3. M. Dominique HERRIER, Directeur adjoint, IFP
Messieurs les Députés, Mesdames, Messieurs, l'objectif de mon propos est assez complémentaire par rapport aux deux précédents, car il va porter sur la dépollution à la source, la production même des dépolluants au sein de la chambre de combustion. Cet exposé va être plus spécialement focalisé vers les nouveaux concepts de combustion, ce qui ne veut pas dire qu'avec les concepts actuels il n'y ait pas d'amélioration permanente de la production et la maîtrise des polluants à la source. Mais comme vous allez le voir au cours de cet exposé, les nouveaux concepts de combustion permettent de franchir une étape conséquente et d'obtenir des niveaux d'émissions de polluants appréciables par rapport à ce qui a été présenté au sujet des systèmes de dépollution.
Pour faire le lien avec les deux présentations précédentes, l'objectif de cet exposé est focalisé sur la combustion. A partir du moment où l'on souhaite traiter les polluants, une façon assez logique de procéder est de les traiter à la source, au niveau de la production dans la chambre de combustion. Cela nous permettra d'obtenir une réduction substantielle de tous les systèmes de post-traitement qui pourront être utilisés ultérieurement. C'est une réduction en termes de complexité et de coûts, avec la possibilité d'effets induits sur la consommation globale du véhicule. A partir du moment où l'on met en place des systèmes de post-traitement, cette consommation est sensiblement affectée. Tout ceci va dans le sens d'une meilleure maîtrise de l'ensemble du système de dépollution.
En ce qui concerne le nouveau concept de combustion, les principes généraux reposent sur une combustion homogène à allumage par compression. Ce mode de combustion se distingue par rapport à la combustion traditionnelle par le fait que l'on essaie de préparer un mélange air/carburant le plus homogène possible au sein de la chambre de combustion. Ce mélange est réalisé avec une très forte dilution, soit obtenue avec de l'air en excès ou avec une grosse circulation de gaz brûlés, dans la mesure où l'on peut utiliser des gaz brûlés présents à l'échappement que l'on réinjecte dans le cylindre, ou des gaz brûlés que l'on conserve dans la chambre de combustion d'un cycle à l'autre. Le deuxième point important concernant ce concept de combustion se rapporte au contrôle de la combustion qui se fait par l'auto inflammation. C'est le paramètre clé qui va nous permettre de contrôler cette combustion, par opposition aux combustions traditionnelles qui reposent soit sur la propagation d'une flamme dans le cas d'un allumage commandé, soit sur la diffusion du carburant dans le cas du moteur diesel conventionnel. Cela nous permet d'avoir une action importante sur les sur-richesses locales, à savoir que l'on minimise au maximum les zones de sur-richesses locales en carburant, et l'on obtient du fait de cette forte dilution, soit avec l'air soit avec les gaz brûlés, une température de combustion très basse. Ces deux éléments nous permettent de réduire les mécanismes de formation des suies d'une part et des mécanismes de formation d'oxyde d'azote d'autre part. Pour ces modes de combustion particuliers, deux acronymes apparaissent très fréquemment : le HCCI pour ce qui concerne la combustion diesel, et le CAI pour l'essence.
Quel est l'effet de ces combustions particulières sur la consommation de carburant ? Vous avez une planche qui représente dans des valeurs normées les consommations des systèmes conventionnels d'une part, avec l'essence conventionnelle fonctionnant à la stéochiométrie, comme l'a rappelé M. BELOT, et la consommation du diesel conventionnel équipé des systèmes d'injection moderne, common rail en particulier. Enfin, les combustions de type HCCI ou CAI permettent d'obtenir des réductions réellement conséquentes de la consommation. Le CAI permet d'obtenir une réduction de l'ordre de 15 % par rapport à la combustion conventionnelle essence, et avec le diesel HCCI on peut atteindre environ 28 %. On conserve la consommation très favorable du moteur diesel. Ces modes de combustion apportent donc un gain substantiel sur ce plan.
Si l'on observe les gains en termes d'émission d'oxydes d'azote, puisque c'est l'un des problèmes clés de dépollution du moteur diesel, on obtient là encore une amélioration plus que conséquente liée à l'utilisation de ces nouveaux modes de combustion. Comme référence, on a choisi le diesel conventionnel avec une base 100, et pour l'essence conventionnelle richesse 1 qui paraît très élevée, on parle d'émissions brutes, à la sortie du moteur, avant tout post-traitement catalytique. Pour revenir sur les modes de combustion, on constate que les réductions sont drastiques puisqu'on atteint des diminutions de l'ordre de 50 à 100 % en termes d'émission de NOx pour l'ensemble de ces modes de combustion.
