4. M. Alain MORCHEOINE, Directeur de l'Air, du bruit et de l'efficacité énergétique, ADEME
On peut faire un premier état des lieux. Lorsqu'on parle de pollution des transports en ville, de quoi parle-t-on et en particulier qui fait quoi ? La part du transport des personnes et celle du transport des marchandises varient en fonction des polluants. Le transport des marchandises concerne également les achats des ménages. L'évolution des normes sur les véhicules a été évoquée, ainsi que sur les poids lourds, où les progrès sont importants. Sur les deux roues, on a le problème d'une croissance forte de l'utilisation des deux roues en ville en raison d'un certain nombre de problèmes de congestion de trafic urbain. Je me suis permis de comparer les émissions automobiles en 1981, date où l'on a commencé à se préoccuper de limiter les émissions des deux roues, et aujourd'hui en Euro 4. On constate que nous avons encore des progrès à faire sur la dépollution des deux roues, ce qui est normal car on s'y est intéressés avec beaucoup de retard par rapport aux véhicules particuliers.
Un des gros travaux de l'ADEME consiste à évaluer ce que réellement apportent les technologies ou les carburants en termes de dépollution en utilisation réelle et non plus selon les standards. D'abord, essayons de nous intéresser à quelque chose qui défraie régulièrement les chroniques, le gaz de pétrole liquéfié. Par rapport à Euro 3, soit la génération précédente des normes valables jusqu'à la fin de l'année dernière, le bilan est assez contrasté, lorsqu'on compare le GPL avec la motorisation diesel et le GPL avec la motorisation d'essence. Il y avait des points d'excellence, mais aussi des points de faiblesse, qui se sont encore accentués avec l'apparition des normes Euro 5. Le GPL, qui était considéré comme une motorisation propre, fait partie du passé.
On a beaucoup parlé des filtres à particules, et j'y reviendrai. Les professionnels de la santé nous ont posé plusieurs questions, à savoir si nos dispositifs arrêtaient les petites particules comme les grosses - car ce sont les petites qui inquiètent les professions de santé. Une autre question était que les particules sont une petite « éponge » qui absorbent de nombreuses choses, et il s`agit de savoir si ces composés sont bien éliminés. Une troisième question subsidiaire s'attache à étudier, dans le cas où l'on est obligé de mettre un additif, s'il ne disparaît pas dans la nature à l'échappement. Comme l'a indiqué Gérard BELOT, en termes de nombre de particules, on descend d'un facteur 10 4 . Ce qui est beaucoup plus intéressant, c'est que nous avons une diminution à peu près égale sur l'ensemble des classes granulométriques de particules. Cela veut dire que le dispositif de traitement, qui est un catalyseur d'oxydation suivi d'un filtre, élimine de manière à peu près équivalente toutes les tailles de particules, à travers des combinaisons de phénomènes sur lesquelles je ne m'étendrai pas, mais cela répond à la première question : le filtre à particules arrête aussi bien les petites que les grosses particules. La deuxième question était celle des espèces. Nous avons, à la sortie des filtres, la disparition de toutes les espèces à problème, cancérigènes, avérées ou probables. Sur la troisième question, on retrouve à l'intérieur du filtre l'ensemble de la masse de l'additif que l'on avait mis dans le carburant. Autrement dit, il ne sort pas.
Enfin, nous sommes toujours en cours d'évaluation sur la longévité des filtres. Nous sommes maintenant autour de 180 000 km. Nous constatons sur les voitures particulières que cela marche plutôt mieux au bout d'un certain temps qu'au début. Ne me demandez pas pourquoi, car c'est une question que nous n'avons pas réussi à élucider, mais les mesures nous le font constater. Il faut aussi faire très attention à la façon dont le véhicule est utilisé. En particulier, si cela marche bien sur des autobus, c'est moins le cas sur les bennes à ordure, qui fonctionnent comme un autobus qui s'arrête à toutes les portes.
