Audition de Mme Jacqueline Aloisi
de Larderel, directrice de la Division du Commerce, de l'Industrie, et de
l'Economie du Programme des Nations-Unies pour l'Environnement,
le 8 avril
2003
Mme
Jacqueline Aloisi de Larderel, directrice de la Division du Commerce, de
l'Industrie, et de l'Economie du Programme des
Nations-Unies pour
l'Environnement (PNUE)
, a commencé son intervention par une
présentation du PNUE. Cet organisme a été
créé en 1972, suite à la réunion, à
Stockholm, de la Conférence des Nations-Unies sur « l'Homme et
l'Environnement ». C'est la première institution des Nations
Unies à avoir été implantée dans un pays en voie de
développement
Mme Jacqueline Aloisi de Larderel
a détaillé les trois
missions du PNUE :
* surveiller l'état de l'environnement mondial, et en dresser
régulièrement un bilan ; le troisième rapport a
été publié en 20O2 dans de nombreuses langues. On s'y
réfère souvent sous le titre « GEO 3 »
(Global Environment Outlook ).
* servir de plate-forme pour discuter des actions et politiques à mettre
en oeuvre pour répondre aux problèmes identifiés, et pour
préparer les conventions et accords internationaux nécessaires.
C'est ainsi que le PNUE a été à l'origine de diverses
conventions internationales relatives à l'environnement ; peuvent
être citées, notamment, la Convention de Vienne et le protocole de
Montréal relatifs à la protection de la couche d'ozone, la
convention de Bâle sur les déchets, la convention sur la
biodiversité, ou encore la convention sur les produits chimiques et
organiques persistants. Le PNUE a été choisi pour assurer le
secrétariat de ces conventions. Le PNUE met aussi en oeuvre des
accords volontaires avec des représentants de grands secteurs de
l'industrie ou des services (banques et assurances,
télécommunications, tourisme...). Le PNUE organise
également des débats relatifs aux secteurs des transports, de la
grande distribution, ou de la publicité, ces deux derniers secteurs
ayant une grande influence sur les modes de consommation des
ménages ;
* enfin, le PNUE remplit des fonctions de formation, échange et
diffusion d'information et de bonnes pratiques.
Le PNUE est actuellement dirigé par M. Klaus Töpfer, ancien
ministre allemand de l'Environnement. Le Directeur Executif du PNUE est
nommé par l'Assemblée générale des Nations-Unies
sur proposition du Secrétaire Général. Le Conseil
d'administration du PNUE se réunit tous les deux ans pour définir
le programme d'action de l'organisation et le budget correspondant. Des
sessions extraordinaires du Conseil ont lieu les autres années . A
l'occasion de ces Conseils se tient le Forum Global des Ministres de
l'Environnement, qui débat des grands enjeux environnementaux.
Le PNUE emploie environ 600 personnes à travers le monde. Son
siège est à Nairobi. Il est composé de 8 Divisions, et 6
Directions Régionales dans chaque partie du monde. La Division du
Commerce, de l'Industrie, et de l'Economie (DCIE) du PNUE est implantée
à Paris, Genève et Osaka, et emploie, au total, environ 125
personnes.
Le PNUE est financé pour l'essentiel, par des contributions volontaires.
Son budget annuel est d'une soixantaine de millions d'euros. A ce budget
ordinaire s'ajoutent des financements spécifiques, affectés
à des projets précis, qui proviennent, par exemple, du Fonds
Mondial pour l'Environnement, du Fonds multilatéral pour la couche
d'ozone, de la Fondation des Nations Unies ou de certains Etats. La France
finance ainsi la réalisation de certaines études conduites par le
PNUE.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a alors demandé quel budget
serait nécessaire pour permettre au PNUE de remplir plus
complètement ses missions.
Mme Jacqueline Aloisi de Larderel
a répondu que les ressources
actuelles du PNUE étaient très insuffisantes pour faire face aux
défis posés. Il faudrait dès les prochaines années
au moins tripler le budget global. Il faudrait de plus que ces ressources
soient stables et pérennes.
