(3) Pour une structure plus souple et réellement interministérielle
Le bilan de l'action de la DéGéOM conduit la mission à recommander sa transformation à court terme en une structure plus souple, déchargée de fonctions de gestion, et bénéficiant d'un rattachement la mettant à même d'assumer sa vocation interministérielle .
La mission considère en conséquence que l'administration centrale chargée de l'outre-mer ne peut assurer une action de coordination interministérielle réelle que si elle bénéfice d'un rattachement administratif lui permettant de peser sur les autres ministères.
À l'évidence, le rattachement actuel n'est pas adapté. Culturellement, il est incontestable que la gestion des collectivités locales par la « place Beauvau » - et plus particulièrement par la direction générale des collectivités locales (DGCL), gardienne du droit commun et peu encline à envisager des adaptations locales - et celle effectuée par la « rue Oudinot », habituée à « ciseler » des statuts épousant les particularismes locaux, sont très différentes, voire difficilement conciliables.
La mission considère, en conséquence, que seul le rattachement direct de cette administration au Premier ministre lui permettrait d'assurer un rôle interministériel déterminant.
À cet égard, le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) constitue un modèle dont le Gouvernement pourrait s'inspirer. Cet organe, placé sous l'autorité du Premier ministre, assure quotidiennement la coordination interministérielle sur les dossiers relevant de l'Union européenne et de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) 40 ( * ) . La DéGéOM pourrait donc se transformer en un secrétariat général de l'outre-mer (SGOM).
Une telle structure permettrait en outre de préparer et de suivre plus efficacement la mise en oeuvre des mesures décidées au sein du conseil interministériel de l'outre-mer (CIOM).
Créé à l'initiative du Président de la République le 19 février 2009 41 ( * ) , ce conseil, présidé par celui-ci ou, par délégation, par le Premier ministre, réunit la plupart des membres du Gouvernement. Le secrétaire général du Gouvernement assure actuellement le secrétariat de ce conseil, l'ordre du jour de ses réunions étant préparé par le ministre chargé de l'outre-mer. Il a pour missions :
- de définir les orientations politiques de nature à répondre aux besoins et à valoriser les atouts de l'outre-mer, notamment en matière de développement économique, social, culturel et environnemental ;
- d'identifier, au vu des spécificités des collectivités d'outre-mer, les adaptations nécessaires aux politiques publiques conduites par le Gouvernement et d'orienter leur mise en oeuvre ;
- d'évaluer périodiquement les résultats des politiques conduites par l'État outre-mer et les progrès en termes d'égalité des chances pour les populations d'outre-mer.
Par ailleurs, partageant la volonté initiale du Gouvernement de faire de la DéGéOM une administration de mission, la mission d'information estime qu'il y a lieu de poursuivre et d'approfondir la mutation engagée depuis un an afin de lui assurer une réalisation effective.
Elle recommande en conséquence que l'administration centrale chargée de l'outre-mer soit encore davantage recentrée sur ses missions de coordination des actions en faveur de l'outre-mer et d'expertise juridique.
Pour être mené à bien, cet objectif implique que :
- cette structure administrative bénéficie du recrutement d'agents ayant des compétences particulières à la fois pour la coordination interministérielle et pour développer une approche sectorielle des politiques de l'État outre-mer . À cet effet, la mission estime souhaitable de renforcer encore davantage la présence au sein de cette administration réformée d'agents issus de ministères techniques (agriculture, santé, économie...) ;
- dans son fonctionnement quotidien, cette administration intervienne très en amont des dossiers portés par les ministères techniques afin que la problématique de l'outre-mer soit réellement prise en considération et ne se limite pas à une simple évocation lorsque l'ensemble des arbitrages ont été rendus. Il conviendrait à cet effet que cette structure soit saisie au plus tôt par les ministères techniques lorsque ceux-ci commencent à élaborer des politiques ou des textes qui peuvent avoir une application outre-mer. La circulaire n° 5357/SG du Premier ministre du 19 décembre 2008 relative à la coordination de l'État outre-mer le prévoit d'ores et déjà, mais la traduction concrète de cette obligation n'est souvent guère effective ;
- cette administration soit déchargée des fonctions de gestion qu'elle exerce encore aujourd'hui, à commencer par les fonctions de gestion des crédits d'intervention dans le domaine du coût du travail et de la politique du logement. Le transfert de ces crédits, ainsi que des personnels qui les gèrent actuellement au sein de la DéGéOM, vers les ministères qui sont déjà responsables de ceux relevant des mêmes politiques permettrait sans doute d'apporter des synergies utiles. Le renforcement du rôle de coordination interministérielle de l'administration chargée de l'outre-mer assurera la réalisation, par le ministère technique gestionnaire, des objectifs spécifiques fixés pour l'outre-mer ;
- l'expertise juridique de cette administration soit renforcée et prenne en particulier en considération les contraintes et les opportunités résultant de l'Union européenne , notamment compte tenu des instruments communautaires spécifiques développés au profit des régions ultrapériphériques. À cet égard, une collaboration réelle devrait s'instaurer entre cette administration centrale, le secrétariat général aux affaires européennes et la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne . La mission conserve en effet du déplacement de sa délégation à Bruxelles, le 15 avril 2009, le sentiment que, sur les dossiers relatifs aux RUP, la collaboration entre les administrations françaises était insuffisamment développée, ce qui nuit à la pertinence de l'expression des positions françaises en ce domaine face aux institutions européennes et aux autres États membres.
La mission tient à préciser que ce choix d'organisation administrative ne remet pas en cause l'impérieuse nécessité que tout Gouvernement de la République comporte un ministre spécialement chargé de l'outre-mer . Il est en effet essentiel qu'au niveau politique l'outre-mer dispose d'une représentation forte, à même d'impulser et d'animer des actions efficaces en direction de ces territoires.
Proposition n° 4 : Faire de l'administration centrale de l'État chargée de l'outre-mer une véritable administration de mission rattachée au Premier ministre. |
Corollaire nécessaire et essentiel de cette réforme de l'administration centrale de l'outre-mer, il convient, selon la mission, que chaque ministère technique abrite un véritable « pôle outre-mer », qui serait le correspondant au niveau technique des services de l'administration centrale chargée de l'outre-mer .
Ce pôle aurait une taille et un effectif variable selon le ministère concerné et selon le degré d'intégration européenne attaché aux matières dont il a à connaître. La collaboration entre ce pôle et l'administration centrale chargée de l'outre-mer serait facilitée grâce à la présence, déjà évoquée, de membres issus des ministères techniques au sein de celle-ci.
Proposition n° 5 : Renforcer les pôles « outre-mer » dans chacun des ministères « techniques ». |
Votre rapporteur considère que, dans le même temps, cette réforme de l'administration centrale en charge de l'outre-mer doit s'accompagner d'une « révolution culturelle » de la part des élus ultramarins. Il convient que ceux-ci, à l'instar des élus de métropole, nouent davantage des liens directs avec les ministères techniques qui, les premiers, sont en état de répondre à leurs demandes et préoccupations.
* 40 Décret n° 2005-1283 du 17 octobre 2005 relatif au comité interministériel sur l'Europe et au secrétariat général des affaires européennes.
* 41 Décret n° 2009-182 du 18 février 2009 portant création du conseil interministériel de l'outre-mer.