b) Renforcer les capacités d'hébergement des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie
Au-delà des communautés thérapeutiques qui sont des structures de soins de long séjour, vos rapporteurs jugent également pressant d'accroître la capacité d'accueil résidentiel des autres établissements médico-sociaux que sont les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie.
Ceux-ci relèvent du 9° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et, comme les communautés thérapeutiques, sont soumis à une procédure d'autorisation. Ainsi qu'il est précisé par voie de circulaire (144 ( * )) , ils peuvent fonctionner soit en ambulatoire, soit avec hébergement, mais ils peuvent également assurer ces deux types de prestation. Les centres avec hébergement proposent des prestations résidentielles collectives (centres thérapeutiques résidentiels, structures d'hébergement d'urgence ou de transition). Le cas échéant, ils peuvent mettre en place des modalités d'hébergement individuel (appartements thérapeutiques relais, par exemple). Les missions obligatoires de ces centres que sont l'accueil, l'information et surtout la prise en charge médicale, psychologique et sociale par un personnel très compétent constituent des gages importants du sérieux de leur travail.
La mission d'information a pu visiter le centre Pierre Nicole géré par la Croix Rouge française, qui offre des prestations d'hébergement ; vos rapporteurs ont pu constater que les actions qui y sont menées sont tout à fait remarquables. La prise en charge médicale de ses usagers est bien encadrée par des protocoles stricts, notamment pour la délivrance supervisée de traitements de substitution aux opiacés, afin d'éviter tout mésusage. Les autres pathologies liées à l'usage de la drogue (maladies virales, abcès, lésions) font également l'objet de soins. Les actions sociales visant à la formation et la réinsertion ainsi que l'aide apportée dans l'accomplissement des démarches administratives constituent, à l'évidence, un soutien précieux pour les toxicomanes en cours de traitement. Le centre offre en outre, en 2011, vingt-sept places d'hébergement en centre thérapeutique résidentiel, dont dix sont réservées à des usagers sous main de justice.
Le succès de telles initiatives, comme l'a justement noté le professeur Jean-François Mattei, président de la Croix Rouge française, est évidemment facilité lorsque la structure d'accueil offre, en plus de ces prestations, une capacité d'hébergement qui permet d'offrir un encadrement continu, comme dans les communautés thérapeutiques. L'hébergement est l'occasion, pour les patients, de « se poser » afin d'améliorer et stabiliser leur état sanitaire et psychologique, et s'orienter, par la suite, vers des structures de soins ambulatoires moins exigeantes. Cela est particulièrement nécessaire pour les catégories d'usagers de drogues rencontrant des difficultés sociales et particulièrement démunis, comme les personnes sortant de détention qui ont besoin d'un lieu où elles pourraient éviter de « replonger ».
Or, comme l'a souligné auprès de la mission d'information M. François Hervé, représentant de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, « le secteur de l'hébergement est de plus en plus amené à pallier les carences de la politique de santé ou de la politique pénale. [...] Il existe [...] une limite aux politiques publiques de santé et aux sorties d'hôpital car il n'y a pas toujours de possibilités d'hébergement. Ceci a amené la création d'un dispositif, mais il reste insuffisant » (145 ( * )) .
La situation actuelle est donc critique, d'autant plus que d'après le Livre blanc de la Fédération française d'addictologie, « alors que les demandes d'admission dans ces dispositifs sont en nombre très élevé, les capacités d'accueil se sont modifiées : la baisse de l'accueil en [centres thérapeutiques résidentiels] et familles d'accueil (entre 1999 et 2009, le nombre de [centres thérapeutiques d'accueil] est passé de soixante à trente-cinq, les capacités d'accueil en famille ont été divisées par trois, le nombre d'appartements thérapeutiques a stagné) n'est que partiellement compensée par l'ouverture de [communautés thérapeutiques] » (146 ( * )) .
Ce constat a également été partagé par M. Jean-Marc Borello, délégué général et président du directoire de SOS Drogue international-Groupe SOS, qui a déploré un renforcement des demandes d'admission pour tous les types de structures. Il a estimé que « sur le plan quantitatif, le dispositif [avait] vraisemblablement diminué au cours des dernières années, avec la disparition d'un certain nombre d'associations et de lieux de soins de petite taille. Les structures encore existantes continuent de recevoir des demandes d'admission, à raison de cinq ou dix pour une place disponible » (147 ( * )) .
Ainsi, d'après les données fournies par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, l'ensemble constitué par les centres thérapeutiques résidentiels et communautaires offre seulement cinq cent soixante-dix places. Les demandes pour de tels séjours de « rupture » de moyenne durée, avec un encadrement professionnel continu et un soutien psychologique, social et médical, sont très nombreuses. Bien souvent, malheureusement, y accéder relève du parcours du combattant.
Alors que les demandes surgissent souvent dans l'urgence, lorsque le toxicomane qui a décidé de « sortir » de la drogue est encore très vulnérable, il se heurte à des listes d'attente qui ne font qu'aggraver son risque de rechute. Vos rapporteurs jugent qu'un effort doit donc être consenti pour soutenir ces centres qui répondent à de réels besoins, aujourd'hui insatisfaits.
Parmi les autres structures de soins résidentiels figurent également les appartements thérapeutiques relais. Ces unités de soins qui poursuivent une visée d'autonomie sociale sont mises à la disposition d'anciens usagers de drogues engagés dans une démarche de soins et ayant suivi une cure de sevrage. Ils nécessitent un encadrement en personnels soignants mais leur intégration au sein d'un groupe dans un centre d'hébergement collectif n'est pas requise. Ces appartements répondent donc à un souci de socialisation et de restauration de la capacité des toxicomanes à maîtriser leur situation d'abstinence et à agir de manière autonome. Le centre Pierre Nicole propose ainsi une vingtaine de studios et petits appartements dans Paris, loués par la Croix Rouge française qui les sous-loue aux résidents, dans des conditions très encadrées. Les sorties de ces appartements s'effectuent par un relogement ; ils constituent donc un élément tout à fait précieux pour aboutir à une réinsertion durable des anciens toxicomanes.
Là encore, vos rapporteurs jugent nécessaire de renforcer l'offre d'hébergement dans de telles structures. Le nombre de places disponibles dans ces appartements n'est que de quatre cent quatre-vingt-huit. Ils sont pourtant essentiels pour permettre aux anciens usagers de drogues de progresser en autonomie, leur apprendre à gérer leur budget et leur emploi du temps, et à accomplir diverses formalités qui les aideront pour leur réinsertion sociale et professionnelle.
Enfin, le même effort doit être consenti pour inciter à la multiplication des réseaux de familles d'accueil, qui n'offrent aujourd'hui que quarante-sept places. Ces réseaux, rattachés à des centres de soins ambulatoires, constituent une expérience riche et originale : les familles, en ouvrant leur maison et en partageant leur mode de vie, s'engagent dans une réelle démarche de rencontre humaine qui permet aux toxicomanes de retrouver une stabilité et de retisser du lien social.
* (144) Circulaire n° DGS/MC2/2008/79 du 28 février 2008 relative à la mise en place des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie et à la mise en place des schémas régionaux médico-sociaux d'addictologie.
* (145) Audition du 23 mars 2011.
* (146) Fédération française d'addictologie, Livre blanc de l'addictologie française - 100 propositions pour réduire les dommages des addictions en France, juin 2011.
* (147) Audition du 16 février 2011.