B. LES PAYS EUROPÉENS EN ORDRE DISPERSÉ

Alors qu'une véritable politique européenne concernant la région arctique tarde à voir le jour, les États membres s'intéressent à l'Arctique. Ils le font depuis plus ou moins longtemps et avec une implication plus ou moins grande. Alors que certains pays européens ont adopté une position définie concernant l'Arctique, d'autres, bien qu'intéressé par les évolutions de cette région, ont une stratégie moins affirmée.

1. Les pays ayant adopté une stratégie pour l'Arctique
a) L'Allemagne

Forte d'une longue expérience dans la recherche polaire, l'Allemagne s'intéresse depuis longtemps à l'Arctique. En 2013, elle a adopté des lignes directrices précisant sa stratégie concernant une région arctique en évolution. Et si sa coopération sur le sujet avec la France est ancienne, elle diversifie ses partenariats et mesure qu'un effort est encore nécessaire pour une meilleure coordination européenne.

(1) L'adoption d'une politique officielle du Gouvernement allemand concernant l'Arctique

En 2012, le gouvernement allemand s'est engagé dans une réflexion sur sa position d'observateur au sein du Conseil de l'Arctique, afin de répondre à deux besoins : acquérir une meilleure connaissance du fonctionnement de cette institution pour y accroître son influence, et coordonner les initiatives allemandes concernant l'Arctique.

Le Ministère des Affaires Étrangères allemand a eu la responsabilité de cette coordination, en coopération avec le bureau en charge de l'économie et du développement durable, et le bureau en charge de l'Europe.

Dans un document publié en octobre 2013, le Ministère des Affaires Étrangères allemand a présenté les « Directives pour une politique arctique allemande. Prendre des responsabilités, profiter des opportunités » (« Leitlinien deutscher Arktispolitik. Verantwortung übernehmen, Chancen nutzen »).

Dans ce document, le gouvernement fédéral allemand :

- reconnaît l'importance géopolitique, géo-économique et géo-écologique de cette région ;

- reconnaît le potentiel pour l'économie allemande et européenne et le défi écologique que représente l'exploitation des matières premières dans l'Arctique, qui doit se faire en appliquant les normes environnementales les plus strictes ;

- souligne l'importance d'appliquer le principe de précaution dans une région essentielle pour l'environnement mondial et préconise la création de zones protégées pour la conservation de la biodiversité ;

- considère que l'Allemagne peut contribuer à une expertise spécialisée en matière de recherche, de technologie et de standards environnementaux pour un développement durable, dans des partenariats de coopération dans l'économie maritime avec les pays riverains de l'Arctique ;

- intervient en faveur de la libre circulation des navires dans les eaux arctiques en conformité avec les plus hauts standards de sécurité et d'environnement ;

- s'engage dans une recherche ouverte en Arctique et des résultats partagés qui doivent sous-tendre l'action politique en Arctique ;

- préconise une utilisation pacifique de l'Arctique ;

- reconnaît les divers accords internationaux et régionaux servant de cadre juridique dans l'Arctique ;

- s'engage à protéger les droits des autochtones en Arctique dont celui à l'autodétermination pour leur habitat ;

- préconise une coopération multilatérale et reconnaît le Conseil de l'Arctique comme seul organe décisionnel régional « panarctique », tout en visant à renforcer le rôle d'observateur de l'Allemagne dans ce conseil ;

- soutient une politique européenne active de l'Arctique, incluant une cohérence globale sur les enjeux de l'Arctique dans la politique étrangère et la sécurité, sur les politiques de recherche, de protection de l'environnement, de l'énergie et des matières premières, de l'industrie et de la technologie, des transports et de la pêche.

L'Allemagne identifie donc que l'Arctique représente des enjeux économiques forts qu'il faut développer. Pour cela, elle s'appuie sur des entreprises déjà présentes dans la région et d'un tissu de PME qu'elle fédère et soutient.

Un certain nombre d'entreprises allemandes sont déjà impliquées dans des coopérations liées à l'exploitation des ressources en Arctique (minéraux et hydrocarbures). Siemens a par exemple récemment passé un accord avec le norvégien Statoil pour la modélisation et la réalisation de réseaux électriques (transformateurs, etc.) en eaux profondes. Aussi, plus de 100 PME installées en Allemagne, comme Bornemann, sont intéressées par les ressources minérales marines. L'Allemagne vend son savoir-faire technologique pour l'exploitation de ces ressources (pompes, senseurs...). La moitié de ces 100 PME sont déjà présentes dans les eaux nordiques. En outre, un consortium composé d'entreprises et de centres de recherche a bénéficié d'un financement du Ministère de l'Économie et de l'énergie pour le développement d'un robot multifonctionnel sous-marin destiné aux eaux profondes.

Le gouvernement allemand promeut le savoir-faire de ses PME en matière de technologie environnementale appliquée à une économie durable au travers d'actions de réseautage. Ainsi, les entreprises allemandes sont régulièrement conviées à des réunions d'information sur l'Arctique.

Au-delà de ce volet économique, l'Allemagne juge primordial le renforcement de son rôle au Conseil de l'Arctique.

Constatant que contrairement aux « Task forces » mises en place par le Conseil de l'Arctique et auxquelles seuls les experts des pays membres du Conseil peuvent contribuer, les groupes de travail d'experts, eux aussi mis en place ont été identifiés comme les seules entités dans lesquels les pays observateurs peuvent contribuer directement.

