3. Accélérer la mise en commun des moyens
Ce premier bilan du visa biométrique est positif. La commission d'enquête est toutefois partagée entre deux sentiments : d'une part, le souci de ne pas perdre de temps et d'accélérer la mise en oeuvre du dispositif, et d'autre part, la conscience que le seul niveau pertinent pour agir efficacement est l'Europe.
Le souci d'agir vite conduit à demander à ce que l'extension de BIODEV à de nouveaux consulats et postes frontières en 2006 ne soit pas retardée pour des raisons financières. Au cours de son audition, M. François Barry Delongchamps, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France au ministère des affaires étrangères, a pris la précaution d'annoncer que « 29 autres (consulats) devraient être (équipés) d'ici la fin de l'année 2006, pour autant que les moyens budgétaires seront rendus disponibles. [...] J'appelle votre attention sur le fait qu'à ce jour, le ministère des affaires étrangères n'a toujours pas l'assurance claire du budget sur ce financement. La généralisation de la biométrie reste en effet suspendue à une incertitude financière ».
Le surcoût lié à l'introduction de la biométrie devrait être compensé à moyen terme par des recettes supplémentaires. M. François Barry Delongchamps a indiqué que « cela ne coûtera pas un centime au contribuable, étant donné que les recettes provenant des visas sont passées de 53 M€ en 2002 à 79 M€ en 2005 à la suite d'un certain nombre de mesures simples qui viennent des frais de dossier (on fait payer maintenant la même somme aux demandeurs de visa quel que soit le résultat de la demande), du tarif unique Schengen de 35 €, qui s'est substitué aux 17 tarifs différents qui existaient jusqu'en 2003, et du passage, que nous avons demandé à nos partenaires de l'espace Schengen, de ce droit de 35 à 60 €, sachant qu'il faut couvrir les coûts, ni plus ni moins, de la biométrie, c'est-à-dire ceux de l'instruction des demandes de visa. Je vous ferai observer que, pour les visas américains ou britanniques, les tarifs sont déjà beaucoup plus élevés. L'objectif de la France est donc d'obtenir du conseil JAI du 27 avril prochain un relèvement effectif à 60 € qui pourrait intervenir au 1 er janvier 2007 avec effet possible dès le 1 er octobre 2006 pour les pays qui le souhaitent ». Sans aller jusqu'à la création d'un fonds de concours, la commission d'enquête juge qu'il serait contre-productif et inefficace d'un point de vue financier d'interrompre ou d'amputer l'expérimentation BIODEV.
Cette seconde phase est importante car elle offrira à BIODEV une dimension opérationnelle et est concentrée sur plusieurs des principaux pays sources de l'immigration irrégulière vers la France.
Agir vite ne signifie pas pour autant qu'il faille agir seul et dans la précipitation.
Il est envisagé d'équiper l'ensemble des consulats pour délivrer des visas biométriques en 2008. Pourtant, l'urgence n'est pas identique partout. Il semble plus opportun de faire porter l'effort sur les pays où la pression migratoire est importante et le taux de fraude à l'état civil élevé. Le retour sur investissement sera immédiat et significatif.
Surtout, le visa biométrique ne sera vraiment efficace que lorsqu'il aura été généralisé à l'ensemble des Etats membres de l'espace Schengen. La France a raison d'être pionnière et d'avancer malgré tout, mais elle doit prendre garde à :
- ne pas aller trop vite au risque de faire des choix techniques qui ne seront pas nécessairement ceux du programme VIS ;
- déployer son dispositif en anticipant les synergies possibles avec les réseaux consulaires des autres Etats Schengen.
M. Franco Frattini, vice-président de la Commission européenne, commissaire en charge de la justice, de la liberté et de la sécurité, a indiqué qu'il espérait que la généralisation de la biométrie dans les visas puisse être effective « à la fin 2006 ou au printemps 2007 ». Si ce délai devait être tenu, ce qui semble très optimiste, il faudrait accélérer la réflexion sur la complémentarité des réseaux consulaires des Etats membres de l'espace Schengen et la création de consulats communs.
Quelques initiatives franco-allemandes ont été lancées, mais elles restent limitées. Pour garantir un niveau de sécurité homogène lors de la délivrance des visas Schengen et ne pas dissuader de venir en Europe l'immense majorité des étrangers de bonne foi (hommes d'affaires, touristes, chercheurs), le VIS doit prendre appui sur un réseau consulaire cohérent. A défaut, la comparution personnelle des demandeurs de visas sera rédhibitoire pour beaucoup.
Ajoutons que la mise en commun des réseaux consulaires sera une source importante d'économies.
Une fois le visa biométrique généralisé à l'ensemble des Etats membres de l'espace Schengen, il sera possible de passer à une seconde étape : le contrôle des entrées et des sorties des détenteurs de visa de court séjour et du respect par eux de leurs obligations.
Paradoxalement, ce contrôle renforcé grâce à la biométrie devrait permettre aux agents consulaires d'être moins sévères lors de l'examen de la demande de visa. En effet, si des étrangers profitent du visa pour rester en Europe irrégulièrement, le système les signalera immédiatement à l'expiration de la durée de validité de leur document. Ils seront identifiés et les services compétents en matière d'éloignement des étrangers pourront les rechercher.
A contrario , les étrangers qui sont amenés à venir fréquemment en Europe pour des raisons familiales ou professionnelles et qui respectent leurs obligations pourraient être dispensés des contrôles habituels et bénéficier d'une procédure allégée. Cela serait très utile dans les pays où la fraude documentaire à l'état civil est courante.
En 2004, la légère augmentation du nombre de visas Schengen délivrés (+ 2,5% par rapport à 2003, soit 45.000 visas de plus) est d'ailleurs due à l'augmentation des visas de circulation, valables un an et plus. Ces visas devraient être attribués à un plus grand nombre de personnes « sûres » lorsque le visa biométrique sera répandu.
Lorsqu'un tel système sera en place, une politique des visas pleinement orientée vers une politique de l'accueil pourra se développer. M. François Barry Delongchamps a expliqué de manière réaliste qu'« il y a deux catégories de demandeurs de visa.
« La première regroupe ceux dont nous souhaitons encourager la venue en France. La biométrie permettant une procédure accélérée, il faut que nous soyons beaucoup plus généreux que nous le sommes en matière de visas de circulation qui n'ont pas à être renouvelés tous les trois mois mais qui permettent, pendant une période de deux, trois, quatre, voire cinq ans de circuler, et non pas de s'établir, aussi souvent qu'on le souhaite, avec des séjours qui ne doivent pas durer plus de quelques semaines d'affilée. Ce sont des visas de circulation. [...]
« Quant à la deuxième catégorie de demandeurs, ce n'est pas nous qui souhaitons favoriser leur venue en France mais eux (c'est tout à fait légitime et nous n'avons pas à porter de jugement sur ce point) qui veulent venir en France pour telle ou telle raison. [...] Il ne faut pas oublier que les instructions consulaires communes de Schengen prévoient très clairement qu'en cas de doute sur le risque migratoire, on refuse le visa alors qu'il n'est pas vraiment dans la tradition de l'administration française que le doute joue contre et non pas en faveur d'une demande ». Le VIS bénéficiera aussi aux demandeurs de bonne foi appartenant à cette seconde catégorie.