B. RELATION ENTRE CROISSANCE ET ENVIRONNEMENT : DISCUSSION DE L'HYPOTHÈSE DE LA COURBE ENVIRONNEMENTALE DE KUZNETS
1. La courbe environnementale de Kuznets
L'expérience des pays développés a
montré que l'enrichissement des populations s'est accompagné de
la demande d'un environnement plus sain, ce qui a conduit à un
renforcement des normes et à une amélioration de la
qualité de l'environnement dans certains domaines (cas de la pollution
de l'air dans les villes, notamment).
Ce constat a conduit à formuler l'hypothèse suivante : la
croissance serait nocive pour l'environnement dans les premiers stades du
développement ; puis, au-delà d'un certain seuil de revenu
par habitant, la croissance entraînerait une amélioration de la
qualité de l'environnement. La relation entre croissance et
dégradation de l'environnement aurait dès lors la forme d'un U
inversé : dans un premier temps, l'augmentation de la production
dégraderait l'environnement (l'effet d'échelle domine, pour
reprendre la terminologie de Grossman et Krueger), puis, au-delà d'un
point d'inflexion, la croissance réduirait les dégradations
environnementales (l'effet technique l'emporte).
LA
COURBE ENVIRONNEMENTALE DE KUZNETS
Source : OMC (1999).
Ce schéma a été rapproché de l'hypothèse
formulée par Simon Kuznets en 1955, qui avait envisagé une
corrélation entre la réduction des inégalités de
revenu et le niveau du PIB/habitant, selon une même forme de courbe en U
inversé. Cela explique l'emploi fréquent dans la
littérature économique de l'expression
« courbe
environnementale de Kuznets ».
2. Fondements théoriques
Le
modèle de la courbe environnementale de Kuznets repose sur l'idée
que l'environnement serait un « bien supérieur »,
c'est-à-dire
un bien
dont la demande augmente avec le revenu
(à l'instar de la santé ou des loisirs). Il s'agit là
d'une hypothèse très plausible : à l'évidence,
pour les individus les plus pauvres, la tâche de se nourrir, se loger, se
vêtir, ne laisse guère de place à d'autres
préoccupations. Ce qui est vrai au niveau individuel l'est aussi au
niveau national : toutes les personnalités auditionnées par
votre rapporteur ont confirmé que les pays du Sud étaient, dans
les enceintes internationales, moins sensibles aux questions environnementales
que les pays du Nord.
L'élévation du revenu s'accompagnerait donc d'exigences
« citoyennes » nouvelles. De plus,
la croissance du PIB
permet de dégager plus facilement des ressources pour financer les
politiques environnementales.
Pour les individus comme pour les nations, il
est sans doute plus facile de sacrifier une partie de sa consommation pour
protéger l'environnement lorsque les revenus sont élevés.
Si la dégradation de l'environnement entrave la production, la demande
de politique environnementale n'émanera plus seulement des citoyens,
mais aussi des entreprises. Ce point a été mis en avant par Mme
Laurence Tubiana au cours de son audition : ces dernières
années, les autorités chinoises se sont davantage
préoccupées d'environnement, d'une part parce que la pollution
urbaine menace la santé des habitants, mais aussi parce que la pollution
des eaux côtières empêche l'aquaculture, et parce que la
déforestation menace d'épuisement les ressources en
bois.