Puis
Mme Jacqueline Aloisi de Larderel
a détaillé les
activités de l'Unité « Production et
Consommation » de la DCIE. Cette unité cherche à
promouvoir des modes de production plus efficaces et plus propres. Elle
s'intéresse aussi aux conditions d'utilisation des produits : leur
mode de consommation ne doit pas nuire à l'environnement. D'où
des réflexions sur le cycle de vie des produits, ou sur les
critères devant être remplis par un produit pour
bénéficier d'un « label écologique ».
Plus généralement, elle a aussi décrit le travail
mené avec l'industrie . Elle a donné comme exemple le travail
avec le secteur financier, banques et assurances. Une initiative à
laquelle se sont associés 280 banques, et 80 compagnies d'assurance,
parmi lesquelles on trouve, pour citer quelques établissements
français, la Société générale, Dexia, ou la
Caisse des Dépôts et Consignations, a été
lancée. Trois groupes de travail ont été mis en
place : le premier porte sur les systèmes de gestion de
l'environnement dans les établissements financiers (par exemple, comment
un tel établissement doit-il présenter son rapport
d'environnement ?) ; le second traite de la gestion d'actifs, et
s'intéresse aux fonds d'investissement « écologiquement
responsables » ; il travaille avec des agences de notation,
telles Sustainability Asset Management, Core Ratings, Innovest ou
Vigéo ; le troisième groupe de travail examine les risques
pour l'économie du changement de climat, et concerne surtout les
compagnies d'assurance et de réassurance (Swiss Re, Munich Re). Un autre
exemple est le travail effectué, dans le cadre de la préparation
du Sommet sur le Développement Durable tenu à Johannesburg en
Septembre 2002, avec 22 secteurs économiques, représentés
par leurs associations internationales ; le PNUE a demandé aux
représentants de ces secteurs quelles actions ils avaient menées,
depuis 1992, en vue d'atteindre les objectifs définis lors du Sommet de
Rio, et quelles actions ils comptaient mettre en oeuvre à l'avenir. Ce
travail a permis au PNUE d'exercer une fonction pédagogique
auprès des industriels. Il ressort de ce travail que
« l'éco-efficacité » de la production des
entreprises a augmenté, mais que l'environnement est encore
considéré par les entreprises (comme d'ailleurs par les
Gouvernements) comme une donnée exogène, au lieu d'être
intégré dans leurs stratégies et leur politiques
générales, ce qui permettrait de prévenir les atteintes
à l'environnement, et les coûts qu'ils entraînent.
Par ailleurs, évaluer l'engagement des entreprises en faveur de
l'environnement suppose de disposer d'instruments de mesure, et d'indicateurs
précis. Il serait donc souhaitable que les entreprises présentent
un rapport annuel sur leurs performances sociales et environnementales suivant
un modèle standard, qui leur permet de mesurer leur progrès d'une
année sur l'autre, de se comparer entre elles, et d'assurer une
information fiable du public et de leurs employés. C'est dans cette
optique que le PNUE a établi l'Initiative du « Global
Reporting », qui a publié des recommandations sur les
critères à utiliser.
Après cette présentation du PNUE,
Mme Jacqueline Aloisi de
Larderel
a abordé quelques points particuliers
Mme Jacqueline Aloisi de
Larderel
a d'abord noté que les
mécanismes de marché ne fonctionnaient pas convenablement, car
les prix des produits n'incluent pas les coûts de leurs impacts sur
l'environnement. C'est donc la communauté locale, nationale, ou
internationale qui doit supporter ces coûts, et non celui qui les cause.
Une « internalisation » de ces
« déséconomies externes » permettrait donc
d'orienter la consommation vers des produits moins polluants et moins
consommateurs de ressources naturelles. Par ailleurs, beaucoup de subventions
ont des effets négatifs sur l'environnement ; les subventions
accordées au secteur de la pêche, par exemple, ont
encouragé une surexploitation des ressources halieutiques, ce qui a
conduit la Commission Européenne à proposer
l'établissement de quotas de pêche. Les subventions dans le
secteur de l'énergie, qui favorisent l'utilisation de sources
d'énergie fossiles, s'accompagnent des mêmes effets
négatifs sur l'environnement. C'est pourquoi il appartient aussi aux
ministères des Finances, de l'Agriculture, des Transports, pour ne
nommer que ceux là, d'intégrer la dimension environnementale dans
leurs politiques.
