence sont souvent en lien avec des infractions permettant la confiscation des animaux, et les vétérinaires sanitaires considèrent que cette action n'est pas de leur ressort. L'identification des élevages en déshérence peut être de la responsabilité des vétérinaires, mais pas leur gestion. Il convient de sortir cet objectif de la visite sanitaire, le vétérinaire n'ayant pas la main pour agir, avec simplement un engagement formel qu'il signale ces cas à l'administration lorsqu'il en a connaissance. 2. Participer plus pleinement à l'évolution de l'inspection sanitaire en abattoir Les visites sanitaires avicole et porcine sont un maillon de l'évolution de l'inspection sanitaire en abattoir basée sur l'analyse des risques. Pour la visite sanitaire avicole , la remontée des informations des éleveurs vers les services vétérinaires en abattoir ne fonctionne pas correctement. Des vétérinaires inspecteurs en abattoir ont signalé à la mission qu'ils n'étaient que très rarement destinataires de ce document ou qu'ils n'avaient pas connaissance du dispositif . Quant aux DD(CS)PP, les actions conduites sur ce sujet apparaissent variables entre départements : de l'absence d'action spécifique, à l'envoi de courriers rappelant leurs obligations aux éleveurs, au suivi des comptes rendus de visites au niveau de la DD(CS)PP . Car, en l'absence d'inspection permanente en abattoir, c'est elle qui programme les inspections en abattoir suite aux informations issues de la visite sanitaire et de l'information sur la chaîne alimentaire (ICA). La dématérialisation des comptes rendus de visite sanitaire, pourvu qu'elle soit assortie d'une information auprès des intervenants concernés devrait résoudre ces problèmes. Les vétérinaires officiels en abattoir d'un département font état de l'intérêt d'avoir les trois éléments d'information suivants pour juger de l'opportunité d'un ciblage spécifique des inspections ante et post mortem : compte rendu de visite sanitaire, ICA et information sur les saisies en inspection post-mortem (IPM). La centralisation ou l'accès aux comptes rendus par la DD(CS)PP apparaît nécessaire pour sa connaissance des petits élevages. Il a également été signalé à la mission que la perception de l'objectif de la visite sanitaire comme « aide à l'inspection à l'abattoir » et « sensibilisation des éleveurs à une thématique » étaient difficilement compatibles, la première étant plutôt assimilée à du contrôle et la seconde à de l'information. 3. Surmonter le déficit d'information et de communication La perception est globalement négative sur ce sujet, pour quasiment tous les acteurs et dans tous les départements visités. S'agissant de l'information et du suivi de la campagne, les DD(CS)PP et les vétérinaires sanitaires ne sont pas impliqués dans l'organisation locale des visites sanitaires. Le début de la campagne est annoncé aux vétérinaires par l'ouverture du portail par la DGAL, avec accès aux notes de services, que les acteurs estiment bien faites mais trop détaillées. Elles sont considérées comme des notes de lancement, pour certaines transmises trop tardivement, plutôt que comme des notes de gestion. « La DD(CS)PP lance mais ensuite n'est plus actrice ». Comme il n'y a pas non plus de redescente de la DGAl vers les DD(CS)PP, la visite sanitaire n'est pas intégrée dans les priorités de ces dernières , qui se considèrent quasi-uniquement comme un maillon financier sans qu'aucune interface sanitaire ne se développe avec la profession. Certaines DD(CS)PP regrettent les premières versions de la visite sanitaire bovine qui, avec la transmission d'une synthèse par élevage visité, leur donnait l'opportunité d'être mieux informées et plus présentes sur le terrain. Les vétérinaires ont la perception de n'être que de simples exécutants ; les DD(CS)PP ont aussi cette perception vis à vis de la DGAL. L'un des premiers objectifs de la visite sanitaire, améliorer le lien entre le vétérinaire et la DD(CS)PP, est clairement non atteint. Le retour d'information systématisé n'existe pas. Tous les acteurs (vétérinaires, éleveurs et leurs représentants, DD(CS)PP et Instituts) déplorent qu'aucun retour ou analyse ne soit fait sous forme d'une synthèse nationale opérationnelle. Outre l'information que la DD(CS)PP pourrait assurer en amont vers les vétérinaires, ce retour sur la campagne de l'année précédente permettrait également aux vétérinaires de répercuter cette synthèse aux éleveurs et de valoriser la visite auprès de ceux-ci. Les difficultés informatiques freinent l'efficacité, la fiabilité et la valorisation du dispositif. Tous les acteurs rencontrés par la mission ont fait état de difficultés informatiques à tous les niveaux du processus. Une liste des principales demandes des DD(CS)PP et des vétérinaires est établie : - hormis la vérification du service fait par les DD(CS)PP en consultant les dates de visites enregistrées dans Sigal, la procédure informatique de paiement des vétérinaires via Chorus est considérée comme très lourde ; - les listes