9. Impacts quantitatifs

Les distributeurs ont des réponses diverses à la question de savoir s'ils comptent augmenter le montant de l'investissement publicitaire globale à l'occasion de l'ouverture de la publicité TV ou s'ils vont simplement redéployer leur mix média.

« La télévision est d'abord un média national ; s'il y a substitution, ce sera d'abord avec les médias nationaux (radio, PQN, PQR66 72 ( * ) ), avant les médias locaux (affichage, PQR). » « D'ailleurs la PQR a déjà perdu la bataille de la communication locale avec la montée en puissance des prospectus, catalogues et journaux d'annonce gratuits ; si l'on veut vraiment réguler ex ante les ressources de la PQR, il faudrait taxer ces supports et non pas interdire la télévision ».

Se pose ensuite la question de la PDM de la télévision. La fourchette 25-35% est par exemple confirmée par l'un des grands de la distribution alimentaire nous a ainsi déclaré : « Dans les autres pays européens où nous sommes présents, comme l'Espagne, la télévision représente 30% de notre budget ; nous ferions à terme la même chose en France SI le discours publicitaire était libre. »

Les analystes financiers ont anticipé un impact sur la valeur des sociétés côtées. Pour la Société Générale, par exemple, l'augmentation de la demande d'espace, à volume constant, entraînera un accroissement des prix et donc un accroissement de recettes publicitaires pour la télévision. Cette hausse de revenu atteindrait 130 à 180 M€ nets pour l'ensemble des chaînes dans le scénario réglementaire minimal (décret actuel). Dans des structures de coûts fixes comme la télévision gratuite, toute variation des recettes publicitaires se répercute directement sur la profitabilité.

L'impact sur les perspectives de profits futurs et donc sur la valorisation des sociétés basées sur la publicité est jugé « très favorable » pour les valeurs M6 et TF1 ; l'impact sur les sociétés côtés actives dans les autres médias (JCDecaux, Spir Communication, NRJ, RTL, Lagardère) est lui, qualifié de « modestement négatif ». En effet des acteurs comme RTL et Lagardère possèdent un portefeuille de médias diversifié, comprenant de la télévision. JCDecaux réalise dans la signalisation, l'équipement urbain et sur les marchés étrangers l'essentiel de son CA. NRJ bénéficie de recettes de diversification et de marges structurellement élevées grâce à la faiblesse des coûts fixes. Spir Communication, l'un des leaders de la presse gratuite vit de petites annonces et d'annonces commerciales généralement locales et promotionnels donc peu menacées par la modification réglementaire. Les analystes SG concluent donc que la mesure entraîne « deux grands gagnants » (TF1 et M6) et « pas de réels perdants ».

Pour poser les bases d'une simulation-modélisation de l'impact, il faut faire plusieurs hypothèses.

Structure actuelle du marché . Pour évaluer les recettes nettes en provenance de la distribution et dirigée vers les principaux médias, nous nous sommes référés à l'étude France Pub (niveau de recettes nettes) et à la pige TNS (part du secteur « distribution » dans le total brut). Pour 2003 nous estimons ce montant à environ 700 M€ net, hors cinéma, hors internet, hors parrainage TV. Nous estimons par ailleurs la dépense de la distribution en moyens de communication « hors média » (plis non adressés, catalogues, marketing direct, sponsoring), à environ 3000 K€.

Augmentation de l'investissement . Si un moyen de promotion supplémentaire est mis à la disposition des annonceurs, nous pensons que, toutes choses égales par ailleurs, il devient plus intéressant d'investir en promotion. Nous supposons donc une augmentation de l'effort global en communication de la part des acteurs de la distribution. Dans notre simulation « basse », correspondant à la réglementation actuelle (ouverture limitée à la promotion), et se situant au moment où les chaînes hertziennes accèdent à ce marché, nous estimons l'impact à +2%.

Taux de transfert . Il faut ensuite faire des hypothèses sur les taux de transfert du hors média vers la télévision, des autres médias vers la télévision, et du parrainage TV vers la télévision.