L'Allemagne souhaite contribuer à une expertise dans le groupe de travail consacré à la « Prévention des urgences, préparation et réaction » (qui vise notamment la gestion des fuites sur des plates-formes de forage). De surcroît, elle voudrait que la Task Force dédiée à la recherche soit ouverte aux pays observateurs afin de pouvoir contribuer à l'agenda et influencer la politique d'accès à l'Arctique pour les chercheurs. Mais comme beaucoup de pays observateurs, elle se heurte à la réticence de certains États membres du Conseil de l'Arctique quant à l'accroissement de sa présence. Pourtant l'Allemagne jouit d'une certaine légitimité qu'elle doit à une longue expérience de recherche polaire.

D'ailleurs, l'Allemagne coopère avec plusieurs pays nordiques et de manière étroite avec le Canada et la Russie. En plus de leurs travaux conjoints sur le terrain, comme par exemple la mise à disposition gracieuse des infrastructures de la toute nouvelle base sibérienne de Samoulov), la structure russe dédiée aux sciences polaires (AARI) possède un laboratoire germano-russe, le laboratoire « Otto Schmidt ».

(2) Une existence ancienne de la recherche polaire allemande

Les chercheurs allemands sont présents dans la région du Svalbard depuis 1988 (depuis 1963 pour les Français avec la base Charles Rabot). En 2010, près de 80 millions d'euros avaient été consacrés à la recherche au Pôle Nord par le Gouvernement fédéral et l'agence fédérale pour la recherche (DFG).

En plus de la politique globale du gouvernement, le Ministère de l'Éducation et de la recherche a établi en coopération avec le Comité scientifique pour la recherche en Antarctique et le Comité scientifique international pour l'Arctique, une stratégie pour l'Arctique. Ce document datant de 2011 et intitulé « Changements rapides dans l'Arctique : la recherche polaire dans une responsabilité globale » , précise les principaux points de la stratégie de recherche dans l'Arctique :

- développement du climat passé, présent et futur dans l'Arctique ;

- impact de la calotte glacière du Groenland sur l'élévation du niveau de la mer ;

- réduction de la banquise arctique et impact sur l'atmosphère et l'écosystème arctique ;

- pergélisol et hydrates de gaz et la machine climatique ;

- adaptation des organismes polaires à l'environnement arctique en mutation ;

- opportunités et risques associés à une exploitation économique croissante de l'Arctique.

Le succès de la présence de la recherche allemande en Arctique est principalement dû à un réseau d'organismes de recherche fortement impliqués . On distingue :

• AWI

L'Institut Alfred Wegener (AWI), est le plus important Centre Helmholtz pour la recherche polaire et marine. Cet institut scientifique allemand situé à Bremerhaven, dans le nord de l'Allemagne fut fondé en 1980. L'institut a des stations de recherche en Arctique et en Antarctique. Pour l'AWI, la recherche polaire devrait à l'avenir :

- intégrer les sciences naturelles et humaines afin d'intégrer des paramètres socio-économiques. Des domaines en dehors du champ « classique» des sciences polaires devraient être envisagés ;

- améliorer l'observation des deux régions polaires par l'utilisation de nouvelles technologies marines et terrestres en complément des mesures par satellite ;

- améliorer la coordination internationale des infrastructures polaires afin de pouvoir assurer l'accès à des zones reculées. La coordination générale de la recherche polaire devrait se faire par des projets « flagships », sur lesquels viendraient s'appuyer d'autres projets. En effet, selon la directrice de l'AWI, la recherche dans les régions polaires est trop onéreuse pour être menée par une nation seule ;

- encourager la mise en commun des données à l'échelle européenne et internationale. Cependant plusieurs aspects légaux doivent être abordés avant une mise en accès libre et total des données ;

- coopérer pour un enseignement adapté. En effet, le paysage de la recherche en Arctique devra se doter de nouveaux profils d'ici 2030. Ainsi ingénieurs, spécialistes du droit scientifique, physiciens, économistes devront rejoindre les rangs des océanographes, biologistes, chimistes, météorologues, etc.

Une des dernières campagnes de son vaisseau de recherche « Polarstern » vise à étudier pourquoi la calotte glaciaire croît en Antarctique afin d'expliquer sa diminution en Arctique. L'épaisseur de cette dernière est seulement partiellement connue. L'AWI a mis en place un programme de recherche avec le Canada, pour une observation sur long terme de l'Arctique (Projet ARICE) notamment pour combler son besoin important de d'information concernant la biodiversité sous la banquise.

Par ailleurs, l'AWI participe au project Robex ( Robotische Exploration unter Extrembedingungen - Exploration robotique en conditions extrêmes). Ce projet est destiné à l'exploration aérospatiale mais aussi aux fonds marins. Les technologies développées pourront servir à l'exploitation des ressources au fond de l'Océan Arctique.

Selon Karin Lochte, directrice de l'AWI, l'Allemagne aurait besoin d'un programme de recherche polaire adapté aux nouveaux enjeux de la région. Une stratégie antarctique devrait venir compléter celle alors développée pour l'Arctique. La directrice précise que ce programme devrait être soutenu financièrement par le gouvernement dans son ensemble et pas uniquement par le BMBF.

• KDM

Le consortium pour la recherche marine (Konsortium Deutsche Meeresforschung - KDM) réunit de grandes institutions de recherche allemandes dans les domaines l'océanographie, côtière ou polaire. Le KDM comprend seize membres. Il est dirigé par la directrice de l'AWI.

