2. La paupérisation d'une profession
L'évolution des trente dernières années n'a pas été favorable aux architectes.
La crise du bâtiment et la diminution significative de leurs marchés traditionnels ont coïncidé avec une explosion de leurs effectifs, multipliés par plus de deux sur la même période.
La conjonction de ces phénomènes a entraîné une paupérisation de la profession, et des redistributions sensibles entre les différents modes d'exercice, malgré des efforts méritoires pour conquérir de nouveaux marchés.
a) L'évolution de la commande
L'évolution de la commande passée aux architectes a résulté de la conjonction de plusieurs phénomènes : la croissance globale de la construction, le partage entre commande publique et commande privée, entre marché de la construction neuve et marché de la rénovation.
(1) Le marché de la construction
L'immédiat après-guerre , marqué à la fois par les besoins de la reconstruction du pays et par une forte croissance économique, celle des « trente glorieuses », a été particulièrement favorable au secteur du bâtiment et des travaux publics, qui a quadruplé en volume entre 1949 et 1973 15 ( * ) et notamment pour les architectes dont les activités ont crû de 7 % par an.
Le choc pétrolier de 1973 a brisé cette dynamique et entraîné un repli spectaculaire dans la construction, au moment même où la profession, sous l'effet du baby-boom, du progrès de la scolarisation et de la suppression du numerus clausus dans l'enseignement de l'architecture amorçait un gonflement de ses effectifs qui allaient passer de 14 500 en 1970 à 39 500 aujourd'hui.
Dès 1976-1977 les premiers travaux 16 ( * ) réalisés et les premières actions conduites sous l'égide de la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MICQP) alors présidée par Bernard Tricot, ont traduit une première prise de conscience de la crise qu'abordait la profession.
Cette évolution de longue période a connu des pauses et quelques embellies de courte durée, qui n'ont pas pu cependant inverser la tendance globale :
- au début des années 80 , la réduction du volume global d'activité du bâtiment s'est accompagnée d'un repli sensible du taux de pénétration qui mesure la proportion des travaux réalisés par les architectes dans l'ensemble de la filière bâtiment : celui-ci est tombé de 38 % dans les années 70 à 26,3 % en 1982 17 ( * ) ;
- entre 1985 et 1991 , le volume global d'activité du bâtiment croît de 45 % et le taux de pénétration des architectes se redresse au niveau des années 70, pour atteindre 37 % témoignant d'une forte réactivité à la conjoncture : le montant des travaux commandés aux architectes passe de 80 à 170 millions de francs, soit une hausse de 122 % 18 ( * ) ;
- à partir de 1991 et jusqu'en 1996 , une récession spectaculaire frappe à nouveau le secteur. Entre 1991 et 1994, l'activité en bâtiment baisse de 2 % et celles des architectes de 15 %. La Mutuelle des Architectes de France évalue à 22 % la diminution des travaux commandés à ses adhérents sur la période 1991-1997 et à 30 % pour les montants moyens par architecte. Cette évolution se double en effet d'une diminution du taux de pénétration qui tombe de 37 % en 1991 à 30,6 % en 1997 ;
- à la fin des années 90 , le secteur du bâtiment amorce un redressement sensible qui s'accompagne d'une légère amélioration du taux de pénétration des architectes qui se redresse à 33 %.
Ces fluctuations globales s'accompagnent d'évolutions internes au sein du secteur qui ne sont pas favorables aux architectes.
(2) La prédominance croissante de la commande privée sur la commande publique
Les architectes couvrent traditionnellement un très fort pourcentage de la commande publique, du fait notamment des dispositions de la loi de 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique. En outre, la quasi-totalité des missions confiées par la commande publique sont complètes et couvrent à la fois la conception et l'exécution du projet.
Leur position relative est en revanche moins forte dans le secteur de la commande privée, notamment du fait de leur difficulté à investir le marché de la maison individuelle qui représente cependant, en termes de montants de travaux réalisés, le marché de la construction le plus important dans le bâtiment.
En outre, les travaux commandés par le secteur privé aux maîtres d'oeuvre architectes ne comportent qu'environ deux tiers de missions complètes, comme le révèlent les statistiques de la Mutuelle des architectes français (MAF).
