(b) Le problème de la sous-compensation par l'État des transferts de compétences

Il résulte de l'importance des dépenses sociales outre-mer que le problème, général à l'ensemble des départements français, de la sous-compensation par l'État de certains transferts de compétences, notamment celui du RMI opéré par la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales 164 ( * ) , pèse sur les budgets départementaux de manière particulièrement aiguë.

En raison de l'importance des dépenses sociales dans les DOM, malgré des taux de couverture des dépenses de RMI des DOM proches de ceux des départements métropolitains (entre 88,82 % et 96,2 % dans les DOM contre 92,61 % en métropole), le manque à gagner résultant pour les DOM de la sous-compensation pèse en valeur absolue plus lourd dans les budgets départementaux d'outre-mer que dans ceux de métropole .

Lors de sa rencontre avec la délégation de la mission à La Réunion, Mme Nassimah Dindar, présidente du conseil général, a évalué à plus de 450 millions d'euros le financement du RMI dans son département et à 140 millions d'euros la sous-compensation par l'État du transfert du RMI.

(3) Des besoins en dépenses d'investissement résultant d'une situation historique, géographique et démographique spécifique

Plusieurs facteurs spécifiques à l'ensemble ou à certains DOM impliquent des dépenses d'investissement plus élevées que celles des départements de métropole.

Ainsi, en premier lieu, la situation climatique des DOM implique une dégradation plus rapide de l'ensemble des équipements publics , sans compter les risques naturels majeurs présents dans les DOM : volcans, séismes, cyclones, inondations, etc.

Outre les spécificités géographiques, les DOM présentent des spécificités historiques qui justifient également un effort accru en matière d'investissement. Ainsi, par exemple, M. Edward Jossa, directeur général des collectivités locales, a-t-il reconnu lors de son audition par la mission que la Guyane souffrait d'un retard historique en matière d'investissement public , ce qui se vérifie tant pour les infrastructures de transport que pour les équipements scolaires . Le réseau routier guyanais n'a en effet pas été suffisamment développé : on compte moins de 500 km de routes nationales et environ 400 km de routes départementales pour un territoire d'une superficie équivalente à celle du Portugal.

Les retards d'investissement résultent également de la situation sociale des DOM. Ainsi, l'investissement des communes en matière de libération et de viabilisation des ressources foncières pour permettre les opérations de logement social est particulièrement insuffisant et les DOM sont aujourd'hui confrontés à une situation du logement très critique.

La Guadeloupe présente un autre exemple de sous-investissement, lié pour partie à son caractère archipélagique, d'où il résulte des difficultés à maintenir dans les îles du Sud notamment, où la délégation de la mission s'est rendue, un niveau satisfaisant d'investissement public.

Enfin, les DOM, notamment La Réunion et la Guyane, connaissent un rythme de croissance démographique significativement plus rapide que celui de la métropole, comme l'indique le tableau ci-dessous.

Croissance démographique entre 1990 et 2007

Guyane

La Réunion

France métropolitaine

1990

113 351

597 828

56 577 000

2007

213 500

790 500

61 771 000

Évolution 1990-2007

+ 88,4 %

+ 32,2 %

+ 9,2 %

Source : Institut national de la statistique et des études économiques

Du fait de cette croissance démographique, des investissements massifs sont nécessaires . La région Guyane, par exemple, construit actuellement 4 nouveaux lycées polyvalents pour répondre à l'afflux de population jeune, ce qui implique des charges budgétaires importantes. Le département de la Guyane, pour sa part, prévoit la construction de 8 nouveaux collèges sur la période 2007-2013. Mme Fabienne Mathurin-Brouard, maire de Saint-Georges de l'Oyapock, a expliqué à la délégation de la mission lors de son déplacement que les « écoles de la ville étaient vétustes, la plus ancienne datant de 1961 et n'ayant jamais pu être réhabilitée, les moyens financiers manquant tant les besoins sont grands pour la construction de nouvelles infrastructures ». Il n'est pas acceptable que certaines communes soient confrontées à l'impossibilité d'assurer des conditions de travail correctes à leurs élèves ou, plus grave encore, d'assurer l'accueil des enfants d'âge scolaire. Cette situation confine à la rupture du principe d'égalité.

En raison de ces besoins importants, les dépenses d'investissement des collectivités territoriales des DOM devraient logiquement être supérieures à celles des collectivités métropolitaines.

Or, comme l'illustre le tableau ci-après, la situation est plus contrastée.

Dépenses d'investissement des collectivités territoriales des départements d'outre-mer

Dépenses d'investissement par habitant

(en euros)

Part des dépenses d'investissement
dans les dépenses totales

DOM

France entière

DOM

France entière

Régions

369

134

57,8 %

47,3 %

Départements

351

288

25,3 %

35,9 %

Communes

414

424

28,4 %

32,3 %

Source : direction général des collectivités locales

D'une part, les dépenses d'investissement par habitant des communes des DOM sont, en moyenne, plus faibles que celles de métropole . La principale cause en est le poids des dépenses de fonctionnement qui induit une moindre capacité d'investissement. L'ensemble des acteurs locaux rencontrés par les délégations de la mission lors des déplacements ont fait état des difficultés rencontrées par les communes pour lever les fonds nécessaires au financement d'investissements structurants. Cela se traduit également par une part des dépenses d'investissement des communes plus faible de l'ordre de 4 % dans les DOM qu'en métropole, malgré des besoins en investissement supérieurs.

D'autre part, le tableau ci-dessus indique que la part des dépenses d'investissement dans les budgets des DOM est inférieure de plus de 10 % à ce qu'elle est dans les budgets des départements métropolitains , bien que la dépense d'investissement par habitant soit supérieure à ce qu'elle est en métropole. Ce phénomène traduit l'importance des dépenses de fonctionnement des départements.

L'effet combiné des charges de personnel et des dépenses sociales déséquilibre les budgets départementaux et explique que, malgré des dépenses d'investissement par habitant plus fortes dans les DOM qu'en métropole, les dépenses de fonctionnement restent prépondérantes.

Les régions d'outre-mer se distinguent dans cet ensemble, avec à la fois des dépenses d'investissement par habitant près de trois fois plus importantes qu'en métropole et une part des dépenses d'investissement dans les dépenses totales supérieure de plus de 10 % à ce qu'elle est en métropole. La situation financière des régions d'outre-mer apparaît donc plus favorable que celle des autres niveaux de collectivités territoriales, les conseils régionaux étant en mesure d'investir davantage qu'en métropole.

* 164 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

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