• BGR

L'Institut fédéral des géosciences et des ressources naturelles ( Bundesanstalt für und Rohstoffe Geowissenschaften ou BGR) est un organisme allemand sous tutelle du Ministère fédéral de l'Économie et de l'énergie. Il agit comme institution de référence et d'expertise en géosciences pour le gouvernement fédéral allemand. L'agence a son siège à Hanovre et possède un bureau à Berlin.

En plus des thématiques couvertes dans le cadre du programme CASE (décrit ci-après), les objectifs du BGR dans l'Arctique sont :

- l'étude de la dorsale médio-océanique de l'océan Arctique ;

- l'étude du potentiel des ressources de la mer de Laptev ;

- l'Oural polaire et ses ressources minérales (chromite et éléments du groupe du platine) ;

- les recherches sur le pergélisol.

• GEOMAR

Situé à Kiel, GEOMAR, Centre Helmholtz pour la recherche océanique, est l'un des principaux instituts dans le domaine des sciences marines sur le plan international. L'institut étudie les processus chimiques, physiques, biologiques et géologiques des fonds marins, les océans et les marges océaniques et les interactions avec l'atmosphère. Ce large spectre de recherche confère à GEOMAR un caractère unique en Allemagne, en établissant le lien, au sein d'une même institution, entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.

Ses principales thématiques de recherche au Pôle Nord sont :

- la banquise et l'ozone stratosphérique : liens et incidences de l'Arctique et de l'Antarctique ;

- le changement climatique mondial et l'impact sur l'eau douce en Arctique ;

- la variabilité du climat en hautes latitudes ;

- l'Arctique au temps de l'Holocène ;

- la circulation océanique et le climat.

Cette tradition passe aussi par une coopération franco-allemande bien vivace.

(3) Une coopération franco-allemande réelle, mais qui ne peut se développer faute d'une bonne coordination européenne

La coopération franco-allemande dans le domaine de la recherche polaire fonctionne bien et depuis longtemps. Néanmoins, son développement à travers des programmes européens se heurte à un manque évident de coordination.

En bilatéral, si l'Allemagne est le premier partenaire de la France en matière de coopération de recherche, ceci s'applique aussi à la recherche en Arctique. En plus de nombreux projets de recherche (convention de coopération bilatérale entre l'Ifremer et l'AWI), les deux pays partagent une base commune (AWIPEV) à Ny-Ålesund au Svalbard, officiellement depuis 2003, mais pratiquement depuis 1991. La base dépend du côté français de l'Institut polaire français Paul Émile Victor (IPEV) et du côté allemand de l'AWI. Chaque année, la station accueille environ 130 à 150 scientifiques venus d'Allemagne et de France. L'année 2013 a permis de célébrer deux événements significatifs dans la station AWIPEV : le dixième anniversaire de la coopération entre les deux centres de recherche, et la certification de qualité scientifique de la station pour sa contribution au réseau de données climatiques GRUAN. Ce réseau a pour but d'uniformiser la collecte mondiale de données afin de garantir des prévisions climatiques de plus en plus fiables.

Chaque année, un séminaire franco-allemand dédié à la recherche en Arctique est organisé alternativement en France (Brest en 2013) et en Allemagne (Bremerhaven en 2012). Les sciences qui y sont présentées sont aussi bien sociales ou naturelles. En 2013, le Groenland et le Svalbard étaient à l'honneur. Lors du séminaire de 2012, l'AWI s'est engagé à partager ses infrastructures de recherche (laboratoires, etc.) et ses moyens de transports (avions, bateaux d'exploration) dans le cadre de collaborations de recherche avec la France. La prochaine rencontre devrait se dérouler à Potsdam en novembre 2014.

Lors d'une conférence dédiée à l'Arctique à l'ambassade du Canada à Berlin en janvier 2014, plusieurs acteurs importants de la recherche polaire allemande ont manifesté leur intérêt de travailler avec la France et de bénéficier de l'expérience avancée de l'Ifremer et de l'IPEV pour uniformiser les protocoles et les méthodes de mesure. En effet, la standardisation des méthodes de mesure est essentielle pour une comparaison scientifiquement significative des données recueillies par les différents instituts, dans différents pays.

À noter qu'il existe de multiples collaborations bilatérales établies en dehors des grands projets. Par exemple, le Dr. Andreas Läufer, du BGR collabore actuellement avec le Dr. Loic Labrousse de l'Institut des Sciences de la Terre à Paris et de l'Université Pierre et Marie Curie. En 2011 et 2013, le Dr. Labrousse a pris part aux expéditions du BGR dans les îles sibériennes ainsi que le territoire du Yukon, le tout dans le cadre du programme CASE (Circum-Arctic Structural Events).

La France et l'Allemagne collaborent également dans les programmes européens suivants :

- Le programme ACCESS (Arctic Climate Change Economy and Society) (2011-2015)

Il s'agit d'un projet soutenu par la Commission européenne. Son principal objectif est d'évaluer les impacts des changements climatiques sur le transport maritime (y compris le tourisme), la pêche, les mammifères marins et l'extraction des ressources (pétrole et gaz) dans l'océan Arctique. ACCESS met également l'accent sur la gouvernance en Arctique et les options stratégiques politiques. Ce projet compte 27 participants dont 10 pays européens (parmi lesquels, la France).