Or les dernières années ont été marquées par un recul relatif de la commande publique au profit de la demande privée. Celle-ci est désormais prédominante dans l'activité des architectes : elle représente 60 % des travaux qui leur sont commandés, alors que la commande d'équipements publics n'atteindrait plus que 25 à 30 % de l'ensemble 19 ( * ) .
(3) L'inversion du rapport entre travaux neufs et travaux d'entretien, de réhabilitation
L'activité du bâtiment s'est, depuis une vingtaine d'années, inversée : la construction neuve qui représentait un peu plus de la moitié du montant global des travaux en 1985, n'en représente plus que 46 % ; les travaux d'amélioration et d'entretien ont en revanche constamment augmenté en volume et représentent aujourd'hui 54 % du volume global du secteur.
Or les architectes n'interviennent qu'assez faiblement sur ces activités de rénovation : leur taux de pénétration y est de 15 % alors qu'il est évalué à 50 % sur les constructions neuves.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette relative absence d'un marché pourtant en progression : concurrence avec d'autres maîtres d'oeuvre dans un secteur qui n'est pas réglementé, part de création plus faible que dans la construction neuve, rémunération insuffisante.
Les statistiques de la MAF témoignent cependant de la volonté des architectes de mieux s'imposer sur ce marché où leur taux de pénétration est remonté de 9 % en 1983 à près de 17 % à la fin des années 90. Elles témoignent aussi de la place croissante que tiennent les travaux d'amélioration dans l'activité des architectes : la proportion des travaux de rénovation qui représentait 20 % de leur activité en 1985 est passée en 2002 à 30 %.
(4) L'émergence de nouveaux enjeux : organisation des territoires, renouvellement urbain et Haute Qualité Environnementale
Les métiers de l'architecture et du cadre de vie doivent élargir leur champ d'intervention, de façon à prendre pleinement en compte les nouveaux enjeux stratégiques de la construction que constituent l'organisation des territoires, le renouvellement urbain, la prise en compte des paysages.
Cette approche plus globale ne doit pas être limitée aux seules opérations de restauration des centres villes historiques, même si les secteurs protégés méritent, à l'évidence, une attention particulière, mais concerner l'ensemble des opérations de requalifications urbaines, et s'appliquer également à la réhabilitation des villages et au traitement des entrées de villes.
La réhabilitation d'un bâtiment doit également répondre aujourd'hui à de nouvelles exigences en matière de sécurité, de qualité environnementale, ou encore d'adaptation aux nouvelles technologies.
La démarche Haute Qualité Environnementale est l'illustration d'une de ces nouvelles formes d'exigences.
Elle vise, d'une façon générale, la réduction des impacts environnementaux intérieurs et extérieurs. C'est une démarche générique, applicable à tout type de bâtiment, qui intègre toutes les phases de son cycle de vie : construction, gestion et exploitation, usage et déconstruction.
A travers 14 cibles, elle s'attache à prendre en compte les trois composantes du développement durable : le social, l'économique et l'environnemental.
LES 14 CIBLES DE LA DÉMARCHE HQE MAÎTRISER LES IMPACTS SUR L'ENVIRONNEMENT EXTÉRIEUR ECO-CONSTRUCTION 1. Relation harmonieuse des bâtiments avec leur environnement immédiat 2. Choix intégré des procédés et produits de construction 3. Chantier à faibles nuisances ECO-GESTION 4. Gestion de l'énergie 5. Gestion de l'eau 6. Gestion des déchets d'activité 7. Gestion de l'entretien et de la maintenance CRÉER UN ENVIRONNEMENT INTÉRIEUR SAIN ET CONFORTABLE CONFORT 8. Confort hygrothermique 9. Confort acoustique 10. Confort visuel 11. Confort olfactif SANTÉ 12. Qualité sanitaire des espaces 13. Qualité sanitaire de l'air 14. Qualité sanitaire de l'eau. |
A lui seul, le secteur du bâtiment consomme 50 % des ressources naturelles et 40 % de l'énergie mondiale : la demande HQE s'attache à diminuer ces consommations.
Elle s'efforce en outre de diminuer les charges de fonctionnement, grâce à la mise en place de systèmes de maintenance performants.
Le coût d'investissement supplémentaire, parfois nécessaire, peut être alors rapidement compensé.
S'inscrivant dans une vision de long terme qui intègre la durée de vie de l'immeuble et de ses équipements, elle contribue à la valorisation du patrimoine.
