III. LE CONTRÔLE DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL : VÉRIFIER LES CHANCES DE SUCCÈS DE L'OPÉRATION DE SAUVETAGE
Votre rapporteur spécial, avant même de disposer du référé de la Cour des comptes, avait engagé un « contrôle au long cours » de l'Institut du monde arabe qui l'a amené à auditionner plusieurs fois les responsables de l'Institut du monde arabe, et ceux des ministères qui en assurent le suivi : le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère du budget. Il a eu également des réunions de travail avec l'ensemble des chefs de département de l'Institut où il s'est rendu à quatre reprises. Il a enfin visité « de fond en comble » l'Institut, jusqu'aux réserves qui « ont fait coulé beaucoup d'encre » en 2007 en raison des défaillances constatées dans l'inventaire des collections.
Il lui est, en effet, apparu nécessaire de mener ses propres investigations : le contrôle de la Cour des comptes et celui mené par les rapporteurs spéciaux des commissions des finances des deux assemblées, en application de l'article 57 de la LOLF, diffèrent sensiblement. Leur rapport au temps est différent. Les travaux de la Cour des comptes sont fondamentalement rétrospectifs , puisqu'ils portent toujours sur la gestion passée d'une administration ou d'un établissement. De l'examen du passé la Cour des comptes s'efforce d'établir des leçons pour l'avenir.
Le contrôle parlementaire, lui, s'inscrit dans le champ politique. Il est dès lors davantage tourné vers une action administrative en train de se construire, afin de vérifier que les mesures prises par les gestionnaires correspondent aux orientations définies par les décideurs politiques, et qu'elles apparaissent susceptibles d'atteindre les objectifs fixés. Il s'agit donc d'un contrôle 4 ( * ) « au présent », avec par nature, toutes les forces et les limites de l'exercice.
Les deux types de contrôles se complètent : la transmission par la Cour des comptes de ses référés au Parlement permet à celui-ci de se saisir des recommandations de la Cour des comptes, de leur donner le cas échant le retentissement médiatique qu'elles méritent, d'en suivre l'application en auditionnant les responsables d'administrations en cause, voire d'user de son droit d'amendement pour assurer leur mise en oeuvre, dans le cadre, notamment, de l'examen des projets de loi de finances.
C'est ainsi que votre rapporteur spécial partage la recommandation de la Cour des comptes visant à assurer un pilotage plus efficient de l'Institut du monde arabe . La France, principal contributeur financier de l'Institut du monde arabe, ne peut pas, et ne doit pas être absente du conseil d'administration . Il y a là une question de responsabilité et de compétences : pour éviter que l'IMA revive des temps difficiles, il faut que sa gouvernance puisse bénéficier, outre de celle des Etats arabes, du regard et de l'expertise de nos ministères du budget, de celui des affaires étrangères et européennes, voire de celui de la culture. Comme l'a fait valoir M. Alain Pichon, président de la 4 eme chambre de la Cour des comptes lors de son audition : « ceci pose peut être un problème de dialogue et de concertation avec les partenaires du monde arabe, mais on est là devant un organisme qui ressemble à un établissement public sans en être un ».
Mais votre rapporteur spécial a pu aussi analyser les premiers résultats de la politique de redressement financier de l'Institut du monde arabe, et juger de la force de sa nouvelle stratégie.
A. UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE FINANCIER À CONFIRMER SUR LE MOYEN TERME
L'Institut du monde arabe a réussi, en 2006 et 2007 à revenir à l'équilibre et à dégager un résultat net comptable positif après vingt années de déficits successifs. L'Institut du monde arabe n'est donc plus en déficit, ce qui constitue un grand changement par rapport aux vingt années qu'il a connues.
Source : Institut du monde arabe
Par ailleurs, le ratio d'endettement 5 ( * ) s'améliore puisque la dette de l'IMA est passée de 15 millions d'euros à 6,5 millions d'euros, selon son président, M. Dominique Baudis. Les annuités d'emprunt s'établissent encore selon le rapport d'objectifs et de moyens de l'institut à 937.500 euros annuels, et courent sur une période de huit ans.
La trésorerie est redevenue excédentaire, et les découverts bancaires, à l'origine de frais financiers significatifs, ont quasiment été résorbés.
Source : Institut du monde arabe
Certaines fragilités financières subsistent néanmoins : elles concernent l'absence de paiement des arriérés des derniers pays arabes concernés , la difficulté de développer les ressources propres au niveau prévu et la nécessité de consentir certains investissements indispensables .