- Le programme CASE (Circum-Arctic Structural Events)

Débuté en 1992, le programme CASE s'est inspiré de travaux réalisés en antarctique et vise l'étude de la géodynamique des marges de l'océan Arctique. Cet océan est une cible du BGR sur une échelle supra-régionale. Les objectifs de ce projet, qui impliquent de nombreux pays, incluent : l'étude de l'ouverture initiale de l'océan Arctique et le magmatisme connexes au développement des bassins sédimentaires ; les causes du développement des structures de contraction dans l'Arctique et l'extension géologique contemporaine (ceinture de plissement des Spitzbergs).

- Le Centre Européen pour l'Arctique (CEARC)

Depuis sa création en 2009 par l'université de Versailles, le laboratoire « Cultures, Environnements, Arctique, Représentations, Climat » est engagé dans de nombreux partenariats, inclus avec des organismes allemands.

Toutefois et plus largement, le gouvernement allemand considère que le manque de coordination des affaires « arctiques » au niveau européen et plus généralement, l'absence d'une politique vis à vis de cette région, empêche l'Europe de jouer un rôle significatif au sein du Conseil .

Deux sujets sur lesquels le gouvernement allemand souhaiterait un front commun des principaux pays européens concernés (dont la France et la Grande-Bretagne) sont l'uniformisation des procédures d'accès aux zones arctiques pour les chercheurs (qui doivent actuellement faire face à autant de procédures qu'il y a de pays membres du Conseil) et l'application de standards environnementaux identiques pour toutes les recherches conduites dans cette région et par tous les chercheurs.

b) Le Royaume-Uni

Le Gouvernement britannique a publié en octobre 2013 une stratégie pour l'Arctique intitulée « S'adapter au changement - la politique du Royaume-Uni pour l'Arctique ( « Adapting to Change - UK policy towards the Arctic »).

L'objectif premier est d'affirmer que le Royaume-Uni a des intérêts légitimes dans l'Arctique, en tant qu'État non-arctique géographiquement le plus proche de la région, mais aussi en tant qu'acteur global. Le document dresse ainsi l'inventaire des positions existantes du Royaume-Uni concernant l'Arctique.

Cependant, il ne cherche pas à donner d'impulsion politique nouvelle. Il s'agit d'asseoir la légitimité du Royaume-Uni sur les questions arctiques sans heurter les partenaires régionaux - Russie et surtout Canada, tout en répondant aux attentes des pays nordiques qui ont souvent reproché aux Britanniques de ne pas en faire assez.

C'est également un outil interne, le processus de rédaction ayant suscité la mise en place d'un réseau interministériel rassemblant les six ministères britanniques concernés à des degrés divers par les politiques arctiques. Or ce document est l'aboutissement d'un long et fastidieux travail.

En effet, la rédaction d'une stratégie du gouvernement britannique sur l'Arctique a constitué un serpent de mer de l'administration au cours des cinq dernières années. Elle a été plusieurs fois reportée, notamment lorsque la candidature de l'Union européenne comme observateur du Conseil de l'Arctique a été rejetée en 2009. Un groupe interministériel sur l'Arctique avait toutefois été mis en place et s'était réuni deux fois par an au cours des dernières années, sous la houlette du Polar Department du FCO. Il rassemblait six ministères : Affaires étrangères, énergie et changement climatique, Défense, Transports, Environnement et Commerce. C'est la publication en 2011 d'un rapport de la Commission parlementaire sur l'environnement, qui avait fini par décider l'administration à publier un document de référence.

Le Ministère des Affaires étrangères en a coordonné la rédaction, associant les partenaires du groupe interministériel et les ambassades britanniques dans les pays-clefs de la région. Deux consultations ont eu lieu avant la validation du document final :

- la première avec les représentants des ambassades des huit États arctiques ; leur réaction a été globalement positive ; les Canadiens n'ayant pas fait de difficultés ;

- la deuxième avec les acteurs de la société civile concernés au Royaume-Uni, suscitant l'avis favorable des entreprises, de nombreuses critiques des ONG et une réponse mitigée de la communauté scientifique en raison du caractère très général du document.

Hormis l'inclusion d'un paragraphe concernant les questions de sécurité de la région arctique, très peu de modifications ont été apportées au document final, qui a été validé par l'organe d'arbitrage interministériel du gouvernement (Cabinet Committee) avant publication.

Le contenu du document est délibérément consensuel. Le Royaume-Uni préconise une politique respectueuse des droits souverains des États arctiques, des peuples autochtones et de l'environnement, et limite son ambition à un rôle de leadership dans le domaine de la recherche et de la protection de l'environnement.

Le document présente l'Arctique comme une question complexe et déconstruit l'image généralement véhiculée dans le débat public d'un environnement vierge rendant incompatible préservation et exploitation commerciale.

La stratégie met en avant trois dimensions :

• Une « Dimension humaine »

- coopération avec les États arctiques de façon à assurer la gouvernance et la sécurité de la région ;

- influence dans les décisions du Conseil Arctique et ouverture du dialogue à d'autres nations dans tous les dossiers d'importance globale ;

- défense de la région par le biais de la coopération bilatérale avec les États arctiques ainsi que par les accords de l'OTAN.

• Une « Dimension environnementale »

- promotion de la coopération scientifique afin de protéger l'environnement en Arctique ;

- développement d'une politique environnementale fondée sur des données scientifiques ;

- diminution des émissions au Royaume-Uni de gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone et le méthane ;

- activités commerciales contraintes aux normes environnementales les plus strictes et s'appuyant sur le principe de précaution.

