B. LES DONNÉES EMPIRIQUES DISPONIBLES CONDUISENT À RELATIVISER L'AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE
Des études de cas révèlent que des délocalisations se sont bien produites dans certains pays et dans certains secteurs d'activité pour des raisons environnementales. Mais les cas relevés ne semblent pas être suffisamment nombreux pour qu'on estime que la dimension environnementale a un impact notable sur la structure des flux d'investissement et des flux commerciaux mondiaux.
1. Des exemples de délocalisation ou de recul des normes environnementales sont bien observés dans certains secteurs et dans certains pays du Sud
Des
études ont mis en évidence des phénomènes de
délocalisation pour des industries particulièrement polluantes,
qui supportent de ce fait des coûts de mise aux normes
particulièrement élevés.
Pour l'Europe, l'OCDE relève le cas du secteur de la tannerie, qui est
la source de rejets très polluants pour l'environnement. Cette
activité est aujourd'hui largement délocalisée dans les
pays du Sud.
D'autres travaux se sont intéressés au cas des
délocalisations des Etats-Unis vers les
maquiladoras
situées au nord du Mexique. Il semble que la disparité des
réglementations environnementales entre les Etats-Unis et le Mexique ait
bien favorisé certaines délocalisations. Mabey et Mc
Nally
25
(
*
)
estiment par
exemple que l'absence de réglementation relative à la
qualité de l'air a fortement encouragé la production de solvants
au Mexique. Léonard
26
(
*
)
a montré que la production de produits
chimiques dangereux, interdits ou fortement réglementés aux
Etats-Unis, tels les pesticides, s'était fortement accrue au Mexique. Le
même auteur indique que les travailleurs mexicains sont exposés
à certaines substances chimiques nocives, telles les fibres d'amiante,
auxquelles les travailleurs américains ne sont plus exposés.
L'OCDE s'est également penchée sur le cas du secteur minier.
L'exploitation minière peut entraîner de graves dommages pour
l'environnement, et les différences de législation entre pays
développés et pays en développement sont
considérables. Les entreprises minières, lorsqu'elles ont le
choix entre plusieurs localisations, tiennent compte de multiples
éléments, parmi lesquels la réglementation
environnementale peut jouer un rôle. Il apparaît que la
réduction des normes environnementales a pu être un instrument
utilisé par les pays en développement pour attirer les
investissements étrangers. Dans une étude de 1999, Jha
et
alii
27
(
*
)
notaient
qu'au Zimbabwe, le
Mines and Minerals Act
jouissait d'une force
juridique supérieure à celle des autres lois, y compris les
textes environnementaux, ce qui avait pour effet d'exempter le secteur minier
du respect des normes environnementales de droit commun. Ils observaient aussi
qu'en Indonésie ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée, l'exploitation
minière n'était soumise à quasiment aucune
réglementation. L'exploitation minière en Indonésie
opérait sous le régime de contrats de concession, qui exemptaient
généralement les entreprises du respect des normes
environnementales existantes.
Ces études de cas montrent que les phénomènes de
« havre de pollution » ou de « course au
moins-disant » environnemental peuvent effectivement se produire.
Mais il reste à s'interroger sur leur signification au niveau
macroéconomique. Or il ne semble pas que les pays en
développement se spécialisent particulièrement dans les
activités polluantes.
* 25 N. Mabey et R. Mc Nally, 1999, Foreign Direct Investment and the Environment : from Pollution Haven to Sustainable Development, WWF, UK.
* 26 H.J. Leonard, Pollution and the Struggle for the World Product, 1988, Cambridge University Press, Cambridge.
* 27 A. Jha, A. Markandya et R. Vossenaar, Reconciling trade and the Environment : Lessons from case studies in Developing Countries, 1999, Elgar : Cheltenham, UK.