En ce qui concerne les cyclomoteurs, nous observons avec l'apparition des deux temps catalysés et les quatre temps un progrès important pour ce qui est de la performance. Se pose le problème du renouvellement du parc, que j'évoquerai ensuite. Pour les autobus, mais aussi pour les voitures, lorsqu'on est confrontés à un trafic qui est moins « chahuté », on ira plus vite, et on polluera moins. Notamment, sur le polluant qui nous inquiète tous encore, qui est celui des oxydes d'azote. En effet, sur un couloir de bus, lorsqu'on gagne une vitesse commerciale de 5 km/h, on aura de l'ordre de 10 % de moins de consommation, mais aussi 15 % de moins d'oxyde d'azote. Cela est dû au fait que l'on diminue les phases d'accélération et décélération. Cela est vrai pour les autobus mais aussi pour les voitures.
Pour en revenir à la problématique principale, il faut faire attention à la lenteur de la vitesse à laquelle le parc se renouvelle. Les sept ans d'âge moyen du parc qui ont été évoqués sont probablement en dessous de la réalité. Surtout, ce renouvellement se fait de moins en moins vite pour une raison simple. Les constructeurs (on ne leur en voudra pas pour cela) font des voitures de plus en plus solides. Ensuite, le développement de la multimotorisation retient la sortie du parc de véhicules âgés. La combinaison de ces deux effets fait que l'on a un parc qui est assez vieux. Lorsque vous avez une nouvelle technologie, en dehors de toute incitation sur le marché, à l'instant zéro, autrement dit sur la première voiture neuve équipée de cette technologie, on constate que cela percole à peu près sur l'ensemble des productions des constructeurs entre dix et quinze ans. On est à 95 % en quinze ans, en dehors de toute incitation. On n'achète pas une voiture neuve tous les ans, et le temps que cette technologie pénètre dans le parc il va se passer entre vingt-cinq et trente ans. Il existe donc une très forte inertie. Certains constructeurs anticipent, et la norme est appliquée dans un délai de cinq ans après qu'un constructeur a commencé à mettre une technologie sur le marché. Tout ce que l'on fait, c'est accélérer la pénétration de l'ordre de deux et demi à trois ans. On a donc une très forte inertie. C'est un véritable problème dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui. Sur les poids lourds, c'est probablement un peu plus rapide, et pour ce qui concerne les deux roues, nous n'avons pas ce type d'étude.
En matière de technologie, je vais passer rapidement sur le sujet car beaucoup de choses ont été dites. On constate une courbe de chute vertigineuse concernant les émissions des particules en fonction des normes. La prochaine étape atteint environ une réduction d'un facteur 2. De quoi dispose-t-on pour faire cela rapidement ? Nous avons les post-traitements, mais ils sont coûteux, aussi bien en argent qu'en surconsommation. Cela signifie que la dépollution se paie en effet de serre et qu'il faut faire attention au fait que l'acharnement thérapeutique va se traduire par un fort surcoût en termes d'effet de serre, en dehors des problèmes d'acceptabilité financière. En ce qui concerne la combustion homogène, je ne pense pas qu'on l'ait avant 2010. La combustion à basse température a un très grand avantage, qui est qu'elle élimine une partie du coût de post-traitement, notamment sur les oxydes d'azote. En effet, il faut garder à l'esprit que l'augmentation d'un rendement moteur, c'est-à-dire ce qui va permettre de lutter contre l'effet de serre, se traduit, avec de la combustion classique, par une augmentation des oxydes d'azote. On constate un antagonisme, et il va falloir faire des compromis.
En matière d'évolution des consommations conventionnelles, on a beaucoup parlé de l'injection directe essence et de l'auto-inflammation contrôlée. Sur le downsizing, c'est-à-dire le remplacement d'un moteur par un petit moteur très suralimenté, il existe des enjeux importants en termes de CO 2 , qui sont déjà en grande partie engrangés. Sur les moteurs diesel, on a encore franchi un pas de plus dans la montée des pressions d'injection. La combustion homogène a été suffisamment évoquée, quant au post-traitement avancé quatre voies, Gérard BELOT nous a dit ce qu'il fallait en penser en termes de tenue dans le temps.
En ce qui concerne les alternatives, le moteur hybride est une espèce de glissement continu. Cela part de ce que l'on appelle l'hybridation douce, le stop/start de Citroën, Xsara Dynalto, cela passe par la Prius, et cela peut aller sur des hybrides encore plus avancés. L'intérêt des hybrides, c'est que dans la circulation urbaine, on profite des caractéristiques intéressantes de coupes du moteur électrique, c'est-à-dire que l'on va diminuer les consommations et les émissions de polluants en circulation urbaine. Cela intéresse donc la problématique qui nous occupe aujourd'hui. L'inconvénient est que l'on ajoute des kilos de moteurs électriques, des kilos des batteries, et que cela ne coûte pas le même prix, et l'on débouche sur des problèmes d'acceptabilité financière.