Cette démarche se développe rapidement, notamment dans le secteur public : les collectivités territoriales qui ont décidé de réaliser leurs ouvrages en suivant les critères de la HQE sont en 2004 quatre fois plus nombreuses qu'il y a trois ans.
La HQE est une marque déposée depuis décembre 1995. L'association HQE en détient la licence exclusive pour la France.
Cette association, reconnue d'utilité publique par décret du 5 janvier 2004, est composée d'organismes publics ou collectifs représentant les principaux acteurs du bâtiment : maîtrise d'ouvrage, maîtrise d'oeuvre, entreprises, fabricants de matériaux de construction, experts, réseaux d'experts régionaux, regroupés en cinq collèges garantissant la pluralité des points de vues au sein du conseil d'administration.
Le respect de ce pluralisme est indispensable à l'autorité de la marque et il conviendra de veiller à la diversité et à la pluralité de ses partenaires pour éviter qu'aucun d'entre eux ne soit tenté de se l'approprier.
(5) Des missions nouvelles : les missions de conseil
Les activités de conseil prennent une place croissante au sein des activités de la profession et illustrent un élargissement du champ des prestations intellectuelles rendues. En effet, les missions sans exécution, dans les secteurs du conseil, de l'expertise et de l'urbanisme, ont augmenté de 61 % entre 1991 et 1997. Elles représentaient, à la fin des années 90, 28 % de l'ensemble de leurs missions contre 21 % au début de la décennie. Le montant des honoraires qu'elles génèrent n'est pas connu, mais elles attestent d'un véritable effort de diversification des activités.
b) L'évolution dans l'exercice de la profession
Les fluctuations économiques qui ont touché la profession des architectes, alors même qu'elle était caractérisée par une très forte augmentation de ses effectifs, ont entraîné des mutations dans l'organisation de la profession et dans ses modalités d'exercice.
Les difficultés accrues auxquelles sont confrontés les architectes, en particulier à l'occasion de l'entrée dans la vie professionnelle, semblent avoir provoqué, au cours des dernières années, un repli de la population active occupée qui toucherait particulièrement les jeunes et les femmes, et serait responsable d'un certain vieillissement de la profession.
(1) L'explosion du nombre des architectes
Le nombre des architectes a commencé d'augmenter très fortement dans les années 70, précisément au moment où le secteur du bâtiment et des travaux publics amorçait un brutal ralentissement sous l'effet du premier choc pétrolier : estimé à 14 500 en 1970 , leur nombre total atteindrait quelque 39 500 aujourd'hui . Au cours de la même période, le nombre d'architectes inscrits au tableau ordinal est passé de 9 000 à 27 000 20 ( * ) .
Cette progression très forte s'explique par l'effet du « baby boom » de l'après-guerre, par le progrès de la scolarisation, par l'augmentation globale du nombre d'étudiants et par la suppression du numerus clausus dans l'enseignement de l'architecture.
En France, les diplômés par le Gouvernement (DPLG) représentent la quasi-totalité des diplômés en architecture 21 ( * ) . Leur nombre est passé de 416 diplômés par an en 1973 à 1 655 en 1984, soit un quasi-quadruplement . La réforme de l'enseignement opérée en 1984 qui a réduit d'une année la durée du cursus a provoqué en 1985 le pic de 2 259 diplômes décernés. Les effectifs se sont ensuite repliés autour de 1 000 nouveaux diplômés par an pendant la première partie des années 90 avant de remonter à 2 800 diplômés à la fin de la décennie.
Nombre total d'étudiants
diplômés
(DPLG, DESA et DENSAIS)
Source : ESA/ENSAIS/DAPA-CEA.
Faut-il considérer pour autant qu'il y a trop d'étudiants en architecture, et trop d'architectes en France ?
Les comparaisons internationales ne confirment pas nécessairement cette proposition trop facile.
En 2000, l'Union européenne a recensé quelque 200 000 étudiants en architecture dans ses différentes écoles et universités. L'Italie en forme, à elle seule, 38 %, loin devant l'Allemagne (23 %), l'Espagne (11 %) et la France (9 %).
Si l'on rapproche le nombre d'étudiants de la population nationale , on observe que l'Italie conserve le premier rang avec 132 étudiants en architecture pour 100 000 habitants, devant l'Autriche (101) et la Belgique (68). Avec un rapport de 30 étudiants en architecture pour 100 000 habitants, la France se situe en dessous de la moyenne communautaire .