• Une « Dimension commerciale »

- pour les Britanniques, il ne fait aucun doute que l'activité commerciale en Arctique se développera dans les prochaines années ;

- afin d'éviter toute catastrophe naturelle, le Royaume-Uni plaide pour une action responsable de la part des entreprises.

Au final, cette « politique » n'est pas vraiment une. Le document adopté ne constitue pas à proprement parler un plan d'action. Il vise plus certainement à ménager la susceptibilité de partenaires arctiques importants et à rappeler la légitimité britannique dans une région au voisinage direct . Pourtant le Royaume-Uni aurait pu s'appuyer sur la réputation de sa recherche scientifique en matière polaire, respectée par les États arctiques.

Elle s'appuie notamment sur 77 institutions (dont 46 universités et 20 instituts de recherche) qui produisent plusieurs centaines d'articles scientifiques chaque année. Elle s'organise également autour d'un certain nombre d'instituts de pointe.

Un Bureau arctique existe depuis 2009 au sein du Natural Environment Research Council ( NERC). Il a pour but d'apporter son soutien aux chercheurs britanniques en Arctique, de représenter le Royaume-Uni dans les forums internationaux, de promouvoir la recherche britannique et de gérer la coopération scientifique avec le Canada. L'enveloppe allouée à l'Arctique par le NERC a vu sa valeur augmenter au cours des dernières années, s'élevant à plus de 50 millions de livres en 2012.

Par ailleurs, un programme spécifiquement centré sur l'Arctique, l'Arctic Research Programme , doté de 15 millions de livres sur la période 2010-2016, a été créé en 2010 dans le but de : comprendre les rapides changements de l'Arctique ; quantifier les processus à l'origine de la décharge de méthane et de CO 2 dans l'atmosphère ; réduire les incertitudes liées au climat et les prédictions biogéochimiques associées ; évaluer les risques sous-marins potentiels.

En outre, depuis 1991, une station de recherche est active à Ny-Ålesund (UK Arctic Station), dans l'archipel norvégien du Svalbard, à partir de laquelle sont menées des opérations scientifiques dans les domaines de la glaciologie, de l'hydrologie, de la biologie terrestre et marine et de la physique atmosphérique.

Pour sa part, le British Antarctic Survey (BAS), centre de recherche dépendant du NERC, mène également des activités dans la région arctique. 5% de son budget de recherche est alloué à la recherche en Arctique. Il fournit des capacités logistiques indispensables et dispose notamment de deux navires adaptés aux régions polaires : le James Clark Ross qui passe 70 jours par an dans la zone occidentale de l'Arctique et l'Ernest Shackleton, exploité en collaboration avec une compagnie norvégienne, ainsi qu'une flotte d'avions.

Enfin, le Scott Polar Research Institute , qui dépend du département de géographie de l'Université de Cambridge, est également un centre d'excellence de la recherche polaire, surtout dans les domaines des sciences sociales et humaines. Il joue un rôle important dans la définition des politiques publiques combinant des éléments de recherche en histoire, ethnographie et économie.

Au plan européen, le Royaume-Uni participe aux projets ACCESS et SIOS.

2. Les autres pays européens intéressés par l'Arctique

Bien qu'ils n'aient pas élaboré de politique pour l'Arctique ou de stratégie, trois États membres de l'union européenne sont présents à divers titres sur la scène arctique. Il s'agit de l'Italie, de la Pologne et des Pays-Bas.

a) L'Italie

Le positionnement général de l'Italie vis-à-vis de l'Arctique s'articule autour des trois objectifs suivants :

- être présente (dynamisme des activités de recherche et participation aux coopérations internationales visant à l'observation de la région et à la protection de l'environnement ; participation aux travaux du Conseil de l'Arctique) ;

- ne pas contrarier la Russie, grand partenaire stratégique ;

- enfin et surtout, promouvoir les intérêts d'ENI, très engagée dans la zone, notamment en plaidant pour une intégration des opérateurs économiques au Conseil de l'Arctique.

Comme l'Allemagne et le Royaume-Uni et comme la France, l'Italie a une longue tradition d'exploration et de recherche en Arctique qui remonte aux expéditions des années 1920. Depuis, l'intérêt scientifique de l'Italie pour le pôle Nord n'a cessé de se développer.

Elle est, en effet, bien implantée en Arctique et s'investit activement dans la recherche :

- s'agissant de sa contribution aux projets de coopération internationale, l'Italie a participé aux efforts visant à établir des réseaux mondiaux d'observation du cercle polaire, comme le SAON (Observatoire en réseau de l'Arctique durable) et le CBMP (Circumpolaire Programme de surveillance de la biodiversité) ;

- en 1998, l'Italie et la Norvège ont signé un accord intergouvernemental sur la science en Arctique, qui comprend les principales institutions de recherche scientifique italiennes et norvégiennes (PNRA-Programme antarctique italien, CNR, ENEA et INGV pour l'Italie), et de nombreuses activités de coopération (en biologie, physique de l'atmosphère et supports logistique) ;

- L'Italie a rejoint, également en 1998, l'International Arctic Science Committee (IASC). De 2006 à 2009, elle a assuré la présidence de l'European Polar Board et, de 2002 à 2006, celle du Ny-Ålesund Science Manager Committee (NySMAC) ;