d'éleveurs, de vétérinaires, intégrées dans Sigal ne sont pas à jour . Ni les DD(CS)PP, ni les vétérinaires sanitaires ne peuvent exporter, à partir de Sigal, la liste des élevages avec visite sanitaire faite. Cela oblige les vétérinaires sanitaires à consulter le listing des communes pour y visualiser les visites faites ou restant à faire : « Les vétérinaires souhaitent pouvoir imprimer la liste des visites restantes en un clic. » ; - à partir de Sigal, la visite sanitaire peut concerner un établissement (avicole) ou un atelier (porcs) ; dans les fermes multi espèces, la visite sanitaire peut être effectuée par plusieurs vétérinaires, chacun sur un atelier. Une difficulté similaire est identifiée par les vétérinaires car certains cabinets de groupe ont dénommé leur structure et les vétérinaires sanitaires apparaissent tantôt sous leur nom tantôt sous le nom de la structure avec des difficultés pour trier des listes reçues. La multiplication des bases de données et des données enregistrées ainsi que la diversité des ayants droit d'accès, avec un accès aux données en général refusé, sont un obstacle unanimement dénoncé en dépit du coût généré par cette multiplicité. Un tel foisonnement ne permet pas d'identifier par exemple, à partir des bases de données disponibles, les élevages en difficulté, les signaux d'alerte ou les données de production ayant un intérêt sanitaire qui devraient être à disposition des vétérinaires (par exemple connaissance du nombre de cellules dans le lait). Beaucoup d'informations utiles à la visite sanitaire pourraient être valorisées. En conclusion de ces signalements, la mission considère qu'il est fondamental de simplifier au maximum l'organisation informatique ou de rendre les bases de données interopérables. La lourdeur actuelle du dispositif est de nature à rebuter les vétérinaires praticiens mais aussi les agents des DD(CS)PP . La mission note encore que la « fracture numérique » concerne bon nombre de vétérinaires ruraux d'où la nécessité de conduire une réflexion rapide sur ce sujet . 4. Conduire une réflexion sur la périodicité de la visite sanitaire Une des recommandations du rapport de 2010 pour la visite sanitaire bovine était de revenir à une fréquence annuelle, ayant considéré alors que la fréquence biennale instituée en 2007 après une fréquence annuelle en 2005 avait cassé la dynamique et ne permettait pas d'atteindre l'objectif de constituer un réseau d'épidémiosurveillance. Cette recommandation a été suivie par la DGAL, mais, compte tenu de l'évolution des visites sanitaires et de plusieurs avis d'acteurs de terrain, la mission reconsidère cette périodicité à budget constant . La mission justifie cette position par les éléments suivants : - l'extension de la visite sanitaire à d'autres espèces multiplie d'autant le nombre de visites à préparer et à organiser ; - le renouvellement des thématiques est plus compliqué si la visite est annuelle ; - la pertinence du dispositif se mesure aussi au regard des actions entreprises à l'issue des bilans des visites et à leur évaluation. Ces actions pourraient être déployées au niveau national, régional ou départemental. Il pourrait être difficile de conduire ce travail tous les ans ; - seule la visite sanitaire bovine, appliquée au plus grand nombre de cheptels (180 000) est annuelle. Les autres visites (moins de 100 000 cheptels au total, y compris les cheptels de petits ruminants) sont biennales ; - lors du passage à l'annualité à budget constant, la visite bovine est rémunérée sur la base de 4 administrations de médicaments vétérinaires -AMV- (entre 8 et 16 AMV pour les autres visites), soit 55,40 euros hors taxes, qui couvrent le déplacement, la visite et l'enregistrement de 5 % des visites bovines. Certains vétérinaires ont mentionné qu'ils étaient payés comme des « employés de maison ». Une visite sanitaire bovine tous les deux ans (tous les ans sur la moitié des cheptels soit 90 000 cheptels par an) à budget constant permettrait de rémunérer les vétérinaires 8 AMV, comme pour les autres espèces, en prévoyant comme pour celles-ci, un enregistrement de données pertinentes, ce qui constitue un point très important ; - l'annualité et donc un entretien vétérinaire/éleveur d'une demi-heure pour des thématiques comme la fièvre aphteuse est acceptable car le message transmis par le vétérinaire est très encadré. Par contre, avec une thématique comme la biosécurité qui implique un dialogue entre l'éleveur et le vétérinaire portant sur la situation de l'éleveur, une durée d'entretien supérieure serait souhaitable. Des interlocuteurs rencontrés par la mission proposent d'alterner un schéma où il y aurait une visite annuelle mais avec une thématique sur deux ans : la première année serait consacrée à l'observation et à l'information, la seconde année au renforcement du message pour une meilleure appropriation par les éleveurs des informations transmises ou pour identifier les progrès accomplis dans les élevages où des dysfonctionnements ont été observés. Cette proposition se rapproche de la logique de l'audit : recommandation puis vérification du suivi des recommandations. 