La comparaison de la France avec les autres pays de l'Union européenne en termes de densité professionnelle fait apparaître que notre pays, avec 45 architectes pour 100 000 habitants, est en dessous de la moyenne européenne qui s'établit à 87 architectes pour 100 habitants, loin derrière l'Italie, l'Allemagne, le Danemark et la Belgique.
DENSITÉ PROFESSIONNELLE PAR PAYS (2000)
Pays |
Nombre d'architectes |
Nombre d'habitants |
Densité professionnelle |
Allemagne |
98 240 |
82,1 |
120 |
Autriche |
2 000 |
8,1 |
25 |
Belgique |
10 500 |
10 ,2 |
103 |
Danemark |
6 500 |
5,3 |
123 |
Espagne |
26 800 |
39,6 |
68 |
Finlande |
2 280 |
5,1 |
45 |
France |
26 900 |
60,2 |
45 |
Grèce |
14 500 |
10,6 |
137 |
Irlande |
2 300 |
3,6 |
64 |
Italie |
85 000 |
57,5 |
148 |
Luxembourg |
550 |
0,4 |
138 |
Pays-Bas |
7 500 |
15,6 |
48 |
Portugal |
8 600 |
10,1 |
85 |
Royaume-Uni |
30 600 |
58,9 |
52 |
Suède |
4 000 |
8,9 |
45 |
Total UE |
326 270 |
376,2 |
87 |
Source : « Les chiffres de l'architecture » Observatoire de l'économie de l'architecture p. 122.
Votre rapporteur estime que le nombre optimal des architectes en France ne peut être défini indépendamment des missions qui leur sont confiées et de la conjoncture globale, et ferait volontiers sien le jugement de Joseph Belmont assurant : « qu'il y a trop d'architectes pour faire ce qu'ils font, mais pas assez pour faire ce qu'ils ont à faire ».
(2) Les modes d'exercice de la profession
Conformément à l'article 14 de la loi de 1977 sur l'architecture, les différents modes d'exercices de la profession autorisés en France sont les suivants :
- l'exercice individuel, sous forme libérale ;
- en qualité d'associé d'une société d'architecture ;
- en qualité de fonctionnaire ou d'agent public ;
- en qualité de salarié d'organismes d'études exerçant exclusivement leurs activités pour le compte de l'Etat ou des collectivités locales dans le domaine de l'aménagement ou de l'urbanisme ;
- en qualité de salarié d'un architecte ou d'une société d'architecture ;
- en qualité de salarié ou d'association d'une personne physique ou morale de droit privé édifiant des constructions pour son propre et exclusif usage ;
- en qualité de salarié d'une société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural.
La loi autorise la poly-activité c'est-à-dire le cumul par un même architecte de plusieurs modes d'exercice, sous certaines conditions toutefois d'autorisation et d'information.
Elle distingue globalement l'exercice libéral et l'exercice en société.
RÉPARTITION SELON LES MODES D'EXERCICE (en pourcentage)
1983 |
1992 |
2000 |
|
Libéral |
83,5 |
72,7 |
67,2 |
Associé |
5 |
11,7 |
16 |
Fonctionnaire |
2,5 |
3,2 |
3,7 |
Salarié |
9 |
8,9 |
7,6 |
Divers |
3,5 |
5,5 |
|
Total |
100 |
100 |
100 |
Source : les chiffres de l'architecture p. 161
• L'exercice libéral : l'exercice individuel recule devant le statut d'associé
L'exercice libéral à titre individuel, qui correspond à la vision classique de l'architecte artiste, maître d'oeuvre et indépendant reste la forme la plus fréquente d'exercice du métier d'architecte par-delà les fluctuations qu'ont entraînés les à-coups de la crise du bâtiment.
Son poids a cependant fortement diminué depuis le début des années 80 au profit du statut d'associé de sociétés. Le premier est passé de 83 % des inscrits à l'ordre en 1983 à 67 % en 2000 pendant que, sur la même période, le second progressait de 5 à 16 %.
Entre 1982 et 1990, les effectifs salariés ont davantage progressé que ceux des libéraux, sous l'effet de la conjoncture favorable des années 80 qui a conduit les patrons d'agence à engager des collaborateurs architectes.