- depuis 1997, l'Italie possède la base Arctique « Dirigibile Italia » gérée par le CNR. Il s'agit d'une station de recherche multidisciplinaire (biologie, marine, physique de l'atmosphère, études environnementales, biologie de l'homme, médecine), située à Ny-Ålesund dans l'archipel norvégien du Svalbard. Le CNR fait également partie de l'International User Group du Laboratoire Marin de Ny-Ålesund. Toutes ces activités sont conformes à l'Arctic Monitoring and Assessment Programme (AMAP), groupe de travail du Conseil de l'Arctique ;

- la compagnie nationale d'hydrocarbures, la puissante ENI, soutient un grand nombre de projets de recherche sur la sensibilité écologique de la région Arctique, y compris sur le rapport entre les communautés locales et les activités effectuées sur leur territoire. En réponse aux enjeux environnementaux de la mer de Barents (une des zones qu'elle exploite), ENI a financé des projets de recherche à hauteur de 4,8 millions d'euros sur le développement de technologies respectueuses de l'environnement et de procédures durables.

Or, c'est précisément ENI qui est l'acteur clé italien dans la zone Arctique, notamment dans l'entretien de bonnes relations avec la Russie.

Et les enjeux en Arctique sont importants pour ENI qui prévoyait, en octobre 2012, d'y investir 3 milliards d'euros dans les quatre années à venir. En effet, ENI prévoit une production, en 2015, supérieure à 300 000 barils /jour et, en 2022, égale à 400 000 barils/jour. ENI opère dans trois zones arctiques : la Russie, les États-Unis et la Norvège. C'est toutefois le partenariat avec la compagnie russe Rosneft, qui semble le plus prometteur (accord du 26 novembre 2013).

Par ailleurs, Paolo Scaroni, administrateur délégué d'ENI s'est rendu au troisième Forum international « Arctique : territoire de dialogue » en septembre 2013, organisé par la Société géographique de Russie et consacré à la sécurité écologique. ENI a d'ailleurs participé aux deux précédentes éditions consacrées au potentiel énergétique (2009) et à la protection environnementale (2011).

Ainsi, l'entreprise est présente dans les différents pays arctiques :

- en Norvège, ENI opère à travers Eni Norge AS, depuis 1965, avec une production de 110 milles barils par jour. Il possède 13 licences en tout sur la zone et opère dans le gisement de pétrole Goliat, découvert en 2000, dont ENI possède 65 % et qui sera opérationnel fin 2014 (réserves de pétrole exploitables pendant 15 ans et d'autres découvertes sont à prévoir selon ENI : 174 millions de barils et 8 milliards m 3 de gaz). Le gisement de gaz Marulk, dans la Mer de Norvège, est opérationnel depuis avril 2012. Par ailleurs, ENI a découvert, en 2011 et en 2012, les gisements de pétrole Skrugard et Johan Catsberg ;

- ENI est arrivé en Alaska dans les années 1960 mais s'est intéressé plus particulièrement à la région à partir des années 2000 (achat de parts chez Armstrong Alaska et Kerr-McGee Corp). ENI s'est concentrée, avec un plan de 1,4 milliard d'investissement, sur le champ de Nikaitchuq qu'il possède entièrement. La production a commencé en 2011 et ENI estime pouvoir récupérer 220 millions de barils de pétrole. Des forages ultérieurs autour du site sont prévus ;

- en Russie, le 25 avril 2012, ENI a signé avec la compagnie russe Rosneft, sous le patronage de Vladimir Poutine, une collaboration pour explorer les réserves de la mer de Barents russe (Rosneft : 66,6 % des parts et ENI 33,3 %). ENI est à la recherche de pétrole offshore et l'Arctique possède des ressources qui, dans le futur, substitueront les gisements onshore. Cet accord économique bilatéral ouvre les portes de l'Arctique à l'ENI : « cette opération marquera le futur d'ENI sous le signe de l'exploration », selon Paolo Scaroni. Il est prévu qu'ENI assure le financement des premières études géologiques à hauteur d'un milliard jusqu'en 2020. Si l'exploration est concluante, Rosneft et ENI se partageront le pétrole trouvé (deux tiers, un tiers). Le projet de prospection dans la Mer de Barents pourrait marquer, dans une perspective de moyen-long terme, l'insertion d'ENI au sein d'importantes dynamiques au Pôle Nord. Pour P. Scaroni, « ENI a investi beaucoup en Arctique, surtout dans la mer de Barents, en zone russe et en Alaska car c'est un marché intéressant et compétitif même si l'extraction y est très coûteuse ».

De ces développements, il résulte que l'action politique de l'Italie en Arctique manque d'ampleur et se cantonne à assurer les intérêts d'ENI et à ménager la Russie, partenaire jugé stratégique.

L'Italie voit dans son admission en mai 2013 comme membre observateur permanent au Conseil de l'Arctique une double reconnaissance : celle de sa longue tradition de participation aux études sur l'Arctique et celle de l'intérêt des entreprises italiennes dans la recherche appliquée en faveur de la région. L'Italie participe également, en tant qu'observateur permanent, aux activités du Conseil de la mer Baltique et du Conseil de la mer de Barents.

Elle suit de près l'évolution du Conseil Arctique et l'impact que son élargissement à de nouveaux membres peut avoir sur les problématiques qui y sont traitées. Rome s'efforce ainsi d'adapter sa stratégie à cette évolution et entend montrer qu'elle mérite sa place au Conseil et se dit prête à faire davantage, dans les limites du statut d'observateur, l'un des principaux enjeux étant de développer le droit de parole des États observateurs comme ont pu le souhaiter par exemple la Norvège ou le Danemark, membres de plein droit du Conseil. Le souhait de l'Italie serait "d'en profiter sans abuser" mais de ne pas laisser passer l'occasion.