Si l'on étudie plus en détail ces modes de combustion HCCI et CAI, on peut voir ce qui se passe à l'intérieur de la chambre de combustion, dans la combustion traditionnelle et dans la combustion homogène. On a une visualisation directe de la combustion réalisée avec un endoscope installé sur un moteur capable de fonctionner suivant ces deux modes de combustion. On constate une partie très lumineuse de la combustion traditionnelle, qui traduit essentiellement la production de suie très intense, sachant que cette luminosité vive correspond à la combustion et à la réaction provenant de la combustion des suies. On distingue ensuite dans la combustion homogène les jets de carburant blanchâtre, mais aucune combustion apparente, car elle se produit dans des conditions très homogènes et elle est très peu lumineuse. Il n'y a quasiment pas de suie produite dans ce mode de combustion. On voit apparaître sur les dernières images quelques traces de combustion un peu plus vives, correspondant à une trace de suie provenant de la désorption du carburant qui est venu impacter sur les parois. Lorsqu'on observe directement la combustion homogène HCCI, on constate l'effet bénéfique en termes d'émission de suie.
Un autre résultat a été obtenu avec un procédé HCCI diesel, le procédé NADI, qui a été développé par l'IFP il y a quelques années. Ce procédé utilise un concept de « narrow angle direct injection », d'où sa dénomination. On observe un bénéfice par rapport au mode conventionnel du diesel, avec la diminution drastique des NOx que l'on a déjà évoqué, et la diminution des particules dans un facteur 5 à 10 par rapport à une combustion traditionnelle. Ce mode de combustion HCCI, qu'il s'agisse de NADI ou d'un autre mode de combustion (plusieurs sont à disposition et en cours de développement), est un procédé très positif dans ce domaine.
De façon similaire, on peut examiner la combustion CAI essence. Des visualisations directes sont réalisées dans un moteur que l'on peut qualifier de transparent, qui est équipé de très larges accès optiques. Là encore, on voit apparaître les différentes étapes de la combustion CAI, avec sur une des premières photos, l'auto-inflammation, l'initiation de la combustion qui se produit par spots, ensuite une expansion très rapide de cette combustion, une combustion en masse, et une fin de combustion dite en paquet. C'est encore une fois une combustion très bleutée, qui traduit une fois de plus la non-existence de phénomène de production de suie, ce à quoi on pouvait s'attendre dans un mode de combustion essence, et qui repose essentiellement sur la nature homogène du mélange qui a été préparé, ainsi que sur la forte dilution comme précisé précédemment. Une des caractéristiques de cette combustion, ce qui peut apparaître comme un point faible, est qu'elle se produit très rapidement. L'échelle de temps correspond ici à quelques degrés de rotation de vilebrequin moteur, alors que dans une chambre de combustion essence traditionnelle, la durée de combustion serait de l'ordre de plusieurs dizaines de degrés. Cela signifie que cette combustion va se traduire par des gradients de pression supérieurs à ceux d'une combustion traditionnelle, ce qui va générer du bruit qu'il faudra traiter par des moyens technologiques appropriés.
Pour conclure sur cette présentation, il est clair que les combustions HCCI ou CAI présentent un potentiel qui est clairement démontré en termes d'émission d'oxyde azote et de particules, ainsi qu'en termes de gain de consommation qui permettent d'obtenir une situation nettement améliorée par rapport au moteur à essence traditionnel, et qui permet, au moins pour le HCCI, de conserver les performances d'un moteur diesel conventionnel.
Il reste des problèmes à résoudre. En matière de maîtrise de la combustion, il est essentiel d'améliorer cette maîtrise de combustion, et d'assurer le contrôle des fonctionnements transitoires. Comme l'a rappelé M. BELOT, un véhicule automobile subit fréquemment des variations des modes de fonctionnement, de sollicitation, et l'on doit donc gérer ces transitoires, de façon à être le plus efficace possible et que l'utilisateur ne perçoive pas le moindre incident. Un autre point important concerne les émissions de bruit, que j'ai mentionnées et qui sont caractéristiques de ces modes de combustion homogène, avec en outre la nécessité de réduire quelques émissions d'imbrûlés qui subsistent notamment pour le HCCI. On peut être raisonnablement optimistes concernant ces développements, puisque l'on dispose de développements technologiques qui ne cessent de proposer des solutions qui vont permettre probablement à moyen long terme de résoudre les problèmes signalés. En particulier, on dispose dès maintenant de stratégies avancées de contrôle moteur qui permettront de contrôler ces processus de combustion de façon bouclée, garantissant une maîtrise totale de la combustion dans tous les cas de figure. On dispose dès à présent de systèmes d'injection de haute performance, qui seront beaucoup plus flexibles que ceux qui existent mais qui sont déjà très performants, et qui permettront de mieux maîtriser l'ensemble de ces paramètres.
Je vous remercie de votre attention.
• M. Christian CABAL
Merci. Je propose tout de suite à M. MORCHEHOINE de nous présenter la problématique du renouvellement du parc et ses effets sur la pollution de l'air, liée au stock existant et la rapidité de remplacement.