CONCLUSION
Ce
rapport se veut une contribution au débat très animé sur
la mondialisation. Il ne prétend pas clore la discussion : au
contraire, la proposition de créer un Observatoire national des effets
de la mondialisation montre que ces analyses et ces réflexions doivent
être prolongées et débattues.
Ce rapport a montré que la mondialisation comportait deux aspects :
elle se définit, d'une part, comme un processus d'intégration des
économies, qui se manifeste par l'accroissement des flux commerciaux et
financiers internationaux ; mais elle se traduit aussi par une prise de
conscience grandissante de l'existence de biens publics mondiaux, dont la
préservation requiert un effort soutenu de coopération entre les
nations.
En dépit des progrès de la globalisation, l'économie
mondiale demeure moins intégrée que peut l'être une
économie nationale. En effet, des obstacles tarifaires et non tarifaires
aux échanges demeurent. La volatilité des taux de change est un
autre frein à l'expansion du commerce international.
Par ailleurs, il est légitime de refuser que le libre-échange
soit étendu, sans restriction, à tous les secteurs
d'activité ; la préservation d'un modèle agricole et
rural original, la défense des politiques culturelles ou des services
publics, imposent des aménagements aux règles commerciales
ordinaires.
De plus, la mondialisation fonctionne aujourd'hui sur un mode
profondément inégalitaire. De nombreux pays en
développement ne participent que marginalement aux échanges
internationaux. Au contraire, certains Etats ont renforcé leur
intégration au sein de zones de libre-échange régionales.
Il serait souhaitable que les regroupements régionaux soient promus
parmi les pays du Sud, comme une étape préparatoire avant leur
participation pleine et entière à la mondialisation.
La spécialisation internationale résultant de l'ouverture aux
échanges ne semble pas particulièrement défavorable
à l'environnement. Si des cas de délocalisation pour raison
environnementale sont avérés, on n'observe pas de transferts
massifs d'activités polluantes vers les pays du Sud. Plusieurs facteurs
expliquent ce résultat : les secteurs d'activité les plus
polluants (chimie, papier, métallurgie, raffinage...) sont aussi des
secteurs très capitalistiques, pour lesquels les pays
développés conservent un avantage comparatif ; les firmes
multinationales ont, en outre, tendance à utiliser les mêmes
procédés de production dans les pays du Sud que dans leur pays
d'origine, et participent ainsi à la diffusion de technologies modernes
plus respectueuses de l'environnement ; enfin, les firmes opèrent
sous le regard de l'opinion publique et des ONG qui sont de plus en plus
sensibilisées aux questions environnementales.
En revanche, l'accélération de la croissance, stimulée par
la libéralisation des échanges, est source de dégradations
supplémentaires de l'environnement. Certes, dans les pays où le
revenu s'élève, de nouvelles exigences citoyennes se font jour,
qui peuvent conduire à un renforcement des normes environnementales,
puis à une amélioration de la qualité de l'environnement.
Dans les faits, toutefois, une telle amélioration n'a été
observée que pour certaines pollutions très localisées
touchant directement les populations.
On ne peut donc s'en remettre à la seule croissance économique
pour sauvegarder l'environnement.
Des politiques environnementales plus
ambitieuses sont nécessaires, en premier lieu dans les pays du
Nord
, qui sont les principaux responsables de la
détérioration de l'environnement. La concurrence internationale
ne constitue pas aujourd'hui une contrainte telle qu'elle empêche
d'avancer sur cette voie. Un renforcement de la réglementation
stimulerait la recherche de techniques respectueuses de l'environnement, qui
pourraient ensuite être diffusées dans les pays en
développement. De la même manière, il n'est pas
illégitime que des accords internationaux fassent porter l'effort
principal sur les pays du Nord, et permettent aux pays en développement
de s'y rallier plus tardivement.
Les politiques environnementales nationales doivent être
complétées par une action internationale plus résolue en
matière de protection de
l'environnement
. La création
d'une Organisation mondiale de l'Environnement enverrait le signal d'une
mobilisation de la communauté internationale. Un nombre croissant
d'Etats se rallient à cette proposition, défendue publiquement
par la France. Il faut également réfléchir à la
création, à moyen terme, d'une taxation écologique
internationale, qui créerait une incitation à diminuer les
émissions de gaz à effet de serre, tout en générant
des ressources, qui pourraient être affectées, au moins en partie,
à la gestion de biens publics mondiaux. De nouvelles conventions
internationales pourraient être négociées, notamment pour
contrer les phénomènes de déforestation et
d'épuisement des ressources halieutiques.
Les décisions de l'Organisation mondiale du Commerce sont susceptibles
d'avoir un impact sur l'environnement, et il est donc important que les
préoccupations environnementales soient défendues au sein de
cette organisation. De cette réflexion découle l'idée
d'imposer la présence « d'experts environnementaux »
au sein des panels de l'Organe de règlement des différends,
lorsque sont en jeu des questions environnementales. En cas de conflit entre
les règles commerciales et un accord multilatéral
environnemental, une procédure de consultation pourrait être
envisagée. Si aucune conciliation entre les règles en
présence n'est possible, l'OMC devrait admettre les restrictions au
commerce contenues dans les accords environnementaux contractés de bonne
foi.
Outre les initiatives à prendre à l'échelle
multilatérale, il faut souligner la contribution que peut apporter
l'Union européenne à une meilleure maîtrise des effets de
la mondialisation sur l'environnement. Il faut soutenir les efforts de l'Union
européenne pour mettre en oeuvre le Protocole de Kyoto, et encourager la
nouvelle orientation « verte » de la Politique agricole
commune, qui subordonne le versement de certaines subventions au respect de
critères écologiques. La croissance du commerce entraînant
mécaniquement un développement des transports, un investissement
soutenu dans les infrastructures de transport est nécessaire, notamment
afin de moderniser les réseaux des nouveaux Etats membres. Les pays
européens pourraient également demander que soit
étudiée au sein de l'Organisation de l'aviation civile
internationale une éventuelle taxation du kérosène.
Au niveau national, votre rapporteur propose la création d'un
Observatoire national des effets de la mondialisation, qui produirait une
expertise utile aux décideurs et animerait le débat public. La
France dispose, en outre, de leviers pour peser sur le cours de la
mondialisation. Il convient ainsi d'amplifier les efforts menés pour
intégrer les considérations environnementales à notre
politique d'aide au développement. Les obligations des grandes
entreprises en matière d'information sur leurs pratiques
environnementales pourraient être précisées. Il faut enfin
renforcer la coordination entre ministère sur les dossiers transversaux
liés à la mondialisation, et mieux associer la
société civile et les ONG à la prise de décision.