II. POUR UNE RÉNOVATION PROFONDE DE LA GESTION DES CADRES SUPÉRIEURS DU QUAI D'ORSAY
Qu'imaginer de concret pour réduire les difficultés affectant un grand nombre d'agents de l'encadrement supérieur : les plus expérimentés, qui ne trouvent pas un poste à la hauteur de leurs mérites, très souvent bien réels, et les plus jeunes, qui voient devant eux une carrière bien « embouteillée » ?
Il faut proposer à ceux qui ne pourront aller, pour des raisons essentiellement démographiques, au somment de la pyramide (177 ambassadeurs seulement...), une deuxième carrière . Telle est la conviction profonde de votre rapporteur spécial qui paraît rejoindre celle des plus hauts responsables du ministère des affaires étrangères et européennes, mais aussi du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique. A court terme, une politique d'incitation au départ pourrait permettre, par ailleurs, d'engager une véritable gestion des compétences, en détectant les profils aptes à l'exercice des responsabilités de chef de poste.
A. UN OBJECTIF NÉCESSAIRE DE RESSERREMENT DES EFFECTIFS D'ENCADREMENT SUPÉRIEUR...
Le rythme actuel des départs à la retraite ne résoudra le problème démographique actuel qu'en 2012. Une politique d'incitation au départ doit pouvoir agir vite, car la situation actuelle freine la réforme du ministère et empêche la promotion des nouvelles générales. Le dispositif de préretraite ne pouvant être prolongé, il convient d'inscrire un nouveau dispositif dans la politique générale du gouvernement.
Pour resserrer quelque peu les grades les plus élevés de l'encadrement supérieur, et obtenir une meilleure pyramide des âges, les outils proposés par la future loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique doivent être utilisés pleinement par le ministère des affaires étrangères et européennes, qui pourrait ainsi devenir le ministère pilote de cette nouvelle politique du gouvernement .
En effet, un projet de décret du ministère du budget, de la fonction publique et des comptes publics prévoit, en cas de restructuration des services, une prime d'incitation au départ pouvant aller jusqu'à deux années de rémunération pour les agents qui sont à plus de 5 ans de la retraite . Il paraît difficile d'aller au-delà, même pour l'encadrement supérieur, car le Quai d'Orsay ne saurait justifier un traitement d'exception : l'encadrement de ce ministère n'est pas dans une situation particulière par rapport à celui des autres ministères. Il convient d'avoir, par ailleurs, à l'esprit des considérations d'équité avec les salariés des entreprises. A titre de comparaison, dans le secteur privé, la prime légale de licenciement économique, exonérée d'impôt sur le revenu, est moins favorable car elle représente 2/10 ème de mois de salaire par année d'ancienneté auquel s'ajoute 2/15 ème de mois pour chaque année d'ancienneté au-delà de 10 ans.
1. Un plan d'urgence pour les diplomates les plus gradés doit résorber le surencadrement actuel
Comme le ministère des affaires étrangères et européennes le reconnaît, une politique volontariste d'incitation au départ doit être mise en oeuvre, afin de résorber les sureffectifs de l'encadrement supérieur, que votre rapporteur spécial a chiffrés à un cinquième du total des emplois. Cette politique doit avoir des résultats rapides en mobilisant plusieurs instruments.
S'agissant des agents qui remplissent les conditions requises, des départs à la retraite doivent être encouragés. Une incitation à la mobilité au sein des différents ministères et collectivités territoriales doit être réalisée : la voie du détachement dans les universités et les grandes écoles doit aussi être explorée : dans le domaine des relations internationales, les diplomates ont une expérience qui gagnerait utilement à être partagée avec les étudiants.
Il convient enfin de restructurer à court terme le corps des ministres plénipotentiaires et conseillers des affaires étrangères hors classe en faisant jouer la prime d'incitation au départ volontaire à son niveau maximum prévue par la future loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Cela reviendrait à proposer deux années de rémunération aux diplomates quittant la fonction publique. Les modalités pratiques de cette incitation de départ doivent être négociées entre le ministère des affaires étrangères et européennes, pour savoir dans quelle mesure certaines primes pourraient être intégrées dans ce « pécule ». En outre, sur un plan budgétaire, il paraît souhaitable que la mesure ne soit pas financée sur le budget du Quai d'Orsay, mais plutôt au titre du fonds de modernisation annoncé par le Président de la République, dans son discours du 19 septembre 2007 à l'occasion de la visite de l'Institut Régional d'Administration de Nantes.
2. Les diplomates en milieu de carrière attendent un plan « 2ème carrière » : « up or go »
Les diplomates sont encore largement privés des outils les plus récents en matière de gestion des ressources humaines. Alors que ces outils sont utilisés dans le secteur privé, le Quai d'Orsay est resté à l'écart de ces innovations.
Afin de rénover la gestion des compétences des diplomates sur un moyen terme, comme le pratique le Foreign office britannique, mais aussi, en France, le ministère de la défense, votre rapporteur spécial souhaite la mise en oeuvre d'un plan « 2 ème carrière » pour les diplomates en milieu de carrière. Les britanniques résument la logique de cette politique par la maxime suivante : « up or go », progresser ou partir.
Une telle politique suppose de mettre en place une gestion prévisionnelle des carrières pour anticiper l'évolution individuelle de chaque diplomate. L'incitation au départ doit intervenir « tôt » dans la carrière, dès 40 ou 45 ans, afin d'amorcer une reconversion dans de bonnes conditions, vers le secteur public, les universités ou le secteur privé. La mobilité du public vers le privé, mais aussi l'arrivée de compétences privées dans la sphère publique, doivent permettre d'introduire une sorte d'hybridation, une fertilisation croisée entre deux univers qui se méconnaissent trop aujourd'hui.
La direction des ressources humaines du Quai d'Orsay ne dispose pas des compétences pour mener à bien cette nouvelle mission, malgré la constitution progressive d'une cellule de reconversion. Dans ce domaine, un appel à des cabinets et des ressources privés s'impose , car ces problématiques préexistent dans de nombreuses entreprises.
Sur un plan budgétaire, des incitations, financées cette fois sur le budget du Quai d'Orsay paraissent nécessaires : le secrétaire général du ministère des affaires étrangères et européennes a ainsi évoqué des primes dégressives en fonction de l'âge .