(2) La DéGéOM : une réforme perfectible

Dans les dernières années, l'organisation du ministère de l'outre-mer et les conditions dans lesquelles il exerçait ses missions ont soulevé de fortes critiques.

La Cour des comptes, dans son Rapport public 2006, a ainsi estimé que le ministère de l'outre-mer n'avait « pas exercé la plénitude de la mission dont il est investi, faute, semble-t-il, d'une réelle volonté politique de le doter des moyens appropriés et d'avoir fait le choix entre une logique de mission et une logique de gestion. »

En réponse, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le Gouvernement a supprimé en mai 2007 l'autonomie de l'administration centrale de l'outre-mer en l'intégrant aux services du ministère de l'intérieur , tout en la transformant en une délégation générale à l'outre-mer , plus connue sous l'acronyme « DéGéOM ».

La suppression d'un ministère de plein exercice pour l'outre-mer et le regroupement de ses services au sein du ministère de l'intérieur a été motivée par la volonté d'offrir des synergies nouvelles avec les autres politiques publiques destinées aux territoires métropolitains, tout en renforçant le rôle de pilotage interministériel des politiques de l'État outre-mer, objectif que la mission ne peut que partager.

Du strict point de vue de la gestion administrative, il est incontestable que le rattachement des services de l'outre-mer au ministère de l'intérieur a permis des économies d'échelle et des gains de productivité, 37 ( * ) en particulier grâce au transfert de certaines fonctions « support » -telles que la gestion du budget, des ressources humaines, des systèmes d'information et des questions immobilières - aux directions correspondantes du ministère de l'intérieur.

Mais ce rattachement s'est également traduit par une volonté de modifier la mission de cette administration centrale. En même temps qu'elle s'intégrait au ministère de l'intérieur, cette administration s'est en effet muée en « délégation générale », avec l'objectif d'en faire, non plus une administration de gestion, mais une administration de coordination . 38 ( * )

Dans cette optique, la DéGéOM est chargée d'assister le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales dans l'exercice de ses attributions relatives à l'outre-mer et de mettre en oeuvre la politique définie par celui-ci. Dans ce nouveau cadre de rattachement, trois missions lui sont imparties :

- l'impulsion et la coordination des politiques publiques outre-mer. À cet effet, elle contribue à l'animation du réseau des représentants de l'État outre-mer ;

- l'expertise et le traitement des affaires juridiques et institutionnelles relatives à l'outre-mer ;

- l'évaluation des politiques publiques outre-mer et la prospective.

Pour ce faire, la délégation est désormais pourvue d'une nouvelle structure, composée de trois services : politiques publiques ; affaires juridiques et institutionnelles ; évaluation et dépense de l'État. Ses effectifs ont été réduits à un effectif budgétaire de 142 personnes, avec une présence renforcée de fonctionnaires ou agents détachés d'autres ministères (agriculture, économie, environnement et développement durable...).

Néanmoins, au 15 juin 2009, seuls 126 emplois étaient pourvus, faute pour la DéGéOM d'avoir pu recruter les « profils techniques » qu'elle recherche. Il semble que cette situation soit liée en partie au différentiel indemnitaire offert par l'administration centrale chargée de l'outre-mer par rapport à plusieurs ministères techniques. La mission juge cette situation plus que regrettable, dès lors qu'elle peut avoir pour effet de priver la DéGéOM d'un certain nombre de compétences qui lui seraient essentielles.

Personnels affectés à la DéGéOM
(15 juin 2009)

Catégories

Nombre de postes

A+

18

A

63

B

16

C

29

Source : Délégation générale à l'outre-mer.

Les personnels provenant d'autres administrations représentent ainsi, actuellement, 41 % des effectifs de la DéGéOM. Une plus grande attractivité, notamment indemnitaire, permettrait certainement d'accroître cette part.

Malgré la vocation de coordination de la DéGéOM, celle-ci reste néanmoins, partiellement, une administration de gestion . Elle est en effet chargée de la mise en oeuvre des programmes budgétaires 123 (« conditions de vie outre-mer ») et 138 (« emploi outre-mer »), qui totalisent 1,9 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,8 milliard en crédits de paiement. Elle reste ainsi directement en charge de la mise en oeuvre de certaines politiques spécifiques à l'outre-mer : celles du logement et des dispositifs d'exonérations de charges patronales.

