11. Producteurs
Comme souvent, les producteurs français ont été les chefs de file de l'industrie et ont réaffirmé leur opposition à toute ouverture de la publicité pour les films à la télévision, considérant qu'une telle mesure entraînerait une montée en puissance du cinéma américain sur le marché français, au détriment des films français.
12. Distributeurs
Les distributeurs de films , maillon souvent méconnu de la filière salle, sont les professionnels qui acquièrent auprès des producteurs des droits exclusifs de distribution dans les salles nationales, font fabriquer des copies du film, négocient avec les exploitants de salle, la mise à disposition de copies, et enfin conçoivent et financent la publicité pour le film. Une cinquantaine de sociétés distribuent ainsi environ 500 longs métrages par an sur les 5 250 écrans français, sur des « combinaisons de sortie » pouvant varier de 1 à 800 copies par film. Rémunérés en proportion directe des entrées réalisées par leurs films, et seuls investisseurs dans la promotion, les distributeurs sont donc les plus directement concernés par les moyens promotionnels accessibles au cinéma, et leur efficacité.
Les distributeurs « indépendants » (une vingtaine de sociétés), qui distribuent l'essentiel des films d'auteurs se sont prononcés en majorité contre l'ouverture. L'ouverture conduirait selon eux à une augmentation des coûts marketing et ils ne pourraient pas, comme leurs collègues des majors, assumer le « ticket d'entrée » pour faire de la publicité à la télévision.
On aurait pu s'attendre, en revanche, à ce que les « grands » de la distribution , qui distribuent les films très grand public, soient favorables à l'ouverture ; mais les choses sont plus complexes. Les principales sociétés de distribution ou « majors », filiales des studios américaines ou de groupes français verticalement intégré production/distribution/exploitation (comme Pathé, Gaumont ou UGC) ont en effet à la fois les moyens financiers et l'intérêt d'utiliser un média puissant, national. Les budgets promotionnels pour les films-événements atteignent en effet 2 à 3 millions d'euros, ce qui est suffisant pour inclure une campagne TV dans un plan média.
Mais les filiales des majors , qui utilisent pourtant - et parfois massivement - la télévision aux USA et en Europe, ne sont pas demandeuses d'une ouverture qui les amèneraient à intensifier leurs investissements, notamment autour des dates clefs où se concentrent les sorties des « blockbusters », sans garantie que l'accroissement des entrées ne vienne amortir le supplément d'investissement ; ainsi certaines des filiales françaises des majors préfèrent garantir l'autolimitation des moyens promotionnels et une concurrence de basse intensité, par une contrainte extérieure . L'ouverture réglementaire ne les obligeraient pas, bien sûr, à utiliser ce nouveau moyen si elles ne le souhaitaient pas, mais dans ce type de circonstances, les pactes tacites de non-agression deviennent extrêmement fragiles 74 ( * ) .
Les sociétés françaises intégrées seraient, elles aussi, en position de bénéficier d'un ouverture. Les investissements supplémentaires (ou optimisés) de leurs filiales de distribution profiteraient également à leurs filiales amont (production) et aval (distribution). Pathé se déclare plutôt favorable en effet ; UGC est officiellement neutre. La volonté de consensus interne à l'industrie cinématographique les amènent cependant tous à rejoindre les tenants du statu quo .
* 74 On a pu voir depuis dès janvier 2004, pour le secteur de la presse, que même les éditeurs qui étaient fermement opposés à l'ouverture, comme Prisma, ont immédiatement utilisé la nouvelle arme mise à leur disposition, soucieux de devancer en cela leurs concurrents.