3. Une mondialisation culturelle encore mal prise en compte

Le développement des centres culturels français à l'étranger remonte à une période où il y avait une moindre « circulation » des biens culturels. Ils disposaient alors de l'exclusivité dans la présentation d'une vitrine française. Cette logique de vitrine exclusive a aujourd'hui vécu et les responsables des centres culturels en sont largement conscients, tout en devant animer leurs lieux d'expositions et leurs salles de spectacles, aux dimensions souvent modestes. La « vraie vie culturelle » s'exprime désormais ailleurs que dans les centres culturels à l'étranger.

Il y a, en effet, une internationalisation croissante des institutions muséales françaises, des établissements d'enseignement supérieur et des industries culturelles, dont le réseau culturel à l'étranger est largement spectateur. Le rayonnement culturel s'opère largement en-dehors des administrations qui lui sont dédiées.

Dans ce contexte, le rôle des administrations culturelles est moins de maintenir des vitrines à l'étranger que d'accompagner l'internationalisation des créateurs français : c'est en amont qu'un soutien financier peut s'avérer souhaitable : intensification des accords d'échanges d'étudiants à l'international des établissements d'enseignement artistique, sur le modèle de ce que fait déjà l'école des Beaux-Arts à Paris, bourses de création à l'étranger, résidences d'artistes dans les principaux pays prescripteurs sur la scène internationale. New-York n'a toujours pas sa Villa Medicis, tandis que Rome conserve la sienne.

Par ailleurs, Internet a aboli les frontières : le concept d'audiovisuel extérieur, par opposition à un audiovisuel « intérieur », va progressivement être dépassé : l'audiovisuel, la presse, le débat d'idées français sont accessibles à tous, et dans le monde entier, « sur la toile ». Reste évidemment la question des langues : votre rapporteur spécial invite à soutenir la traduction des contenus français produits par les différents acteurs culturels plutôt qu'à créer dans la sphère Internet de nouveaux sites culturels, en plus de ceux existants.

La prise en compte d'Internet est incontournable dans la diffusion du livre français. D'une certaine manière, le site Internet Amazon constitue le principal distributeur du livre français à l'étranger, et ce au détriment des librairies françaises. Dans cette perspective, la politique de soutien aux librairies à l'étranger exige un discernement plus important des responsables du bureau du livre, afin d'accorder des subventions publiques à celles dont le modèle économique apparaît réellement pérenne. Votre rapporteur spécial a rencontré, en particulier au Caire, des librairies françaises dynamiques, qui ont mis en oeuvre des modèles économiques adaptées, et pour lesquelles le soutien des ambassades reste particulièrement nécessaire. Mais ce soutien ne saurait se traduire, comme dans d'autres endroits du monde, par la perpétuation de rentes de situation 17 ( * ) sans enjeu véritable en termes de rayonnement culturel.

La mondialisation en cours oblige à une professionnalisation accrue des acteurs culturels. Ce sont eux qui sont amenés à organiser des coproductions européennes ou internationales, pour les musées à conclure des échanges d'oeuvre afin de monter des expositions temporaires, le cas échant itinérantes. La diffusion culturelle internationale est devenue un métier auquel les centres culturels restent largement étrangers.

Pour cette raison se sont développées, en partenariat avec le réseau culturel à l'étranger, des structures gérées par les professionnels , et financées en partie par eux : Unifrance, pour la diffusion du cinéma, le Bureau export de la musique pour le disque et le bureau du livre pour l'édition. Elles sont particulièrement attentives aux nouveaux modes de diffusion numérique des contenus, qui jouent un rôle essentiel pour leur industrie. Ces structures adoptent des démarches pragmatiques qu'il convient de conforter.

Ce pragmatisme est parfois difficile à accepter pour ceux qui développent, comme votre rapporteur spécial, une vision plutôt traditionnelle de la culture française, où la francophonie occupe une place importante. Ainsi, le bureau export de la musique consacrait-il seulement 17 % de ses aides aux musiques actuelles à la musique chantée en français, contre 20 % à de la musique en anglais, dans une logique d'adaptation croissante au marché. 63 % des aides sont consacrées à la musique instrumentale et autres langues.

Les aides du bureau export de la musique : une part croissante consacrée aux musiques actuelles françaises chantées en anglais

(en euros et en %)

2006

2007

Aides aux musiques actuelles

Musique chantée en français

134.000

22 %

124.000

17 %

Musique chantée en anglais

118.000

19 %

140.000

20 %

Musique instrumentale et autres langues

356.000

59 %

446.000

63 %

Total

608.000

710.000

Aides musiques classique et contemporaine

170.000

170.000

Aides attribuées par les 9 correspondants du bureau export

180.000

180.000

Source : bureau export de la musique

Le rôle du réseau culturel à l'étranger devient plus modeste, tout en restant nécessaire. Il est aujourd'hui moins destiné à définir par lui-même une programmation culturelle à l'étranger qu'à faciliter les contacts et les partenariats entre les créateurs français et les institutions locales. Il est voué aussi à accompagner l'internationalisation croissante de nos artistes. Cette politique, qui concerne au premier chef le ministère de la culture, doit reposer sur des échanges d'étudiants plus denses, des bourses de création à l'étranger et une politique de résidence d'artistes adaptée aux enjeux de notre temps.

* 17 Cf. le dossier de la Librairie de France à New York dont le rôle passé en matière de rayonnement culturel est sans rapport avec sa contribution actuelle à la promotion du livre français. La remise en cause de son bail a conduit à solliciter les pouvoirs publics, sans que le modèle économique proposé n'apparaisse convaincant, et pertinent par rapport aux objectifs culturels de la France.

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