B. RENFORCER LES CONTRÔLES À LA FRONTIÈRE
Si le réseau consulaire est aux « avant-postes » du contrôle de l'accès à notre territoire, la frontière est la dernière ligne avant de basculer dans le séjour irrégulier.
1. Des moyens supplémentaires et une meilleure organisation
Un premier effort a porté sur les moyens de la police aux frontières (PAF) dont les effectifs ont fortement progressé au cours de l'année 2004. Le cap des 8.000 fonctionnaires a été franchi (8.164 au 1 er janvier 2006 43 ( * ) ), soit une progression de près de 900 fonctionnaires depuis 2001. 300 fonctionnaires devraient encore s'y ajouter au cours de l'année 2006. Sur l'aéroport de Roissy, les effectifs ont augmenté d'un quart en cinq ans.
Ces renforts d'effectif ont permis à la PAF de s'imposer comme le pilote et l'animateur de « la police de l'immigration » définie par la circulaire du 23 août 2005 et de développer une stratégie offensive capable de s'adapter aux évolutions rapides des flux entrants et des filières.
Ainsi, en 2005, les contrôles à la descente des avions sur les lignes les plus sensibles ont été systématisés (14.924 vols contrôlés et 8.154 étrangers en situation illégale au regard des règles d'entrée sur notre territoire détectés), tactique qui permet de s'assurer de la provenance des personnes avant qu'elles n'aient le temps de détruire leurs papiers ou de s'égayer dans la zone internationale.
La PAF a adapté son organisation territoriale à l'évolution des flux. A titre d'exemple, elle a créé une direction départementale dans l'Oise afin de prendre en compte l'aéroport international de Beauvais dont le trafic passager a explosé (1.800.000 passagers en 2005 contre 678.000 en 2002).
Le contrôle de la voie ferroviaire a également été renforcé avec :
- la reconstitution, au sein de la PAF, de la brigade des chemins de fer nationale, forte de 190 hommes ;
- la possibilité de procéder à des contrôles d'identité, sans conditions particulières, dans les trains transnationaux jusqu'à la première gare après le franchissement de la frontière 44 ( * ) ;
- l'organisation d'opérations de contrôle intensives par des patrouilles mixtes franco-italiennes embarquées à bord des trains internationaux.
D'autres progrès ont été enregistrés en matière de refoulement des étrangers à la frontière . Plusieurs dispositions de la loi du 26 novembre 2003 ont porté leurs fruits en réduisant les possibilités de manoeuvre dilatoire pour les étrangers déclarés non-admis : réforme du « jour franc » 45 ( * ) , clarification des règles en matière de communication des droits aux personnes non admises, prolongement du placement en zone d'attente en cas de demande d'asile déposée au cours des quatre derniers jours du placement 46 ( * ) .
Ces réformes, combinées à la multiplication des contrôles à la descente des avions et à l'instauration du visa de transit aéroportuaire pour un plus grand nombre de nationalités, ont permis de réduire considérablement le taux d'occupation de la zone d'attente de Roissy 47 ( * ) ainsi que la durée moyenne du placement (voir le tableau ci-dessous).
Durée moyenne du maintien en zone d'attente à Roissy
2003 |
2004 |
2005 |
|
Nombre total de personnes maintenues en zone d'attente |
15.498 |
15.452 |
14.451 |
Nombre de personnes toujours détenues après 48 heures |
7.760
|
3.694
|
3.073
|
Nombre de personnes toujours détenues après 96 heures |
6.765
|
2.502
|
2.101
|
Nombre de personnes toujours détenues après 12 jours |
2.984
|
446
|
368
|
Source : Direction centrale de la police aux frontières
Ces résultats spectaculaires ne sont pas sans conséquences sur le débat relatif à l'utilisation de la salle d'audience délocalisée du tribunal de grande instance de Bobigny.