Si aucun accord sur les arriérés de paiement n'a encore été conclu avec l'Irak, il faut se féliciter du protocole d'accord, en date du 13 décembre 2007, entre le comité populaire général des liaisons extérieures et de la coopération internationale de Libye et l'Institut du monde arabe sur ce sujet. Celui-ci prévoyait le versement par ce pays, de manière fractionnée sur les années 2007-2008-2009, d'un montant cumulé d'arriérés ramené de 15 millions d'euros à 8 millions d'euros . En contrepartie de cette réduction, la partie libyenne s'est engagée au financement d'une grande exposition patrimoniale à hauteur de 2 millions d'euros. Cet accord prometteur n'a encore trouvé, malheureusement, aucun début concret d'application et il convient donc d'engager notre ambassade à Tripoli à faire de ce dossier une priorité diplomatique.
S'agissant des ressources propres de l'Institut, les objectifs sont ambitieux. Ils doivent permettre de faire face aux aléas propres à l'organisation des grandes expositions patrimoniales de l'Institut du monde arabe. Celles-ci connaissent habituellement des fréquentations importantes, mais elles varient selon le thème de l'exposition. La manifestation récente relative à la « Méditerranée des phéniciens » a ainsi connu une fréquentation inférieure aux prévisions , et aux expositions comparables de 2006 et 2007 organisées par l'Institut. Le développement des autres recettes commerciales doit donc permettre de faire face à la fragilité structurelle des recettes issues de l'organisation des expositions.
Dans ce domaine, des résultats tangibles ont été obtenus, en ce qui concerne par exemple la concession relative au service de restauration proposé notamment au cinquième étage du bâtiment de l'institut . Celle-ci a été confiée au restaurateur Noura, moyennant un calcul de la redevance qui apparaît plus avantageux pour l'IMA, et une participation de cette entreprise aux travaux de rénovation des cuisines du restaurant.
De gros efforts ont été faits concernant le mécénat. C'est par ce biais qu'ont pu être financés d'importants travaux concernant le bâtiment : éclairage nocturne de celui-ci (Veolia Environnement) et réfection de la terrasse (300.000 euros financés par les ambassadeurs des pays arabes).
Mais en 2007, le montant total des ventes de marchandises, de la location des espaces et des recettes de mécénat a stagné , malgré la montée en puissance de cette politique de mécénat.
Source : Institut du monde arabe
L'exercice 2007 a ainsi connu des résultats médiocres en termes de recettes commerciales , liées, selon l'Institut du monde arabe, à des phénomènes exceptionnels, qui ne devraient donc pas se reproduire en 2008. Au titre de ces éléments exceptionnels, il convient de relever la fermeture du restaurant, en 2007, pendant 4 ou 5 mois, pour en changer le concessionnaire. Par ailleurs, « l'encours fournisseurs » 6 ( * ) atteignait en septembre 2006, un niveau très important, de l'ordre d'un peu plus de 9 millions d'euros. De nombreux fournisseurs, notamment de la librairie ou de la boutique d'artisanat, avaient interrompu leurs livraisons. Ceci a conduit à une diminution du chiffre d'affaires de la librairie et de la boutique, passé de 1,8 million d'euros en 2006 à 1,6 million d'euros en 2007. Malgré l'apurement de l'encours fournisseurs, grâce aux recours à l'endettement, la clientèle n'a pas encore pu être reconquise. Un audit a dès lors été conduit afin d'examiner les moyens d'améliorer la rentabilité de la librairie, mais surtout de la boutique. Celle-ci doit pouvoir produire un résultat net au-delà des 100.000 à 150.000 euros annuels.
Dans le même temps, les investissements nécessaires pour moderniser l'Institut du monde arabe sont importants. Si les travaux de rénovation du bâtiment peuvent relativement facilement être financés par le biais du mécénat, cela apparaît plus difficile en ce qui concerne la modernisation des deux piliers « historiques » de l'établissement : la bibliothèque et le musée . Or, au-delà de la définition, pour ces deux espaces, d'un projet cohérent, des dépenses seront nécessaires, pour déployer un nouveau système informatique à la bibliothèque, et revoir la scénographie du musée.
* 4 Rapport d'information n° 366 (2007-2008) du 3 juin 2008.
* 5 Celui-ci a été utilisé notamment pour financer les dépenses d'exploitation.
* 6 Ceci correspond aux factures des fournisseurs non encore payées.