B. LE RÔLE ESSENTIEL DU CONSEILLER CULTUREL
Si les centres culturels sont destinés à perdre leur place centrale au sein du réseau français à l'étranger, cette place a vocation à être occupée par les conseillers culturels, à condition de professionnaliser davantage encore leur fonction.
1. Un métier à prendre plus au sérieux
C'est évidemment au conseiller culturel qu'il revient de jouer le rôle de « passeur », de mise en relation des institutions et des industries culturelles de notre pays avec celles du pays d'accueil. Ce rôle est à la fois modeste et essentiel.
Il est modeste parce qu'ils ne sont pas eux même des créateurs, et qu'ils n'ont pas vocation à monter eux-mêmes une programmation culturelle. Celle-ci résulte plutôt des initiatives issues de la volonté des institutions culturelles étrangères, des projets et partenariats montés par elles avec les créateurs français . On est moins ici dans une logique de dirigisme culturel que de libéralisme culturel. La démarche de soutien, d'accompagnement est évidemment la même pour la coopération universitaire.
Les conseillers culturels peuvent donner des « coups de pouce », par un parrainage, un billet d'avion, et le faire savoir. Il s'agit de faciliter plutôt que de « faire par soi-même » . Mais ce métier n'en est pas moins essentiel, dès lors qu'il est « mis « au service » de nos artistes, nos créateurs, nos universités ou de nos industries culturelles, en accompagnement de leur internationalisation. Cette activité n'empêche pas la détection des talents étrangers afin de les mettre en relation avec les institutions en France, dans une logique d'échange culturel. Toutefois, cette dernière activité doit rester minoritaire. Dans le réseau culturel à l'étranger, la logique de « l'export » doit rester prépondérante par rapport à celle de « l'import ».
Les indicateurs de performance élaborés par la DGCID, qui se heurtent à de nombreuses résistances, doivent accompagner cette nouvelle vision du métier de conseiller culturel. L'indicateur dit de « réseautage » consiste à mesurer la capacité du poste à lier des partenariats stratégiques sans pour autant être à l'initiative du projet ou le chef de file des bailleurs de fonds. Comme l'indique la DGCIC, cette activité de réseautage « peut constituer, dans un contexte budgétaire tendu, l'essentiel de leur valeur ajoutée ». Le dynamisme des postes à mobiliser leurs réseaux est un atout majeur du rayonnement de la France à l'étranger.
a) Des plans d'action pour les conseillers culturels
Les conseillers culturels rencontrés par votre rapporteur spécial conduisent déjà, pour la plupart, leurs équipes dans cet esprit. Mais ils agissent aujourd'hui très largement sans mandat clair . Avant leur départ en poste, ils ne se voient pas remettre de « lettre de mission », et leur ambassadeur ne définit pas avec eux, à leur arrivée, de plan d'action . Or de tels documents paraissent indispensables pour donner des repères aux équipes culturelles à l'étranger.
Pour sa part, votre rapporteur spécial considère que ses plans d'action doivent prendre en compte quatre paramètres :
- vitalité culturelle française : il s'agit, plutôt que de concentrer les moyens, de développer de multiples initiatives , très déconcentrées, en association étroite avec les industries culturelles et leurs structures professionnelles ;
- lisibilité de l'action publique : celle-ci passe par une structuration des actions des postes à l'étranger sous formes de programmes, comme le fait déjà CulturesFrance dans sa programmation ;
- pérennité du rayonnement culturel : il faut de la souplesse dans les partenariats noués : or, au contraire, les postes à l'étranger ont tendance à sédimenter leurs actions : il faut appliquer le principe de la révision générale des politiques publiques, de la réinterrogation permanente, afin d'évoluer, en fonction des mouvements de la société d'accueil. Si celle-ci évolue davantage, comme en Egypte, et dans de nombreux autres pays, vers des systèmes d'enseignement privés d'excellence, il faut plutôt accompagner ces établissements, que de rester fidèle à des établissements publics progressivement marginalisés ;
- identification de relais d'influence : votre rapporteur spécial propose de créer un programme d'invitation des personnalités culturelles d'avenir , futurs responsables d'institutions culturelles étrangères qui seraient ainsi davantage familiarisés avec les particularités de la scène culturelle française.
b) Un recrutement élargie et professionnalisé
Les conseillers culturels rencontrés par votre rapporteur spécial lui ont semblé exercer, avec professionnalisme, un réel métier. Mais ils ont confié à votre rapporteur spécial avoir appris ce métier « sur le tas ». Les conseillers culturels sont des « autodidactes » dans leur domaine 26 ( * ) , souvent de grande qualité, mais autodidactes complets. Il en est principalement de deux catégories : ancien professeur issu de l'éducation nationale, ou de manière récente un diplomate se tournant donc vers le culturel.
Votre rapporteur spécial a montré que l'action culturelle à l'étranger relevait d'une approche interministérielle. Cela doit donc conduire, sous l'autorité conjointe du ministère de la culture et du ministère des affaires étrangères et européennes, à élargir encore davantage le recrutement des conseillers culturels , au-delà de ces deux catégories, vers d'autres agents publics, mais aussi vers d'autres personnalités qualifiées, ayant par exemple une expérience reconnue dans le domaine des industries culturelles .
De manière évidente, leur professionnalisation passe par une amélioration de la formation continue. Les programmes de formation prévus avant les prises de poste sont insuffisants : leur durée est de cinq jours , en tout et pour tout, sans prévoir par ailleurs, de contact avec des représentants de métiers du livre, du cinéma, de l'audiovisuel, qu'ils auront pour mission d'épauler à l'international. Dans certains cas, les conseillers culturels ne parlent pas la langue du pays : cela les conduit à rester « enfermés » dans le cercle de plus en plus restreint des francophones. Or, pour parler culture, il faut connaître la langue de l'autre. Enfin, il est difficile de l'étranger de continuer à s'intéresser à la vie culturelle française : c'est pendant leurs congés, et sur leur propre budget, que les conseillers culturels essaient aujourd'hui de rester au contact des réalités françaises.
Il faut donc imaginer une réelle formation pour les conseillers culturels, afin de prendre au sérieux un métier essentiel.
* 26 Venant d'horizons divers, ils ont appris leur métier par eux-mêmes, sans formation suffisante, sans mandat clair, et sans orientations stratégiques.