Le mix média des annonceurs distribution s'appuie sur les caractéristiques spécifiques de chaque média et sur les besoins spécifiques des annonceurs (voir schéma ci-après). Ceci constitue un facteur de stabilité : il est probable que les annonceurs transféreront vers la télévision une partie à peu près similaire de leurs investissements actuels dans chacun des autres médias.

Figure 61 : Les caractéristiques et atouts spécifiques de chaque support publicitaire déterminent le mix média de chaque famille d'annonceur et l'univers de substituabilité pour chacun d'eux

Source : BIPE

Cependant, les caractéristiques de la publicité télévisée, selon son degré d'ouverture, la rendront plus concurrente de certains médias que d'autres. Dans le scénario bas - une publicité d'image uniquement - la télévision concurrencera essentiellement les médias d'image (presse magazine, PQN, à un moindre degré que la publicité extérieure). Les médias les plus touchés pourraient perdre -10 à -12% à terme de leurs recettes (avant prise en compte de l'augmentation générale des dépenses). Dans le scénario haut - ouverture totale, ouverture à la communication promotionnelle - ce seront les médias réactifs et/ou de proximité qui seront le plus touchés : PQR, radio, affichage, et ils le seront dans des proportions plus importantes : -15% à terme.

Substitution parrainage/spots . Il reste à faire des hypothèses sur le redéploiement des investissements des distributeurs du parrainage TV (où ils représentent près de 50% des 170 M€ annuels investis) vers les spots TV. Ce taux sera beaucoup plus important (40% à 50%) et viendra diminuer l'impact global net des transfert sur l'économie de la télévision.

Au total, avec les hypothèses retenues nous anticipons un impact net (substitution spot-parrainage déduite) favorable de +130 K€ (scénario de maintien de la réglementation actuelle) à +190 K€ (scénario d'ouverture totale), en 2 à 3 ans à partir du moment où les chaînes hertziennes entrent dans le jeu. Ces écarts sont calculé par rapport au niveau actuel du marché publicitaire ; si, comme nous le pensons, le marché croît d'ici là, l'impact sera proportionnellement plus élevé. Enfin, nous n'avons pas fait d'hypothèses sur le développement de l'offre de télévision au moment où la mesure entre en vigueur. Or dans le scénario 2, l'anticipation d'une ouverture promotionnelle amènerait les investisseurs à s'engager dans la brèche ouverte par le CSA (appels à proposition pour des fréquences locales analogiques arrivait au moment où des chaînes de télévisions locales étaient en place un peu partout en France, la capacité d'attraction globale de la télévision et sa capacité d'absorption au détriment de la presse locale s'en trouverait fortement augmentées.

Figure 62 : Quelques estimations de l'impact sur les recettes de la télévision en année pleine (à partir de l'ouverture à la télévision hertzienne

Source

Impact en M€

Date

Observations

Initiative Média

+230

Juin 2002

Distribution uniquement, brut

Carat

+638

Nov 2002

Dérégulation totale, 4 secteurs, brut

MPG

+380 à +530

Fév 2003

Dérégulation totale, 4 secteurs, brut

M6

+190

Mars 2003

Distribution uniquement, net, année 1 (409 en année 4)

Société Générale

+130 à +180

Sept 2003

Distribution uniquement, dérégulation minimale (décret), net, hors transferts du hors média

BIPE

+132

Mars 2004

Distribution uniquement, dérégulation minimale (décret), net, avec transferts du hors média

BIPE

+190

Mars 2004

Distribution uniquement, scénario d'ouverture totale, net, avec transferts du hors média

Sources : BIPE, autres sociétés

Figure 63 : Impact économique sur les médias (hypothèse basse)

Source : BIPE

Figure 64 : Exemple de simulation (hypothèse médiane : +160 M€ pour la TV)

Source : BIPE

* 72 Couplage publicitaire permettant aux annonceurs de déployer une campagne d'impact national en achetant des pages au même moment dans les différents titres de PQR couvrant le territoire français.

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