Audition de M. Tom Jones, chef de
division à l'Organisation de développement et de
coopération économiques (OCDE)
le 1er avril
2003
Pour
introduire son exposé,
M. Tom Jones, chef de la division pour la
dimension globale et
structurelle à la Direction de
l'environnement de l'OCDE
, a rappelé la prise en compte croissante
des problèmes d'environnement dans les enceintes internationales. En
1994 a ainsi été créé au sein de l'Organisation
mondiale du Commerce (OMC) un comité « Commerce et
Environnement ». A la fin des années 1990, les
négociations autour de l'Accord multilatéral sur l'investissement
(AMI), menées au sein de l'OCDE, ont témoigné d'une
attention nouvelle portée à l'environnement, même si l'on a
reproché à ces négociations de ne pas aller assez loin sur
ce point. Enfin, l'environnement fait partie intégrante des
thèmes de négociation arrêtés à Doha, en
2001, en vue du nouveau cycle de négociation multilatérale de
l'OMC.
Depuis 1997, l'OCDE mène des recherches sur le thème de la
mondialisation et de l'environnement. La mondialisation s'analyse comme un
processus de libéralisation des échanges, des investissements
internationaux, de l'information (
via
internet), combiné à
une internationalisation des firmes. La mondialisation a un impact sur
l'environnement, révélé par l'existence de
problèmes globaux environnementaux, mais aussi par des problèmes
plus localisés, de pollution de l'eau ou de la terre par exemple.
M. Tom Jones
a ensuite distingué quatre effets de la
mondialisation sur l'environnement :
* un effet d'échelle : la mondialisation induit une croissance plus
rapide, ce qui a souvent un impact négatif sur l'environnement ;
* un effet structurel : la spécialisation internationale
améliore l'efficience des modes de production, ce qui permet une
meilleure utilisation des ressources environnementales ;
* un effet technologique : l'ouverture facilite la diffusion du
progrès technique ;
* un effet réglementaire : le développement
économique s'accompagne d'une plus grande attention portée
à l'environnement qui peut conduire les pouvoirs publics à
adopter des réglementations environnementales plus protectrices.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a souligné que ce qui
importait était l'impact net de ces différents effets. Dans le
secteur des transports par exemple, on observe des améliorations
techniques qui permettent de mieux préserver l'environnement. Mais
l'augmentation rapide des flux de transport fait plus que compenser cet effet
positif ; la pression exercée par le secteur des transports sur
l'environnement ne diminue donc pas.
Puis
M. Tom Jones
a abordé le problème du coût de
l'application, par les entreprises, des normes environnementales
édictées dans les pays développées. Dans la plupart
des cas, ce coût serait modeste, de l'ordre de 2 à 3 % du
coût total de production. Il ne pèserait donc pas
significativement sur la compétitivité de la majorité de
nos entreprises. L'OCDE n'observe pas de mouvements généraux de
délocalisation vers des « havres de pollution »
(
pollution havens
), c'est-à-dire vers les pays peu exigeants en
matière environnementale. Donc, des normes laxistes dans le domaine de
l'environnement ne constituent pas un atout décisif pour attirer des
investissements directs étrangers, en particulier parce que les firmes
multinationales sont soumises à la pression des consommateurs, des
organisations non-gouvernementales (ONG), et des médias, qui sont de
plus en plus attentifs aux questions d'environnement. On ne peut exclure
cependant un phénomène de « gel
réglementaire » (
regulatory chill
) dans les pays en
développement, qui pourraient hésiter à édicter des
réglementations plus contraignantes, de crainte de mécontenter
les multinationales installées sur leur sol.
M. Tom Jones
a ensuite discuté l'hypothèse dite de la
« courbe environnementale de Kuznets ». Selon cette
hypothèse, la croissance économique engendrerait, dans un premier
temps, une dégradation de l'environnement, en raison de l'augmentation
de la production. Puis le développement, s'accompagnant d'une meilleure
prise de conscience des problèmes environnementaux, conduirait à
un renforcement des normes environnementales, et ainsi à une
amélioration de la qualité de l'environnement. Néanmoins,
les études empiriques disponibles indiquent que l'hypothèse de la
courbe environnementale de Kuznets n'est pas vérifiée dans tous
les cas.
Deux types de politiques environnementales doivent, selon
M. Tom
Jones
, être distinguées : les politiques nationales d'une
part, et les politiques internationales d'autre part. Il n'existe que deux
problèmes environnementaux vraiment globaux : le réchauffement
climatique, et l'altération de la couche d'ozone. La résolution
de ces problèmes appelle une action internationale. En revanche, les
problèmes nationaux devraient être traités localement. La
préservation de la biodiversité s'analyse comme une addition de
problèmes locaux (protection d'espèces localisées sur un
territoire).
Interrogé sur la possibilité de créer une écotaxe
internationale,
M. Tom Jones
a répondu qu'une telle
proposition ne rencontrerait pas un accord unanime parmi les pays membres de
l'OCDE. Dans le cas spécifique de problème du changement
climatique, la négociation du protocole de Kyoto a montré que les
pays en développement étaient réticents à accepter
des objectifs quantifiés pour la lutte contre l'effet de serre. Il
serait donc difficile de leur faire accepter une écotaxe internationale.
Plusieurs initiatives ont déjà été prises au niveau
national, par exemple dans les pays scandinaves, qui ont instauré des
taxes sur le carbone. Mais ces taxes frappent essentiellement les
ménages détenteurs d'automobiles, et relativement peu les
entreprises exposées à la concurrence internationale.
L'effort de recherche de l'OCDE dans le domaine de la mondialisation et de
l'environnement porte aujourd'hui principalement sur les actions à
engager pour faire évoluer les processus de production. Cela suppose un
effort de transparence de la part des firmes, un engagement volontaire de leur
part, et un effort pour utiliser des technologies respectueuses de
l'environnement. La question de l'adaptation au changement climatique est
également un thème de recherche négligé.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a souhaité connaître
la position de l'OCDE par rapport à la proposition de créer une
Organisation mondiale de l'Environnement.
M. Tom Jones
a
indiqué qu'il n'y avait pas de position officielle de l'OCDE à ce
sujet, du fait de l'absence d'accord unanime entre les membres de
l'organisation. A titre personnel, il s'est dit réservé,
considérant qu'il serait préférable d'intégrer les
enjeux environnementaux à nos préoccupations économiques.
L'environnement est en effet, avec l'économique et le social, l'un des
trois piliers du développement durable. L'environnement est
également, dans la période récente, mieux pris en compte
politiquement à l'OMC.