3. Est-ce que tous les éditeurs vont pouvoir communiquer en télévision ?

Si tous les titres ne justifient pas l'investissement nécessaire pour communiquer en télévision, le nombre de produits de presse présents au premier trimestre 2004 montre que le levier est accessible à la majorité des acteurs du secteur. Sur les 5 premiers mois de l'année 2004 (janvier-mai), 24 éditeurs de presse ont communiqué sur 39 titres différents (quotidiens et magazines) pour un montant total de 37,8 M€ brut .

Le tableau suivant montre la diversité de titres promus et la large fourchette des budgets des campagnes.

Figure 84 : Exemples de titres promus à la télévision au cours du premier trimestre 2004

Quotidiens

Magazines

Le Monde 2 (300 000€), L'Express, La Dépêche du Midi, Le Figaro, etc.

Bien dans ma vie (Springer), Réponse à tout (Ayache) Télé Poche (EMAP), Télé Z, Télé 2 Semaines (Prisma, 1,5 M€), Glamour (Condé Nast), So Foot (chaînes thématiques), Isa (HFM), FHM, Le Journal de Mickey (Disney Hachette Presse, 150 000€), Télé Loisirs (Prisma), Télé 7 jours (HFM), Public (HFM), Pomme d'Api (Bayard) etc.

Source : Presse, SNPTV, ACCES

4. Est-ce que le levier TV va conduire à une augmentation du marché de la presse et une plus grande diversité ou à une simple redistribution de parts de marché et une plus grande concentration ?

Si le marché global et les revenus n'augmentent pas alors que les coûts marketing augmentent, alors la rentabilité globale de l'édition de presse, qui est déjà faible (notamment pour la presse quotidienne) pourrait fléchir encore. Ceci sera d'autant plus vrai si l'accroissement de la concurrence conduit à des baisses de prix directes (opérations promotionnelles temporaires) ou indirectes et permanentes : le lancement des quinzomadaires 103 ( * ) augmentera le marché de la presse TV en volume mais pourrait le réduire en valeur : les clients dépenseront 1€ toutes les deux semaines au lieu de 0,95€ chaque semaine, et la pagination publicitaire globale sera également réduite.

Dans ce scénario, il y aurait des gagnants et des perdants, et les perdants pourraient alors disparaître.

La publicité télévisée sera-t-elle un facteur de concentration ?

D'après Gérald de Roquemaurel (HFM, leader français et mondial de la presse magazine), la valeur d'une marque de presse correspond à la difficulté de la faire connaître ; en ce sens l'ouverture profite d'abord aux challengers : « Si le renouvellement des titres sur le marché devient plus facile, les actifs des groupes installés risquent de se déprécier. »

Cependant l'effet puissance et éventuellement prédateur des campagnes télévisées, est aussi un facteur de concentration sur le moyen terme. « L'ouverture va relever encore le seuil critique de viabilité pour un groupe d'édition, que je situais jusqu'ici à 100 M€ de CA » déclarait Paul Dupuy, peu de temps après avoir vendu son groupe, Excelsior, à EMAP. Son groupe se situait justement sous cette masse critique. A. de Saint-Simon, éditeur indépendant de Psychologies Magazines estime quant à lui que « La télévision peut constituer un formidable accélérateur de notoriété pour une marque relativement neuve comme la nôtre ».

Nous estimons que les deux effets joueront . La résultante devrait être une concentration du marché à l'intérieur de chacun des segments et une accélération du cycle-produits précédemment. Au total, cette industrie, qui paraissait mature, va redevenir plus spéculative et plus risquée. Les titres leaders sur leurs segments trouveront dans la télévision un outil à la mesure de leurs besoin de fidélisation et de leurs moyens financiers ; les nouveaux concepts et titres en croissance trouveront dans la télévision le moyen d'émerger plus rapidement et d'amortir plus rapidement leurs investissements ; les perdants devraient être les titres vieillissants et/ou distancés sur leurs segments : ceux-là seront menacés de marginalisation rapide.

Figure 85 : Effets de l'ouverture sur les titres de presse magazine

Source : BIPE

Pendant plusieurs mois, le nombre de lancements devrait augmenter mais la mortalité infantile et l'espérance de vie des magazines devrait se réduire encore. A terme, le nombre total moyen de magazines pourrait diminuer quelque peu, mais il faut se souvenir que l'on part d'une situation extrême que l'on peut qualifier d'« exception française » : le système unique des NMPP offre aujourd'hui à tout éditeur magazine une diffusion nationale à un coût d'entrée très faible.

Pour beaucoup d'éditeurs et pour les distributeurs de presse, la diversité est aussi synonyme d'encombrement, et de coûts de distribution disproportionnés. Cet encombrement est régulièrement dénoncé comme l'une des causes des difficultés des distributeurs et de la réduction du nombre de points de vente en France. Ainsi, une légère diminution du nombre de titres en France, pour se rapprocher des paysages européens, ne serait pas une perte culturelle et pourrait être économiquement bénéfique à la filière.

* 103 Lancement qui aurait eu lieu tôt ou tard en France, après l'Allemagne, mais qui aurait été probablement plus lent et plus risqué sans l'accélérateur de la publicité TV.

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