CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
Le réchauffement climatique qui affecte la planète est au moins deux fois plus important en Arctique. Ce faisant, il modifie profondément cette région et la vie en son sein. Cette vie est fragile, précaire et ne souffrait jusque-là que d'une pollution limitée. Elle est profondément affectée par la fonte de la banquise estivale, dont la réduction atteint un niveau record ces dernières années.
Or l'Arctique n'est ni fermé, ni isolé : il participe pleinement au fonctionnement et à la connaissance du climat mondial ; il joue un rôle fondamental dans les échanges de courants aériens et marins ou dans les transferts des espèces migratrices. Enfin, la fonte de l'inlandsis groenlandais aura des conséquences sur l'augmentation du niveau des mers qui pourrait entrainer la disparition de certaines îles et États du Pacifique.
Pourtant, bien que sa préservation constitue un enjeu mondial, ce sont les nouvelles possibilités induites par le réchauffement en Arctique même qui attirent l'attention.
La fonte des glaces rend en effet plus accessible les eaux de l'Océan Arctique et les richesses du sol et du sous-sol. Les estimations prometteuses concernant les hydrocarbures, les minerais; les possibilités de pêche, bien que parfois peu précises ou incomplètes, entrainent une spéculation parfois irrationnelle. Le fantasme ancien de voir se créer une troisième grande route maritime passant par le nord (est ou ouest) ressurgit. Le développement du tourisme de croisière se fait au mépris de certaines règles de sécurité.
Lorsque l'on étudie chaque secteur avec précision, on constate que chacun dispose d'un potentiel réel, mais encore très difficile à évaluer. Et de ce fait, la spéculation l'emporte sur l'analyse. L'exemple des routes commerciales est le plus frappant : des navires pourront circuler le long des routes du Nord-Ouest et du Nord-Est, mais ces deux axes ne vont pas concurrencer les passages par le Canal de Suez et le Canal de Panama. Il s'agira plutôt d'une navigation propre à l'Arctique (pêche, transport des ressources exploitées in situ), voire interne à chaque pays, notamment la Russie. De la même façon, un certain nombre de gisements miniers ou de gaz seront exploités, mais les ressources ne sont peut-être pas au niveau espéré par tous.
Ces activités, cependant, ne se feront pas sans risque, ni difficulté. Les conditions de l'activité dans le Grand Nord restent plus difficiles qu'ailleurs et, par conséquent, moins rentables. La concurrence d'autres régions où il est plus facile d'extraire le gaz ou les métaux pourrait s'imposer encore quelques années à la réalité arctique. Ainsi en est-il du pétrole : les techniques actuelles ne permettraient pas d'éviter une marée noire en Arctique en cas d'accident, aussi son extraction n'est pas si le prix du baril reste élevé, voire augmente encore en raison de l'épuisement de certains stocks, il est toutefois fort probable que les investissements en recherche et développement de techniques d'extraction augmenteront eux aussi.
En outre, l'Arctique reste une région peu réglementée : la navigation si particulière en région polaire ne dispose pas encore d'un corpus juridique adapté ; les pêcheries de l'océan arctique ne sont pas régies par une organisation de gestion des pêches à l'image de ce qu'il se fait sur les autres océans ; certaines zones de haute mer font l'objet de revendications de la part de plusieurs pays ; le Pôle Nord lui-même semble constituer un enjeu symbolique pour des États soucieux d'asseoir leur souveraineté dans la région ; la question de la libre circulation dans l'Océan Arctique devra être un jour tranchée.
Il y a peu de chance que ces revendications concurrentes débouchent sur un véritable conflit - armé ou non -entre nations, car la coopération s'applique depuis de nombreuses années en Arctique plus qu'ailleurs dans le monde.
Une certitude demeure : l'activité économique va s'accroitre dans les prochaines années. Elle n'ira pas sans son corollaire, l'augmentation de différentes formes de pollution sur un environnement des plus sensibles.