À moyen terme, regrettant qu'il n'y ait aujourd'hui pas assez de dialogue entre toutes les parties prenantes au sein du Conseil, l'Italie souhaiterait que les opérateurs économiques des États observateurs qui ont de grands intérêts en Arctique puissent aussi y participer. Cet objectif concerne tout particulièrement ENI.

Sur les projets de protection de l'environnement dans l'Arctique, les autorités italiennes laissent faire ENI, qui avait réalisé des investissements de long terme pour ne pas perturber l'écosystème et pour respecter les droits des populations autochtones. Un projet de soutien à la biodiversité sous-marine arctique est mis en place depuis 2007 par ENI Norge par exemple. De même, le 21 juin 2013, ENI et Rosneft signent une déclaration de protection de l'environnement et de la biodiversité en Arctique. Un centre de coordination avec les autorités russes (transport, sécurité civile, catastrophes naturelles) pourrait être mis en place.

L'Italie n'entend clairement pas "endommager" sa relation avec la Russie et ENI constitue dès lors l'acteur idoine.

b) Les Pays-Bas

La stratégie des Pays-Bas dans la région arctique s'inscrit dans le cadre plus large de sa stratégie pour les régions polaires, établie pour la période 2011-2015 adoptée par le parlement néerlandais en 2010.

Quatre ministères sont chargés de mettre en oeuvre conjointement cette stratégie : Ministère des Affaires étrangères ; Ministère des Affaires économiques, de l'agriculture et de l'innovation ; Ministère des Infrastructures et de l'environnement ; Ministère de l'Éducation, de la culture et des sciences. Ils financent avec l'Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique, le Programme polaire des Pays-Bas qui organise et met en oeuvre les activités de recherche néerlandaises dans les pôles.

Les principes qui sous-tendent l'action des Pays-Bas dans la région arctique sont les suivants : promotion de la légalité internationale, protection de la nature et de l'environnement, lutte contre le changement climatique, prise en compte des intérêts économiques des Pays-Bas et de l'Union européenne (en particulier dans les secteurs du pétrole, du gaz et de la pêche).

Les Pays-Bas se disent satisfaits du cadre légal dont bénéficie la région arctique. Ils ne sont pas favorables à la négociation d'un traité spécifique sur l'Arctique, à l'image de ce qui existe pour l'Antarctique.

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, l'action de l'Organisation maritime internationale et du Conseil de l'Arctique, leur paraissent suffisantes pour assurer la protection de la région. Il s'agira, dans ce cadre légal et au sein de ces organisations, de définir des normes contraignantes relatives aux activités de navigation, de pêche et d'extraction de gaz et de pétrole. La Haye est opposée à toute activité de pêche et d'extraction dans l'Arctique tant que des normes précises et des mécanismes contraignants n'auront pas été définis pour assurer la préservation de la région.

Ayant le statut d'observateur au sein du Conseil de l'Arctique, les Pays-Bas cherchent à peser sur les orientations prises au sein de cette organisation de deux façons :

- à travers une étroite concertation avec les Britanniques, les Allemands et les Polonais, qui font comme eux partie des "like-minded" participant à la réunion annuelle organisée à Varsovie sur la région arctique ;

- une représentation au sein des groupes de travail scientifiques du Conseil de l'Arctique. Les Néerlandais ont des experts présents dans les groupes AMAP (monitoring et évaluation), CAFF (conservation de l'Arctique), SDWG (développement durable).

S'agissant des perspectives économiques en Arctique, le gouvernement néerlandais entretient un dialogue étroit avec les entreprises néerlandaises dont certaines ont aussi le statut d'observateur au sein du Conseil de l'Arctique (en premier lieu Shell).

Les Pays-Bas estiment que l'Union européenne pourrait jouer un rôle accru dans la préservation de la région arctique et permettre des synergies entre pays-membres. Ils sont favorables à ce que l'Union européenne obtienne le statut d'observateur au sein du Conseil de l'Arctique.

c) La Pologne

En dépit d'une présence humaine certaine et d'une volonté d'exercer une plus grande influence politique en Arctique, la Pologne doit encore définir une stratégie pour la région.

(1) Une présence grandissante en Arctique

La diaspora polonaise dans les pays arctiques est importante. Le Ministère des Affaires étrangères polonais (MSZ) l'évalue à 100 000 ressortissants en Norvège, 100 000 en Suède et 30 000 en Islande. Les Polonais constitueraient la deuxième communauté d'Islande.

Plusieurs entreprises polonaises sont déjà présentes dans la zone arctique. L'entreprise d'État PGNiG, spécialisée dans l'exploration et la production pétrolière et gazière, est implantée en Norvège, en particulier sur le champ gazier et pétrolier de Skarv. Plusieurs entreprises industrielles (comme KGMH, producteur de cuivre et d'argent) sont implantées au Groenland et au Canada.

Enfin, la présence scientifique polonaise dans la zone arctique est ancienne, développée et reconnue :

Depuis 1978, la Pologne dispose de la Station polaire permanente de Hornsund, dans l'archipel du Svalbard. Des scientifiques polonais étaient présents dans cette zone depuis 1957. Cette base, gérée par l'Académie des sciences polonaises, la PAN, peut accueillir jusqu'à 25 personnes. Ses spécialités sont : le géomagnétisme, la surveillance de l'environnement, la sismologie, la météorologie et la glaciologie.

