7. La croisière, piste d'avenir pour les Antilles

La croisière a aujourd'hui le « vent en poupe » dans le monde et dans la zone caribéenne.

Au niveau mondial, le nombre de personnes ayant réalisé une croisière a ainsi progressé, entre 2005 et 2009, de 14 à 17 millions, dont environ 10 millions de citoyens américains 60 ( * ) .

La Caraïbe a vu le nombre de passagers de croisière plus que doubler au cours des 20 dernières années , pour passer de 8,54 millions en 1991 à 19,64 millions en 2004 61 ( * ) . Comme le souligne Mme Stéphanie Bessière, la Caraïbe représente la moitié du marché mondial et constitue la première destination croisière au monde 62 ( * ) , profitant notamment du fait que les compagnies peuvent y travailler toute l'année.

La croisière , qui pourrait donc constituer une autre solution à la saisonnalité du tourisme antillais, est cependant en pleine déliquescence dans les deux départements antillais.

Alors que la croisière est en plein essor en France 63 ( * ) , ce type de tourisme est en net recul pour ces deux îles : la Guadeloupe a perdu 55 % de passagers entre 2000 et 2009, tandis que la Martinique en a perdu 75 % 64 ( * ) !

Comme le souligne Atout France, la Guadeloupe et la Martinique « ont joué un rôle beaucoup plus important sur le marché de croisière dans les Caraïbes qu'actuellement » 65 ( * ) . En 1991, ces deux destinations représentaient un flux de 699 000 passagers, soit 8,2 % du total de la région. En 1996, elles ont atteint un niveau record, avec 998 000 croisiéristes, soit 9,3 % du total régional. En 2009, avec seulement 185 000 visites, elles ne représentent plus que 1 % du total de la région.

Comment expliquer cet effondrement de la croisière dans ces deux départements ? Plusieurs éléments paraissent expliquer cette évolution :

- le peu d'adhésion de la population à la croisière : selon Atout France, il y « persiste un sentiment latent « on n'en pas besoin pour vivre alors pourquoi investir et s'investir dans ce secteur » » 66 ( * ) ;

- la situation sociale car « le manque de visibilité quant à la stabilité sociale est pour les compagnies maritimes un élément d'incompréhension mais surtout un élément de risque pour elles alors que les programmes se construisent et se vendent quasiment deux années à l'avance. Aucune garantie ne pouvant être donnée par les acteurs locaux publics ou privés quant à l'environnement social général de l'île, ce facteur pèse sur la vision qu'ont les compagnies de la destination, malgré tous les efforts réalisés par chacun des acteurs et la qualité reconnue de l'offre en général » 67 ( * ) . Cette situation sociale pèse notamment sur le développement de la croisière basée : ce type de croisière a des retombées économiques importantes pour les territoires concernés (arrivée par avion, avitaillement...) mais impose une grande stabilité sociale tout comme, par exemple, une gestion efficace des déchets ;

- au-delà de la situation sociale, l'offre dans les villes de débarquement est déficiente : le Conseil national du tourisme estime ainsi que la « profonde et rapide désaffection des américains pour les îles françaises de cette zone (...) contrairement à une idée simpliste, ne résulte pas des 38 jours de grève de février-mars 2009, qui ont certes entraîné des annulations d'escales (...) et nui à l'image de nos îles, mais n'ont pas provoqué de départs d'armateurs » 68 ( * ) , au contraire, par exemple, de l'appauvrissement du contenu de l'offre d'excursion.

Votre rapporteur reconnaît que les acteurs locaux ont pris des initiatives afin de développer le tourisme de croisière, mais ces initiatives paraissent très insuffisantes.

Il est ainsi indispensable que les villes de débarquement développent de vrais projets d'accueil des croisiéristes et offrent à ces derniers :

- un choix d'excursions variées et originales ;

- des animations, avec notamment des commerces nombreux et variés, jouant sur l'image de la qualité française.

Ce n'est pas le cas pour l'heure car, comme le juge la compagnie de croisière Seabourn, « en général les ports de croisière français ont un potentiel pour attirer les navires de croisière et offrir un produit bien meilleur et excellent qu'ils ne le font actuellement. Pendant que l'infrastructure est améliorée dans beaucoup de ports, c'est beaucoup plus le manque d'une destination sympathique et d'accueil aux croisiéristes qui fait défaut » 69 ( * ) . De même, les ports de débarquement sont loin d'être à la hauteur, à l'exemple de Pointe-à-Pitre, qui constitue une « ville peu attractive au niveau touristique 70 ( * ) ».

Votre rapporteur relève par ailleurs qu'existe dans chaque département antillais un projet intéressant, pouvant contribuer à la relance de l'activité de croisière :

- en Martinique , le projet, porté par le conseil régional, à Saint-Pierre , visant à faire de ce site un pôle touristique de premier ordre. Ce projet nécessite des investissements préalables, notamment afin de régler la question épineuse du transit des poids lourds par le centre-ville ;

- en Guadeloupe, le projet de Basse Terre : la ville dispose de nombreux atouts pour le développement de la croisière. Elle est en effet située au coeur du Parc national, proche de nombreux sites naturels et culturels et elle offrira donc aux croisiéristes de nombreuses possibilités d'excursion. Ce projet figure d'ailleurs parmi les mesures spécifiques à la Guadeloupe annoncées lors du Conseil interministériel de l'outre-mer (CIOM) : le CIOM a ainsi appelé à « faciliter le développement de la vocation croisiériste du port de Basse-Terre », cette ville semblant « la mieux placée pour démarrer rapidement et mettre en place les conditions d'accueil et les services nécessaires ».

Votre rapporteur estime que ces projets doivent être soutenus par l'ensemble des acteurs locaux et nationaux, ceci afin de relancer le secteur de la croisière.

Recommandation n° 8 : relancer la croisière dans les Antilles, notamment en soutenant les projets à Basse-Terre et à Saint-Pierre.


* 60 Atout France, Étude de marché de la croisière dans les bassins des Caraïbes, de l'Océan Indien, du Pacifique Sud et de l'Atlantique Nord, Lot 1 : Étude de marché, p. 9 et 23.

* 61 Ibid., p. 62.

* 62 Cf., « Le tourisme des Antilles françaises. Le défi de la concurrence caribéenne », p. 199.

* 63 Cf. « Essor prometteur des croisières en France », Conseil national du tourisme, 2010.

* 64 Ibid., p. 68.

* 65 Atout France, Ibid., p. 65.

* 66 Atout France, Étude de marché de la croisière dans les bassins des Caraïbes, de l'Océan Indien, du Pacifique Sud et de l'Atlantique Nord, Lot 2 : Rapport final, p. 3.

* 67 Ibid., p. 53.

* 68 « Essor prometteur des croisières en France », p. 67.

* 69 Atout France, Ibid, Lot 1 : Étude de marché, p. 158.

* 70 Atout France, Ibid., Lot 2 : Rapport final, p. 61.

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