5. Le rôle de l'Anses est à clarifier Initialement l'Anses était chargée du traitement et de l'exploitation des données recueillies lors de la visite sanitaire bovine. Deux points principaux ont été évoqués avec l'Anses : celui de l'utilisation des données recueillies à partir de la visite sanitaire bovine, au travers de la plate-forme d'épidémiosurveillance ; celui de la thématique générale de la visite sanitaire appliquée à toutes les espèces. Pour l'Anses, la collecte et le traitement de données à partir des élevages au profit de la DGAL est importante et doit être améliorée, avec la difficulté de standardiser ce qui relève de constats liés à la variabilité des réponses possibles à la grille utilisée pour cette visite. Le choix aléatoire de 5 % d'élevages de bovins pour lesquels les données sont enregistrées par les vétérinaires sanitaires ne correspond pas aux critères applicables en matière d'épidémiosurveillance. L'Anses remet également en cause la pertinence d'une visite sanitaire qui concerne tous les élevages. Elle se positionne uniquement sur l'épidémiosurveillance, alors que les objectifs de la visite sanitaire sont plus larges. Son évolution vers l'épidémiosurveillance sans en intégrer les standards est regrettée par l'Anses. Des indicateurs factuels sont nécessaires mais la DGAL reste sur la notion moins ambitieuse d'outil de surveillance sanitaire passive , qui peut être définie comme l'ensemble de signaux d'alerte remontés par les vétérinaires. Depuis 2015, la synthèse des informations et données recueillies est faite par la SNGTV et l'Anses n'intervient plus en matière de visite sanitaire. Par ailleurs, l'Anses (Ploufragan) qui s'est impliquée dans la construction des grilles relatives aux visites sanitaires avicole et porcine regrette une évolution de ces grilles dans le sens d'une simplification par rapport au modèle initial ce qui aboutirait à plus de subjectivité de la part des vétérinaires et donc à des réponses peu précises, difficilement exploitables y compris sur des items relatifs à la biosécurité. Du point de vue de l'Anses, ce point est d'autant plus préoccupant que les synthèses nationales des visites sanitaires devraient informer les éleveurs sur leur positionnement par rapport à la moyenne nationale et les services et les vétérinaires sur les points d'amélioration souhaitables. Si les questions sont très larges, un vétérinaire peut passer à côté de points négatifs. L'Anses propose plusieurs pistes de réflexion : - choisir des thématiques ciblées, définies en fonction de l'analyse de risque effectuée sur une espèce, une catégorie d'animaux ... creusées à fond puis incrémentées au fil des visites successives ; - axer la visite sur la connaissance et l'enregistrement fiable des élevages : géolocalisation, typologie, facteurs de risques... ; - faire évoluer le dispositif vers la surveillance évènementielle et faire que la visite soit initialisée par les éleveurs sur des syndromes donnés, prédéfinis. Dans ce cas les vétérinaires devraient être particulièrement bien formés sur la thématique et la réalisation de prélèvements pourrait être envisagée. La direction de l'évaluation des risques de l'Anses met l'accent sur trois thématiques à développer dans le cadre de la visite sanitaire : - la surveillance en santé animale évolue vers une surveillance basée sur le risque : face à des phénomènes rares, la surveillance classique faisant intervenir des analyses n'est plus pertinente , il faut suivre d'autres indicateurs et faire participer les éleveurs. Les messages sont à adapter au contexte de proximité, le vétérinaire de l'éleveur est donc bien placé pour tenir ce rôle en termes de conseiller en matière de biosécurité et de bio surveillance ; - les règlements relatifs à la bien traitance en élevage, de plus en plus contraignants, vont bien au-delà du concept de protection animale et de la simple analyse des performances liée au respect des besoins physiques des animaux. Les textes intègrent désormais des besoins éthologiques . Le vétérinaire doit être en capacité de traduire cette obligation de résultats et d'expliquer aux éleveurs les indicateurs qui pourront avoir été définis pour suivre ces résultats. Les élevages à risques pourraient être ceux où les indicateurs évolueraient négativement ; - l'alimentation animale et la mise en oeuvre de nouvelles pratiques d'élevage comme alternative à l'utilisation de médicaments et en particulier d'antibiotiques est une thématique à prendre en compte en particulier pour le vétérinaire qui est aussi le prescripteur. La mission s'est interrogée sur l'intérêt qu'il y aurait d'une part à faire évaluer par l'Anses les questionnaires établis avec la SNGTV en particulier ceux en matière de biosécurité afin de valider la pertinence des questions au regard des dangers suspectés et l'analyse conduite par la SNGTV et d'autre part, les synthèses réalisées par la SNGTV. |