La libéralisation des échanges a aussi un impact sur
l'environnement. Le PNUE a d'ailleurs réalisé un certain nombre
d' études pour évaluer précisément l'impact
environnemental des mesures de libéralisation du commerce. Trop souvent,
les pays en développement accroissent leurs cultures avec pour seul
objectif l'exportation, et cela trop souvent au détriment de leur
environnement
.
Des productions agricoles, telles le coton dans certaines
parties du Sahel, les fleurs au Kenya sont grandes consommatrices d'eau, et ne
sont donc pas toujours adaptées aux conditions climatiques locales. Des
labels garantissant une bonne exploitation des ressources forestières
devraient être mis au point pour limiter les fraudes, très
importantes dans la filière bois. Il faut donc concevoir des mesures
commerciales et environnementales qui se renforcent mutuellement.
Mme Jacqueline Aloisi de Larderel
a indiqué que l'aide
versée aux pays en développement par les pays
industrialisés n'était pas toujours adaptée et parfois
intéressée, en ce sens qu'elle est utilisée pour
favoriser l'exportation vers les pays du Sud de produits industriels
fabriqués au Nord, sans que soit apportées en même temps la
formation et l'éducation nécessaire pour utiliser et entretenir
ces produits. Or, faute de maintenance, ces biens industriels sont rapidement
inutilisés. En fait, les politiques d'aide au développement
devraient être mieux évaluées sous l'angle de leurs effets
sur l'environnement. Enfin, les agences de crédit à
l'exportation, type COFACE, devraient réaliser des études
d'impact environnemental des projets qu'elles soutiennent.
Mme Jacqueline Aloisi de Larderel
a ensuite abordé le
thème de l'énergie, étroitement lié aux
problèmes de changement climatiques. Dans ces domaines, le PNUE
travaille avec l'Organisation Mondiale de la Météorologie, avec
qui il a établi le Groupe Intergouvernemental sur le Changement de
Climat (GIEC). Dans le domaine énergétique, Le PNUE souhaite
encourager une évolution des politiques axée sur
l'amélioration de l'efficacité énergétique, et la
promotion des énergies renouvelables. Les transferts de technologie sont
cruciaux à cet égard. Pour impliquer les responsables de tous les
pays, et favoriser échanges et réflexion commune, le PNUE a
lancé à l'occasion du Sommet de Johannesburg un réseau de
Centres d'excellence sur les énergies propres et renouvelables, le
Réseau Mondial sur l'Energie pour le Développement Durable
(GNESD). Ces centres travaillent sur des sujets d'intérêt communs,
tels l'accès à l'énergie, ou l'exploitation de la
biomasse.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a alors interrogé
Mme
Jacqueline Aloisi de Larderel
sur l'opportunité de créer une
éco-taxe internationale.
Mme Jacqueline Aloisi de Larderel
a estimé qu'il s'agissait d'une
excellente idée, mais politiquement difficile à mettre en oeuvre
à court terme. Différentes mesures allant dans cette direction
ont cependant été étudiées : taxation du
fioul consommé pour le transport aérien, fioul aujourd'hui
exonéré de toute taxe ; taxes sur les échanges de
matières premières. De telles eco-taxes permettraient
d'internaliser les déséconomies externes et d'assurer le
nécessaire financement de la protection de l'environnement.
Invitée à donner son avis sur l'intérêt de
créer une Organisation Mondiale de l'Environnement,
Mme Jacqueline
Aloisi de
Larderel
a indiqué qu'il s'agissait d'une
excellente idée, mais que l'efficacité d'une telle organisation
dépendrait beaucoup des moyens financiers qui lui seraient
alloués et de la volonté politique des pays d'en faire une
organisation ayant un réel pouvoir. Il faudra aussi répondre aux
préoccupations des pays en développement, qui redoutent que la
protection de l'environnement ne représente un frein à leur
développement économique. Les problèmes d'environnement
qui s'annoncent à moyen et long terme à l'échelle mondiale
nécessiteront de difficiles négociations et arbitrages, ainsi que
la mise en place d'institutions internationales appropriées. Cela ne
pourra se faire que progressivement, et le PNUE représente un outil
déjà en place sur lequel s'appuyer pour continuer
l'action.