Mais la crise de la décennie suivante a contribué au renversement de cette tendance : ce seraient apparemment les salariés qui auraient fait les frais de la récession, leur nombre chutant de près de 30 % contre 7 % seulement pour les libéraux.
• L'exercice en société
Les formes d'exercice en société ont évolué avec la taille des agences d'architecture.
Dans les années 70, les grandes entreprises et la généralisation du salariat ont pu paraître représenter l'avenir : les ambitieux programmes de logements sociaux, l'importance de la commande publique qui constituaient pour elles un marché privilégié ont favorisé un temps l'essor de grandes agences, qui regroupaient l'éventail des différents métiers.
Le renversement de la conjoncture a marqué un coup d'arrêt à cette tendance. Le nombre des grandes agences a fortement diminué, et celles-ci ont dû externaliser des compétences spécialisées, suscitant l'émergence de nouvelles professions autonomes.
Aujourd'hui, le modèle d'agence très largement prédominant est celui d'une société composée essentiellement d'architectes, et de taille réduite comptant moins de 5 salariés.
Cette atomisation de la profession entre de petites structures dont le chiffre d'affaires moyen ne dépasse pas les 150 000 euros et qui sont sous-capitalisées est certainement une des faiblesses de la profession.
Il est toutefois significatif qu'au cours des dix dernières années, les sociétés d'architecture aient manifesté une tendance nette et assez continue à accroître leur part dans l'ensemble des travaux confiés aux architectes.
ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DE TRAVAUX ENTRE SALARIÉS ET LIBÉRAUX
1996 |
1998 |
2000 |
2002 |
Evolution 96/02 |
|
Adhérents libéraux |
13 821 |
13 789 |
15 703 |
16 799 |
+ 22 |
Adhérents sociétés |
7 163 |
7 406 |
10 315 |
12 739 |
+ 79 |
Total |
20 984 |
21 195 |
26 018 |
29 538 |
+ 40 |
Source : MAF
ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION EN POURCENTAGE
1996 |
1998 |
2000 |
2002 |
|
Adhérents libéraux |
65 % |
65 % |
60 % |
57 % |
Adhérents sociétés |
35 % |
35 % |
40 % |
43 % |
Total |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
Source : MAF
Si l'on s'en rapporte aux statistiques réalisées par la Mutuelle des architectes sur ses adhérents (qui représentent approximativement 90 % des architectes libéraux et des sociétés d'architecture), la part des sociétés est passée entre 1998 et 2002 de 35 à 43 % de l'ensemble.
D'une façon générale, le mode d'exercice salarié gagne du terrain depuis 20 ans, même si les architectes demeurent, dans leur grande majorité, des libéraux : entre 1982 et 1990, les effectifs salariés ont augmenté de 52 % soit presque deux fois plus vite que ceux des libéraux (28 %).
Les comportements et les évolutions diffèrent d'ailleurs suivant le sexe et l'âge :
- l'orientation vers le salariat est plus marquée chez les femmes que chez les hommes : durant la décennie 1990, elles ont été un peu plus de 40 % à privilégier ce statut alors que la proportion des architectes masculins salariés variait entre 26 % et 20 % ;
- la proportion des salariés décroît avec l'âge. Sans doute ce statut, plus protecteur en temps de crise, est-il considéré par beaucoup comme la voie d'accès à la profession. Il constitue généralement une étape avant le passage au statut de libéral indépendant ou d'associé.
(3) Des phénomènes révélateurs d'un malaise croissant
Les études, réalisées par l'Observatoire de l'économie de l'architecture sous la direction de M. Nicolas Nogue, témoignent de l'apparition récente d'un certain nombre de phénomènes préoccupants.
• Les résultats surprenants du recensement de 1999
Le modèle statistique reposant sur les résultats des recensements de 1982 et de 1990 estimait à 39 500 le « nombre total d'architectes susceptibles d'exercer » en 2000.
Or le recensement de 1999, réalisé sur une base déclarative, n'a repéré que 30 000 architectes actifs occupés.
Au cours de la décennie 1990, les effectifs d'architectes inscrits à l'ordre sont évalués autour de 27 000 professionnels. Cet effectif, rapporté au nombre des architectes déclarés, montrerait que le taux d'inscription à l'ordre, habituellement de l'ordre de 75 % serait monté à 90 %.