Au terme d'une année d'exercice, le bilan de l'exécution par la DéGéOM des missions qui lui ont été confiées et des objectifs qui lui ont été assignés apparaît néanmoins plus que mitigé.

Le nouveau visage de l'administration centrale en charge de l'outre-mer et les moyens dont elle bénéficie ne semblent pas à la hauteur du rôle interministériel qu'elle doit jouer. La DéGéOM ne paraît ainsi pas en état de « peser » suffisamment dans les discussions et arbitrages interministériels .

La situation actuelle laisse même à penser que cette faiblesse est encore plus marquée que lorsque la « rue Oudinot » constituait une administration centrale autonome. L'incorporation de la DéGéOM au sein du ministère de l'intérieur , si elle a permis de gagner quelques synergies pour la réalisation de certaines actions, semble avoir eu pour conséquence néfaste de lui faire perdre une grande partie de sa visibilité -et donc de son poids- vis-à-vis des autres ministères.

Pour autant, la mission considère que ce bilan n'est pas imputable à la seule DéGéOM mais résulte pour une bonne part de l'absence de prise en compte des particularités de l'outre-mer par les ministères « techniques ». Il est avéré que, pour certains ministères, la problématique de l'outre-mer est soit totalement absente, soit considérée comme mineure, et dans tous les cas gênante. Le sort parfois peu enviable réservé aux questions de l'outre-mer peut se vérifier tant dans le cadre de l'activité normative de ces administrations que dans leur activité de gestion.

Si cette situation paraît fréquente, elle n'est cependant pas généralisée. De rares ministères intègrent en effet la dimension « ultramarine » en amont de leurs travaux normatifs, parfois grâce à un service spécialement chargé de cette question 39 ( * ) .

Par ailleurs, la pertinence du maintien de fonctions de gestion budgétaire au sein de la DéGéOM n'est toujours pas prouvée et se concilie difficilement avec le souci affiché de faire de cette administration centrale une administration de mission et de coordination des politiques outre-mer .

D'une part, cette fonction de gestion occupe une partie importante des personnels de la DéGéOM, et en particulier ceux relevant du service des politiques publiques. Cette affectation se fait au détriment des fonctions de coordination, d'évaluation et d'assistance juridique qui doivent être privilégiées dans le cadre d'une telle structure administrative.

D'autre part, la mission s'interroge sur l'intérêt de maintenir une gestion distincte de crédits qui, pour avoir pour caractéristique commune de ne s'appliquer qu'outre-mer, s'intègrent dans des politiques publiques plus vastes. Si elle ne remet aucunement en cause, bien au contraire, l'existence de crédits spéciaux -réunis dans le cadre de la ligne budgétaire unique (LBU)- destinés au financement des actions en faveur du logement outre-mer, tant les besoins en la matière s'intègrent dans un environnement différent de celui de la métropole, elle estime que leur gestion pourrait tout autant être mise en oeuvre par les services ministériels chargés des politiques de la ville et du logement. Il conviendrait toutefois certainement, en pareille hypothèse, qu'un bureau spécifique au sein de ce ministère en soit chargé.

La faiblesse actuelle de la DéGéOM apparaît d'autant moins satisfaisante que, comme votre rapporteur a pu le constater, il existe une tendance forte des élus de l'outre-mer, quelles que soient leur sensibilité politique ou le territoire qu'ils représentent, à voir dans le secrétariat d'État à l'outre-mer et dans l'administration qui lui est directement rattachée, un interlocuteur unique. Il n'est ainsi pas rare que, pour régler certaines difficultés parfois très matérielles - telles que par exemple l'ouverture de nouvelles classes pour les élèves en âge d'être scolarisés ou l'affectation de nouveaux fonctionnaires dans les territoires concernés - les élus s'adressent directement à l'administration en charge de l'outre-mer plutôt qu'au ministère technique compétent. Cette relation quasi-exclusive des élus avec une administration centrale constitue une particularité de l'outre-mer.

* 37 Que vos rapporteurs spéciaux de la commission des finances avaient évalué entre 30 et 50 % selon les secteurs d'activité (rapport n° 99 (2008-2009), annexe 18 de MM. Marc Massion et Éric Doligé).

* 38 Voir le décret n° 2008-687 du 9 juillet 2008 portant création et organisation de la délégation générale à l'outre-mer.

* 39 La direction générale du trésor et de la politique économique du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi en fournit une illustration : sa sous-direction des banques et du financement d'intérêt général dispose ainsi un bureau spécialement chargé de l'outre-mer.

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