b) Maintien « qualitatif » de la grande distribution française
Le transfert vers la télévision d'une partie des sommes précédemment dépensées en prospectus et catalogues ou en faces d'affichage réduirait la « pollution » publicitaire subie par les citoyens dans leurs boîtes aux lettres et leurs rues. Ce phénomène irait dans le sens de la volonté politique d'un certain nombre de collectivités territoriales qui cherchent à dissuader/taxer le volume de publicité papier par voie postale, et limiter la présence de panneaux d'affichage dans les centres-villes.
D'autre part, la possibilité d'utiliser un média qui se prête tout autant - sinon plus - à la communication de marque qu'au hard-selling, encouragera les distributeurs français à s'engager dans la voie de la différenciation qualitative par rapport au modèle économique du hard-discount. Or du point de vue des pouvoirs publics, une grande distribution spécialisée ou une grande distribution généraliste « haut de gamme » est préférable au hard discount à l'allemande du point de vue de l'impact sur l'emploi. La grande distribution « à la française » est considérée comme réalisant un bon compromis entre prix bas et emploi. Les industriels des grandes marques rejoignent sur ce point les acteurs de la grande distribution.
La grande distribution française est en effet aujourd'hui placée dans un dilemme stratégique : le hard discount grignote chaque année des parts de marché ; elle doit choisir entre :
• combattre l'intrus avec ses propres armes (prix bas ; choix réduit ; service, personnel et coûts ultra limités), c'est à dire descendre en gamme vers le low-cost, avec le risque de perdre son âme et de perdre en fin de compte la bataille ;
• ou au contraire rester positionnée sur ses valeurs et son modèle économique, en espérant un tassement de la croissance du hard discount.
Or la grande distribution a du mal à véritablement choisir entre ces deux options. La disponibilité d'un média puissant est propice à la communication de marque à partir de 2007, fournira un argument aux partisans de la seconde stratégie.
Cet argument, non dénué de fondements, milite en réalité en faveur du compromis du 7 octobre : (i) l'interdiction absolue de la télévision oblige à utiliser les médias « tactiques » et promotionnels et pousserait la distribution « vers le bas » (vers une communication et un modèle concurrentiel fondés exclusivement sur le prix)
(ii) l'autorisation du 7 octobre, en ouvrant la communication institutionnel, renforcera le modèle qualitatif de distribution
(iii) l'autorisation totale permettrait de faire du promotionnel en télévision et recentrerait la concurrence sur le terrain du prix (retour en arrière)
On peut relever une certaine contradiction entre le discours consistant à dire « l'interdiction du promotionnel enlève tout intérêt à la mesure » et « la communication de la distribution TV sera de toutes les façons essentiellement institutionnelle et qualitative ».
Les grands acteurs de la distribution rejettent cette apparente contradiction par les arguments suivants, qui nous paraissent fondés :
• La non-limitation sectorielle du discours (dans les limites générales de la publicité) est un principe de droit non négociable. L'exiger ne signifie pas que les distributeurs aient nécessairement l'intention de faire du promotionnel.
• Quand bien même une partie de la communication TV serait « promotionnelle », elle ne ferait que transférer sur le média TV les pratiques actuelles en hors média ou sur des médias comme la radio ; globalement le « centre de gravité » de la communication des distributeurs ne peut que se déplacer vers l'image et l'institutionnel avec la disponibilité du média TV (par rapport la situation précédente).
L'examen de la pratique des distributeurs dans les pays étrangers valide ce dernier argument : la communication des distributeurs en télévision est (très) majoritairement d'image ; les pays où domine le hard discount sont précisément ceux où les distributeurs utilisent le moins la télévision.
Figure 49 : Communication d'image ou de prix