L'Observatoire de l'architecture en déduit que ce sont donc les effectifs des architectes non inscrits à l'ordre qui ont « sensiblement fondu durant la récession des années 1990 ». Avec un sens de la litote qui ne peut masquer la gravité de la situation, il estime que bon nombre de diplômés ont pu « ne pas se déclarer architectes dans la mesure où ils pourraient avoir diversifié leur activité au point de ne plus se considérer comme tels ».
• Un repli de la population active qui touche surtout les jeunes et les femmes
Il semble que le repli de la population active occupée toucherait principalement les jeunes et les femmes.
Ces dernières représentaient 18 % de la profession en 1990 contre 7 % en 1982. Cette progression aurait dû se poursuivre durant la décennie 1990 compte tenu de la féminisation croissante des diplômés. Or la proportion des femmes dans l'ensemble de la profession est demeurée stable à 18 %.
Les chiffres relatifs aux jeunes architectes sont plus préoccupants encore : le recensement de 1990 comptabiliserait 10 % d'architectes de moins de 30 ans. Leur population plonge à 4 % en 1999 alors que d'importantes proportions de DPLG ont été formées depuis le milieu des années quatre vingt-dix.
Tout semble donc indiquer que de nombreux jeunes diplômés ont renoncé à se déclarer comme architectes car, ne pouvant exercer leur profession convenablement, ils ont dû quitter les métiers de la maîtrise d'oeuvre et du cadre de vie. Cette situation est d'autant plus regrettable que, dans le même temps, leur formation n'a cessé de s'améliorer, et que les jeunes architectes représentent aujourd'hui un potentiel de conception et de création remarquable.
Les données relatives aux architectes inscrits à l'ordre trahissent d'ailleurs un phénomène accentué de vieillissement de la profession :
- le nombre des architectes de moins de 30 ans a constamment diminué sur la période 1983-1997, avec une accentuation du phénomène au début des années 1990 : le nombre des jeunes architectes est ainsi passé de 2 131 en 1984 à 483 en 1997 soit une chute de 77 % , partiellement compensée par la remontée de 2000 (908) ;
- la tranche d'âge des 30-39 ans a également amorcé une réduction à partir de 1991 qui a atteint - 38 % sur l'ensemble de la décennie ;
- dans le même temps, les tranches d'âge supérieures ont vu leurs effectifs augmenter globalement depuis le début des années 1990 : + 108 % pour les 40-49 ans, + 71 % pour les 50-59 ans, et + 97 % pour les 60-69 ans au cours de la période 1983-2000.
En conséquence, alors que les moins de 40 ans représentaient 48 % des inscrits en 1983, ils n'en regroupent plus que 25 % en 2000.
Cette situation est grave : quel est l'avenir d'une profession qui enregistre une telle hémorragie de jeunes talents, au risque de compromettre son renouvellement démographique ?
Comment cette profession pourra-t-elle survivre si des jeunes qui s'y sont destinés au terme de cinq années d'études, sinon plus, désespèrent de pouvoir exercer convenablement leur métier et s'en détournent ?
Notre pays n'aurait-il plus besoin d'architectes alors qu'aux ambitions traditionnelles de qualité architecturale viennent s'ajouter les nouveaux défis de la planification territoriale et du renouvellement urbain ?
Votre commission ne le pense pas. Aussi a-t-elle souhaité appeler au sursaut qui est aujourd'hui nécessaire en espérant que les pistes qu'elle propose pourront y contribuer.
* 15 Les chiffres de l'archictecture Nicolas NOGUE, Monum p. 16.
* 16 Rapport TRICOT « Architecte et société ».
* 17 F. CONTENAY op. cité p.223.
* 18 La profession de la maîtrise d'oeuvre. E. COUDURIER. Guy TAPIE. p. 131.
* 19 E. Coudurier, Guy Tapie op. cité p. 131.
* 20 Les chiffres de l'architecture. p. 107.
* 21 En 2000 : les DPLG ont représenté 96 % des diplômes en architecture, contre 3 % pour les diplômés de l'ESA (Ecole spéciale d'architecture) et 1 % pour ceux de l'ENSAIS (Ecole nationale des arts et industries de Strasbourg).
Les chiffres de l'architecture p. 17.