TROISIÈME TABLE RONDE
VIVIFIER LES SOURCES DE FINANCEMENT DES
ENTREPRISES :
QUELLES ÉVOLUTIONS POSSIBLES
Troisième table ronde - Vivifier les sources de financement des entreprises : quelles évolutions possibles
Introduction
Éric Doligé, Sénateur du Loiret
C'est pour moi un privilège de m'exprimer devant les forces vives des collectivités du Pacifique, afin de mettre en perspective la troisième table ronde de la journée, qui va traiter du financement de l'économie.
Deux thématiques spécifiques seront successivement abordées. Lors de la première séquence, il sera question de l'offre de crédit et de l'accès au crédit. Nous y aborderons la question des mécanismes de cofinancement et de sécurisation des prêts, ainsi que la diversification de l'offre afin de mieux prendre en compte les spécificités du tissu entrepreneurial.
Le chaînage des rôles des acteurs nationaux, tels que la BPI, a rencontré quelques difficultés pour se mettre en place dans les outre-mer. Quant à l'Agence française de développement (AFD) et aux acteurs locaux, tels que les banques ou la Société de financement du développement de la Polynésie française, la Sofidep, ils permettent de mieux répondre à la palette des besoins. Ils peuvent notamment soutenir la création d'une entreprise et le démarrage de son activité. J'ai pu constater, lors de mes déplacements, que les conditions bancaires, pour diverses raisons, sont souvent plus coûteuses en outre-mer.
Dans cette première séquence, il sera également abordé la question du micro-crédit, qui s'avère très importante dans les environnements où les très petites entreprises (TPE) sont nombreuses et où l'économie vivrière joue un rôle crucial dans le maillage territorial. Crédits et mécanismes d'incitation fiscale sont intimement liés. L'effet de levier de l'un sur l'autre apparaît bénéfique à l'investissement.
La seconde séquence s'intéressera par conséquent aux mécanismes fiscaux de soutien à l'investissement. Je souhaiterais souligner ici combien ces dispositifs sont cruciaux pour les petites économies insulaires de territoires dont le statut d'autonomie et la répartition des compétences ne rendent pas les projets et les entreprises éligibles à d'autres mécanismes de solidarité nationale, tels que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
Ayant été tour à tour rapporteur de la loi pour le développement économique des outre-mer, la « LODEOM », puis rapporteur spécial au nom de la commission des finances pour le budget des outre-mer pendant de nombreuses années, ainsi que rapporteur avec Serge Larcher d'un rapport sur l'impact des dispositifs de défiscalisation des économies ultramarines, j'en mesure toute l'importance, voire le caractère vital.
Notre rapport d'information, publié il y a tout juste deux ans, avait pour objet de démontrer l'impact territorial de la défiscalisation dans les différents secteurs productifs, pour contrer les coupes du ministère des finances au moment de la discussion de la loi de finances.
Le concept de défiscalisation passe souvent difficilement en période de disette financière. Il convient donc de rester particulièrement vigilant, et de protéger la défiscalisation tout en l'adaptant si nécessaire.
La délégation aux outre-mer de l'Assemblée Nationale et la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM) avaient porté haut et fort le même discours. Notre rapport d'information qualifiait l'aide fiscale à l'investissement en outre-mer de levier incontournable de développement. Nous avions alors eu des échanges fort instructifs avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Si des mécanismes de crédit d'impôt ont pu être mis en place dans l'Hexagone et dans les DOM, aucun produit de substitution n'a été inventé pour les territoires dotés de l'autonomie fiscale, alors que cela avait été un temps annoncé. Or ces territoires ont eux-mêmes mis en place, au titre de leurs compétences propres, des mécanismes d'aide fiscale complémentaires, qui permettent de majorer l'effet de levier. La Polynésie française a d'ailleurs récemment prorogé son dispositif jusqu'en 2025.
S'agissant du dispositif national, après les attaques, ce sont le malthusianisme du bureau des agréments et l'effet couperet de 2017 qui menacent l'investissement dans les collectivités. Je me permets de souligner la gravité de la situation pour les collectivités du Pacifique, au moment où elles vivent une période charnière et où la confiance dans l'avenir doit accompagner les évolutions institutionnelles en cours.
La semaine dernière, nous avons adopté le projet de loi qui proroge jusqu'en 2020 l'octroi de mer pour les départements d'outre-mer. Or la Commission européenne semble envoyer un mauvais signe au gouvernement français, en plaçant l'octroi de mer sous l'empire du règlement général d'exemption par catégories (RGEC). Nous devons donc nous montrer particulièrement vigilants quant au financement de nos outre-mer.
Je terminerai par un constat de bon sens : il est paradoxal que des mécanismes qui contribuent depuis plus de vingt ans à l'économie ultramarine et permettent de compenser des surcoûts structurels soient menacés d'extinction, au moment même où nous prenons conscience du potentiel exceptionnel des territoires terrestres et maritimes du Pacifique.