Un laboratoire multidisciplinaire, « PolarPol », a été créé en 2011 par la feuille de route polonaise pour les infrastructures de recherche, pour fédérer les recherches polaires.

L'Institut océanographique de l'Université de Gdansk, à Sopot, affrète depuis 1979 un navire de recherche : Oceanograf 2.

Chaque année, selon le MSZ, les scientifiques polonais publient plus de cent articles issus de leurs recherches sur l'Arctique.

(2) La volonté d'accroître l'influence polonaise au Conseil de l'Arctique

D'après le Ministère des Affaires étrangères polonais, la réunion du Conseil Arctique de Mai 2013 à Kiruna, en Suède, marque un tournant dans l'histoire de cette enceinte. La déclaration finale prévoit le renforcement de l'institution et l'implication croissante du Conseil dans la gouvernance de la zone s'est traduite par la conclusion d'un deuxième accord juridiquement contraignant (Accord de coopération pour le traitement des pollutions maritimes aux hydrocarbures).

À mesure que le poids politique et institutionnel du Conseil de l'Arctique augmente, celui des pays observateurs, dont fait partie la Pologne, semble diminuer. Cette évolution tient également à des facteurs matériels, comme l'absence de temps pour organiser des réunions bilatérales en marge des réunions du Conseil. Par ailleurs, les réunions organisées périodiquement au niveau des sous-secrétaires d'État permettent un dialogue, mais insuffisamment substantiel aux yeux du MSZ.

Les groupes de travail d'experts au sein du Conseil Arctique ont été identifiés comme les seules entités dans lesquels les pays observateurs peuvent contribuer directement. La Pologne cherche donc à être plus active dans ces groupes de travail en y faisant participer un maximum d'experts, en fonction des sujets abordés et sans cibler de groupe de travail en particulier.

Depuis 2010 sont organisées des rencontres entre les États observateurs et le Conseil, sur une base annuelle. La dernière s'est tenue en mars 2013, en Pologne. Les États observateurs ainsi que les États asiatiques ayant vocation à le devenir, mais aussi les communautés autochtones, ont participé à ce sommet qui s'est tenu à Varsovie.

Sur le plan scientifique, la Pologne est également membre du réseau Sustaining Arctic Observing (SAO) , créé en 2007 à l'initiative du Conseil Arctique, qui favorise les échanges entre scientifiques et en particulier l'échange de données.

Enfin, la Pologne souhaite vivement que l'Union Européenne puisse pleinement peser sur l'avenir de l'Arctique . Elle regrette à ce titre que la candidature de l'Union Européenne pour obtenir le statut d'observateur du Conseil Arctique soit suspendue à la résolution du contentieux entre l'Union et le Canada sur les restrictions aux importations de produits dérivés du phoque. Durant la présidence polonaise du Conseil de l'Union Européenne, en 2011, une délégation du MSZ s'est déplacée à Bruxelles pour sensibiliser la Commission à la nécessité de renforcer la politique Arctique de l'Union.

(3) Vers la définition d'une stratégie polonaise pour l'Arctique

Le Ministère des Affaires étrangères polonais a défini ce que pourraient être les quatre piliers d'une politique polonaise pour l'Arctique :

- Le développement du droit international relatif à l'Arctique, afin de permettre aux pays qui le souhaitent de mener des activités en Arctique dans un cadre sécurisé et pacifique ;

- La poursuite de la coopération avec le Conseil Arctique ;

- Le développement de la politique arctique de l'Union Européenne ;

- La « diplomatie publique », à savoir des actions non politiques permettant de renforcer la visibilité de la Pologne sur les sujets liés à l'Arctique.

Dans le cadre de sa volonté de développer une telle diplomatie publique, la Pologne a par exemple accueilli du 13 au 19 avril 2013 le sommet scientifique Arctic Summit Science Week à Cracovie, une conférence visant à développer les échanges de vues entre acteurs scientifiques et économiques impliqués dans la région arctique.

Le MSZ cherche à présent à faire en sorte que les enjeux liés à l'Arctique et la définition de la stratégie arctique de la Pologne soient définis et portés à un niveau interministériel, selon un schéma en deux étapes :

- Depuis quelques années se réunit au sein du MSZ, autour de l'ambassadeur pour l'Arctique, une « Polar Task Force », permettant de structurer la collaboration sur les sujets arctiques.

- Actuellement, le MSZ cherche à mobiliser les autres ministères parties prenantes, en particulier le Ministère de l'Économie, le Ministère de l'Infrastructure et du Développement et le Ministère de l'Environnement. Cette deuxième étape permettrait de définir, dans un cadre interministériel structuré, les intérêts polonais en Arctique et d'établir la stratégie correspondante.

- La prise de conscience des enjeux liés à l'Arctique se développe parallèlement dans les autres ministères. Le Ministère de l'Infrastructure et du Développement, par exemple, est actuellement en train de finaliser une stratégie pour la politique maritime de la Pologne, qui devrait comprendre un volet dédié à l'Arctique. Le ministère chargé du tourisme est également concerné.

- Le MSZ a insisté sur la nécessité d'une action rapide afin de « ne pas arriver trop tard » sur les sujets liés à l'Arctique. Il aimerait que le gouvernement polonais s'engage le plus rapidement possible sur l'Arctique où la communauté scientifique est présente depuis longtemps, et où les entreprises polonaises sont de plus en plus impliquées, afin de conserver des leviers d'action.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page