B. DE LA THÉORIE DES BIENS PUBLICS AUX BIENS PUBLICS MONDIAUX
1. Définition des biens publics
Pour
Samuelson, un bien public répond aux deux critères suivants :
- un critère de
non-rivalité
: cela signifie que la
consommation de ce bien par un usager n'entraîne aucune réduction
de la consommation des autres usagers ;
- un critère de
non-exclusion
: il est impossible d'exclure
quiconque de la consommation de ce bien ; il est, par conséquent,
impossible de faire payer l'usage de ce bien.
Les deux exemples de biens publics traditionnellement cités sont les
phares et l'éclairage public. L'usage d'un réverbère par
un individu ne se fait pas au détriment de l'usage des autres
consommateurs (non-rivalité) et il n'est pas possible de soumettre
à paiement le bénéfice de l'éclairage public
(non-exclusion).
Ces deux caractéristiques des biens publics ont une importante
conséquence pratique : le libre fonctionnement des marchés
ne permet généralement pas de les produire en quantité
satisfaisante. A l'évidence, la production de ces biens publics
présente un intérêt collectif, mais aucun agent
privé n'a intérêt à s'engager dans la production de
ces biens, dans la mesure où l'impossibilité d'en faire payer
l'usage interdit de rentabiliser l'investissement consenti. Chaque agent
privé a intérêt à adopter un comportement de
« passager clandestin » (ou de
free rider
dans la
terminologie de Mancur Olson), c'est-à-dire à attendre que
d'autres prennent l'initiative de la production du bien, pour pouvoir ensuite
en bénéficier, sans supporter aucun coût. Dans ces
conditions, il existe une forte probabilité que le bien ne soit pas
produit, ou le soit en quantité inadéquate.
Cette lacune pourrait être surmontée si tous les acteurs
privés se coordonnaient et produisaient le bien public en mutualisant
les coûts. Mais cette coordination des agents privés n'est pas
facile à obtenir, en raison des coûts de négociation, et
des difficultés qu'il peut y avoir à contrôler, et
sanctionner si nécessaire, l'application des règles communes.
C'est pourquoi la solution optimale réside, à l'intérieur
des frontières nationales, en la production de ces biens par la
puissance publique. Comme il est impossible de faire payer l'utilisation du
bien, sa production est financée par l'impôt.
Il est important de préciser que les contours de la catégorie
« biens publics » ne sont pas séparables d'un
certain état des techniques et du droit. Laurence Tubiana et Jean-Michel
Severino citent, à cet égard, deux exemples parlants :
«
le signal du phare, exemple type du bien public pur, peut
être remplacé par un système de signalisation
électronique accessible seulement à ceux qui paient pour son
accès ; les informations génétiques d'une plante
peuvent être réservées à ceux qui les
achètent au moins pour une période, ou au contraire,
laissées par décision dans le domaine
public
»
18
(
*
)
.
Les biens publics sont, au sens strict, ceux qui répondent au double
critère de non-rivalité et de non-exclusion. Mais on emploie
souvent l'expression de « biens publics impurs » pour
désigner des biens qui ne répondent qu'à un seul de ces
critères :
• les biens qui respectent le critère de non-exclusion, mais qui
sont des biens rivaux (exemple : les ressources halieutiques), sont
généralement qualifiés de « biens
communs » ; on ne peut restreindre aisément
l'accès à ces biens, mais ils s'épuisent quand ils sont
consommés ;
• les biens non-rivaux mais dont on peut interdire l'accès sont des
« biens clubs » ; des infrastructures comme le canal
de Suez ou le canal de Panama sont des exemples de biens clubs, puisque l'on
peut réserver l'accès à ces biens à ceux qui
paient.
L'expression « biens publics » est le plus souvent
employée pour désigner tant les biens publics purs que les biens
clubs ou les biens communs.
* 18 L. Tubiana et J.M. Severino, « Biens publics mondiaux, gouvernance mondiale et aide publique au développement », Gouvernance mondiale, Rapport du CAE, 2001, La Documentation française.