Je ne m'étendrai pas sur la pile à combustible, car c'est au plus tôt pour 2015 si ce n'est 2020, et le problème est de savoir comment on va fabriquer, distribuer et stocker l'hydrogène à bord des véhicules. Comme nous sommes en urbain, il faut s'intéresser à ce qui se passe sur la performance des batteries. Les véhicules électriques purs ont des caractéristiques de couple qui sont intéressantes du point de vue des profils d'émissions urbains, où l'on passe son temps à accélérer et décélérer. Par ailleurs, ils ne font pas de bruit, qui est la première nuisance urbaine citée. Le grand inconvénient est la peur de la panne électrique en raison de l'autonomie des batteries. De nouveaux couples apparaissent sur le marché, dont on pense qu'on pourra avoir des autonomies de 250 à 300 km sur un véhicule particulier, mais tout cela reste à vérifier sur le terrain. Je rappelle qu'il est exceptionnel qu'un individu fasse plus de 40 km par jour en urbain, mais il y a la peur de la panne électrique. On éloigne donc cette peur, et cela ouvre des marchés. Je passe rapidement sur le fait que les véhicules urbains de livraison de marchandises peuvent aussi voir leur spectre de solution s'élargir en faveur de l'hybride, du GNV électrique, pour venir plus à ce qui nous occupe.
Voilà comment se situent les responsabilités de l'émission des habitants en fonction de la densité de leur commune de résidence, en prenant l'exemple de l'Ile-de-France. Lorsqu'on est en périrurbain, on est à l'origine de l'ordre de 2 à 4 fois plus d'émissions par jour pour les trajets que lorsqu'on est en centre-ville. Mais à partir du moment où cette contrainte d'autonomie du véhicule électrique se desserre, on peut envisager que même les périrubains aient accès dans la vie de tous les jours à des véhicules à motorisation électrique. Au fur et à mesure que l'on densifie, le spectre des véhicules électriques s'élargit.
Je voudrais insister sur le fait que s'il y a percée du véhicule électrique, elle se fera d'abord avec des flottes propres, d'entreprise, autrement dit grâce à ceux qui savent ce qu'est un compte d'exploitation de véhicule et qui savent faire un calcul, en payant plus cher un véhicule au départ, mais dont le coût d'utilisation sera beaucoup plus faible. Le moins que l'on puisse dire, c'est que nos compatriotes ne maîtrisent pas ce type de raisonnement, car dans le cas contraire, ils achèteraient beaucoup moins de voitures, mais c'est un autre débat.
En conclusion, la technologie va pouvoir apporter son écho au problème de diminution de la pollution urbaine ; il pourra être significatif sous certaines conditions, mais cela ne suffira probablement pas. Nous aurons à nous pencher sur la réorganisation du système de déplacement, notamment l'utilisation des modes de transport là où est leur génie ou leur excellence. En effet, prendre sa voiture en ville pour faire 500 m, ce n'est pas raisonnable, surtout s'il faut trouver une place. On peut aller à pied. Si l'on va un peu plus loin, on peut avoir un vélo, voire un vélo électrique. Dans certaines circonstances, lorsque l'offre de transport public est attractive, c'est aussi une solution. Ensuite, lorsqu'on n'a plus autre chose, il reste la voiture. On a peut-être à faire bouger les limites entre ces différents types de solutions, de façon à obtenir un bilan global plus favorable. D'autres modes d'action à plus long terme sont possibles. Un mode d'action à très long terme est celui de l'urbanisme, qui consiste à faire que les gens puissent accéder aux fonctionnalités de la ville avec des distances moindres à parcourir, mais on parle en termes de générations. Par ailleurs, il existe les outils réglementaires, fiscaux et politiques. Cela permet de faire la transition avec M. Rémy PRUDHOMME.
• M. Christian CABAL
Merci de cette présentation, que l'on peut qualifier de très complète, car elle a envisagé l'ensemble des problèmes. Je propose au professeur PRUDHOMME de nous faire part de l'expérience londonienne avant d'ouvrir la discussion sur cette deuxième partie de la matinée.