B. DES DIFFICULTÉS QUI N'ONT PAS ÉTÉ RÉSORBÉES ET POURRAIENT MÊME S'AGGRAVER
Malgré l'intervention d'un contrat de modernisation en 2006, dont certaines dispositions prenaient en compte les enjeux liés à une meilleure gestion des carrières des diplomates, les difficultés n'ont pas été résorbées deux ans après. Elles pourraient même s'aggraver, sous les effets notamment de la restructuration de l'administration diplomatique et d'une nécessaire diversification des profils d'ambassadeur.
1. Le contrat de modernisation 2006-2008 n'a pas résorbé les difficultés de carrière des diplomates
Le contrat de modernisation du Quai d'Orsay 2006-2008, signé le 18 avril 2006 entre M. Philippe Douste-Blazy, alors ministre des affaires étrangères, et M. Jean-François Copé, alors ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, invitait à une « gestion dynamique de l'encadrement supérieur du ministère ». Il prévoyait déjà la diminution et le repyramidage des effectifs d'encadrement supérieur pour 73 postes .
Au total, seulement une cinquantaine de départs « bruts » ont eu lieu . Or, il convient de tenir compte des fonctionnaires qui depuis lors ont été promus. Ainsi, le nombre de départs à la retraite en 2008 (17) est proche du nombre attendu de promus (14), même si, pour 2008, on attend ponctuellement l'entrée de 7 diplomates dans le dispositif de congé de fin d'activité. Selon certains diplomates, « la baignoire ne se vide pas, ou beaucoup trop lentement » : les départs ne sont pas sensiblement supérieurs aux promotions aux grades les plus élevés, d'où des problèmes de débouchés de carrière toujours préoccupants.
Le contrat de modernisation 2006-2008 a donc été imparfaitement respecté par les parties. L'objectif de réduction de 73 postes n'a pas été complètement tenu pour plusieurs raisons :
- le ratio promus/promouvables n'a pas pu être abaissé (passage de 8 % à 7 %) pour des raisons « sociales » évidentes, et en raison de son caractère déjà très faible par rapport aux autres administrations ;
- la politique active de placement des cadres en dehors du ministère des affaires étrangères et européennes est embryonnaire ;
- la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences n'en est qu'à ses débuts ;
- le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique n'a donné son accord au dispositif de fin d'activité, qui correspond à un mécanisme de préretraite, pour 20 personnes que fin 2007 , alors qu'il doit s'achever au 30 juin 2008.
La difficile genèse du congé de fin d'activité - été 2005 : envoi d'un projet de décret à la direction du budget : objections techniques de sa part ; - novembre 2005 : saisine du cabinet du Premier ministre ; - décembre 2005 : instruction du directeur de cabinet du Premier ministre en faveur du dispositif ; - décembre 2005 - mai 2006 : discussions techniques avec la direction du budget ; - juin 2006 : examen en comité technique paritaire (CTP) ; - août 2006 : modifications demandées par la direction du budget ; - décembre 2006 : réexamen par le comité technique paritaire (CTP) ; - juin 2007 : examen par le Conseil d'Etat ; - novembre 2007 : le ministère du budget souhaite ne pas utiliser le dispositif au-delà du 30 juin 2008 ; - décembre 2007 : publication du décret dont l'effet prend fin au 30 juin 2008. Source : ministère des affaires étrangères et européennes/commission des finances |
Prévu pour des agents dont l'âge est compris entre 58 et 63 ans, le dispositif de fin d'activité prévoit une indemnité de départ comprise entre 25.000 et 100.000 euros selon les situations, soit un peu plus d'une année de traitement avec primes en administration centrale, selon le ministère des affaires étrangères et européennes. Il aurait été proposé à une trentaine d'agents « sans débouchés garantis » selon les termes de l'administration du Quai d'Orsay.
Il est toutefois peu probable qu'il s'applique à 20 personnes, comme cela était à l'origine prévu . La chronologie présentée ci-dessus souligne que la direction du budget a « résisté » à la mise en place d'une mesure pourtant prévue par le contrat de modernisation qu'elle avait signée. Dans sa réponse au référé de la Cour des comptes en date du 15 janvier 2008, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, justifie cette position en rappelant qu'il convient de ne pas « altérer la lisibilité de la politique gouvernementale de l'amélioration du taux d'emploi des « seniors » ». En effet, le gouvernement mène, avec raison, une politique visant à rallonger la durée de vie active, en améliorant le taux d'emploi des plus de 50 ans et en repoussant l'âge de départ à la retraite. Tout ceci va à l'encontre du développement de préretraites dans la fonction publique. La solution actuelle aux difficultés de l'encadrement supérieur du Quai d'Orsay consiste à davantage encourager les personnels à poursuivre leur carrière à l'extérieur de leur administration d'origine.
2. Le phénomène de sous-emploi des cadres de haut niveau pourrait encore s'aggraver
Le phénomène de sous-emploi dans l'encadrement supérieur du Quai d'Orsay pourrait encore s'aggraver dans l'avenir.
Ainsi, le nombre de débouchés de carrière a tendance à se réduire : la modernisation des structures réduit le nombre de postes. Le nombre de postes à responsabilité dans le réseau, y compris les postes de responsables de centres culturels, est passé entre 1996 et 2008 de 461 à 415. Le nombre de consulats généraux est passé durant la même période de 116 à 98.
Les nominations politiques « à la discrétion du gouvernement » avivent les tensions.
Le rapprochement des corps de conseiller des affaires économiques et de conseiller des affaires étrangères doit être de plus programmé en application de la revue générale des politiques publiques. En effet, comme votre rapporteur spécial l'a souligné à plusieurs reprises, la séparation des activités régaliennes des missions économiques de leurs activités de prospection commerciale assurées par UBIFRANCE doit conduire à l'intégration des conseillers des affaires économiques dans les ambassades, mettant fin à leur autonomie de gestion et aux cloisonnements souvent constatés. Elle pourrait conduire ultérieurement, d'une part à la fusion des corps de « diplomates politiques » et de « diplomates économiques », conformément à la volonté du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique de réduire progressivement le nombre de corps dans l'ensemble de la fonction publique, et d'autre part à la promotion de certains conseillers économiques comme ambassadeurs, afin de diversifier les compétences des « chefs de poste ».
De manière générale, l'ouverture du métier de diplomate à des profils diversifiés est en effet une nécessité . Telle semble être d'ailleurs la politique de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, qui a ainsi nommé récemment deux écrivains à la tête d'une ambassade : M. Jean-Christophe Rufin, au Sénégal 7 ( * ) et M. Daniel Rondeau à Malte.
Cette politique souhaitable, à condition que les personnalités issues de la société civile disposent des qualités pour assumer des fonctions de « chef de poste », à commencer par celles essentielles dans le domaine de la gestion des ressources humaines, devrait susciter une concurrence accrue pour accéder à la responsabilité d'ambassadeur. Or, dans le même temps, les diplomates n'accèdent pas suffisamment à des responsabilités dans les autres ministères . Malgré des exceptions heureuses, comme en témoigne la récente nomination d'un diplomate à l'un des deux postes de directeur d'administration centrale du nouveau ministère de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire, les agents du Quai d'Orsay ne parviennent pas suffisamment à engager une mobilité dans les autres administrations : selon certains agents, le traditionnel différentiel de rémunération entre un poste en France et une carrière à l'étranger expliquerait certaines réticences.
* 7 Mais il avait aussi un parcours reconnu dans le domaine de la coopération et des organisations non gouvernementales.