Rappelons que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 92-625 du 6 juillet 1992, le juge judiciaire peut statuer, en matière de prolongation du maintien d'une personne en zone d'attente, dans une salle d'audience spécialement prévue à cet effet située sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire de la zone d'attente. Ces dispositions étant restées lettre morte malgré la construction d'une salle d'audience à proximité de la zone d'attente de Roissy, la loi du 26 novembre 2003 prévoit que le juge doit statuer dans une telle salle lorsqu'elle existe. Malheureusement, plus de deux ans après le vote de la loi, cette salle est toujours inutilisée, les magistrats et les avocats ayant estimé que les conditions matérielles n'étaient pas encore réunies. Des travaux supplémentaires sont en cours et l'utilisation de la salle est annoncée pour le début de l'année 2007.
Les motifs qui ont présidé à sa construction étaient, d'une part, l'amélioration du confort des étrangers maintenus en zone d'attente en leur épargnant de longs transferts vers le tribunal, et d'autre part, une réduction des moyens matériels et humains consacrés aux escortes.
Toutefois, il faut s'interroger sur l'utilité de cette salle aujourd'hui puisqu'en 2005, seulement 14,54 % des étrangers étaient encore détenus après 96 heures de maintien en zone d'attente, représentant 2.101 personnes. En 2003, 43,6 % des étrangers étaient encore détenus après quatre jours, soit 6.765 personnes. Or, l'audience devant le juge des libertés et de la détention pour prolonger le maintien en zone d'attente n'intervient qu'à partir de la 96 ème heure. Selon M. Philippe Jeannin, président du tribunal de grande instance de Bobigny, le nombre de saisines au titre de la prolongation du maintien en zone d'attente (première et seconde prolongation inclues) a atteint un sommet en 2001 (12.715 saisines) avant de chuter régulièrement jusqu'à environ 2.400 saisines en 2005.
Peut-être serait-il plus intéressant de recourir à la visioconférence.
Sans trancher la question du seuil à partir duquel il est rentable d'utiliser une salle d'audience délocalisée, il est de toute façon anormal que les dispositions de la loi du 26 novembre 2003 n'aient pas été mises en oeuvre avec plus de diligence 48 ( * ) .
* 43 85,6 % de personnels actifs, 5,6 % de personnels administratifs et 8,7 % d'adjoints de sécurité.
* 44 Article 78-2 du code de procédure pénale tel que modifié par l'article 3 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme. Voir le rapport n° 117 (Sénat 2005-2006) de M. Jean-Patrick Courtois, au nom de la commission des lois du Sénat.
* 45 Avant la loi du 26 novembre 2003, l'étranger auquel était opposé un refus d'entrée ne pouvait être rapatrié contre son gré avant l'expiration d'un délai d'un jour franc à compter de la décision de non admission. Or, il était fréquent que des étrangers refusent de signer la notification de la décision afin de créer un vice de procédure et de faire annuler la procédure de maintien en zone d'attente au motif que leurs droits ne leur avaient pas été communiqués ou qu'ils avaient été l'objet d'une tentative de rapatriement avant l'expiration d'un délai d'un jour franc. Certaines juridictions judiciaires refusaient de prolonger le maintien en zone d'attente au motif que le procès verbal de la notification n'avait pas été signé. Mais les jurisprudences divergeaient sur le point de savoir si le refus de signer la notification de la décision entraînait renonciation au jour franc. Pour remédier à ces difficultés, la loi du 26 novembre 2003 prévoit que le bénéfice du jour franc n'est pas automatique, l'étranger devant indiquer sur la notification s'il souhaite en profiter.
* 46 Voir notamment le rapport d'information n° 2922 (Assemblée nationale- XIIème législature) sur l'application de la loi du 26 novembre 2003 de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale.
* 47 Dans la zone d'attente de Roissy (ZAPI II), 69 personnes sont placées en moyenne par jour pour une capacité totale de 172 lits.
* 48 La situation s'est tout de même améliorée en raison précisément de la baisse très forte du nombre d'étrangers présentés devant le juge des libertés et de la détention. En outre, au tribunal de grande instance de Bobigny, des travaux ont été réalisés pour améliorer l'accueil des étrangers. Une salle spéciale d'accueil des étrangers a été créée en dehors du dépôt de police.